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colimasson

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Tout ce qui a été posté par colimasson

  1. Ok, la comparaison Michéa n'a donc rien de bien flatteur pour Clouscard... bref, je m'en serais doutée.
  2. Visiblement, Michéa fait bien rigoler. J'aime pas trop ce Clouscard, c'est plein d'affirmations non justifiées. Pourquoi on croirait à ses paroles ? Il se prend pour un prophète peut-être ? Bref, j'y reviendrai.
  3. Je suis en train de lire un bouquin qu'on m'a prêté (pour ma défense), ça s'appelle "La bête sauvage" de Michel Clouscard, et ça me semble être une belle grosse daube. D'autres parmi vous se le sont-ils déjà farci ?
  4. Le titre me fait penser à ce joyeux passage de "Voyage au bout de la nuit" de L.-F. Céline : « Les riches n’ont pas besoin de tuer eux-mêmes pour bouffer. Ils les font travailler les gens comme ils disent. Ils ne font pas le mal eux-mêmes, les riches. Ils payent. On fait tout pour leur plaire et tout le monde est bien content. Pendant que leurs femmes sont belles, celles des pauvres sont vaines. C’est un résultat qui vient des siècles, toilettes mises à part. Belles mignonnes, bien nourries, bien lavées. Depuis qu’elle dure la vie n’est arrivée qu’à ça. Quant au reste, on a beau se donner du mal, on glisse, on dérape, on retombe dans l’alcool qui conserve les vivants et les morts, on n’arrive à rien. C’est bien prouvé. Et depuis tant de siècles qu’on peut regarder nos animaux naître, peiner et crever devant nous sans qu’il leur soit arrivé à eux non plus jamais rien d’extraordinaire que de reprendre sans cesse la même insipide faillite où tant d’autres animaux l’avaient laissée. Nous aurions pourtant dû comprendre ce qui se passait. Des vagues incessantes d’êtres inutiles viennent du fond des âges mourir tout le temps devant nous, et cependant on reste là, à espérer des choses... Même pas bon à penser la mort qu’on est. Les femmes des riches biens nourris, bien menties, bien reposées elles, deviennent jolies. Ça c’est vrai. Après tout ça suffit peut-être. On ne sait pas. Ça serait au moins une raison pour exister »
  5. Je lis un truc sur les EMI (Mort ou pas ? de Pim van Lommel) pour voir comment ça a évolué depuis la première étude de Raymond Moody en 1975. Ben, on n'est pas dans la merde.
  6. Pour la conclusion, je crois que je l'ai écrit. Il me semble qu'Ortega pensait que des Etats-Unis d'Europe seraient une bonne idée pour lutter contre la prise du pouvoir par l'homme-masse. Résultat : c'est pas avec l'UE que l'homme-masse disparaît, bien au contraire. Edit : évitons les remarques désobligeantes.
  7. Allez hop, voilà-t'y pas ce qu'il m'a semblé lire dans La Révolte des masses (1929) d'Ortega y Gasset. Faites péter les remontrances comme il se doit. Ortega y Gasset, c’est un espagnol qui s’est beaucoup abreuvé aux idées de la philosophie allemande. Lorsqu’il parle de l’Europe, d’ailleurs, il pense essentiellement à la trinité Allemagne-France-Angleterre (« Par Europe, on entend, avant tout et surtout, la trinité France, Angleterre, Allemagne »). Lorsque les européistes actuels nous citent donc l’Ortega comme porte-parole assurant la légitimité de leurs opinions, ils omettent sciemment de mentionner cette légère distinction entre une Europe centrale entre nations partageant une culture et une histoire presque fusionnelles et notre Europe actuelle, avec sa myriade d’états inconnus les uns aux autres, que l’on soupçonne en outre d’être fortement soumise aux injonctions des Etats-Unis d’Amérique. Bon, et c’est quoi le rapport avec cette révolte des masses ? Ah oui. La révolte des masses, c’est le cercle vicieux de la dégénérescence dans la civilisation moderne (d’ailleurs, c’est’y pas diablement grave de nous qualifier de « modernes », comme si nous étions les représentants achevés d’une époque ? « contemporain » passerait encore, aux oreilles de notre cher Ortega, mais « moderne », c’est la pulsion de mort qui traverse nos bouches de