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Jusnaturalisme, Objectivisme Et Hobbesianisme


Messages recommandés

Bonjour à tous.

Je repasse en coup de vent dans la discussion…

J'ai jeté un coup d'oeil en diagonale sur le premier des documents expliquant le Droit Nat recommandés par Ronnie… S'agissant de la problématique du Droit Nat, vous avez compris un peu ma position : il ne peut exister de Droit Nat indépendamment de l'impératif catégorique kantien. Un Droit " objectivement Naturel" consisterait, autrement, à valider (comme "devoir-être") ce que nous observons dans le réel (en tant qu'"être").

Or, mes contradicteur me disent : "Mais si ! Il existe un Droit naturel, indépendant des abus du Droit positif, que nous observons néanmoins dans la Nature (humaine), sans invoquer quelque transcendance ou impératif catégorique". Quant à ce Monsieur Dun, il ajoute : "C'est le Droit conforme à l'ordre du monde".

Je me suis dit : "Mais de quoi peuvent-ils bien parler ? L'ordre du monde ? C'est l'ordre des Etats. Est conforme à l'ordre du monde tout ce qui arrive. Il est impossible de violer les lois physiques, comme le fait remarquer Alain Sokal".

Et puis j'ai pensé à la notion physique d'entropie, laquelle implique la néguentropie. Cette notion objective d'ordre implique la notion de désordre, d'où son intérêt.

Effectivement, Monsieur Dun explique que dans le cadre des système non-libres, "on ne sait pas qui a fait quoi", et donc on ne sait pas qui est responsable de quoi. C'est à dire à qui on doit en vouloir si on subit par exemple un préjudice. Exemple : dans une démocratie, l'électeur, dans un scrutin à bulletin secret, n'est pas tenu responsable de son vote, donc il n'a pas à en subir individuellement les conséquences. ça me fait d'ailleurs penser à la critique de la démocratie par Léo Strauss dans Nihilisme et politique : il compare l'électeur dans son isoloir au souverain hobbésien. Dans l'un et l'autre cas, on s'en remet à la sagesse d'un individu irresponsable. C'est les inconvénients de ce qu'il nomme "le projet moderne".

"L'ordre naturel", ainsi entendu, serait aux relations humaines ce que la néguentropie est aux Sciences Physiques : une valeur mesurée objectivement. Le Droit Naturel, ce serait donc la règle de Droit qui permet de juger chaque individu en fonction de son comportement.

En cela, le Droit Naturel est bien objectif. En revanche, il est toujours subjectif (ou axiomatique) de dire "Il faut ou il ne faut pas appliquer le droit Naturel".

> Si l'on pense "il est moral que l'on sache qui a fait quoi", alors, il est moral d'appliquer le Droit Naturel (l'impératif catégorique ou la transcendance nous y exhortent).

> Si l'on est david-friedmannien, c'est à dire un libertarien "hobbésien" (égoïste intégral), on pensera sans-doute : "J'ai intérêt à laisser les gens libres afin d'accéder à un maximum d'informations pour agir en connaissance de cause. Ainsi je pourrai maximiser égoïstement ma propre 'utilité'…". Paradoxalement cet hobbésianisme david-friedmannien débouche sur un certain utilitarisme en admettant (implicitement) que tout le monde a intérêt à laisser circuler le plus d'information possible. La somme des utilités individuelles est supposée maximale dans un tel contexte de liberté (Mais évidemment, chaque individu étant à lui-même sa propre fin, l'argument utilitariste n'est utile que pour convaincre chaque individu pris séparément : pourquoi ne bénéficierait-il pas du bonheur de tous ?).

> Cette supposition quant au fait que tout le monde ait intérêt à une information maximale sur ce qu'a fait chacun est peut-être téméraire.

Après tout, l'ignorance peut être rationnelle. Je peux anticiper le fait qu'apprendre certains trucs sera pour moi une perte de temps. Si j'ai un QI de 90, je peux penser que je ne profiterai pas des bienfaits d'une société "complexe". Anticiper ma propre connerie, ce n'est pas m'enfoncer dans ladite connerie, c'est simplement une humilité raisonnable. Autrement dit, l'ignorance rationnelle n'est pas "anticonceptuelle", comme diraient les Objectivistes. Anticiper mon incapacité à tirer profit de certaines "informations" ne signifie pas "nier mon libre arbitre".

Bien sûr, il reste l'argument moral : n'est il pas "bien" de considérer comme "juste" le fait que chacun soit tenu responsable de ses actes (que l'on sache qui a fait quoi) ? Pas si l'on est un tenant de la morale cyrénaïque (c'est à dire, plus trivialement, la morale du "chacun sa merde")…

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Coïncidence tout-à-fait dans le sujet, Je suis tombé, en lisant des commentaires dans "La page libérale", sur ceux d'un certain Ralph, lequel aurait initié Mickaël Mithra au libéralisme. Ce Ralph, bien que libertarien, n'admet pas les théories du Droit Naturel. Il souhaite, si j'ai bien compris, réhabiliter le libéralisme classique comme discipline hypothético-déductive (Après tout, s'agissant d'additionner les utilités, on pose une hypothèse au départ et on regarde si les faits semblent à peu près la valider ; si oui, c'est un paradigme satisfaisant en attendant d'en trouver un autre plus performant). Il fait par ailleurs remarquer que les partisans de la démocratie se comportent implicitement comme des "ignorants rationnels". Son libertarianisme implique enfin l'athéisme.

