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Vers L'homme Nouveau ?


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http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/08/28/les-femmes-encouragees-par-l-etat-a-creer-des-entreprises_3467361_3234.html

 

Par ailleurs, la folle furieuse du droit des femmes et ses compères veulent encore changer la société. Avec l'argent des autres.

 

Je la cite, dans un article paru il y'a quelques mois dans le 20 minutes : "des progrès ont été faits, mais il nous faut encore travailler sur les mentalités." Mon dieu.

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Il existe une mystique profondément égalitariste qui gît au coeur du régime politique démocratique, qui motive ses élites et dessine sa morale singulière: qu'il s'agisse d'aplanir les inégalités matérielles ou d'abolir les différences sexuelles, de défaire ce que l'histoire et l'évolution culturelle ont forgé au nom de l'atomisation individualiste ou de lutter farouchement contre toute forme de pluralisme trop marqué. D'après K Minnogue, l'égalitarisme moral et politique de nos élites progressistes s'imagine être l'avant-garde de la culture démocratique. Il est le ferment puissant qui nous conduit vers la société indifférenciée que les régimes totalitaires n'ont pas pu obtenir par la force. On a pas fini de rigoler.

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Meuh non, toudsuite. Je parle de l'ancien président de la société du mont Pèlerin. D'ailleurs j'y pense, il ne doit y avoir qu'un seul "n" à ce Minogue là.

 

 041706minoguekenneth.jpg

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L'impératif catégorique de cette morale des élites : déconstruire les préjugés en vue de produire un individu uniforme. Mais ce projet relève de l'idéologie donc elles n'y croient pas elles-mêmes, il s'agit d'une dérivation permettant à une certaine caste de dissimuler sa pratique oligarchique du pouvoir, au nom de la maximisation du bonheur individuel. Dissimuler aussi la nature répressive du contrôle social, ses modes techniques d'intervention au nom d'idéaux féministes ou égalitaristes. La dissimulation permet l'adhésion, le mimétisme, et in fine la servitude volontaire des citoyens. C'est encore Tocqueville qui décrivait le mieux ce retournement des institutions de la démocratie libérale à des fins despotiques. L'adhésion spontanée au discours d'émancipation individuelle est devenu un puissant moteur d'asservissement et de dépendance.   

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Pas certain que nos élites ne croient pas à leur propre morale. La question serait plutôt : la morale démocratique est-elle à proprement parler une morale ? Je suis de plus en plus convaincu du contraire. 

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Pas certain que nos élites ne croient pas à leur propre morale. La question serait plutôt : la morale démocratique est-elle à proprement parler une morale ? Je suis de plus en plus convaincu du contraire. 

 

Qu'est ce que la morale démocratique ?

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Pas certain que nos élites ne croient pas à leur propre morale. La question serait plutôt : la morale démocratique est-elle à proprement parler une morale ? Je suis de plus en plus convaincu du contraire. 

 

A mon sens les élites démocratiques utilisent le langage de la morale humanitaire, ou de la moraline (selon Nietzsche), c'est ce qui les caractérise. Ce qui compte est le mécanisme de dérivation par lequel on cherche à capter la légitimité pour dissimuler une pratique oligarchique. Or cette légitimité apparaît en effet de nature morale, où l'égalité joue un rôle d'aspiration transcendante incontestable. Elles utilisent à leur profit ce que tu appelais la mystique démocratique qui est diffusée dans les moeurs de ce régime par l'éducation, les passions, le sentiment du progrès, la distribution de récompenses aux fidèles.

 

Leur discours utilise tantôt la peur, tantôt l'invocation d'un agenda qui dicterait le sens de la marche et du calendrier. Cette mystique constitue une véritable religion, au sens de Durkheim, dont les partis sont les Eglises et les politiciens forment une caste de prêtres aux formules et slogans incantatoires, ou d'oracles qui prétendent déchiffrer les signes à venir de la croissance, du bonheur, des dangers et comportements à réformer. Mais au fond derrière l'écran de fumée moraliste, le cynisme et les intrigues règnent sur ce qu'il convient d'appeler un régime démagogique.

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J'ai une théorie evopsy perso qui lie uniformisation des masses, instinct grégaire et contrôle politique. Elle explique au bénéfice de l'oligarchie politique la rationalité pratique de la mystique égalitariste dont parle F. mas. (J'espère bien que tout le monde s'en fiche, le contraire m'obligeant à la mettre en forme pour l'exposer).