chair fanée). Le début de cette période commence au milieu du 18e siècle, avec la France qui se pâme de sa tradition révolutionnaire. Pour Ortega, la révolution a « surtout servi à faire vivre la France […] sous des formes politiques plus autoritaires et plus contre-révolutionnaires qu’en presque aucun autre pays » en permettant à la bourgeoisie d’accéder au pouvoir par le biais d’un Etat d’autant plus écrasant qu’il se sait pas-vraiment-légitime. « Les démagogues ont été les grands étrangleurs des civilisations ». La mascarade du suffrage universel s’est mise en place : « dans le suffrage universel, ce ne sont pas les masses qui décident ; leur rôle consiste à adhérer à la décision de l’une ou de l’autre minorité. […] Le pouvoir public se trouve aux mains d’un représentant des masses. Celles-ci sont si puissantes qu’elles ont anéanti toute opposition possible. Elles sont maîtresses du pouvoir public d’une manière si incontestée, si absolue, qu’il serait difficile de trouver dans l’histoire des modes de gouvernement aussi puissants qu’elles ». Avec l’avènement de l’Etat, l’homme-masse s’est imposé et, exponentiellement depuis, il a fait appliquer ses droits qui sont ceux de la médiocrité. Rappelons que « médiocrité » ne veut pas dire nullité mais se rattache à la racine étymologique du mot « moyen ». Est moyen, donc, ce qui vivote sans ambition autre que celle de satisfaire ses pulsions basiques, ce qui pense sans extension, ce qui utilise les outils préexistants sans chercher à les comprendre et sans s’émerveiller de leur présence. L’homme-masse est un enfant gâté qui ne le sait pas. Ce que ses aïeux ont travaillé à élaborer l’entoure depuis sa naissance. L’homme-masse est un homme qui, n’ayant pas cherché la civilisation, considère que celle-ci représente la nature, comme la pierre et le bois pour l’homme préhistorique. « L’homme échoue parce qu’il ne peut rester au niveau du progrès de sa propre civilisation ». Il prend, il utilise, il gâche tout. Son potentiel est grand, mais il ne sait pas quoi en faire. «La caractéristique du moment, c’est que l’âme médiocre, se sachant médiocre, a la hardiesse d’affirmer les droits de la médiocrité et les impose partout.» La thèse de cet essai est la suivante : les nations occidentales souffrent d’une grave démoralisation qui se manifeste par la révolte de l’homme-masse pour accéder au pouvoir. Cette démoralisation trouve une de ses raisons dans le déplacement du pouvoir que notre continent exerçait autrefois sur le reste du monde et sur lui-même. La dispersion de la souveraineté historique traduirait une faiblesse des principaux états européens du siècle passé. Ortega propose alors de former des Etats-Unis d’Europe qui résulteraient de la synergie de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne, principalement, pour retrouver ce pouvoir historique qui semble s’être dispersé depuis l’avènement des Etats-Unis d’Amérique et de l’U.R.S.S. Dans son épilogue de 1938, Ortega se rend bien compte que cette alliance n’aura pas de grand intérêt si elle n’a pas conscience de son âme. Il constate que « l’Europe est aujourd’hui désocialisée ou bien, ce qui revient au même, il lui manque des principes de convivance qui soient en vigueur et auxquels il serait possible de recourir ». L’Europe ne doit pas être l’inter-nation mais la super-nation. On ne voit pas comment cela pourrait se produire puisque, si les nations sont dominées par l’homme-masse, alors la super-nation ne pourra être autre chose que la réunion de la crème de la crème de l’homme-masse -qui reste une bouse quand même. De plus, le droit ne peut régir les rapports entre les êtres vivants qu’à la seule condition qu’ils vivent préalablement en société effective. Ortega prend un exemple qu’il connaît bien, celui de l’Espagne : « L’Espagne et les peuples du centre et du sud de l’Amérique ont un passé commun, une race commune, un langage commun. Cependant, l’Espagne ne forme pas avec eux une nation. Pourquoi ? Parce qu’il leur manque une