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Vilfredo

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Tout ce qui a été posté par Vilfredo

  1. Oui, c'est devenu un peu de la merde depuis 20 ans. Tu as lu the original The New Leviathan? Ça m'intriguait mais ça parle tellement de tout que ça m'est tombé des mains
  2. Des universitaires nazis se sont hautement réclamés de tout (Platon, Kant, Nietzsche, Hegel, Herder), ca ne veut rien dire. L’idée de l’esprit et de la lettre, c’est pas plus nazi que the next thing
  3. Bah tenez, un petit tour en rayons de bibliothèque, je vous trouve ce paragraphe de Stanley Rosen dans son livre sur la R auquel je n'ai rien à redire:
  4. Je commence par répondre sur ce point, parce que c'est ce qui me laisse le plus perplexe: ai-je dit le contraire? Ce que je voulais dire en parlant de l'ambiguïté de la formule, c'est que lorsque Socrate parle de la justice qui se roule à nos pieds, lorsqu'il explique qu'on cherchait la justice alors que nous l'avions déjà trouvée, au livre 4, je pense qu'on peut légitimement se demander si c'est la même justice: une variation grammaticale permet d’en douter, quand Socrate dit : "Ce que dès le début, lorsque nous avons fondé la cité, nous avons posé qu’il fallait faire en toute circonstance, c’est cela à ce qu’il me semble, ou alors quelque espèce de cela (etoi toutou ti eidos), qu’est la justice." (433a) La particule etoi est normalement introduite en premier, et avec une alternative expresse (e) ; de plus, l’une des deux expressions qu’emploie Socrate pour référer à cette espèce de justice dont il aurait été question depuis le début est "s’occuper de ses propres affaires (ta hautou prattein) et ne pas se mêler de toutes". Pachet, dans sa traduction, que je cite, (cf. p. 225n) remarque que cette définition de la justice n’a pas été donnée dans la République (Socrate disant seulement, de façon un peu vague : "nous l’avons dit souvent", 433b), et c’est vrai : elle a été employée à propos de "l’unique cultivateur" du livre 2, cet homme pré-social qui doit subvenir à tous ses besoins lui-même, tel que un homme = toutes les activités : "au lieu d’avoir souci de mettre les choses en commun avec les autres, lui-même se soucie pour lui-même de ses propres affaires" (370a). Il faut donc ici avoir recours, je pense, à la distinction thrasymaquéenne entre le langage "précis" ("au sens strict") et le langage ordinaire (1, 341b) pour voir que le "se mêler de ses propres affaires" ne doit pas déboucher sur l’homme polyvalent (parce qu’autarcique) du livre 2, mais sur la restriction de l’activité de quelqu’un qui s’en tient à son métier. Voilà l'ambiguïté. Je prends le point, mais je ne suis pas tout à fait d'accord. Premièrement, que le langage soit une imitation de la réalité, c'est vrai, mais il faut distinguer les sens d'imitation. D'abord, il y a l'imitation de ce qui ne convient pas (tout ce qu'on interdit aux poètes de dire sur les dieux, livre 3), ensuite il y a certes l'imitation de ce qui convient, mais qui est circonscrite à un rôle de pis-aller: en 395c Socrate dit que "les artisans de la liberté de la cité", i.e. les gardiens (il y aura, au livre 5, une analogie un peu absurde avec les potiers au sujet de la guerre), ne doivent imiter que "ce qui leur convient" : "si jamais ils imitent, que dès l’enfance, ils imitent ce qui leur convient". Dans cette phrase, certes, l’imitation de ce qui convient est le moindre mal au cas où le citoyen imite déjà. C’est que, la suite du texte le montre, le danger de l’imitation est dans son ambiguïté ontologique : tout en ne produisant aucune chose, mais seulement des ressemblances, elle peut "donner du goût pour la chose réelle" (395c toujours), ce qui explique que, quitte à imiter, il faille imiter ce qui convient. Le "principe" est donc "qu’il n’y a pas chez nous d’homme double, ni multiple, dès lors que chacun n’y accomplit qu’une seule tâche" (397e). La dénonciation de l’imitation a donc recours au principe un homme = un métier, car on ne peut pas bien imiter plusieurs choses (395a), mais le "principe" est maintenant articulé avec un point de vue sur la nature même de l’homme : "la nature de l’homme me semble être morcelée, ce qui le rend incapable de bien imiter plusieurs objets, comme de faire les choses mêmes dont les imitations essaient justement de donner les équivalents" (395b). L’imitation perturbe donc, à plusieurs niveaux, le "principe" : d’une part, au sein de l’imitation, on ne doit pouvoir bien imiter qu’une chose, mais d’autre part, l’imitation elle-même est une chose, et on ne doit donc pas pouvoir bien faire une imitation, et autre chose qu’une imitation ; et en même temps, on distingue "faire les choses mêmes", et n’en donner que des « équivalents » (ou des "ressemblances" : ἀφομοιώματα), ce qui veut dire qu’imiter, c’est faire quelque chose sans rien faire qui soit une chose. Loin de faire intervenir le Cratyle, j'ai plutôt envie de voir une connexion ici entre la critique du langage, en gros, et le communisme: dès que je parle et que je cite quelqu'un d'autre, je l'imite, d'une certaine façon, donc je donne à penser que Je suis Lui, comme Homère qui fait parler Chrysès en 393b. Le guerrier, si on prend sérieusement la critique de la poésie (qui dérive elle aussi du "principe"), ne doit jamais dire Je s'il n'est pas ce Je (il ne doit donc pas dire: "Il a dit: 'J'ai mal'", il ne doit jamais sortir de la "narration simple"). Le communisme est la solution: puisque, dans le communisme, nous sommes tous le même homme, ce n'est pas un problème de laisser penser que Je suis Lui (462b-e, passage crucial). Sur l'éducation donc: on part pour produire le bon naturel, on finit par produire le collectif de chacun dans chacun. Deuxièmement (je ne pensais pas que le premièrement me prendrait si longtemps), il faut faire attention aux termes de l'imitation: qu'imite-t-on exactement quand Socrate utilise, c'est vrai, le terme d'imitation en bonne part, pour ainsi dire, comme c'est le cas quand il dit que les dirigeants "imiteront" les lois (458b-c)? La note de J. Adam dans son édition nous donne : "In matters not actually prescribed for by legislative enactment, the rulers will ‘imitate,’ i.e. will issue commands in harmony with the spirit of, such laws as do exist." Le statut ontologique des lois comme le terme de l'imitation n'est clarifié, à mon sens, que plus loin, vers la page 472, c'est-à-dire quand commence la "troisième vague" de la trikumia, et que Socrate est finalement sommé par Glaucon d'arrêter de dire des conneries et de s'exprimer une bonne fois pour toutes sur la réalisabilité de la cité. Socrate rappelle que la construction en paroles de la cité visait à fournir un "modèle" (παράδειγμα) dans l’examen de "ce qu’est la justice en soi, et un homme parfaitement juste, au cas où il pourrait venir à être (τε δικαιοσύνην οἷόν ἐστι, καὶ ἄνδρα τὸν τελέως δίκαιον εἰ γένοιτο)" (472c), "mais nous ne cherchions pas à atteindre le but consistant à démontrer que ces choses-là sont capables de venir à être" (ce que reconnaît Glaucon) (472d). Le "modèle" ou paradigme (en grec) est pensé par analogie avec le modèle du dessinateur, qui peut être beau sans être réel, ce qui crée une analogie entre l’art pictural et le dialogue (472d-e). On peut se demander, en connexion avec la théorie des formes de Platon, si le passage en 9, 592b, sur "la cité située là-haut", est à entendre au sens d’une localisation céleste du paradigme. Mais le mécanisme modèle/imitation semble structurel : ainsi encore en 7, 540a, les philosophes de la cité juste doivent utiliser "le bien lui-même" (i.e. l’Idée du bien) pour organiser la cité. Socrate ajoute une sorte d’argument métaphysique massue : que "la réalisation touche moins à la vérité que la decription" (473a). Il ne pourra donc y avoir qu’approximation. J'en reviens, à partir de là, d'une part au statut des lois comme imitanda: mon interprétation est que les lois sont justement de tels "paradigmes", et j'ai une preuve textuelle: les lois sont bien désignées comme "paradigmes" à suivre pour vivre dans le Protagoras, 326c (je n'ai pas mon édition en traduction française avec moi, donc j'utilise perseus, anglais/grec): And when they are released from their schooling the city next compels them to learn the laws and to live according to them as after a pattern, ἡ πόλις αὖ τούς τε νόμους ἀναγκάζει μανθάνειν καὶ κατὰ τούτους ζῆν κατὰ παράδειγμα. Et d'autre part, au statut du discours qui est tenu dans la République lui-même: ce discours est typiquement celui qui serait interdit dans la République (c'est loin d'être une narration simple: Socrate joue tous les personnages!) Le langage de la République est, d'un certain point de vue, imitatif (Socrate imite tout le monde), mais, d'un autre point de vue, il suit un paradigme (la justice, la cité juste), dont il est en quelque sorte la "trace" (ἴχνος, 430e, 432d). Il y a, à un premier niveau, analogie entre la façon dont la République "suit" la trace du paradigme, et la façon dont les dirigeants doivent suivre celui du Bien, mais, dans les deux cas, il importe de bien voir que ce qui est suivi n'est rien de réel, rien qui ait sa place dans la réalité, c'est pourquoi opposer la convention-langage à la nature-réalité me paraît être une erreur. On voit bien ce que, pour Platon, une réalité qui n'est pas naturelle (comme la cité) peut être, mais pas ce qu'une nature qui ne serait pas réelle pourrait être. Je ne pense donc pas que l'opposition soit entre nature et langage. Je pense qu'il y a bien plutôt un