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il y a une heure, Johnathan R. Razorback a dit :

La critique objectiviste du cartésianisme: https://objectivismefr.wordpress.com/2018/02/10/critique-objectiviste-de-descartes/

 

Je serais curieux d'avoir l'avis de @Mégille là-dessus ;)

Oulà, mais quelle méchanceté là dedans ! Descartes pas rationnel ?! J'ai mal à ma France !

Bon, je ne suis pas cartésien. Je suis pire encore, sur le plan spéculatif, je suis platonicien. Même si j'ai une interprétation un peu personnelle de Platon (comme tous les platoniciens, en fait), influencé par Kant et Husserl dans mon cas. Mais bon, le devoir m'appelle, et je vais donc voler au secours de Dédé.

 

Alors, pour commencer, le plus important est de bien comprendre le caractère volontairement artificiel et exagéré du doute cartésien. Descartes n'est pas un sceptique, et il n'est pas à l'origine du scepticisme moderne (pour ça, il faudrait plutôt chercher chez Montaigne, chez La Mothe le Vayer, etc), au contraire, il s'oppose à eux,  et leur reproche justement le caractère superficiel et infondé de leur doute. Le doute méthodique s'en distingue en tant qu'il n'est qu'un instrument, et surtout, un instrument provisoire, jetable. Il dit bien que le philosophe doit douter "une fois dans sa vie etc" une fois, et une seule ! Le constat de départ de Descartes, avec lequel il est difficile d'être en désaccord, est que nos soit-disant "connaissances" actuelles, mais plus encore celles de son époque, sont obscures et confuses. C'est à dire que l'on ne comprend pas très bien ce que sont par elles-mêmes les choses que l'on prétend connaître (c'est l'obscurité, par opposition à la clarté), et que l'on est pas toujours tout à fait capable de bien voir la différence entre les unes et les autres (c'est la confusion, par opposition à la distinction).

Le but de Descartes, qui est sans doute un idéal nécessaire à la science, est de faire en sorte que toutes nos connaissances soient claires et distinctes. Bon, en tant que type du XXIs, et surtout en tant que platonicien, je suis bien forcé de reconnaître qu'en ce qui concerne les choses de la nature, ce ne sera sans doute jamais le cas (pour les maths et les sciences pures, c'est plus compliqué). Mais il me semble que ça doit toujours tout de même servir de but à la recherche, même si c'est asymptotique. Je ferme cette parenthèse.

Descartes pensait lui que la clarté et la distinction était tout à fait atteignable, et était à portées de main si on avait une méthode suffisamment rigoureuse. Cette méthode consiste à descendre jusqu'aux fondements, jusqu'aux éléments les plus simples et les plus indubitables, pour ensuite remonter jusqu'aux plus complexes. L'idée étant qu'une prétendue connaissance des choses complexes sans connaissance des composées plus simples ne peut être qu'une supercherie, ou une approximation. Remarquez que c'est la position que beaucoup d'entre vous avez sur beaucoup de sujets : à propos de la macro-économie, par exemple. Prétendre connaître des relations entre des agrégats sans s'appuyer sur des principes micro-économiques claires vous fait grincer des dents, et vous avez bien raison. Ou encore, à propos des modèles climatologiques, même chose, on prétend avec eux connaître des choses très complexes, mais est-ce que ça a vraiment la moindre valeur vu notre état d'ignorance de tout ce qui compose le très complexe phénomène du climat ? Descartes ne fait que généraliser ce principe à la science toute entière. Il faut des fondements simples et bien connus, autrement, tout est spécieux.

C'est à ceci que sert le doute hyperbolique. Descartes est bien conscient qu'il révoque en doute des choses extrêmement probables, et il n'espère pas convaincre qui que ce soit qu'il est en train de dormir. Ce n'est pas son but. Il s'agit de se faire violence à soi même, c'est, d'une certaine façon, non pas l'entendement, mais la volonté qui doute. Petit rappel conceptuel : chez Dédé, l'âme a deux facultés, la volonté et l'entendement. L'entendement est fini et limité, mais la volonté est infini. Le doute total ne peut donc être que le fait de la volonté, et il me semble qu'il emploie souvent le mot "résolument", ou des mots similaires, pour décrire l'entreprise du doute. Il est effectivement extrêmement improbable que rien n'existe, qu'un démon se joue de moi, etc, tout ceci n'est pas nié. Cependant, si j'ai la moindre possibilité d'avoir un doute au sujet de quelque chose, alors ma connaissance de ce quelque chose n'est pas aussi claire et distincte qu'elle le pourrait. D'où ce doute sur-joué, qui est nécessaire pour trouver un fondement à une science qui en sera vraiment une, du début à la fin. Bien sûr, on peut douter de la possibilité d'un tel état d'achèvement de la recherche scientifique, mais on ne peut pas vraiment reprocher à Descartes de le vérifier. C'est un effort assez héroïque de sa part, en fait, même si ça se termine de la même façon que les efforts héroïques des tragédies grecques.