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J'ai une théorie evopsy perso qui lie uniformisation des masses, instinct grégaire et contrôle politique. Elle explique au bénéfice de l'oligarchie politique la rationalité pratique de la mystique égalitariste dont parle F. mas. (J'espère bien que tout le monde s'en fiche, le contraire m'obligeant à la mettre en forme pour l'exposer).

 

Mets-la en forme pour l'exposer, je ne m'en fiche pas (ça me permettra aussi de présenter la mienne, de petite théorie).

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J'ai une théorie evopsy perso qui lie uniformisation des masses, instinct grégaire et contrôle politique. Elle explique au bénéfice de l'oligarchie politique la rationalité pratique de la mystique égalitariste dont parle F. mas. (J'espère bien que tout le monde s'en fiche, le contraire m'obligeant à la mettre en forme pour l'exposer).

Raté, ça m'intéresse.
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Bon à l'occasion de la pause déjeuner je sors la mienne, à vous maintenant.

 

1) L’homme est-il un animal politique? C’est en tout cas, un animal grégaire qui a vécu l’essentiel de son évolution, quelques centaines de milliers de générations, dans de petites tribus ne devant pas excéder 100 à 200 individus d’une grande proximité génétique. C’est là que son cerveau a été façonné. 
 
La horde primitive, initialement structurée autour de relations de types mâle alpha/dominés a évolué au cours du processus d’hominisation vers des sociétés plus ouvertes mais toujours hiérarchisées, au sein desquelles l’initiative individuelle était limitée. En cas de rencontre, ces groupes humains isolés étaient portés au conflit pour l’appropriation de ressources dont la rareté relative a induit une forte pression comportementale.
 
De ce passé ont émergé deux éléments du psychisme humain qui nous intéressent ici : la soumission naturelle à l’autorité du chef de horde (ou l’évidence de la présence du chef) et l’hostilité à l’étranger, i.e. à toute personne n’appartenant pas à son groupe, son ethnie ou sa race. Cette hostilité est attestée par la tendance innée de l’humanité à se diviser en camp (« nous et eux ») ainsi qu’à développer des stratégies plutôt égalitaires et altruistes au sein d’un groupe, mais hiérarchisantes et conflictuelles vis-à-vis d’un autre groupe. 
 
Cette propension s’accompagne d’une sensibilité du cerveau humain à l’identification collective et à l’endoctrinement, c’est-à-dire d’une porosité aux symboles et aux discours permettant la division en groupes plus ou moins conflictuels (en cas de crise en particulier, obsidionalité et rhétorique de l’ennemi commun sont des réflexes toujours vérifiés du pouvoir politique). Pour une synthèse, voir par exemple : http://scholar.google.fr/scholar?q=Indoctrinability%2C+ideology+and+warfare%3A+Evolutionary+perspectives+IE+Eibesfeldt%2C+FK+Salter+-+1998&btnG=&hl=fr&as_sdt=0%2C5 (je n’ai pas fini de lire le bouquin et j’ai piqué l’abstract chez Charles Muller).
 
2) Formellement, la mécanique d’un Etat de droit démocratique devrait s’appréhender par la théorie de l’agence, où le personnel politique est perçu comme mandataire de la société civile, en charge du contrôle de la superstructure technocratique et de la bonne marche de l’administration. En réalité, l’oligarchie politique n’a pas renoncé à sa fonction dirigiste primitive de coordination et de synchronisation du troupeau humain (en l’espèce des veaux pour le cas français) toujours dans l’attente du «projet de société», comme pouvait l’être la tribut à l’égard des décisions du chef.
 
3) L’entrée par les flux migratoires d’éléments visiblement extérieurs à la communauté nationale, tout comme l’hétérogénéisation des pratiques sociales permises par la  dynamique spontanée de la liberté et les expériences de vies différentes consécutives à la division du travail tendent à amoindrir la puissance et la crédibilité de la fiction de la nation comme survivance de la horde primitive indifférenciée. La différenciation amoindri la soumission volontaire à l’autorité parce que cette soumission repose sur l’identification du concitoyen comme alter ego et sur l'opposition à l'étranger.
 