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Or, mes contradicteur me disent : "Mais si ! Il existe un Droit naturel, indépendant des abus du Droit positif, que nous observons néanmoins dans la Nature (humaine), sans invoquer quelque transcendance ou impératif catégorique". Quant à ce Monsieur Dun, il ajoute : "C'est le Droit conforme à l'ordre du monde".

Bonjour,

Je viens de m'inscrire sur votre forum et j'avoue ne pas avoir les mêmes opinions que vous sur beaucoup de sujets. En parcourant ce site, j'ai été frappé par sa qualité et j'ai pensé qu'il serait enrichissant pour moi et pour vous de confonter nos points de vue.

En exergue de l'histoire à la philosophie politique de Strauss et de Cropsey, il est écrit ceci : "la nature humaine n'est pas connue par nature". L'évolution dans le temps de ce concept de droit naturel (des Anciens, aux philosophes chrétiens puis aux contractualistes) démontre sa maléabilité au gré de l'Histoire des sociétés humaines. Par conséquent, pour éviter de sombrer dans ce néant qu'est le relativisme, l'impératif catégorique kantien est la meilleure conception possible du droit naturel.

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En exergue de l'histoire à la philosophie politique de Strauss et de Cropsey, il est écrit ceci : "la nature humaine n'est pas connue par nature". L'évolution dans le temps de ce concept de droit naturel (des Anciens, aux philosophes chrétiens puis aux contractualistes) démontre sa maléabilité au gré de l'Histoire des sociétés humaines. Par conséquent, pour éviter de sombrer dans ce néant qu'est le relativisme, l'impératif catégorique kantien est la meilleure conception possible du droit naturel.

Salut à toi,

je dois avouer que c'est ce que je me dis de plus en plus.

Mais, je n'ai pas trop le temps de développer maintenant, mercredi je pourrais, ainsi qu'un billet sur le jusnaturalisme. (A vrai dire, je ne crois décidement plus que l'on peut séparer morale et droit, mais je m'en expliquerai).

D'ailleurs, à propos, hobbes, tu as très bien posé le problème de l'avortement et de la définition de la nature humaine, avec d'abord celle de l'ensemble de l'humanité qui est en extension : soit on accepte le foetus, soit on ne l'accepte pas… Question d'axiome, et cet axiome détermine tout le reste.

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Hobbes, j'ai réflechi un peu au hobbésiannisme pendant ces vacances, avec un QSJ à la main, et sous le soleil brillant de milles feus, et je me disait la chose suivante.

Tout droit implique des devoirs. En effet, pour un libéral dans l'hypothèse d'isonomie, un droit implique le devoir de respecter ce même droit chez autrui. Ce qui limite d'ailleurs ce droit.

Et il m'est apparu d'ailleurs, que ce n'était nullement le cas pour un modèle basé sur le hobbésianisme : il y a fondamentalement le droit à la sécurité, et dans l'état de nature, c'est un droit naturel que chacun possède. Mais, ce droit n'implique aucun devoir, pas même celui de ne pas empiéter sur le même droit d'autrui. Je trouve cela fort curieux. Dans l'hypothèse du droit naturel moderne, toute droit représente le domaine d'action légitime pour l'individu, et pour autrui. Si jamais il est légitime que j'entreprenne une action (pour me proteger) que quelqu'un d'autre m'empeche légitimement de faire (pour se proteger), il n'y a de fait plus de légitimité d'action, puisque chacun empiéte les droits des autres légitimement, alors que c'était un de leurs domaines légitimes.

En fait, le droit à la sécurité hobbésien ne me parait même pas exister, puisqu'il n'implique aucun principe de justice (impossibilité de départager les légitimités) ni aucune légitimité dans l'action. Si on prend le droit comme "la régle ou mesure qui permet de départager deux ou plusieurs personnes en relation d'alterité", alors il est clair que ce droit à la sécurité n'en est pas un, puisqu'il ne permet de régler aucun conflit.