chose, une seule mais essentielle : l’avenir commun ». Nous avons brûlé les étapes. Ortega évoque bien la possibilité d’une Europe « des nations isolées » ou d’une Europe « orientale, dissociée jusque dans ses racines de l’Europe occidentale », mais il ne l’évoque qu’en ultime achèvement, à la condition que la santé des nations soit excellente. Conclusion : il ne faut pas mettre la charrue avec les bœufs. Ortega espérait que l’Europe serait l’avènement de l’homme d’élite, c’est-à-dire « celui qui est plus exigeant pour lui que pour les autres, même lorsqu'il ne parvient pas à réaliser en lui ses aspirations supérieures ». On peut se méprendre sur la nature de cet homme d’élite. N’y voyez aucune allusion à la hiérarchie des classes sociales. L’homme d’élite, comme l’homme-masse, peut se retrouver à n’importe quel étage de la hiérarchie sociale. Ortega postule moins la réalité d’une hiérarchie des classes qu’une hiérarchie des valeurs fondée sur l’inégalité psychologique et intellectuelle de ceux qui la composent. L’homme d’élite, ce n’est donc pas le type qui bénéficie de privilèges, c’est celui qui est capable de porter des valeurs morales profitables au reste du genre humain, c’est celui qui est capable d’une plus grande abnégation pour réaliser le principe spirituel qui devrait être celui d’un Etat réellement vitalisé. A l’inverse de la démagogie, qui affirme l’égalité naturelle entre tous les hommes, Ortega affirme qu’une société vraiment démocratique doit prendre en compte les différences individuelles. L’égalité politique ne doit donc pas s’accompagner d’égalité dans le reste de la vie sociale. L’arrivée de l’homme-masse au pouvoir a donc été permise par l’oubli de cette inégalité fondamentale entre les individus, par la revendication des droits de la médiocratie, et par la démission des élites. A chacun de juger de la situation actuelle à l’aune de ses propres exigences de qualité. En conclusion, Ortega observait que la vie actuelle est le fruit d’un interrègne, d’un vide entre deux organisations du commandement historique, et c’est la raison pour laquelle il réclamait l’avènement d’une Europe supranationale qui abolirait le totalitarisme de l’homme-masse. Les défauts qu’il soulevait dans l’organisation de l’Etat se sont toutefois propagés à l’organisation de l’Europe et il y a fort à parier qu’Ortega ne s’y reconnaîtrait pas aujourd’hui. Et puis, comme on est quand même sur le forum des libéraux, il serait de bon ton d'y aller d'un petit résumé du libéralisme selon Ortega : 1) le libéralisme individualiste s’inspire en partie de la législation de la Révolution française, mais il meurt avec celle-ci ; 2) la création caractéristique du 19e siècle a été le collectivisme, qui découle justement de la mort du libéralisme individualiste. 3) cette idée est d’origine française et apparaît pour la première fois chez les archi-réactionnaires de Bonald et de Maistre. […] 4) arrivent ensuite les grands théoriciens du libéralisme (Stuart Mill, Spencer) : leur prétendue défense de l’individu ne consiste pas à démontrer que la liberté est bienfaisante ou intéressante pour l’individu, mais au contraire qu’elle est bienfaisante ou intéressante pour la société. La primauté du collectif était donc la base sur laquelle ils constituaient leurs idées. 5) les vieux libéraux (dont Ortega se réclame) ont pu vouloir s’ouvrir au collectivisme mais, en remarquant ce qu’il y a de terrible dans le fait collectif en soi, ils n’ont pu qu’adhérer à un libéralisme nouveau, « moins naïf, de plus adroite belligérance, un libéralisme qui germe déjà, près de s’épanouir sur la ligne même de l’horizon ». Voilà donc ce que j'ai cru y lire.
  8. Cool, merci. Et le "démonter profond" me semblait agréablement approprié
  9. Pas de fil consacré exclusivement à Ortega y Gasset par chez vous ? Non, parce que j'ai lu la fameuse Révolte des masses et j'aimerais bien vous soumettre mon petit résumé de synthèse pour que vous le démontiez profond, comme vous savez si bien le faire.