Descartes n'auraient sans doute pas été en désaccord avec cette idée selon laquelle le doute n'est possible que par rapport à une certitude. C'est justement la clef de ses reproches aux sceptiques. Et c'est aussi ce qui lui sert, tacitement, de garantie que son doute méthodique le mènera quelque part, puisqu'en doutant de tout ce qu'il est possible de douter, il sera nécessairement reconduit à l'indubitable. Indubitable qu'il connaissait déjà, bien entendu, mais de façon implicite, et sans avoir fondé sur lui le reste de sa science, comme il le faudrait.

 

Je reviens à la charge avec d'autres posts pour les chapitres suivants (désolé d'avance pour les posts multiples)

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Je rajoute, à propos de ce que j'ai dit précédemment, que tout ceci est aussi en accord avec la position de l'auteur sur à qui doit revenir la charge de la preuve. C'est à celui qui pose l'existence de Dieu d'apporter des preuves, soit. Dans ce cas, c'est à la position de l'existence du monde d'en apporter. Sous ce rapport, celui qui envisage que le monde n'existe pas est dans la même position que celui qui affirme l'inexistence de Dieu. Tout le problème est, lorsque quelqu'un doute du monde, où peut-on trouver le moindre argument susceptible de le convaincre ? Chercher à convaincre un solipsiste de l'existence du monde en lui montrant des choses mondaines est exactement équivalent à chercher à convaincre un athée en se référent à l'autorité de la Bible, c'est tout à fait circulaire.

 

Descartes pense justement trouver un tel fondement (lui même n'est pas solipsiste, loin de là, au contraire, il n'envisage cette position que pour trouver des manières de la réfuter). Qu'il y ait justement un fondement coupe court à l'argument selon lequel son doute n'est pas possible car absolu, car portant sur chaque chose : il y a bien une chose qui résiste au doute chez lui, c'est le fameux cogito. Cette certitude de ma propre existence n'est pas une certitude logique, déduite, comme le laisse sous entendre l'auteur de l'article lorsqu'il affirme que l'hypothèse du malin génie devrait me faire douter de ma propre existence. C'est Mersenne, je crois, qui reprochait déjà au "je pense donc je suis" de ne pas valoir plus que "je me promène, donc je suis". C'est en fait quelque chose de tout à fait différent, le "je" n'étant pas une simple fonction grammaticale ici. Le "je" de "je pense" est une évidence première apodictique, qui est supposée même par l'activité de douter. On voit que l'argument du doute devant reposer sur une certitude est encore une fois très cartésien : Descartes montre qu'on peut étendre ce doute très loin, même à la nature toute entière (il est effectivement possible que je sois dans la matrice comme Néo, aussi improbable que cela soit), mais qu'il y a toujours une certitude qui reste, et que celle-ci est justement la certitude de moi -même, doutant.

Il faut aussi distinguer l'ego cartésien de la "conscience". On a trop souvent tendance, quand on parle du "sujet" philosophique, à superposer la substance pensante cartésienne, la conscience des empiristes, et le sujet transcendantal de Kant et des idéalistes. Il s'agit de concepts tout à fait différents. La "substance pensante", chez Descartes, est justement une substance, c'est à dire une chose, qui existe par elle même (par opposition à un attribut ou un mode). La notion de "conscience" est introduite par Locke, justement pour désubstantialiser la subjectivité, pour ne pas faire (sans justification) de ma perception des choses une chose elle-même. Mais cette conscience uniquement empirique, comme l’apercevra Hume, mène à un scepticisme et à un héraclitéisme radical, pour lequel "je" n'existe même plus, chaque nouvelle perception étant déliée des précédentes. Il la compare à un théâtre, sur lequel les comédiens vont et viennent. C'est Kant qui ensuite va mettre en lumière que même sans substantialiser le sujet (ce contre quoi il met bien en garde dans les paralogismes de la raison pure), il y a d'une certaine façon une permanence, pour ne pas aller plus loin que la métaphore : même si au théâtre, les comédiens vont et viennent, ils vont et viennent bien sur la même scène. C'est le sujet transcendantal, qui n'est pas "quelque chose", (sûrement pas une âme éternelle, "transcendantal" ne signifiant pas "transcendant"), mais qui est la présence même des choses à soi.