effort, au sein du langage, pour retrouver la trace ou la forme des Idées (petites et grandes lettres! le lien entre le terme de "trace", peu commenté, et le terme de "lettres", ultra-commenté, est quelque chose sur quoi je voudrais travailler), pour produire un langage qui ne se contredise pas. Il faut donc bien distinguer le "paradigme", qui est en quelque sorte le pré-tracé que le discours retrouve en quelque sorte inconsciemment (la justice qu'on découvre que roulant à nos pieds alors qu'on la cherchait au loin), ce qui guidait notre tracé, notre dialogue, dans notre dos, l'Idée (idea), dont on n'est pas sûr qu'il y en ait une pour la cité, et dont les autres étants sont, en un sens bien précis, qui n'est pas le seul du terme, une imitation (les autres sens s'éclairent les uns les autres sur le mode des pierres qu'on frotte entre elles pour produire l'étincelle de l'être, dans la Lettre 7), les espèces (eidè, mot qu'on associe plutôt à Aristote), qui sont dans l'âme, et les genres (de natures, genè) qui sont dans la cité, et entre lesquelles (je parle des espèces et des genres) il y a certes isomorphisme, mais pas plus qu'isomorphisme: les deux termes s'éclairent l'un l'autre, il y a dans la cité des différences de nature au sens où il y a dans l'âme des différences eidétiques, et vice-versa. Il y a bien une norme non-linguistique du langage pour Platon (dans tout dialogue), mais je ne pense pas que cette norme, pour ne pas être conventionnelle (i.e. linguistique), soit naturelle, au contraire. Une théorie "naturaliste" de l'idéel, ça existe, c'est la forme d'Aristote (voir notamment le début de l'Ethique à Nicomaque). Tout me porte plutôt à croire qu'il n'y a pas de nature de la cité, ou que la cité n'est pas un étant naturel. C'est un bon résumé de la physis pour Aristote. Chez Platon, il y a un cheminement différent: on se demande quelle est la nature d'une chose --> mais comment connaître la nature d'une chose sans connaître la nature du tout (ou la nature de la nature, si vous voulez faire un jeu de mots)? --> on en remonte ainsi au principe (archè) des Idées --> la nature comme ce qui, en gros, est venu à l'être en premier. C'est l'être (pas la "réalité") primordial. Meilleur passage: la fin des Lois (10, 892a-c) Vous savez qui a bien expliqué tout ça? Heidegger (Vom Wesen und Begriff der Physis, in Wegmarken, GA 9). @Domi je réponds bientôt à ta question sur le Gorgias
  5. C’est « conformément à la nature » que vous voulez vivre ! Ô nobles stoïciens, quelle duperie est la vôtre ! Imaginez une organisation telle que la nature, prodigue sans mesure, indifférente sans mesure, sans intentions et sans égards, sans pitié et sans justice, à la fois féconde, et aride, et incertaine, imaginez l’indifférence elle-même érigée en puissance, — comment pourriez-vous vivre conformément à cette indifférence ? Vivre, n’est-ce pas précisément l’aspiration à être différent de la nature ? La vie ne consiste-t-elle pas précisément à vouloir évaluer, préférer, à être injuste, limité, autrement conformé ? Or, en admettant que votre impératif « vivre conformément à la nature » signifiât au fond la même chose que « vivre conformément à la vie » — ne pourriez-vous pas vivre ainsi ? Pourquoi faire un principe de ce que vous êtes vous-mêmes, de ce que vous devez être vous-mêmes ? — De fait, il en est tout autrement : en prétendant lire, avec ravissement, le canon de votre loi dans la nature, vous aspirez à toute autre chose, étonnants comédiens qui vous dupez vous-mêmes ! Votre fierté veut s’imposer à la nature, y faire pénétrer votre morale, votre idéal ; vous demandez que cette nature soit une nature « conforme au Portique » et vous voudriez que toute existence n’existât qu’à votre image — telle une monstrueuse et éternelle glorification du stoïcisme universel ! Malgré tout votre amour de la vérité, vous vous contraignez, avec une persévérance qui va jusqu’à vous hypnotiser, à voir la nature à un point de vue faux, c’est-à-dire stoïque, tellement que vous ne pouvez plus la voir autrement. Et, en fin de compte, quelque orgueil sans limite vous fait encore caresser l’espoir dément de pouvoir tyranniser la nature, parce que vous êtes capables de vous tyranniser vous-mêmes — car le stoïcisme est une tyrannie infligée à soi-même, — comme si le stoïcien n’était pas lui-même un morceau de la nature ?… Mais tout cela est une histoire vieille et éternelle : ce qui arriva jadis avec les stoïciens se produit aujourd’hui encore dès qu’un philosophe commence à croire en lui-même. Il crée toujours le monde à son image, il ne peut pas faire autrement, car la philosophie est cet instinct tyrannique, cette volonté de puissance la plus intellectuelle de toutes, la volonté de « créer le monde », la volonté de la cause première.