  10. Donc le totalitarisme serait celui de la masse. Ce qui s'oppose un peu avec la vision d'un totalitarisme centré autour d'UNE figure de pouvoir.
  11. Je sais, ça date. Depuis, il est paru en français... Tu peux préciser en quoi tu relies ce texte avec une hypothèse concernant les totalitarisme au 20e siècle ? Thxs.
  12. Je suis en train de les lire, mais ils sont denses.
  13. D'accord, alors peut-être devrait-on en venir au sentiment d'impuissance. Que l'impuissance soit réelle ou ne le soit pas, il est certain en tout cas que son sentiment est tenace. C'est une question qui n'a rien à voir avec l'Etat, c'est vrai. Mon texte se voulait second degré mais pas facile forcément à percevoir. Comme pour toi, donc sorry. Je ne suis pas d'accord sur cette définition du libre-arbitre (avoir le choix : il faudrait une liberté de choix infinie sinon cette liberté peut être proposée en leurre) mais comme l'a dit NoName, la définition varie quasi pour chaque individu... alors passons. Pour la question de la possibilité d'être déterminé uniquement par soi-même... je n'y crois pas non plus. L'environnement influe a minima. Ceci admis, il est en effet possible d'avoir du libre-arbitre en étant déterminé (ce serait alors comme une liberté infinie dans un espace fini).
  14. Une fois dedans, peu importe. Je confirme. Non. Merci. C'est clair. Dixit Buko : « J’ai pris la tête de Tanya à deux mains et enfoncé ma queue jusqu’au centre de son cerveau. » Non. J'attends. Oui. Et pour les débats sur le féminisme, je vais conclure encore une fois en citant Buko : « Etait-elle une femme « libérée » ? Non, elle avait tout simplement le feu au cul. » Voilà, maintenant battez-vous.
  15. Oui, j'ai cultivé un jardin pendant de nombreuses années. On peut fuir parce que c'est effectivement mieux, ou parce qu'on croit que c'est mieux. Il y a sans doute un peu des deux. 1) tu parles de "sacrifice" : le mot en lui-même est révélateur. On peut avoir le droit de faire quelque chose en théorie, mais c'est la pratique qui nous l'interdit. (c'est pour cela qu'on nous laisse, par exemple, le droit de ne pas nous greffer un 3e oeil au milieu du front : jusqu'à preuve du contraire, personne ne peut le faire). 2) tu as raison de critiquer les conditions de travail déplorable des agriculteurs. 3) Dans ma suggestion, je parlais d'un jardinage à taille individuelle, pas pour (essayer de) faire du bénéfice. Merci grand chef, j'essaie de passer outre le ton condescendant pour ne me concentrer que sur les recommandations d'instruction. Je n'ai jamais prétendu ne pas en avoir besoin, mais ce n'est pas la peine de me chier sur la gueule pour autant, thxs. Ok, merci. Je note aussi, merci. C'est vrai, c'est une solution intermédiaire, c'est sympa de nous le rappeler.
  16. Oui, c'est mon blog, il me sert surtout d'aide-mémoire. (dois-je fournir des justificatifs ?) Pas entendu parler non. Cool. Oui. Pour toutes vos remarques, je rappelle que je ne fais que rapporter les propos de Lordon, sans me positionner radicalement quant à ce qu'il rapporte. Je n'en suis pas encore là. Et le jardinage pour la production de ses biens... je voulais simplement dire que l'idéal serait de pouvoir choisir entre produire ou acheter ses aliments. Ce qui n'est ps vraiment le cas. Même s'il existe des terrains pas chers : s'ils sont situés à 30 km de son lieu de résidence, c'est impossible à entretenir et ça engendre des frais de déplacement.
  17. Salut, J'ai découvert ce forum alors que je faisais des recherches sur le bouquin de Frédéric Lordon (Capitalisme, désir et servitude). C'est la raison pour laquelle j'ai foncé dans le tas en publiant un truc sur ce fil, sans même passer vous saluer tantôt. J'espère que vous pardonnerez ma rudesse. Au plaisir de m'instruire auprès de vous. Bye.