On peut reprocher à Descartes d'avoir trop vite considéré comme une "chose" son évidence première, mais contre ses premiers adversaires, les empiristes, il faut lui accorder d'avoir mieux qu'eux su préserver l'unité et la singularité du sujet.

 

Autre chose très importante : la substance pensante n'est pas chez Descartes la cause de l'existence du monde. Il faut distinguer causa essendi de causa cognoscendi. La connaissance du monde est subordonnée à ma connaissance de moi même, mais c'est une antériorité seulement épistémologique, pas ontologique. La cause de l'existence du monde, chez Dédé, c'est Dieu. (chez Descartes)

  • Yea 1
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A propos de Dieu : Descartes est très loin d'être mystique. Il est tout à fait possible d'être théiste et rationaliste ! D'ailleurs, alors que le rationalisme est la norme, l'athéisme est assez rares chez les philosophes, et les plus athées sont rarement les plus rationnels (qu'on songe à Nietzsche, Heidegger ou Sartre). La preuve ontologique est d'ailleurs un argument ultra-rationaliste, et très souvent (pour ne pas dire presque tout le temps) rejeté par les religieux pour cette raison. Difficile de trouver moins porté vers le mysticisme que Saint Anselme... Je rajoute aussi que cet argument est loin d'être aussi facilement réfutable que les débutants semblent le croire. Les objections du moine Gaunilo et de saint Thomas d'Aquin à Anselme étaient très faibles, il faut attendre la dialectique de la raison pure de Kant pour avoir une contre-argumentation digne de ce nom. Cependant, il faut signaler qu'il y a eu récemment plusieurs reformulations de l'argument qui semblent résister à Kant, par exemple, celle du grand mathématicien et logicien Kurt Gödel, et toute la famille des "arguments ontologiques modaux" issu de Hartshorne. Bref, le débat est très loin d'être clos. Mais le gros problème de ces arguments -pour les croyants- , outre le fait qu'il rende la révélation superflue, est que le Dieu dont l'existence est ainsi prouvée est n'est pas, comme le dit Pascal, "le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob", mais un simple principe premier, abstrait.

 

Mais effectivement, chez Descartes, l'argument ontologique ne sert en quelque sorte que de confirmation de l'existence de Dieu, qui nous est d'abord donnée intuitivement. Je comprends que ça ait l'air un peu spécieux, mais ce n'est pas naïf : l'idée est que, en me découvrant moi même et ma propre existence comme première connaissance indubitable, ce qu je découvre est un être fini, à la puissance et à l'entendement limité. Étant moi même fini, je ne peux pas être la cause des choses infinis qui s'imposent à moi, contre ma volonté en plus. D'où la nécessité, lors de l'entreprise du doute, de supposer un "malin génie". En fait, Descartes est très classique ici (ce qui n'est pas une mauvaise chose) : une plus grande perfection ne peut pas venir d'une plus petite, l'être ne peut pas venir du manque. De la même façon que l'existence des qualités est subordonnés à celle des choses auxquelles elles sont attachés, ma propre existence, imparfaite, incapable d'être ultimement sa propre cause, implique l'existence préalable d'une autre substance parfaite. Je comprends que vous ne soyez pas d'accord avec ça, je ne vais pas chercher à vous le faire avaler, mais on ne peut pas rejeter ça comme irrationnel. Que la vérité en soit discutable, pourquoi pas, mais de là à dire que c'est évidemment faux...