En fait, je trouve la démarche hobbésienne très perverse, puisque c'est l'état d'anomie qui reste dans l'état de nature et considérer que seul n'est valable le droit à la sécurité implique l'état d'anomie, et donc consubstanciellement la guerre de tous contre tous. En fait, il apparait nettement que c'est l'hypothèse de départ de Hobbes, et que malheuresement, elle est fausse (puisque négociation et accord clanique, il y a, pour éviter cette guerre)

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Tout droit implique des devoirs. En effet, pour un libéral dans l'hypothèse d'isonomie, un droit implique le devoir de respecter ce même droit chez autrui. Ce qui limite d'ailleurs ce droit. Et il m'est apparu d'ailleurs, que ce n'était nullement le cas pour un modèle basé sur le hobbésianisme

Oui ben justement : oublie. Je comprends que tu fasses cette remarque parce qu'il s'agit d'un malentendu lié au vocabulaire hobbésien, qui est très spécifique. Si l'on définit le Droit comme en ensemble de règles égales pour tous (donc conformes au critère d'isonomie), alors, effectivement, l'étatisme, quel qu'il soit, viole le Droit. C'est la définition du Droit des Objectivistes ; je n'en ai jamais disconvenu. Il tentent de démontrer que leur conception du Droit est la seule qui ne soit pas autocontradictoire (si l'on donne bien au mot Droit la même définition, impliquant l'isonomie). Et, je peux imaginer qu'ils aient raison sur ce point.

Mais alors, de quoi parle Hobbes lorsqu'il parle de "droit naturel" ? Tu connais sans doute la fameuse distinction "droits subjectifs/Droit objectif". Les premiers sont des prérogatives dont peuvent se prévaloir les individus au regard du second, qui est l'ensemble des règles auxquels ils sont soumis. Donc, effectivement, si l'on pose l'exigence d'isonomie dans notre définition du Droit (naturel), cela signifie que chacun doit disposer des mêmes droits subjectifs : les Objectivistes peuvent alors facilement démontrer que l'Etat ne respecte pas le Droit. Mais lorsque Hobbes parle de "droit naturel", il ne parle que de droits subjectifs indépendants de tout système de Droit objectif ! Il s'agit en réalité des droits naturels hobbésiens et non du Droit naturel ! Les droits subjectifs hobbésiens ne doivent pas être compris comme impliquant des devoirs chez autrui. En fait, le Droit "à sa propre conservation" de Hobbes n'est pas un droit "à la vie" mais plutôt un droit "de vivre", d'essayer de vivre si les autres nous le permettent. Mon droit d'essayer de vivre n'implique pas mon devoir de respecter la vie de l'autre.

Quel est l'intérêt des droits naturels hobbésiens si l'on ne peut les rassembler dans un corpus de règles égales pour tous ? Il s'agit simplement de remarquer que chacun essaye de survivre, y compris au détriment d'autrui, s'il le faut. On le comprend bien : la distinction entre "prescriptif" et "descriptif" proposée par Kelsen est, ici encore, très utile. Malgré le vocabulaire empruntant au registre juridique, normatif, il s'agit bien ici d'un discours factuel, d'où sans doute le malentendu.

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Mais alors… le discours hobbésien ne contient-il aucune dimension "prescriptive", "normative" et seulement des énoncés "factuels" ? En effet, le discours hobbésien est très peu "prescriptif", sauf à certains égards. Récapitulons ce qui est proposé comme "factuel" par Hobbes (faits non pas directement observables, mais théorie devant rendre compte du réel) :

1 besoin de garantir sa propre existence ("droit naturel" à sa propre conservation)

2 égal pouvoir de nuisance des individus

3 une "loi naturelle" nous pousse à sélectionner le meilleur moyen d'assurer notre survie parmi tous ceux que notre "droit naturel" nous autorise. En vertu de cette "loi", nous comprenons que nous ne remporterons jamais la guerre de tous contre tous (à cause de 2). C'est pourquoi nous renonçons à l'exercice de notre "droit" et choisissons d'obéir à un souverain, dans la mesure ou chacun en fait autant. C'est le "contrat social" que nous passons avec autrui (ne pas confondre avec le contrat social rousseauiste. Il faut aussi noter que pour Hobbes, le souverain n'est pas partie au contrat). Nous pouvons toujours dénoncer le contrat, mais alors, nous retombons dans la guerre de tous contre tous et l'Etat auquel nous renonçons à obéir devient un gang ennemi ordinaire, à charge pour nous de nous défendre contre lui.

Cette théorie rend-elle bien compte des faits ? A chacun de savoir si elle lui convient pour décrire le réel. Ce n'est qu'un paradigme… Ceci dit, il doit être difficile d'adopter à la fois le hobbésianisme "factuel" et le libertarianisme "moral". Faire le choix moral de combattre l'Etat reviendrait alors à s'infliger le supplice de Sisyphe. A l'impossible nul n'est tenu, peut-on penser. Quoique… la théorie hobbésienne, comme toute théorie à prétention scientifique, ne se proclame pas absolument "vraie", mais seulement satisfaisante pour décrire ce que l'on connaît du réel. Et si l'énoncé factuel hobbésien se révèlait faux ? Imaginons que l'anarcho-capitalisme triomphe un jour : selon les libertariens, nous aurions librement pris notre parti du Mal en le présentant comme une composante insurmontable de la nature humaine. Attention ! Sur le plan moral, il y aurait bien faute dès le départ (selon les libertariens), mais sur le plan "scientifique", c'est seulement avec la disparition effective de l'Etat - au profit du Droit Naturel, non de l'anomie à la somalienne - que la théorie hobbésienne pourrait être infirmée (de la même façon que certaines découvertes infirment la mécanique newtonnienne). Or, justement, c'est bien à cette seule exactitude scientifique que prétend la théorie hobbésienne (à ce stade).