  18. Je vais encore citer ma mémé, désolée mais ce fut dans ma vie mon premier interlocuteur déstabilisant. Née en 1930 dans la montagne, il va sans dire qu'elle ne connut le grand commerce que bien tard. Elle n’allait pas au leader price, mais elle savait comment produire sa nourriture toute seule. Tous les jours, les gens bouffaient au moins des patates, des légumes, des oeufs, du lait, parfois de la bidoche. Personne crevait la dalle. C'est vrai que dans les villes, c'était pas aussi joyeux. Moi, aujourd'hui, j'ai pas de terrain pour cultiver mes aliments, et je serais bien incapable de savoir comment produire de façon optimale ma propre nourriture. Autrefois, les pauvres n’avaient pas de leader price où aller. Maintenant, les pauvres n’ont aucune autre possibilité que d’aller au leader price pour croûter. Ouais, je suis d'accord, c'est la big faille de son argumentation. On est tous les possédé de quelqu'un d'autre. C'est noté pour la couleur de modération, je laisserai le rouge à qui de droit. Répondons aux questions point par point : - Il me semble que Frédo n’aime pas l’entreprise néolibérale parce qu’elle veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Enfin, bon, si on arrive à les démasquer, c’est qu’elles sont pas si grugeuses que ça finalement. Mais surtout, le bon gros kiff c’est de se la jouer démystificateur. N’importe quel type souffrant d’un complexe d’infériorité aime bien devenir Messie dans une moindre mesure : ici en dévoilant une pseudo-mascarade qui, bien qu’aliénante sans doute pour une quantité de personnes, possède également des avantages qui ne sont pas relevés ici. Le bon point, donc, c'est de permettre une prise de conscience. Le mauvais point, c'est de permettre cette prise de conscience en utilisant les mêmes mécanismes d'omission que le système dénoncé. - Qu’est-ce qui m’a fait m’intéresser à Lordon et à Marx ? Je ne sais pas, en fait je m’intéressais surtout à Spinoza, mais bon (le TTP, vive lui). Lordon, c’est un pote qui m’en cause depuis des plombes mais bon, ça ne veut rien dire, c’est un peu son unique référence. Marx, j’ai essayé de le lire mais il est relou (en fait je suis trop nulle pour l’atteindre). J’ai surtout lu ce livre pour m’éclairer un peu plus sur l’observation de la servitude passionnelle de Spinoza au prisme de l’écoconomie. C’est tout. - Dire que la consommation matérielle c'est de la merde, c'est peut-être une sorte de revival d'une ancienne posture religieuse, après tout. Comme le protestantisme avec son éloge de l'épargne : cassez-vous le dos à bosser mais ne jouissez jamais du fruit de vos travaux, ce serait péché ! Il y a un plaisir à l'ascèse, ne serait-ce que parce qu'on se sent un peu différent, un peu au-dessus du lot... et là, le Frédo se contente d'écrire, il paie peu de sa personne, si ça se trouve il a été s'acheter un gros paquet de carambars après ça. - Sympa la dernière question, tu veux dire qu'en achetant le produit qui le fait bander, le consommateur accède à la victoire ultime d'avoir fait s'esbaudir son âme et ses passions, au moins trente secondes ? Et donc il bat à plate couture la chaîne de vente/production qui, en attendant, n'a toujours pas assouvi les penchants de son âme en ne faisant que retarder cet accomplissement ? Oui, pourquoi pas. J'allais écrire : Frédo condamne la descente qui suit l'acte consommatoire. Le consommateur croyait avoir le gros kif en achetant son produit, et une fois qu'il l'a, il se rend compte que ce n'était pas ça qu'il voulait (classique, on nous décrit souvent ça dans toute critique de la consommation). Et là, je me rends compte que si je suis vraiment en bonne santé (mentale, physique et tout le tintouin), je peux acheter un truc sans espérer qu'il révolutionnera ma vie et réglera tous mes problèmes, et donc je n'aurais pas de descente. Résumé : le mec qui se rend malheureux suite à l'acte consommatoire était déjà malheureux à la base. - Question finale : chacun est le dominant d'un autre. J'accorderai légitimité à ceux qui luttent contre les dominants lorsqu'ils ne transmettront plus dans leurs discours les petites velléités qui montrent qu'ils veulent devenir vizir à la place du vizir. Tu peux en dire un peu plus sur cette preuve que te donne Lordon ?