 

A propos du concept d'infini, en acte et en puissance, ne vous inquiété pas, Descartes avait sans doute lu Aristote beaucoup plus attentivement que nous ! Je ne serais même pas surpris qu'il l'ait connu pour ainsi dire par coeur. Est-ce utile de rappeler qu'il était le meilleurs étudiants du meilleurs collège de l'époque, alors que virtuellement rien d'autre que Aristote n'était enseigné ? Bref, c'est en toute connaissance de cause qu'il s'oppose à Aristote sur ce point. Je ne pourrais pas beaucoup en parler, malheureusement, ça m'échappe un peu, mais j'ai souvenir d'une prof, spécialiste de Descartes, qui m'expliquait que chez lui, ce n'était pas l'infini qui était une négation du fini, mais le fini qui était une négation de l'infini (qu'un mot soit négatif n'implique pas qu'il en aille de même pour le concept). Qu'il ne soit pas possible de se représenter mentalement l'infini n'est pas un argument contre ceci, Descartes, faisant clairement la distinction entre l'imagination et l'entendement. Songer à l'exemple du chiliogone, qu'il donne : je suis parfaitement incapable de me représenter mentalement une figure à mille angles, mais je n'ai aucune difficulté à la concevoir, et je pourrais sans trop de mal énoncer avec beaucoup de certitude des propositions la concernant.

 

A propos des idées innées : ça part contre, c'est difficile à nier. La théorie selon laquelle toutes les idées viennent des sens est fausse, à la fois logiquement et empiriquement. Quelques petits rappels, pour commencer. Dédé est le premier à donner à "idée" son sens moderne, c'est à dire, d'une certaine façon, quelque chose "dans notre tête". Plus précisément, chez lui, une idée est un mode de la pensée, de la même façon que la figure est une mode de l'étendu. Les idées, toujours chez dédé, sont de trois sortes : il y a les "idées adventices", qui viennent des sens, les idées factices, que je fabrique par mon imagination, en assemblant, par exemple, un buste d'homme et un corps de cheval, et enfin, les idées innées, qui ne viennent pas des sens. Il ne donne pas de liste de celles-ci, mais nous dit qu'elles sont en petits nombres... j'imagine qu'on peut y compter les qualités sensibles premières, la pensée, l'étendu, la perfection... peut-être quelques autres, je ne sais pas.

Il y a un argument classique de Locke contre les idées innées, mais il est inepte. Une idée innée, selon lui, devrait être explicitement connu dès la naissance, hors, même les principes logiques premiers sont appris à un moment ou un autre. Vous remarquerez qu'avec cette logique là, non seulement on tombe dans les gender studies, mais on peut même en venir à dire que les seins des femmes ne sont pas innées mais acquis puisqu'elles n'en avaient pas dans leur enfance. Leibniz expliquera, dans ses nouveaux essaies, que les sensations ne sont que les occasions de la perception des idées innées, mais en aucun cas leurs causes.

Cependant, Descartes a manqué de précision à ce sujet. A propos des idées innées, il faudrait distinguer ce que l'on peut appeler les dispositions innées de la pensées, de ce que l'on doit plutôt appeler les principes premiers de la connaissances. Les premiers sont simplement des faits cérébraux et cognitifs, aujourd'hui assez bien documentés, par exemple, que nous avons une disposition innée à reconnaître les visages (et ce avant même la naissance). Les seconds sont les conditions transcendantal de tout le reste. Se passer d'eux mènent à vouloir faire une théorie de la connaissance uniquement descriptive (que ce soit une description du cerveau, de fait psychique, d'histoire, de culture, ou autre), ce qui est auto-contradictoire, puisqu'une telle théorie serait incapable de distinguer entre un raisonnement valide d'un raisonnement invalide, qui sont l'un autant que l'autre des "faits" dignes d'être décrit. Une telle gnoséologie se retrouverait donc à ne plus avoir le moindre moyen de justifier sa propre validité ou sa supériorité par rapport à n'importe quelle autre théorie. Les "vraies" idées innées, transcendantales, sont donc non pas des faits naturels, mais plutôt des normes éternelles de la pensées. Une faiblesse de Descartes est de ne pas avoir distinguer l'innéité naturelle de la connaissance a priori, mais il a tout de même eu le mérite de donner à sa théorie un fondement ailleurs que dans le divers sensible, ce qui est une impasse.

 

Par contre, reste un problème avec le Dieu le Descartes : c'est qu'effectivement, ni son existence, ni sa supposée bonté ne prouvent vraiment l'existence d'un monde extérieur, comme Leibniz le remarquera. On peut, par charité, essayer de rapprocher l'argument cartésien selon lequel le principe de ma connaissance des choses, qui est aussi le principe de leur existence (Dieu), ne peut pas être entièrement trompeur, de l'argument selon lequel il est vain de douter de tout, et qu'il faut considérer que tout est au moins à peu près réel. Mais c'est très faible, dans tous les cas.