Cela reste vrai pour la "grande alternative" proposée par Mélodius entre Droit Naturel et anomie-étatisme. Hobbes prétend que cette grande alternative est déjà tranchée au plan factuel en faveur du second terme : la nature humaine est ainsi. Hobbes ne propose pas de jugement moral accompagnant cet énoncé factuel. Il ne fait pas, ici, la fameuse confusion entre "être" et "devoir-être". Si Hobbes se trompe sur cette "grande alternative", c'est seulement sur un plan factuel. D'un point de vue moral, il n'a formulé aucun jugement, donc ne peut avoir "tort" (sauf dans son absence de parti-pris).

Vous faites donc bien ce que vous voulez :

> adoptez-vous oui ou non la théorie factuelle hobbésienne ? ça n'est qu'un paradigme, donc elle peut être "dépassée" un jour.

> Qu'en est-il de votre morale ? si vous acceptez la théorie hobbésienne "factuelle", votre morale vous impose-t-elle, malgré tout, de combattre avec peu, voire aucune chance de vaincre ? A ce stade, il nous reste l'option d'agir en désespoir de cause, si nous voulons respecter telle ou telle morale donnée.

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Et l'aspect "prescriptif" ? On peut le rencontrer de temps en temps en lisant Léviathan. Jusque là, disions-nous, Hobbes n'a proposé aucune "norme", aucune "valeur". Il en est ainsi pour la "grande alternative" de Mélodius (Droit Nat contre étatisme-anomie). Hobbes considère cette alternative comme factuellement tranchée (et disions nous une théorie de ce genre doit toujours être confrontée aux faits). Mais, si l'on tient pour acquis, comme Hobbes, que nous somme forcé de vivre dans l'étatisme-anomie (et que le triomphe du Droit Naturel libertarien est factuellement inenvisageable), nous pouvons cependant considérer une "petite alternative" entre étatisme et guerre civile. Et justement, tandis que Mélodius se désintéresse au plan moral de cette "petite alternative" (puisqu'il n'obtient pas satisfaction sur la grande), là, Hobbes PROPOSE BIEN, semble-t-il, UN JUGEMENT DE VALEUR sur cette "petite alternative" : l'étatisme lui paraît préférable à la guerre civile.

En quoi l'étatisme est-il préférable à la guerre civile ? Hobbes pense-t-il que l'étatisme est souhaitable pour le "bien commun" ? Pas vraiment. Le "souverain Bien " n'existe pas. La morale hobbésienne semble en effet "cyrénaïque". Même au paradis, l'homme poursuit la recherche de son seul plaisir (voir la troisème partie de Léviathan). L'individu est à lui-même sa propre fin. C'est le constat du hobbésianisme factuel ; c'est aussi une "valeur" du hobbésianisme "moral". Le hobbésianisme comme énoncé factuel concerne la "grande alternative" Droit Nat/étatisme-anomie ; le hobbésianisme comme valeur concerne la "petite alternative" étatisme/guerre civile. Après avoir répondu à la question factuelle ("Hobbes décrit-il bien le réel"), je peux répondre à la question morale ("Dois-je obéir à l'Etat"). La question se traduit finalement par : "l'Etat est-il bon pour moi ?". Là encore, je réponds "oui" : non seulement Hobbes décrit bien le réel mais, en plus, il est bon d'obéir à l'Etat.

Mais l'individu est libre de sa morale. Moi j'adopte la morale hobbésienne. Maintenant tu fais comme tu veux. Tu peux aussi considérer que "la guerre civile et le joug étatique, c'est pareil". De toutes façons, les hobbésiens ne "demandent" rien aux libertariens, puisqu'ils comptent sur l'Etat pour conjurer la guerre civile. Ce sont les libertariens qui "demandent" aux hobbésiens de cesser de les opprimer. Moi, je me fiche des droits naturels libertariens que Mélodius me reconnaît. Je ne compte pas la-dessus pour garantir ma sécurité.

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malheuresement, [l'hypothèse de l'anomie] est fausse (puisque négociation et accord clanique, il y a, pour éviter cette guerre)

Attention ! ça dépend de ce qu'on entend par "anomie"… Si l'anomie, c'est le viol du Droit Naturel, nous sommes en anomie, qu'il y ait guerre civile ou étatisme. C'est bien ce que disent les libertariens. Que les individus sortent de la guerre civile pour subir un joug étatique n'implique pas qu'ils sortent de l'anomie, d'un point de vue anar-cap.