D’où l’action positive de l’Etat, son tropisme vers l’égalitarisme formel et la synchronisation du troupeau, l’obéissance naissant de l’uniformité : l’abrasion des inégalités, la lutte perpétuelle contre les forces sociales centrifuges et l’idéal d’une société indifférenciée sont inscrit dans le projet politique moderne.
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Hey pas mal du tout, dis donc, Drake. C'est même assez convaincant je trouve. Je vais aussi réfléchir un peu, mais je te dis dès maintenant, rapidement et ex abrupto, les réserves que je ferais à l'explication que tu proposes.

 

Si je suis d'accord sur la question du groupisme, du conformisme et les mécanismes d'exclusion qu'il produit pour éviter le free ride en situation "primitive", éventuellement sur la mentalité archaïque qu'il peut avoir créer et qui persisterait dans celles contemporaines, je suis moins sûr sur le passage de 1 à 2, plus exactement avec ça : "l'oligarchie n'a pas renoncé à sa fonction dirigiste primitive de coordination et de synchronisation du troupeau humain".  Cela supposerait une continuité entre l'oligarchie naturelle d'hier et celle conventionnelle d'aujourd'hui que je ne vois pas : le phénomène bureaucratique qui est au coeur de la représentation politique moderne me semble être l'abandon et l'effacement du type de relations fondées sur l'autorité et les vertus naturelles des uns et des autres. En d'autres termes, la spécificité de la politique moderne, c'est professionnaliser les relations de pouvoirs pour pouvoir se passer des qualités nécessaires à l'organisation de la horde primitive. Au passage en détruisant ou en réformant les communautés naturelles pour les rendre plus soumises.

 

Je ferais une critique un peu comparable à ton 3 : le nationalisme (l'identification des individus à la nation) a une histoire et peut même être situé aux alentours du règne de Louis XV en France par exemple ce qui fait qu'en faire la continuatrice de la "horde primitive indifférenciée" me semble être un peu rapide. Maintenant, que la mentalité de groupe du nationalisme par certains aspects fonctionne sur cette mentalité groupiste héritée, c'est bien possible (et que cette mentalité s'épanouisse dans le conformisme démocratique, ça me paraît très intéressant comme idée).

 

Merci en tout cas, c'est intéressant et stimulant.

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Hey pas mal du tout, dis donc, Drake. C'est même assez convaincant je trouve... en tout cas, c'est intéressant et stimulant.

 

En tant qu'ancien universitaire formaté par l'habitus académique j'ignore sincèrement si ta réaction signifie 1) "Pas mal du tout, c'est même assez convaincant" ou 2) "Mais quelle grosse merde". Je crois que tu es toi même enseignant-chercheur, donc normalement ce doit être le sens 2. Mais au cas ou, je te remercie quand même.

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C'est le sens 1, mais avec un peu de scepticisme quand même (d'où mes remarques). Si j'avais voulu dire "quelle grosse merde", j'aurais plutôt dit "tout cela est très intéressant" et poster un lolcat en train de jouer du banjo :)

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..

... En d'autres termes, la spécificité de la politique moderne, c'est professionnaliser les relations de pouvoirs.

... En d'autres termes, la spécificité de la politique moderne, c'est professionnaliser donner une apparence professionnelle aux relations de pouvoirs. On est 100% dans du spectacle, 0% dans la compétence.

On a pris le kapo tel que ce caractère a toujours existé, puis on lui a donné des tampons, un téléphone, une secrétaire, etc.

ça passe tout se suite beaucoup mieux, et le temps que le citoyen moyen ait compris à qui il a réellement affaire, une génération s'est écoulée.

 

L'asymptote du truc, c'est la Corée du Nord.

La différence entre le kapo là-bas et le kapo ici, c'est 100% uniquement une question de contexte (cadre, moyens, etc).

Le bureaucrate a l'air brave ... c'est juste parce qu'il n'a pas les moyens de faire plus chier.

... A nous d'empêcher que ce mouvement affreux se poursuive. Parce que, pour l'instant, c'est nous qui, tous les jours, nourrissons nos bourreaux.

 

http://uplib.fr/wiki/Bureaucratie

 

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Je ferais une critique un peu comparable à ton 3 : le nationalisme (l'identification des individus à la nation) a une histoire et peut même être situé aux alentours du règne de Louis XV en France par exemple ce qui fait qu'en faire la continuatrice de la "horde primitive indifférenciée" me semble être un peu rapide. Maintenant, que la mentalité de groupe du nationalisme par certains aspects fonctionne sur cette mentalité groupiste héritée, c'est bien possible (et que cette mentalité s'épanouisse dans le conformisme démocratique, ça me paraît très intéressant comme idée).