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Il y a 1 heure, Mégille a dit :

Descartes n'est pas un sceptique, et il n'est pas à l'origine du scepticisme moderne (pour ça, il faudrait plutôt chercher chez Montaigne, chez La Mothe le Vayer, etc)

 

Yep, j'ai eu un cours sur le scepticisme et Descartes attaque en fait les arguments sceptiques que certains de ses contemporains sont allés exhumer dans les Académiques de Cicéron et chez Sextus Empiricus. Dans les sceptiques proches temporellement de Descartes il y a Montaigne mais également Pierre Bayle.

 

Du coup écrire que Descartes est le "père du scepticisme moderne" est erroné. A la limite, si on considérè que son épistémologie est inepte, on peut dire qu'elle peut mener au scepticisme, mais c'est tout à fait différent du but du philosophe sceptique.

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Bon, il me reste le dualisme et la question de la science (je suis en train de me trouver des prétextes pour ne pas bosser sur mon mémoire, tout ceci est le fruit de la procrastination)

 

a propos du dualisme chez Descartes : c'est un vrai problème. Je crois qu'il s'en doutait lui même un peu. Mais c'est une aporie qu'il ne pouvait pas un seul instant envisager de résoudre en supprimant l'âme, comme son disciple Regius tentait de le faire (ce qui ne plût pas au maître...). Effectivement, la connaissance de l'âme comme chose venant avant la connaissance de tout le reste, et même de Dieu, dans l'ordre logique de la science, supprimer l'âme sans supprimer toute la science n'était pas possible dans son système. On peut au moins féliciter Descartes pour avoir éclairer ce problème, puisqu'effectivement, le problème corps-esprit est très loin d'être tranché aujourd'hui. C'est lui qui le premier nous a vraiment mis le nez face au mystère et aux problèmes multiples qui en découlent.

Signalons que plusieurs solutions ont été proposés par les post-cartésiens : occasionnalisme des premiers d'entre eux (Malebranche notamment), mais aussi les systèmes remarquable de Spinoza et Leibniz. Contre eux tous, et contre les philosophes de l'esprit anglo-saxon contemporain, il me semble que la solution réside plutôt dans l'importance de distinguer la conscience comme présence des choses, plutôt que d'essayer de la comprendre comme si elle était une chose présente.

 

Qu'aucun scientifique digne de ce nom n'ai suivit la méthode de Descartes, par contre, est une erreur. Il y en a au moins un qui l'a fait : Descartes lui-même ! Même si ce n'est pas la part la plus importante de son oeuvre, sa contribution scientifique n'est pas à négliger. Il est le père de la géométrie analytique, pour commencer (ce n'est pas pour rien qu'on parle de "coordonné cartésienne"), il est pour ainsi dire le premier à chercher à réduire la physique à quelques lois, formulées en langage mathématique (Galilée en avait le projet, mais c'est Descartes qui s'y colle), et il a aussi beaucoup participé à la recherche sur l'optique, sur l'astronomie, sur la médecine, etc... Je trouve assez injuste de rejeter la valeur d'un travail scientifique sous prétexte que la science a continuer son chemin depuis.

 

Et pour finir, la science ne progresse certaine pas comme le proclame les empiristes, et comme Newton a prétendu le faire. Relisez la seconde préface de la critique de la raison pure, ou songer à la fable de Bacon : l'empiriste travail comme une fourmis, qui accumule mais ne créé pas, le rationaliste dogmatique, comme une araignée, qui tisse des théories uniquement à partir de lui même, mais qui sont stériles, le vrai chercheur travaille plutôt comme l'abeille, dont l'oeuvre est un mélange de ce qui vient d'elle même et de ce qui vient de l'extérieur. Bien souvent l'hypothèse et le raisonnement formel précèdent l'observation. Ils sont même la condition pour qu'une observation puisse avoir le moindre sens. Le cas de Einstein est particulièrement représentatif : si on regarde un peu le reste des recherches qui ont permis la découverte de la relativité, presque tout vient des maths pures. Il y a d'abord la découverte des géométries non-euclidiennes, chez Gauss entre autre, qui ne viennent sûrement pas d'une observation du monde, et que personnes ne s'attendait à pouvoir appliquer à la réalité, puis il y a les travaux, pures, toujours, de Poincaré, Lorentz, Hilbert... Einstein, le seul physicien de la bande (et sûrement pas le plus intelligent) n'a pour ainsi dire fait qu'appliquer tout ça à la nature, et ce n'est qu'ensuite, bien plus tard, qu'on a eu des confirmations empiriques de ses théories.