  6. Ça c’est marrant j’ai un ami qui fait sa thèse sur la philosophie de l’histoire chez Platon, et comme c’est paradoxal, il veut dire en fait la philosophie de l’histoire qu’on peut trouver dans sa cosmologie. Intéressant parce qu’en te lisant je me fais la réflexion que le Timee est le grand oublié des straussiens, non? C’est parce que j’ai l’impression (encore une fois) que pour Strauss, la philosophie de l’histoire, c’est le post-hégélianisme allemand (moins Hegel sa cible que Troeltsch ou même peut-être Spengler). Mais ce n’est pas toute la philosophie de l’histoire. Est-ce que la philosophie de la mythologie de Schelling n’est pas une philosophie de l’histoire? L’auto-création de Dieu génère plus que la simple temporalité neutre ou cyclique de la nature au sens moderne. C’est quelque chose qui n’a pas échappé à (quelqu’un qui m’intéresse beaucoup plus que Strauss) Voegelin (voir le chap sur Schelling dans le livre de Barry Cooper sur Voegelin). Bon je dis juste ça pour lancer des pistes, c’est aussi des trucs que je découvre en ce moment (le platonisme de Schelling, et l’œuvre de Voegelin au-delà de The new science of politics) Je vais lire ça parce que j’ai des souvenirs de lecture du Second traite très influencé par la création et l’analogie entre l’homme propriété de dieu et l’homme propriétaire de trucs dans… sa théorie de la propriété. Plus les références constantes à la Bible. Il faut que je lise ça.
  7. Ne dit rien de tout ça! On fait la guerre (polemos) aux barbares! L'ennemi est une catégorie fondamentale de la politique, et la cité ne saurait s'étendre indéfiniment et rester une, càd rester ce qu'elle est. Mais tu as raison, c'est juste mon aversion pathologique à l'égard du stoïcisme antique et pré-moderne (Montaigne, chez qui on pourrait trouver une articulation """politique""" du stoïcisme dans le sens que tu dis).
  8. Hayek oui, c’est aussi une tout autre tradition philosophique derrière (Hume, Ferguson, Lumières écossaises). Il existe un livre qui s’appelle On Humean Nature d’ailleurs (je sais parce que j’avais pensé au jeu de mots moi même avant de voir que ça existait).