  19. Un peu consanguin donc. Je ne sais pas à quel point Sannat a viré sa cutie depuis...
  20. Merci pour vos liens. Ma modeste contribution (toutes remarques à ce propos bienvenues si possibilité de nuancer ma lecture à leur sujet) : http://insolentiae.com/ http://www.businessbourse.com/
  21. Salut les mecs. Vous m'excuserez, j'arrive sur le tard. J'ai toujours été comme ça, un train de retard, on se refait pas. Si je me suis inscrite sur ce forum, c'est parce que j'ai lu votre conversation en même temps que je gambergeais de page en page de ce bouquin. Puisque vous m'avez bien inspirée, je me suis dit que je pourrais laisser un petit mot ici, j'espère que je dirais pas trop de conneries et puis ça m'excite de parler avec des gens calés sur le sujet (en tout cas plus que moi). Alors j’ai un peu honte. Je connais pas trop Frédéric Lordon mais j’apprends ici qu’il est à la mode depuis quelques années. Voilà qui commence bien pour moi. J’ai bien regardé quelques émissions de lui en un an (genre une ou deux histoire de remplir mon quota), mais il ne me semblait pas si branchouille que ça. Heureusement, je connais un peu mieux Marx, et un peu plus encore Spinoza, ce qui est la moindre des choses puisque dans ce bouquin, Frédéric se propose de creuser un peu notre compréhension de Marx en l’abordant par le biais de la philosophie de Spino. J’ai lu de ci de là plusieurs critiques adressées au sieur Lordon en personne. Les critiques, parfois, étaient même adressées au bouquin dont nous proposons de causer ici. En voici quelques-unes : - Frédéric est un looser. Ce que je réponds : je n’en sais rien, peut-être qu’il passe un peu trop à la télé ces derniers temps c’est vrai. - Frédéric n’a rien compris à Spinoza. Ce que je réponds : sachant que les plus grands spécialistes de Spino ne s’accordent pas entre eux, on ne va jouer ici à touche-pipi pour savoir qui lance le plus loin. Dans l’ensemble, Frédéric reste cohérent et utilise de manière appropriée les concepts de l’affect, du conatus et de la liberté (même s’il ne distingue peut-être pas assez la liberté philosophique de la liberté politique, entendu que dans cet ouvrage, c’est de la seconde uniquement dont il devrait être question). - Frédéric veut nous hypnotiser. Genre, il peut nous manipuler en nous faisant croire que si nous n’avons pas le sentiment d’être exploités, c’est justement le signe que nous avons été parfaitement aliénés. C’est un peu comme avec l’inconscient de la psychanalyse. Et du coup, les gens sont tristes de ne pas pouvoir se défendre là-contre. Ce que je réponds : Avec son explication concernant les mécanismes qui nous font accepter l’exploitation, Frédéric n’émet pas de jugement de valeur. Nous n’avons donc pas à nous brusquer et à bouder dans notre coin en disant « non, c’est pas vrai, je m’ai pas fait manipuler ! ». Nous ferions mieux au contraire de vérifier jusqu’à quel point cette théorie est vraie en la confrontant à la pratique quotidienne de nos actes et en nous demandant : suis-je sûr que c’est absolument MOI qui veux cela ? Et si non, quelle est la part d’autre qui me dirige ? Bien sûr, en racontant que nous sommes peut-être agis par des puissances extérieures que nous ne maîtrisons pas, Frédéric ne se fait pas que des potes. Mais en cela, il se montre fidèle à Spinoza, qu’on a déjà bien maltraité pour avoir affirmé que le libre-arbitre n’existe pas. Alors moi, je m’en fous de savoir qui a raison entre le groupe de ceux qui jouent les gros pleins de libre-arbitre et ceux qui trouvent ça vachement provoc d’affirmer que le libre-arbitre est une illusion. Au niveau des conséquences, on remarque juste que ceux qui reconnaissent la possibilité d’une inexistence du libre-arbitre se montrent un peu plus vigilants et font preuve d’un esprit critique un peu plus acéré que ceux qui croient pouvoir être les seuls maîtres à bord de leur placenta cérébral. Alors les mecs, faut déstresser. Le Frédéric, il n’en sait pas plus que nous sur le libre-arbitre