 

J'émets quelques réserves. Les nationalismes s'exerguent et s'affirment très fortement au début du XIXe, avec par exemple l'écrasement des patois locaux par le rouleau compresseur révolutionnaire en France. Je peux fournir d'autres exemples au besoin !

 

A contrario, le XVIIIe est particulièrement cosmopolite dans une Europe où la mobilité des étudiants, des diplomates, des intellectuels... Ces derniers sont, par ailleurs, moins européocentriques que leurs prédécesseurs. Ils commencent à étudier l'islam et l'Extrême-Orient. Les philosophes aspirent à l'universalisme, l'Europe ressemble parfois à une communauté naturelle supérieure aux Etats. Paradoxalement, ces mêmes philosophes créent le concept de nationalisme, et ceci en paralèlle de leurs aspirations cosmopolites. Le mot "nationalisme" a d'ailleurs été inventé par l'abbé Baruelle (je ne suis pas sûr de l'orthographe). La musique y est internationale, de même pour l'opéra, et de nombreux projets de paix universelle sont imaginés. Les flux migratoires ne sont pas nouveaux et sont monnaie courantes durant tout le Moyen-Âge. Enfin, passé la période de régression intellectuelle post-chute de l'Empire romain d'Occident. Ainsi, on avait un premier ministre tchèque en Hongrie, ce qui est inimaginable aujourd'hui.

 

En conséquence, le nationalisme est, à mon sens, quasiment issu des formes rhétoriques employées par les politiques pour faire accepter n'importe quoi. Le concept du bouc émissaire ou de l'ennemi commun. Je ne crois pas que le rejet de tout corps étranger soit inhérant à la nature humaine.

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Hey pas mal du tout, dis donc, Drake. C'est même assez convaincant je trouve. Je vais aussi réfléchir un peu, mais je te dis dès maintenant, rapidement et ex abrupto, les réserves que je ferais à l'explication que tu proposes.

 

Si je suis d'accord sur la question du groupisme, du conformisme et les mécanismes d'exclusion qu'il produit pour éviter le free ride en situation "primitive", éventuellement sur la mentalité archaïque qu'il peut avoir créer et qui persisterait dans celles contemporaines, je suis moins sûr sur le passage de 1 à 2, plus exactement avec ça : "l'oligarchie n'a pas renoncé à sa fonction dirigiste primitive de coordination et de synchronisation du troupeau humain".  Cela supposerait une continuité entre l'oligarchie naturelle d'hier et celle conventionnelle d'aujourd'hui que je ne vois pas : le phénomène bureaucratique qui est au coeur de la représentation politique moderne me semble être l'abandon et l'effacement du type de relations fondées sur l'autorité et les vertus naturelles des uns et des autres. En d'autres termes, la spécificité de la politique moderne, c'est professionnaliser les relations de pouvoirs pour pouvoir se passer des qualités nécessaires à l'organisation de la horde primitive. Au passage en détruisant ou en réformant les communautés naturelles pour les rendre plus soumises.

 

Je ferais une critique un peu comparable à ton 3 : le nationalisme (l'identification des individus à la nation) a une histoire et peut même être situé aux alentours du règne de Louis XV en France par exemple ce qui fait qu'en faire la continuatrice de la "horde primitive indifférenciée" me semble être un peu rapide. Maintenant, que la mentalité de groupe du nationalisme par certains aspects fonctionne sur cette mentalité groupiste héritée, c'est bien possible (et que cette mentalité s'épanouisse dans le conformisme démocratique, ça me paraît très intéressant comme idée).

 

Merci en tout cas, c'est intéressant et stimulant.

 

Je réponds un pe plus sérieusement à tes remarques. Je suis d'accord sur le fait que si tu commences à introduire des éléments historiques factuels dans ma théorie à la louche, tu me casses la baraque.  <_<

 

Je ne suis pas certain par contre que la question de l’autorité et des vertus naturelles du chef puisse être totalement évacuée, de nos démocraties contemporaines. C’est par exemple en partie l’enjeu de la personnification du débat politique lors des élections présidentielles. Je me demande aussi -d’accord c’est anecdotique- si les remises en cause particulières, très «ad personam», de nos deux derniers présidents ne procèdent pas du même mécanisme. Hollande n’est pas nécessairement plus con que la moyenne (ni tellement supérieur) mais il fait con, tout comme Sarkozy faisait avorton. Inadéquation de physiques et de personnalités débiles aux réminiscences des qualités supposées du chef (autorité charismatique) au delà de l’autorité rationnelle ? Hollande en mâle alpha? Plutôt un coup de pied au cul et à la niche!