  9. Oui oui je voyais bien que tout partait de Strauss. Alors il faut aussi savoir que ce livre, Droit naturel et histoire, est une sorte de pamphlet de Strauss, juif allemand marqué par Heidegger, déclarant sa flamme à la démocratie libérale américaine comme moins pire système pour préserver un cadre à la vie contemplative du philosophe. Si mes souvenirs sont exacts, on y trouve justement une version très simplifiée de Platon (le droit naturel de donner ou rendre à chacun ce qui lui devient, l’exemple du grand manteau pour le petit bonhomme et vice versa), un peu moins simplifiée d'aristote… ama pour saisir Strauss il vaut peut-être mieux lire ses cours, ou on voit le straussianisme en action. Sinon la vie bonne comme vie conforme à la nature, ça c’est l’idée stoïcienne. C’est absent chez Platon. Donc ce que je disais, c’est que parler de “DN ancien” alors qu’en fait, on veut dire: les Anciens tels qu’ils ont été lus et déformés par la théologie médiévale, bon. Il n’y a que chez Aristote que ça a un sens de trouver un DN ancien, parce que la nature nous donne une sorte de norme (une graine se développe en arbre, pas en chapeau pointu). Donc c’est pas un principe individuel comme chez les stoïciens (chez qui j’ai du mal à voir une pensée politique). Tout ceci tient assez mal ensemble, c’est une construction que fait Strauss. Par exemple, j’ai envie de dire qu’il trouve surtout du DN dans la Physique de Aristote: y a un cosmos, les choses ont leur lieu naturel… alors que Platon pense politique et cosmologie ensemble, Aristote par contre sépare complètement les deux. Les Épicuriens en revanche mettent le hasard au centre du monde, et ça veut pas dire qu’ils pensent pas le droit (voir le livre de Goldschmidt sur l’artifice de la société et des normes juridiques dans Epicure). Je pense que la République est un bon endroit pour démêler ces questions et défaire des préjugés sur la “nature”, entre autres parce que c’est là “d’où” parle Strauss. C’était aussi une tentative de situer les problèmes dans les textes, ce qui est pour moi la seule façon de les penser précisément.
  10. Merci! Intéressant aussi: (l’article et le numéro en général) https://journals.openedition.org/etudesplatoniciennes/741
  11. Pauvre f mas qui doit lire tous mes wots
  12. Je ne pense pas qu'on puisse répondre à la question qui est posée par le sujet: je ne sais pas très bien quelle question c'est, et ce que j'en comprends est beaucoup trop général. Mais je me permets un caveat méthodologique, parce que je vois que le sujet part dans le décor: la lecture straussienne de Platon part du principe que c'est un texte ésotérique, dont le "vrai" sens est dissimulé sous des couches de sens "explicite", ce qui peut donner lieu à des interprétations originales, ou à des spéculations plus farfelues que son hypothèse de lecture le préserve d'avoir à justifier. Ne croyez pas qu'en lisant The City and Man, What Is Political Philosophy? et Natural Right and History, vous lisez, sur Platon, l'équivalent du Cambridge Companion. Pourquoi la question est trop générale: le DN "des Anciens". Quels anciens? Platon et Aristote. Pourquoi eux? Et Epicure? Et les stoïciens? Ah, ça, Strauss ne s'y intéresse pas. Et pour Platon, de quel dialogue parle-t-on? Qui parle dans ce dialogue (jamais Platon, par définition, et même pas toujours Socrate, et jamais aux mêmes personnes)? Pour prendre l'exemple de la République (qui est un dialogue raconté par Socrate, donc tout est à prendre avec des pincettes), qui introduit la question de la nature? Glaucon, au livre 2, car il confond l'essence et l'origine d'une chose. La question socratique serait bien plutôt celle de l'idée de la chose, pas de sa nature. Ah mais n'y a-t-il pas, dirait Aristote, Métaphysique 991b6-7, 1070a18-20, d'idée que des étants naturels? Mais y a-t-il alors une idée de la cité (Strauss dit: non)? Que dire à cela? Eh bien on peut par exemple arguer que le principe que la cité ne s’étende pas au-delà des limites de son unité ("qu’elle s’accroisse tant que, en s’accroissant, elle persiste à être une, mais pas au-delà", 423b), ressemble au principe de croissance d’un être naturel. Mais, explicitement, il ressemble surtout au principe un homme = un métier : chaque citoyen est par là "un, et non plusieurs, et ainsi la cité tout entière croîtrait en étant une, et non plusieurs" (423b), càd suivant l’isomorphisme psychopolitique. Le principe central pour régler cette "croissance" est l’éducation (encore par analogie avec la croissance de l’individu), et l’amitié entre les citoyens (la philia, 424a). De ce point de vue, on peut assez exactement dire que la nature, et ça reviendra quand il s'agira de nier que la différence (qui existe) entre hommes et femmes soit "naturelle" (au livre 5), c'est l'éducation. Strauss prend le point, et en déduit (citant les Lois à l'appui) que la cité-en-paroles de la République est "inhumaine" (dans The City and Man), et que c'est une vaste blague, qui ne vise qu'à démontrer par l'absurde