Si, par contre, l'anomie, c'est seulement la guerre civile, alors Hobbes ne dit pas que nous soyons condamné à cette "petite anomie". Il dit que l'homme s'octroie le droit de faire du mal à autrui quand c'est son intérêt. Il ne dit pas qu'il choisit nécessairement ce comportement. S'il pense qu'il a plus à gagner en tentant une trève avec autrui, il essayera cette solution. La guerre de tous contre tous hobbésienne n'est pas tout à fait "le chaos" de Carl Schmitt. Malgré l'instabilité de l'état de nature, les hommes gardent le pouvoir de maîtriser une partie de leur destin grâce à leur faculté de discernement : leur raison naturelle.

Rousseau critique Hobbes en disant qu'il n'existe pas de raison sans langage : comment pourrions-nous devenir raisonnables dans l'état de nature ? Je ne suis pas sûr de cela. Les animaux effectuent bien quelques raisonnements basiques. Dans la guerre de tous contre tous, nous sommes amenés à construire des coalitions pour combattre nos ennemis. Ceux qui sont momentanément en difficulté ont vite intérêt à s'entendre contre ceux qui ont le dessus. Lors de la constitution de ces colaitions provisoires, les hommes ont peut-être l'occasion de développer leur langage et leurs facultés conceptuelles…

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Whargh, c'est très long; merci, pour ce texte, il est très interessant, nonobstant sa longueur.

Oui ben justement : oublie. Je comprends que tu fasses cette remarque parce qu'il s'agit d'un malentendu lié au vocabulaire hobbésien, qui est très spécifique. (…) Il s'agit en réalité des droits naturels hobbésiens et non du Droit naturel ! Les droits subjectifs hobbésiens ne doivent pas être compris comme impliquant des devoirs chez autrui.

OK, d'accord. Avec ces distinctions sur le droit, je vois mieux de quoi tu veux parler.

Néanmoins, j'ai du mal à parler de quelconques droits pour quiconque dans un état de nature hobbésien, alors même qu'ils sont sensés fournir une légitimité à l'action. Si chacun a la légitimité de se défendre pour conserver sa vie, et pour se proteger (donc, de tout faire, sans aucune régle), cela revient à légitimer tous les comportements, et donc à évacuer totalement la notion de légitimité, si tu ne peux plus discriminer ce qui est légitime de ce qui ne l'est pas.

3 une "loi naturelle" nous pousse à sélectionner le meilleur moyen d'assurer notre survie parmi tous ceux que notre "droit naturel" nous autorise. En vertu de cette "loi", nous comprenons que nous ne remporterons jamais la guerre de tous contre tous (à cause de 2). C'est pourquoi nous renonçons à l'exercice de notre "droit" et choisissons d'obéir à un souverain, dans la mesure ou chacun en fait autant. C'est le "contrat social" que nous passons avec autrui. Nous pouvons toujours dénoncer le contrat, mais alors, nous retombons dans la guerre de tous contre tous et l'Etat auquel nous renonçons à obéir devient un gang ennemi ordinaire, à charge pour nous de nous défendre contre lui.

Bon, je vais te reposter un texte que j'ai mis sur le forum minarchiste, car c'est tout à fait dans le sujet.

Paradoxalement, dans une perspective scientifique, je reproche à Hobbes son approche individualiste. Je m'explique.

Je vois l'état de nature comme une fiction, une expérience de pensée. Alors, l'individualisme de Locke me parait interessant, ou celui de Rothbard, via la robinsonade, pour discerner comme un individu lamda agit indépendament des autres. C'est un moyen pour déterminer ses nécessités, ses spécificités invariants, en deux mots : sa nature. Il s'agit réellement d'une expérience de pensée pour voir quels sont les spécificités de l'homme, et poser les hypothèses pour une étude des droits naturels.

D'un autre coté, je vois Hobbes, et il représente, dans une conception un peu batarde, à la fois un individualisme et les individus "en société". Là, le modéle perd tous ses avantages, puisque dans ce cas, nous sommes en train d'essayer de resconstituer la légitimité de l'Etat à partir de faits… Mais, ces faits sont malheureusement (ou heureusement) à mille lieux de la manière dont les choses se sont passées. Pour la simple raison, que la structure de la société était dans ce qu'on pourrait appeler l'état de nature, fondamentalement clanique, et donc collective, en niant les individualités. L'avantage d'avoir un modèle factuel s'efface devant des hypothèses farfelues, au regard de la manière dont les choses se sont réellement passées.

Je trouve même que le raisonnement hobbésien est fondamentalement vicié, car il inclut dans ses hypothèses, non vérifiées dans l'Histoire, une anomie (le droit de faire toute action de manière légitime est, pour moi, équivalent à l'absence de tout droit. Car dans les deux cas, on ne peut pas discriminer la légitimité de l'illégimité) de l'état de nature, contient en lui-même la conclusion de l'état de guerre de tous contre tous, et donc de l'aliénation de la liberté.

J'ai l'impression que le point où Hobbes acchope, c'est qu'il propose pour sortir de l'état de guerre de tous contre tous, un contrat one shot, alors que son raisonnement aurait pu légitimer un contrat à plusieurs coups.

Alors, je me cite, à propos :

Je propose ma propre explication, à l'aune notamment de la lecture de l'Invention de l'Etat. Tout d'abord, je suppose que tu souhaites que je définisse le terme d'"état de nature", je suppose : je te propose donc "état pré-étatique".