et le Spino, même galère. Ils ne sont pas là pour nous prendre la main dans le sac d’une jouissance qui n’est pas la nôtre et pour nous dire que c’est pas bien. Ils sont juste là pour nous demander, au passage : au fait, t’es sûr que c’est bien ton manche que tu astiques, et pas celui de ton chef ? Vaut mieux être sûr de ça tout de suite, hein. Mon Dieu, si j’utilise cette analogie sexuelle un peu foireuse, c’est parce que Spinoza et Frédéric nous rappellent que nous avons facilement tendance à fermer les yeux sur notre exploitation lorsque celle-ci s’accompagne d’affects joyeux. Quand on est content, on réfléchit rarement pour savoir si la joie provient de sources respectables. C’est tellement rare qu’on la gobe d’un coup, miam. Où est le mal ? C’est que l’entreprise néolibérale, selon Frédéric, elle le fait exprès de produire des « affects joyeux extrinsèques ». Même que pour se la péter il appelle ça « l’épitumogénie néolibérale ». Mouais, ça fait quand même longtemps qu’on est avertis sur le danger des plaisirs consommatoires périssables. Plus insidieux toutefois serait la volonté des dominants de nous faire croire que nous allons au travail pour notre plaisir (exemple de l’entreprise Google ?) ou pour accomplir notre réalisation personnelle (talent, prestige, voyages, putes). Plus seulement désir médiat des biens mais désir intrinsèque de l’activité elle-même. Ouais, ça peut se défendre. « L’entreprise d’aujourd’hui voudrait idéalement des oranges mécaniques, c’est-à-dire des sujets qui d’eux-mêmes s’efforcent selon ses normes, et comme elle est (néo)libérale, elle les voudrait libres en plus de mécaniques –mécaniques pour la certitude fonctionnelle, et libres à la fois pour la beauté idéologique de la chose mais aussi considérant que le libre-arbitre est en définitive le plus sûr principe de l’action sans réserve, c’est-à-dire de la puissance d’agir livrée entièrement. » Vous remarquerez que j’ai beaucoup causé de Spinoza. C’est normal, je l’aime bien ce mec. Marx vient après, et dans le bouquin aussi. On l’invoque pour actualiser sa définition de la domination et de la lutte des classes, histoire qu’elles collent un peu mieux avec notre société actuelle. Le concept générique n’a pas perdu de sa pertinence, en revanche il doit se fondre dans de nouvelles formes. Ainsi, la domination aujourd’hui ne représente plus seulement l’asservissement au désir d’un maître, elle représente aussi l’enfermement des dominés dans un domaine restreint de jouissance. Aux millionnaires, un champ infini du désirable ; aux smicards un champ restreint au contenu des rayonnages du leader price (sauf à la fin du mois). Les dominants se réservent les désirs majeurs et font croire aux dominés que les désirs mineurs sont ceux qu’il faut rechercher en priorité. Là encore, si on n’aime pas cette idée, il faudra revenir taper sur Michel Foucault (Histoire de la sexualité, Tome 1 : La volonté de savoir : « Ne pas croire qu’en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir ; on suit au contraire le fil du dispositif général de sexualité ») ou Pierre Bourdieu (pour une petite extension sur la domination des dominants). Finalement, force est de reconnaître que Frédéric ne propose rien de neuf mais il encourage l’accouplement d’un tas de conceptions qui n’attendaient que son entremise pour se frotter les unes aux autres. Autre forme de domination induite par la division de la reconnaissance : « Les enrôlés sont […] voués à des contributions parcellaires, dont la totalisation n’est opérée que par le désir-maître ». N’importe qui doit pouvoir comprendre ça. T’as œuvré comme un chien, mais le mérite est pour le grand manitou. Frédéric désigne le grand ennemi : aujourd’hui, c’est l’entreprise néolibérale qui peut se permettre de cumuler toutes ces formes de domination à la fois. Elle excelle en faisant croire aux dominés qu’ils servent avant tout leur désir individuel avant de servir celui du maître. Là, d’accord, on se demande pourquoi