l'inanité de toute philosophie politique (je caricature à peine), ce qui fait que toute conclusion qu'on tirera du texte, Strauss dira: but that's the joke. Mais il faut bien voir que, pour Platon, l'"inhumanité" de sa cité, ce n'est pas un problème. Ce qu'on peut donc au moins dire, c'est que la nature apparaît toujours dans un contexte problématique, voire aporétique dans la République. Quand il est question de la "nature" des gardiens, en 374e, il faut qu’ils aient une nature à la fois douce (πρᾶος) et thymique (μεγαλόθυμος) (375c), mais comme les deux qualités sont contraires (ἐναντία), la situation est impossible : "il en découle qu’il est impossible que se forme un bon gardien. — C’est bien probable, dit-il. Me sentant dans l’impasse moi aussi…" (375d ; l’ "impasse" est ἀπορήσας, une aporie). Il est ensuite beaucoup question de nature pour les différentes "races" dans le "noble mensonge" (livre 3). L’introduction du "noble mensonge" (414b) est motivée par la discussion (bien antérieure) des "mensonges qui conviennent" (et qui ne conviennent pas) à propos de la poésie. Avant d’être énoncé, il est clair que 1) Socrate "hésite" à en parler (414c) et 2) qu’il requiert "une grande force de persuasion [des dirigeants et/ou du reste de la cité, 414b]" (414c-d). Car ce dont il s’agit de persuader les dirigeants, c’est que leur éducation n’a été qu’un "songe" (414d) (alors que non en fait) dont ils ont été pourvus leur donnant "l’impression" d’éprouver et de voir ce qu’ils éprouvaient et voyaient, alors qu’en fait ("mais en vérité"), "ils étaient alors sous la terre, … en train d’être modelés et élevés eux-mêmes" (414d, je souligne); la référence à la nature est clairement un subterfuge politique: c'est, en fait, le "mensonge" dans "noble mensonge". Il y a deux parties dans le "noble mensonge » : la première fait la distinction entre l’intérieur et l’extérieur de la cité (unifiant l’intérieur comme une "famille" ("vous êtes tous parents", 415a) : Polémarque), la seconde vérifie le principe un homme = une activité (divisant l’intérieur entre gouvernants et gouvernés : Thrasymaque). Bernardete, dans Socrates' Second Sailing, dit justement: "The first part of the lie naturalizes the law, the second legalizes nature. The first speaks in simile, the second in metaphor." (p77) La deuxième partie est celle qui distingue les rangs dans la cité (trois, comme les vertus du livre 4: virilité, modération, réflexion ; cf. 433b) : Or pour les dirigeants, Argent pour les auxiliaires, Fer et bronze pour les cultivateurs et autres artisans. Il y a des déviances possibles de la nature ("il peut arriver qu’à partir de l’or naisse un rejeton d’argent", 415a-b), mais le communisme y remédie ("et si leur propre enfant naît avec une part de bronze ou de fer, qu’ils n’aient aucune pitié, mais que, lui accordant le rang qui convient à sa nature, ils le repoussent chez les artisans ou les cultivateurs," 415b-c ; en 5, 460c, les choses changent un peu : "Quant aux rejetons des hommes de peu de valeur, et chaque fois que chez les [hommes de valeur] naîtra quelque rejeton disgracié, ils les dissimuleront dans un lieu qu’il ne faut ni nommer ni voir, comme il convient.") Je pense que je peux ici faire d'une pierre deux coups, en clarifiant mit einem Schlage le sens de l'isomorphisme psychopolitique et le rapport entre eidos et physis (idée et nature) dans la République: la cité regroupe trois "genres" de natures (genè), alors que l’âme a trois espèces (eidè). Le raisonnement socratique dans le livre 4 (présentation de la structure tripartite de l’âme, premier sommet de la R) est le suivant : l’âme doit être tripartite si chaque individu doit pouvoir être dit modéré, viril et sage, et cet individu (citoyen) ne peut être appelé juste que si chaque eidos dans son âme « s’occupe de ses affaires » (441c-e, 443b), de même que, dans la cité, chaque classe doit « s’occuper de ses affaires » (chaque race fait en effet « ce qui lui revient », du moins dans la cité juste : cf. 435b). Mais le parallélisme du "de même que" est limité, d’abord parce qu’il semble que plusieurs acceptions de "justice" soient en circulation (a minima celle "au sens strict," comme dit Thrasymaque, et le sens ordinaire, qui serait "s’occuper de ses affaires", expression elle-même ambiguë, pour des raisons dans le détail desquelles je n'entrerai pas ici), et ensuite parce qu’il y a une importante différence entre "eidos" et "genos" (c'est ce qui nous intéresse). Eidos, ici, semble avoir le sens de "partie" (meros), comme dans le Politique (263b), mais on peut en douter, car il n’est question de meros qu’en connexion avec l’âme et le corps (442b, mais pas en 443d (l’argument de Bernardete est que le meros n'est introduit qu’avec le corps, et a donc peut-être sa signification liée au corps) ; Socrate parle aussi, uniformément, de "races" pour les "parties" de l’âme et de la cité, cf. 441c ; voir aussi 443d : "les races qui sont dans son âme"). L’exploration de l’âme, du reste, exige