Ce terme n'implique donc aucun jugement qualitatif sur la situation dudit "état de nature", je vais essayer d'être pratique.

Premièrement, je remarques que l'on se situe dans un état de nature, qui est bien antérieur à notre époque actuelle, que les individus vivent donc dans une promiscuité, et que chacun défend son bout de gras par ses propres moyens.

Seulement ils se trouvent que les individus (et cela est amplifié par l'organisation clanique) se regroupent en clan, et se subordonnent à leur leader pour se défendre vis-à-vis de leurs ennemis que sont les prétateurs divers et variés et les autres clans.

Bien, dans ce cas, il n'y a absolument aucun risque que le danger vienne de l'intérieur, c'est à dire que leur leader les spolient de leurs biens ou leurs enlévent la vie, du fait de la promiscuité, et de la petitesse des groupes tribaux. (On retrouve ici l'hypothèse hobbésienne : dans un clan, même le plus faible peut assassiner le plus fort). Et de toute façon, même si cette hypothèse n'était pas réalisée, il importe peu : le leadership est toujours précaire, puisque le statut de "plus fort" est variant.

Bien donc, dans un premier temps, on a bien des organismes qui ne violent pas (trop) la liberté de leurs membres.

L'étape suivante? L'habitude de cette autorité, l'augmentation de la distance hierarchique grace et par l'augmentation de la taille du groupe, et des différentes fonctions, et donc de cette multiplicité, l'apparition de menaces internes coercitives pour le plus grand nombre. Défense qui augmente bien vite jusqu'à prendre des proportions despotiques.

By the way, ce que je veux dire, c'est que l'organisation étatique est plus une conséquence de la nature clanique de cet état de nature, que d'une lutte entre différentes "mafias". Je dirai presque que : dans un état de nature où régne a priori la violence, les hommes s'accordent plus ou moins entre eux pour se défendre chacun, et étant dans des clans, cela devient le vecteur de leur défense. Et le leadership du clan ne fait qu'empiéter de son pouvoir "naturellement" au fur et à mesure que sa distance à la population, et le contrôle social entre les individus diminuent.

Je voulais dire : l'abscence d'utilisation de la coercition n'a jamais eu cours dans l'histoire, et il n'existe à proprement parler pas d'état de nature pré-étatique, dans l'Histoire de l'humanité, vu que la structure clanique est de facto une structure au "monopole de la violence légitime".

Qu'en est-il de votre morale ? si vous acceptez la théorie hobbésienne "factuelle", votre morale vous impose-t-elle, malgré tout, de combattre avec peu, voire aucune chance de vaincre ? A ce stade, il nous reste l'option d'agir en désespoir de cause, si nous voulons respecter telle ou telle morale donnée.

Whouh, je ne suis pas anarcap personnellement, mais minarchiste (la question du droit de secession restant très en suspens chez moi).

Et justement, tandis que Mélodius se désintéresse au plan moral de cette "petite alternative" (puisqu'il n'obtient pas satisfaction sur la grande), là, Hobbes PROPOSE BIEN, semble-t-il, UN JUGEMENT DE VALEUR sur cette "petite alternative" : l'étatisme lui paraît préférable à la guerre civile.

Le problème est que les guerres civiles ne sont en général pas tout à fait étrangères au comportement de l'Etat, et que même l'étatisme porte bien souvent en lui les germes d'une telle guerre.

Effectivement, je préfére l'étatisme à la guerre civile; mais la question suivante reste toujours : jusqu'à quel point limiter le pouvoir de l'Etat pour garantir la liberté des individus sans pour autant provoquer la guerre civile? L'étatisme total n'est-il pas le meilleur moyen pour avoir une telle guerre civile? (je parle sous l'hypothèse de minarchisme ici).

Je dirai même que le hobbésianisme justifie à la limite l'existence de l'Etat, mais ne justifie nullement son étendue pour contrer une telle hypothétique guerre civile.

Après avoir répondu à la question factuelle ("Hobbes décrit-il bien le réel"), je peux répondre à la question morale ("Dois-je obéir à l'Etat"). La question se traduit finalement par : "l'Etat est-il bon pour moi ?". Là encore, je réponds "oui" : non seulement Hobbes décrit bien le réel mais, en plus, il est bon d'obéir à l'Etat.

Qu'est ce que j'y gagne, qu'est ce que j'y perd? Peut-être. Cela n'empéche pas de vouloir, pour un tas de raison, un terme de l'échange plus favorable à soi-même vis-à-vis de l'Etat (indeed, limiter son pouvoir). Obéir à l'Etat, tout le monde le fait ici, pour les missions fondamentales. Remettre en cause des législations non fondamentales qui n'ébranlent pas son pouvoir (droit positif à l'exclusion de toutes ses références naturalistes), c'est néanmoins toujours acceptable, puisque tu ne remets en cause que ce qui ne menace pas l'existence de l'Etat, et donc les garanties qu'il t'apporte.