Descartes a peut-être commis l'erreur d'être un peu trop "araignée", mais il en faut bien, pour rétablir l'équilibre, vu toutes ces fourmis qui pullulent. #sauvonslesabeilles

 

Bon, voilà, fini pour aujourd'hui...

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il y a 8 minutes, Mégille a dit :

Qu'aucun scientifique digne de ce nom n'ai suivit la méthode de Descartes, par contre, est une erreur. Il y en a au moins un qui l'a fait : Descartes lui-même ! Même si ce n'est pas la part la plus importante de son œuvre, sa contribution scientifique n'est pas à négliger.

 

Ce qui ne prouve pas qu'il ait réalisé ses contributions en suivant sa propre méthode ;)

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il y a 12 minutes, Mégille a dit :

Il y a d'abord la découverte des géométries non-euclidiennes, chez Gauss entre autre, qui ne viennent sûrement pas d'une observation du monde, et que personnes ne s'attendait à pouvoir appliquer à la réalité

Petite précision : elles ne viennent pas d'une observation du monde, mais elles auraient pu. La surface terrestre a notamment une géométrie non euclidienne.

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il y a une heure, Lancelot a dit :

disgusted-clint-eastwood.gif

 

Bon sur le fond effectivement il ne faut pas jeter Descartes avec l'eau du bain (surtout pour lui substituer de l'objectivisme, lol).

Schopenhauer laisse une jolie place aux idées platoniciennes dans son système ! :icon_wink:

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2 hours ago, Mégille said:

Schopenhauer laisse une jolie place aux idées platoniciennes dans son système ! :icon_wink:

Je suis sûr qu'on peut défendre cette thèse. Et je suis sûr que dans cette optique je serais en désaccord avec lui. Mais je manque d'esprit philosophique pour me lancer dans un débat d'interprétation.

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J'ai enchaîné Le Cygne Noir de Taleb et Sapiens de Harari, et je me demandais si qqun a lu Kahneman (qui est cité dans les deux ouvrages mentionnés précédemment) et son Thinking, Fast and Slow qui décrit le fonctionnement du cerveau en système 1 / système 2.

Je pense qu'il peut être intéressant de se demander quelle proportion des individus traitent les questions morales ou politiques en système 1, par exemple.

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il y a une heure, Lancelot a dit :

Sapabiens ?

Le livre traite tant de sujets que personne n'est capable d'avoir un jugement expert sur plus d'une vingtaine de pages, mais à chaque fois qu'un type vraiment compétent sur un de ces sujets m'a donné son opinion sur Sapiens, l'avis a été invariablement "ce livre est fascinant, mais sur le petit sujet dont je suis spécialiste, ce type est au mieux à côté de la plaque, et au pire même pas faux". Évidemment, les gens honnêtes mais pas experts des sujets abordés n'auront que l'impression d'un livre fascinant.

 

Le type a émergé d'on ne sait où parce que Zuck l'a recommandé un jour, et qu'une partie de ses followers l'a suivi. Mais il faut bien comprendre que Harari n'a pas spécialement de qualification pour écrire ce livre, et qu'il a manifestement compris pas mal de trucs de travers. Quand je dis pas spécialement de qualification, Harari est à la base un historien du fait militaire entre 1000 et 1600 ; or, écrire un bon livre sur un sujet qu'on ne connaît pas, ça nécessite un effort de documentation et de compréhension que manifestement Harari n'a pas su fournir. Et quand je dis qu'il a compris pas mal de truc de travers, il suffit de voir la conclusion qu'il tire de l'écriture de ce livre : il dit être devenu vegan à la suite de son étude sur l'histoire de l'espèce humaine... C'est marrant, mais pour ma part, j'aurais plutôt tendance à dire que nous sommes faits pour manger de la viande cuite.