de suivre une autre "procédure" que celle que le dialogue a suivie jusqu’à présent : "c’est une autre route, plus longue et plus riche, qui y mène" (435d). La question est d’abord de savoir (chose facile) 1) si les espèces de l’âme sont nées de la cité (oui), et ensuite (chose difficile) 2) si c’est avec une partie de l’âme que nous réalisons telle action lui étant appropriée, ou si c’est à chaque fois toute l’âme, comme composé, qui est en jeu quand nous agissons. Cette question, Socrate n’y répond pas tout de suite : il l’évite en faisant l’ "hypothèse" (437a) d’une version du principe de non-contradiction. L’élaboration qu’il propose de cette "hypothèse" est particulièrement digne d’être commentée, car elle commence avec l’idée que, sous le rapport de la contradiction, "actions ou affections" sont identiques ("en cela il n’y aura aucune différence", 437b), ce qui fait que "la soif" et "la faim" peuvent être considérées comme si elles étaient des logoï (les désirs comme des logoï), càd comme si ces désirs ou ces affections étaient des "signes d’approbation ou de désapprobation" (437b), ou comme s’ils répondaient à une question (437c). Les désirs sont des formes d’ "approbation", au sens où ils expriment l’assentiment à ce qui est par eux convoîtés (437c). Du côté de la désapprobation ou de la négation, Socrate mentionne un verbe qu’il invente : "ne-pas-vouloir" (abouleo, 437c), de manière à radicaliser la négation comme autre chose qu’une absence d’affirmation, a fortiori qu’une autre affirmation (i.e. d’une négation : comparer "je n’ai pas envie d’être dérangé", qui suppose une entité absurde (l’envie d’être dérangé), et le plus inhabituel, mais pourtant plus logique "j’ai envie de ne pas être dérangé"). L’autre du désir, cette négation radicale, émerge donc dans la syntaxe : "Socrates has replaced nature with syntax" (Bernardete, 96). C’est aussi ce qui différencie le désir du thymos, qui n’a pas de syntaxe (Bernardete, 99). Or le thymos est naturel, la faculté rationnelle ne l'est pas (441a-b) (sinon auf wiedersehen l'éducation). Si je résume, on a différentes parties dans la cité (noble mensonge, races) qui correspondent à différentes parties dans l'âme (isomorphisme) qu'on peut remplacer par des logoï (désirs <-> affirmations/négations) (conclusion) ce qui signifie, au niveau méta, remplacer la "nature" (dans l'isomorphisme) par la "convention" (le langage): le noble mensonge (qui est un logos, hein: il s'agit de raconter des craques au peuple, et on fait souvent ça: voir l'exemple plus amusant du livre 5 sur le mec "médiocre" à qui on dit que c'est le tirage au sort si ses gosses sont des médiocres, alors que dans son dos, on attribue les gosses en or aux adultes en or, les gosses en pipi aux adultes en pipi de façon tout ce qu'il y a de plus pas aléatoire), c'est la loi et la nature qui take in each other's washing L'isomorphisme psychopolitique rétroagit rétrospectivement sur l'introduction par Glaucon de la physis dans la discussion sur la question de savoir s'il vaut mieux être, ou paraître juste (livre 2). En fait, cette question est débile. En effet, de même que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue dans un corps corrompu (passages soi-disant "eugénistes" sur la médecine), de même, ou plutôt a foriori, elle ne vaut pas la peine d’être vécue si "la nature de cela même par quoi nous sommes vivants… est troublée et corrompue" (445a-b), càd l'âme. En un sens, on peut, je crois, faire une lecture de la République comme nous enjoignant à nous méfier de la référence politique à la nature. La République ne serait sans doute pas un livre autorisé dans la République. On peut même dire qu'il y a moins de nature que de référence à la nature (et moins de cité que de cité-en-paroles). Vous voulez plus? Platon ne donne pas plus. Si ça vous plaît pas, ne lisez pas Platon. Bon sinon de manière générale le libéralisme ne s'est pas constitué autour d'un concept précis de nature, et pas seulement parce que la naissance du libéralisme, on se demande toujours ce que c'est (Hobbes? Locke? les monarchomaques protestants? la révolution américaine?) de toutes façons, il y a un tournant majeur au XIXème, quand on commence à avoir une conception précise scientifique et non théologique de la nature (pourquoi sommes-nous égaux avant, càd pour Locke et les post-lockéens (je laisse Hobbes de côté, toujours compliqué celui-là)? parce que nous sommes, selon la belle expression de Locke, the workmanship of God) aujourd'hui, les débats sur le "naturalisme" ont une fâcheuse tendance à être du côté de Glaucon et pas du côté de Socrate, et à confondre la nature et l'essence d'une chose, ou à prendre (c'est bien le principe du naturalisme en tant que méthode) l'une pour le proxy de l'autre. vaste débat, mais à titre personnel, cette dérive ne me plaît pas (je n'aime pas les confusions)
  13. Oui. Alors je remets de l’eau chaude et il redevient normal. Alors je remets de l’eau froide. Et je passe une heure sous la douche