ce serait tout de la faute à l’entreprise néolibérale. La responsabilité se partage sans doute de façon plus subtile, et le choix de l’ennemi est un peu facile. Comme ça fait un peu con de parler de politique et de ne rien proposer de concret, Frédéric se croit obligé, pour finir, de lancer l’idée folle d‘une récommune. Déjà, le nom est moche, croisement bâtard entre république et communisme. Ensuite, ça ne marchera que sur le papier. Le principe de la récommune consisterait en effet à réunir des associés autour d’une proposition de désir dans lequel ils auraient reconnu le leur. Genre, maintenant nous savons tous que nous devons nous montrer méfiants quant à la possibilité d’être vraiment propriétaire d’un désir en propre, et le Frédéric nous fait croire qu’un désir pur pourrait vraiment exister ? En fait, ce que Frédéric insinue par-là c’est que ce désir ne devra provenir ni des réquisits-menaces de la reproduction matérielle ni de l’induction d’un désir-maître. Mais je ne suis pas sûre que les désirs provenant de l’influence d’autres tendances ne soient pas aussi pourris que ceux-ci. Autre principe : ce qui affecte tous doit être l’objet de tous. Mais quelle peut être la nature de cette égalité qui s’accompagne fatalement d’une inégalité des contributions et des situations ? Le plan de la récommune tombe là, Frédéric n’en cause plus. Ouf. C’est à ce moment-là qu’il nous ressort sa théorie sur l’angle alpha. J’avoue, c’est de la pure violence symbolique : « L’angle α c’est le clinamen du conatus individuel, son désalignement spontané d’avec les finalités de l’entreprise, son hétérogénéité persistante au désir-maître, et son sinus […] la mesure de ce qui ne se laissera pas capturer ». Ça sert à impressionner ceux qui aiment se faire cramer la cervelle pour rien. J’aurais pourtant bien aimé que ma mémé puisse lire et comprendre ça, même si elle a dû arrêter l’école après le brevet de 13 ans. En gros, si on se contente de regarder le schéma, la domination c’est de suivre le désir-maître (le dominé suit le mouvement du dominant : la parallèle) et la sédition c’est de s’opposer au désir-maître (le dominé affirme de nouvelles directions pour le désir : la perpendiculaire). Pas besoin d’en venir aux vecteurs pour ça. C’est vrai qu’il nous emmerde le Frédéric avec ses discours pompeux. C’est comme s’il avait besoin de prouver tout le temps qu’il a fait des études. Sans doute un complexe de classe, encore. Autre exemple, le gros baratin sur le conatus de Spinoza n’était vraiment pas utile quand on remarque qu’il l’utilise seulement pour parler du mouvement incontrôlable qui pousse l’individu à désirer et à agir pour accomplir son désir. Finalement, on en arrive à un hybride marxo-spinoziste qui permet à la limite de comprendre un peu mieux le premier par le second, et vice-versa. Marx s’était gouré en croyant que l’exploitation pourrait se résoudre, que les classes pourraient disparaître et que la fin de l’histoire sonnerait tonitruante. Spinoza nous a montré que la force des affects engendre la permanente et universelle servitude passionnelle. Le pire ennemi est en nous-mêmes, c’est la force incontrôlable du désir et des passions. L’entreprise néolibérale (ou tout autre dominant) ne parviendrait pas à nous faire désirer des trucs absurdes si nous étions des pierres sans âme. La fin de l’histoire n’existe pas baby. Et hop, ni une ni deux, Spinoza se propose carrément de redéfinir le communisme. Nous nageons en plein anachronisme, mais ça dilate les pupilles. Voici donc : le communisme véritable c’est la fin de l’exploitation passionnelle, lorsque les hommes sauront diriger leurs désirs communs et former entreprise vers des objets que chacun peut désirer équitablement. Ce n’est pas du pain ni du vin, cet objet-là, c’est la raison, rien que ça. Et si la raison devient l’objet du désir vers lequel chacun doit se tourner et tendre la main, autant dire qu’on est dans la merde.
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