 
Mais admettons. Supposons par exemple que le véritable pouvoir soit au main de la technostructure administrative : membres des cabinets ministériels, du cabinet de l’Elysée, et plus encore direction des administrations centralisées, des entreprises et établissements publics. La soumission volontaire au pouvoir est donc soumission volontaire à l’autorité impersonnelle de la bureaucratie et cette autorité ne s’incarne pas nécessairement dans le corps physique du grand timonier, Ok.
 
Cela n’invalide pas nécessairement que la soumission populaire volontaire puisse reposer sur des mécanismes de légitimation liés au conflit potentiel et à l’altérité des non-membres du groupes. C’est le pouvoir et la hiérarchie, même d’essence impersonnelle, qui sont restent légitimés. 
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Mon explication est plus conventionnelle. Elle est essentiellement historique et économique (ce qui ne veut pas dire qu'elle soit incompatible avec celle de Drake).

 

1/ La fin du moyen âge et l'émergence des villes marchandes rendent à la fois possible l'émergence d'une classe particulière d'individus, la bourgeoisie, qui introduit dans l'histoire à la fois ses pratiques sociales et son ethos particuliers : elle est en rupture avec l'ordre ancien fondé sur un ordre tripartite statique qui ne la reconnaît pas dans ses représentations ordinaires. Elle va donc valoriser la liberté de commerce et de circulation, la dignité de l'esprit d'entreprise, et l'égalité formelle à la fois contre les privilèges de castes et comme fondement de justice pour commercer. La valorisation éthique des vertus bourgeoises va entraîner l'accroissement de son poids dans la sphère politique, son triomphe progressif dans les esprits des élites jusqu'au moment de la révolution française (à peu près) mais aussi donner les premières bases idéologiques de sa critique socialiste, qui après tout ne fait que proposer son dépassement.

 

2/ Quand Tocqueville prend la plume pour parler de la révolution démocratique comme du mouvement vers l'égalité des conditions, il ne fait que constater l'extension des valeurs de la bourgeoisie au delà du périmètre qui lui était encore assigné quelques siècles auparavant. La fin de la société d'ordre est aussi celui de la généralisation de l'opinion publique et du conformisme, puisque ce ne sont plus les rangs qui font autorité, mais la logique du nombre et des avantages liés à la vie matérielle exprimés par le mode de vie des nouvelles classes.

 

3/ Cette évolution sociologique, historique et économique va se répercuter dans le domaine politique, grâce au gros effet amplificateur de la révolution industrielle : c'est parce qu'une classe moyenne fondée sur la généralisation des règles de la propriété privée et du commerce va voir le jour que la démocratie politique, pendant des siècles considérée comme un socialisme plus ou moins raffiné, va devenir plausible.

Si tout individu est au fond semblable à un autre, s'il ne se distingue que par son travail, sa compétence et sa richesse pourquoi le domaine politique devrai être préservé à la fois de la professionnalisation, de la carrière ouverte aux talents et du contrôle des citoyens ? Boum, la dimension égalitaire qu'on trouve dans l'éthique de la classe bourgeoise, cette classe révolutionnaire, s'introduit aussi en politique et signe l'arrêt de mort, courant 19eme, de la société hiérarchique et ordonnée par la puissance divine des sociétés pré-modernes en Occident.

L'émergence de la classe moyenne se double de l'effacement de la propriété foncière, et le basculement définitif de l'économie des campagnes vers les villes : la naissance du salariat vient renforcer le poids des morales et théories égalitaires de la bourgeoisie, même si les inégalités sociales que le tout va révéler offriront le spectacle de ses limites (et permettre l'invention du socialisme, ou/et l'évolution du libéralisme vers le progressisme, comme ce fut le cas chez JS Mill).

