Ok, et bien je me me lance.
D'abord, j'ai une question d'ordre "philosophique" et une première question d'ordre économique.
Je sais que la base de votre pensée est la liberté de choix pour les individus, partout, tout le temps. C'est ainsi que vous affirmez contre les marxistes que l'individu est libre en signant un contrat de travail car personne ne l'attaquera s'il ne fait pas. Je ne peux que vous donner raison sur ce point si l'axiome de base et le principe de non-agression. Mais il semble qu'un problème se pose de façon évidente : le famille. La famille est, sur le plan de la socialisation et de l'autorité, une institution en grande partie totalitaire. Les enfants y sont façonnés, déterminés, parfois battus, détruits. C'est pour moi le premier exemple de contradiction entre absence E'état et liberté. S'il n'y a aucune obligation d'inscription à l'école publique par exemple, l'enfant peut rester toute la sainte journée dans les mains de parents terriblement violents. Du coup, pas de cantine scolaire et donc les parents peuvent mal nourrir leur enfant, etc. Dans votre système, ce problème peut-être réglé par le droit. Mais il est impossible physiquement et mentalement pour un enfant de porter plainte. La seule solution, très bancale, serait éventuellement une dénonciation par un voisin. C'est cette première remarque qui amène chez moi l'idée que de toute façon le déterminisme existe et que dés lors, la question est de favoriser collectivement le moins oppressant, le plus épanouissant possible, c'est à dire celui qui rend l'individu le plus heureux et le plus libre. C'est ce qui amène en l'occurence, à mon avis, à défendre une école publique forte qui offre le même épanouissement personnel à tous ses élèves.
Ma deuxième question est une question plutôt économique. Pour mettre en avant les échecs du communisme, vous citez, à raison le Chine et l'URSS. Pour mettre en question "l'échec" de la sociale-démocrate, vous citez la France, sa dette publique et son chômage de masse (qui pourrait être réglés, selon moi, autrement que par la libéralisation). Est-ce que vous vous intéressez un peu aux états-providences scandinaves ? A noter que ces pays sont souvent assezsympas niveau libertés publiques mais beaucoup moins niveau immigration mais que ce n'est pas le sujet que je vais aborder. Ces pays ont un niveau de redistribution à peine plus faible qu'en France (autrefois il était plus élevé et ça allait tout aussi bien voire mieux), un nombre énorme de fonctionnaire par rapport à la population active (bien plus élevé qu'en France), une gestion des entreprise bien souvent plus "socialiste" (cogestion en Suède notamment) et, en général de très bons résultats sur tous les fronts :
- Leur taux d'emploi est écrasant - ce qui amènerait à remettre en question l'idée selon laquelle l'état-providence s'oppose au travail -. Les taux de chômage sont un peu plus élevés que dans les pays plus libéraux mais c'est lié à d'autres facteurs peu glorieux (plus faible taux d'emploi des femmes, chômeurs découragés).
- Leur PIB par habitant est à peine plus faible que l'Australie, les U.S et le Canada et les inégalités sont plus faibles ce qui implique que les pauvres y vivent probablement mieux. Je sais que vous n'aimez pas les indicateurs d'inégalités relatives donc je vais mettre en avant ce constat : le revenu des pauvres y augmente comme rarement ailleurs, notamment par rapport aux États-Unis où il augmente très faiblement.
- Les indicateurs d'éducation sont en général très bon, en Finlande notamment. La Suède fait exception notamment, je le crois, à cause de l'échec du principe des chèques-éducation.
- La situation macro-économique est saine (en fait jusqu'à la crise du COVID-19), les dettes publiques et les déficits sont contrôlés.
- Les indicateurs de "'bonheur" (à prendre avec des pincettes oui) sont très bons.
En général quand je m'intéresse à ces pays sur les sites libéraux, on défend deux thèses : 1) leur modèle socio-démocrate authentique a échoué dans les années 1990 2) désormais, ils se sont libéralisés et tout va mieux. À cela, je répondrais.
1) Je trouve cela d'assez mauvaise-foi. Pour prendre l'exemple de la Suède, avant l'immense crise du début des années 1990, avec une dépense publique à 60% du PIB, le pays était au plein emploi (1,5% de chômage) et la dette publique avait finie par être plutôt controlée. Je n'ai pas beaucoup d'indicateurs sur le pays à l'époque mais en tout cas, l'état providence réussissait dans sa fonction d'activation (création d'emploi), l'espérance de vie était très élevée (elle était à l'époque supérieure à celle de l'Italie qui était un champion mondial) et Ies inégalités étaient extrêmement faible.
2) Effectivement, ces pays figurent désormais en bonne position des indices de libéralisme. Cependant, rien qu'au début des années 2000, le taux de prélèvement obligatoire en Suède tutoyait les 50% du PIB (au dessus du niveau français actuel) et le pays était en forte croissance. On va faire abstraction de la question du succès ou non de la dérégulation des marchés. Mais en tout cela prouve bien une chose : l'état-providence réussit dans sa fonction d'amélioration du bien-être et de réduction des inégalités et il ne détruit pas l'économie, ne détruit pas le travail.
Je termine en précisant que les raisons qui expliquent selon moi les problèmes français sont un capitalisme particulièrement immoral, avec des distributions de dividendes extrêmement élevées au mépris de l'investissement qui devrait être au moins nuancée par une très forte cogestion, une industrie tuée par un mauvais système de formation qui fait que nous en produisons pas de la qualité (le coût du travail industriel est plus faible qu'en Allemagne, nous n'avons donc pas de problème de compétitivité-coûtà, un système scolaire terriblement inégalitaire et l'euro qui est un erreur de bout en bout.