Attention ! ça dépend de ce qu'on entend par "anomie"… Si l'anomie, c'est le viol du Droit Naturel, nous sommes en anomie, qu'il y ait guerre civile ou étatisme. C'est bien ce que disent les libertariens. Que les individus sortent de la guerre civile pour subir un joug étatique n'implique pas qu'ils sortent de l'anomie, d'un point de vue anar-cap.

Je répète : je suis minarchiste et non anarcap; quant au jusnaturalisme, je m'en éloigne de plus en plus (je veux dire comme normative absolue à la Rothbard). Quand je parle d'anomie, je parle d'absence de régles et de lois, je parle d'absence de droit, quelque soit son contenu normatif (jusnaturaliste rothbardien ou non). Donc, je parle bien d'absence de régles et de droit dans l'état de nature hobbésien, au sens absence total de droit.

Il ne dit pas qu'il choisit nécessairement ce comportement. S'il pense qu'il a plus à gagner en tentant une trève avec autrui, il essayera cette solution. La guerre de tous contre tous hobbésienne n'est pas tout à fait "le chaos" de Carl Schmitt.

Encore une fois, cela justifie historiquement, l'instauration d'une puissance coercitive, et d'un accord entre les individus; mais présupposer que cet accord à un seul coup est consenti revient à passer un grand pas. C'est parce qu'ils ont besoin d'une norme commune de justice que les hommes ont instauré l'Etat, mais cela ne veut pas dire que celui qui a le pouvoir de fixer cette norme à un pouvoir absolu… AHMA

Rousseau critique Hobbes en disant qu'il n'existe pas de raison sans langage : comment pourrions-nous devenir raisonnables dans l'état de nature ? Je n$e suis pas sûr de cela.

C'est en effet, une critique fort faible, et qui me semble un tantinet superficielle.

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Dans la guerre de tous contre tous, nous sommes amenés à construire des coalitions pour combattre nos ennemis. Ceux qui sont momentanément en difficulté ont vite intérêt à s'entendre contre ceux qui ont le dessus. Lors de la constitution de ces colaitions provisoires, les hommes ont peut-être l'occasion de développer leur langage et leurs facultés conceptuelles…

Au coeur de la théorie de Hobbes se trouve cette notion bouffonne de "lutte de tous contre tous". Il est vrai que Hobbes a dû se réfugier en France pour éviter les conséquences des guerres civiles et que sensiblement à la même époque il avait dû entendre parler des horreurs de la guerre de trente ans en Allemagne. Il en a donc conclu que le mode de fonctionnement de son entourage, les politiques, était transposable à l'ensemble de l'humanité. Or cela ne peux pas être le cas. Car avant de se servir d'une épée, d'un arc ou d'une massue il faut d'abord les fabriquer. Avant toute action politique il faut une action économique. Ou pour formuler cela autrement avant le voleur il faut un producteur. Et les besoins et la philosophie des producteurs sont à l'opposé de ceux des voleurs. La nécessité pour eux est la "coopération de tous avec tous".

Sauf a signer son arrêt de mort le voleur ne pourra jamais venir à bout du producteur mais simplement l'exploiter. Et jusqu'à présent ce dernier n'a pas réussi à éliminer le voleur. Pourquoi ? Pour une raison économique d'abord, voler revient beaucoup moins cher que produire. Il y a donc toujours beaucoup de candidats. De plus la surprise et la ruse ayant leurs limites il est très rapidement amené à recourir à la force.

Pour se protéger les producteurs en font de même (car ils n'ont pas le choix) et c'est là que le drame se noue car quelque soit l'issue du combat le producteur va se retrouver sous la domination du traineur de sabre vainqueur du combat. (il n'y a que dans les sept mercenaires que les vainqueurs s'en vont après la victoire en laissant une population sans maitre). Après celui çi en effet, se pose l'éternelle question : " et maintenant qui va me protéger de mon protecteur ?".

Avec de temps la bande de tueurs s'entourent de conseillers et de bureaux et ont se retrouve avec un Etat. Au bout de quelques siècles encore un philosophe surgit (appelons le Hobbes par commodité) et déclare en substance à la population médusée : Non ! l'Etat que vous avez sous les yeux ne vous écrase pas d'impôts pour le plus grand bénéfice de ses membres ou pour vous protéger des bandes rivales qui voudraient en faire autant ! Non ! Il est parfaitement désintéressé et vous protége contre vous même, car sans sa paternelle domination, aveuglé par vos passions, vous passeriez votre temps à vous entretuer. Vous le savez d'ailleurs très bien, si bien que vous n'abandonnez pas votre état de producteur pour vous tranformer en voleur armé.

Loin de ne pas désirer l'Etat vous souhaitez sa présence. Chassez donc de vos esprit toute idée de rébellion.

C'est une jolie histoire qu'on peut raconter aux enfants des écoles et qui a dû résonner agréablement aux oreilles des comtes du devonshire dans la résidence desquels Hobbes s'est éteint.