  14. Il grandit et, en dessous d’une certaine température, il se met à parler.
  15. Je prends the best of both worlds: je ne porte que des chaussettes en dormant
  16. Et crème. Sinon peau sèche.
  17. Au fait, je n’ai pas lu son dernier livre, qui est paraît-il un chef d’œuvre donc je dis peut-être des conneries, mais voilà
  18. Houellebecq ecrit “tres bien” cette écriture maladroite et froide qui a l’air pas écrite, évidemment. Le côté edgy me fatigue en revanche. À la limite, et même si les Particules, c’est bien, La Possibilité d’une île, c’est son meilleur bouquin, parce que tout ce qu’il sait faire y est fait (au mieux), et les limites apparaissent tout aussi clairement. C’est “déprimant” si Ligotti est déprimant. (Sans m’étendre trop, même la prémisse du livre, qui est que Daniel ne peut pas avoir l’amour et le sexe (la jouissance) avec la même femme, et est donc perpétuel animal frustré, est un peu nunuche; il pourrait avoir les deux, juste pas au même moment: comme dit Zizek, when you fuck, you fuck). Puisque @fryer parle de BEE, c’est quand même beaucoup moins bien (sauf The Shards, qui m’est tombé des mains, après un début tellement bien que j’ai écrit un term paper dessus).
  19. Je prends un bain chaud et je mets ma crème de nuit pour peaux sèches.
  20. Vilfredo

    Aujourd'hui, en France

    C'est surtout que tout le monde s'était limite barricadé (Paris I et les lycées du Panthéon ont fermé plus tôt) donc j'imagine qu'ils ont voulu prove them wrong.
  21. Vilfredo

    Aujourd'hui, en France

    Rassemblement d’extrême-droite au Panthéon hier. Le Galloux y était. Ça s’est passé sans incidents mais c’est une drôle d’ambiance: chaque groupe a l’air de se réunir quand l’un des “leurs” a été tué, là ils se font tout de même appeler “les natifs”. Il ne manque qu’un contre rassemblement pour le jardinier agressé et ça sera Gangs of New York 2023
  22. Vraiment? On a des "ingénieurs" qui ressemblent à des personnages de Bob l'éponge plus qu'à l'univers de Giger, un alien (un!) qui n'est quand même pas très beau à la fin, et un vaisseau spatial échoué au sommet d'une colline, mais qui a trouvé le moyen de dévaster la végétation qui est en contrebas (ce qui n'a pas vraiment de sens), tout ceci sans mentionner la prothèse de Guy Pearce, et, puisqu'on parle de l'univers de Giger, et même si ce n'est pas un point strictement "esthétique", le salmigondis des transformations génétiques, parce que c'est ça qui est le plus important dans l'univers de Giger: si je me souviens correctement, donc, le mec de Noomi Rapace, parce qu'il est très con (comme tout le monde) et enlève son casque d'oxygène sur une planète étrangère pour fumer une cigarette (! mais je passe), attrape un parasite dans son oreille, baise Noomi Rapace et le lui transmet, il se développe en calamar blanc étrange qu'elle se fait arracher en césarienne par un appareil de chirurgie designé pour les hommes (je passe...), et doit encore féconder un ingénieur pour donner naissance à... un truc, qui certes ressemble plus ou moins à un alien tel qu'on en voyait dans la saga originale. Ce délire avec ce que j'ai presque envie d'appeler les "médiations" de la génération de l'alien est doublé dans Covenant, parce que là on ne sait même plus par où l'alien sort: il sort parfois par la bouche, parfois par le dos, jamais par les fesses dans mon souvenir, mais c'est assez libre.
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