 

Si vraiment un jour je dois lire Sapiens, je préfère dire que je vais y passer du temps, parce que je ne laisserai rien passer. Compte tenu de ce que j'en sais, je n'ai aucune confiance dans ce type au point que je vérifierai tous ces dires à chaque page ; et je crois que si je dois faire un résumé de toutes les conneries que j'y trouverai, il pourrait me falloir plusieurs pages.

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6 hours ago, Rincevent said:

Mais il faut bien comprendre que Harari n'a pas spécialement de qualification pour écrire ce livre, et qu'il a manifestement compris pas mal de trucs de travers. Quand je dis pas spécialement de qualification, Harari est à la base un historien du fait militaire entre 1000 et 1600 ; or, écrire un bon livre sur un sujet qu'on ne connaît pas, ça nécessite un effort de documentation et de compréhension que manifestement Harari n'a pas su fournir.

 

Évidemment, j'aurais pu commencer par dire que concernant le libéralisme, Harari a tort sur tel ou tel point.

Je ne le fais pas parce que je ne suis pas un expert casse-couille qui défend son pré carré.

Ce bouquin n'est pas juste une compilation d'informations factuelles qu'il conviendrait de vérifier mais plus une mise en perspective de différentes informations dont aucune n'est révolutionnaire.

C'est un bouquin intéressant non pas parce qu'il nous apprend des choses qu'on ne savait pas mais parce qu'il modifie notre regard sur ce que l'on sait déjà.

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13 hours ago, Solomos said:

J'ai enchaîné Le Cygne Noir de Taleb et Sapiens de Harari, et je me demandais si qqun a lu Kahneman (qui est cité dans les deux ouvrages mentionnés précédemment) et son Thinking, Fast and Slow qui décrit le fonctionnement du cerveau en système 1 / système 2.

Je pense qu'il peut être intéressant de se demander quelle proportion des individus traitent les questions morales ou politiques en système 1, par exemple.

 

 

Sapiens j'ai laissé tombé au bout de 50 pages (pour les raisons que Rincevent soulignent, il accumulait un peu trop les lieux communs et les raccourcis publicitaires idiots). Dans le même genre, je préfère cent fois Matt Ridley. Mais je ne désespère pas: je suis en train de lire Homo Deus, qui est plus lisible (même si là aussi entrelardé de propos idiots... et vegan aaaah).

 

 

Sur Système 1, système2 (que j'ai lu, et j'en ai même parlé sur CP) : à brûle pourpoint, je dirais tout le monde, à un certain stade : on passe au système 2 quand le cas moral ne se laisse pas saisir par la morale ordinaire (et routinière) je dirais.Maintenant, si tu penses à la proportion de types qui ne dépassent jamais le système 1, là effectivement, il y a deux voies possibles : soit il ne fait jamais l'expérience du conflit moral (ce qui est impossible), soit résoudre le conflit moral ne passe que par les mécanismes genre s1 (il est alors soit très con, soit une sorte de bœuf bipède qui tente de se faire passer pour un homme).

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Ah oui pour Kahneman, c'est très bien mais attention vers la fin il part dans des considérations politiques largement HS et sans intérêt (attaquant les libertariens parce que l'Homme n'est pas rationnel tu vois et défendant l'approche nudge).

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Il y a 7 heures, Solomos a dit :

Ce bouquin n'est pas juste une compilation d'informations factuelles qu'il conviendrait de vérifier mais plus une mise en perspective de différentes informations dont aucune n'est révolutionnaire.

Ce bouquin, si j'ai bien compris ce qu'en disent les experts qui l'ont lus, est plutôt une mise en perspective d'informations parfois tout bonnement fausses, parfois à côté de la plaque, parfois qui n'ont rien à voir mais qui impressionnent, et généralement interprétées de travers.

 

La vraie force de Harari, c'est que c'est un storyteller de génie ; le problème, c'est que l'histoire qu'il conte est fausse est basée sur de la fumée.

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2 hours ago, Rincevent said:

La vraie force de Harari, c'est que c'est un storyteller de génie ; le problème, c'est que l'histoire qu'il conte est fausse est basée sur de la fumée.

Bref c'est fait à l'américaine. /universitaire français méprisant

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il y a 16 minutes, Lancelot a dit :

Bref c'est fait à l'américaine. /universitaire français méprisant

Un peu comme un Malcolm Gladwell en pleine overdose d'amphétamines.

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