 

4/ L'explosion de la révolution industrielle entraîne donc un premier mouvement : la sortie de l'ancien régime, de sa légitimité traditionnelle supranaturelle au profit de sa "naturalisation" sous la pression conjuguée de la bourgeoisie et du salariat, dont les conditions de travail amenuisent le poids des organisations sociales traditionnelles (famille, paroisse, etc) et l'extension de l'idéologie de l'individu souverain jusqu'à sa réinterprétation socialiste.

 

5/ Cette évolution sociale et économique dynamique subvertit l'esprit et le fonctionnement du gouvernement représentatif, ce qui aboutira à son effacement au profit d'un Etat social moderne polarisée entre une classe politique et administrative (oligarchique) d'un côté et une population massifiée.

 

Dès la fin du 19ème, sous la pression égalitaire de la bourgeoisie et de la classe salariée, on perçoit un déplacement du pouvoir des organes représentatifs élus vers l'administration partout en Europe. Le vieux principe de compétence des élites du gouvernement représentatif cherche en quelque sorte à se perpétuer à travers ses défenseurs : plus les organes de choix collectif se démocratisent, plus on transfert les domaines de compétence vers des organes non élus pour se préserver de son incompétence réelle ou supposée. C'est fin 19eme que la gb et les usa abandonnent le checks and balances au nom d'une administration moderne, et que naît en France l'idéologie du service public.Lire Wilson ou les hommes politiques anglais de l'époque, qui se félicitent de l'abandon du vieux parlementarisme à la veille de la première guerre mondiale comme d'une étape décisive dans l'évolution institutionnelle. 

 

6/ La progression des exigences égalitaires portées par les classes moyennes et les salariés continue leur travail de subversion des institutions politiques. Elle est aidée en cela par l'émergence de la société industrielle qui au stade du fordisme pousse à l'uniformisation et la massification, et les guerres, napoléoniennes d'abord mais surtout la première, qui vont détruire ce qui reste de sociétés traditionnelles en Europe (ainsi que les morales et économies qui s'y rapportent). Les fondements du gouvernement représentatif entre les deux guerres n'existent plus : le gouvernement des plus compétents est transféré à l'administration, les parlements offrent le spectacles du clientélisme et de l'incompétence, et le tout semble divorcer de plus en plus du monde économique. Pour se donner une idée de l'ambiance, qu'on se replonge dans la révolte des masses, de Ortega y Gasset, qui voit l'intrusion de l'"homme masse" à la culture démocratique dans le centre de décision politique mais aussi dans tous les domaines traditionnellement réservés à la haute bourgeoisie et à l'aristocratie déclinante, ou "the tower of babel" de Oakeshott, texte plus récent qui décrit la mort silencieuse du gouvernement représentatif face à la montée de l'égalitarisme. 

 

7/ La dynamique morale égalitaire portée par les classes moyennes et le salariat va non seulement obsolétiser le vieux gouvernement représentatif, mais elle trouvera dans le fascisme, dans le nazisme et le communisme d'autres moyens d'incarner leurs exigences d'incarnation de la souveraineté individuelle (en d'autres termes, le XXe siècle, c'est l'entrée en compétition de nouvelles représentations politiques du peuple et de la souveraineté individuelle face au gouv. rep et à la démocratie). C'est parce que le gouvernement représentatif parlementaire n'est pas très efficace et que la représentation qu'il offre sent la naphtaline que les italiens vont plébisciter le fascisme. Hitler s'appuie sur les masses pour gouverner, il en est la représentation vivante pour reprendre une idée de C. Schmitt, et le marxisme léniniste se propose d'établir en Russie pour la première fois un Etat prolétarien, c'est à dire réellement représentatif des masses (et plus seulement de la bourgeoisie dominante). 

 

8/ Par delà les représentations politiques (élues ou autoritaires) progresse l'encadrement de l'administration publique et son cortège d'experts, et l'extension de son pouvoir sur les individus que les guerres et la massification du premier moment de l'ère industrielle ont atomisés. Cette nouvelle façon de gouverner non seulement nécessite un type particulier de citoyen, mais l'extension de son pouvoir permet pour la première fois de le créer, ce citoyen docile, à condition de lui parler le langage de l'égalité qui est pour lui peu ou prou synonyme de justice sociale, et synonyme de contrainte consentie pour les élites.

 

Oups. Je m'aperçois que je viens de pondre un wall of text. Je continuerai plus tard histoire de décompresser et d'affiner. Désolé.

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