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Avant toute action politique il faut une action économique. Ou pour formuler cela autrement avant le voleur il faut un producteur. Et les besoins et la philosophie des producteurs sont à l'opposé de ceux des voleurs. La nécessité pour eux est la "coopération de tous avec tous".

Cela suppose une division du travail, et une technique de combat et d'armement assez poussée, ce qui est loin d'être le cas d'un état de nature.

AHMA, le problème hobbésien est fondamentalement méthodologique, a-contextuel, ou plutôt projetant le contexte du XVIéme sur l'hypothètique état de nature.

Sauf a signer son arrêt de mort le voleur ne pourra jamais venir à bout du producteur mais simplement l'exploiter. Et jusqu'à présent ce dernier n'a pas réussi à éliminer le voleur. Pourquoi ? Pour une raison économique d'abord, voler revient beaucoup moins cher que produire. Il y a donc toujours beaucoup de candidats. De plus la surprise et la ruse ayant leurs limites il est très rapidement amené à recourir à la force.

Cela me parait une belle tentative de réputation, et je crois que tu as mis tout à fait le doigt là où est le paradoxe, ou le problème de la théorie hobbésienne : le droit/le politique précéde-t-il ou non l'action économique?

Si on adopte la première position, je crois que la réponse ne peut être difficilement qu'hobbésienne. Le droit, et la coopération est nécessaire à l'établissement de l'économie, et donc de la survie des hommes.

Si on adopte la seconde solution, les hommes produisent d'abord, pour survivre, et ce n'est qu'après, par convoitise, que la violence apparait.

Je vois d'ici hobbes nous répondre la chose suivante : il y a quelques producteurs, il y a plein de voleurs, qui s'approvisionnent chez les producteurs pour survivre ; quand chacun se sera transformé en voleur, plus personne ne pourra manger, et ce sera la guerre de tous contre tous.

Mais, en fait, ce n'est nullement le cas, il y a un point d'équilibre quan les revenus des producteurs et des voleurs sont égaux. Dans ce cas, aucun producteur n'a intérêt à devenir voleur, ni aucun voleur à devenir producteur. Puisqu'il y arrive bien un moment, où il y a tellement de voleurs que le revenu qu'ils peuvent s'accaparer reste inférieur au revenu qu'ils pourraient obtenir s'ils travaillent et se faisaient cependant spolier. (cf. l'Invention de l'Etat de P.Simonnot. Chapitre : Premier système d'exploitation de l'homme par l'homme. Dans le second livre : Une théorie de l'Etat)

Avec de temps la bande de tueurs s'entourent de conseillers et de bureaux et ont se retrouve avec un Etat. Au bout de quelques siècles encore un philosophe surgit (appelons le Hobbes par commodité) et déclare en substance à la population médusée : Non ! l'Etat que vous avez sous les yeux ne vous écrase pas d'impôts pour le plus grand bénéfice de ses membres ou pour vous protéger des bandes rivales qui voudraient en faire autant ! Non ! Il est parfaitement désintéressé et vous protége contre vous même, car sans sa paternelle domination, aveuglé par vos passions, vous passeriez votre temps à vous entretuer. Vous le savez d'ailleurs très bien, si bien que vous n'abandonnez pas votre état de producteur pour vous tranformer en voleur armé.

Tu vas un peu loin là dans l'interprétation antietat :icon_up:, je ne crois même pas que Hobbes ne dit pas que les dirigeants ne profitent pas de leurs situations, mais que les gouvernés ont plus d'intérêt à être sous le régime d'un Etat, que de ne pas l'être…

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Cela suppose une division du travail, et une technique de combat et d'armement assez poussée, ce qui est loin d'être le cas d'un état de nature.

AHMA, le problème hobbésien est fondamentalement méthodologique, a-contextuel, ou plutôt projetant le contexte du XVIéme sur l'hypothètique état de nature.

Cela me parait une belle tentative de réputation, et je crois que tu as mis tout à fait le doigt là où est le paradoxe, ou le problème de la théorie hobbésienne : le droit/le politique précéde-t-il ou non l'action économique?

Si on adopte la première position, je crois que la réponse ne peut être difficilement qu'hobbésienne. Le droit, et la coopération est nécessaire à l'établissement de l'économie, et donc de la survie des hommes.

Si on adopte la seconde solution, les hommes produisent d'abord, pour survivre, et ce n'est qu'après, par convoitise, que la violence apparait

Je penche plutôt pour la seconde position. Mais tout de suite après le piège se referme. Soit le producteur, quand il est sans défense, tombe aux mains du voleur (devenu par nécessité un guerrier). Soit, tôt ou tard selon moi, le guerrier qu'il aura embauché pour se protéger se retournera contre lui. Bien qu'il l'ait sélectionné pour ses muscles et pas pour son cerveau il finira par s'apercevoir qu'il n'y a pas dans l'environnement immédiat plus puissant que lui. Et alors là…il se retrouvera face à la créature qui me sert d'avatar.

Je vois d'ici hobbes nous répondre la chose suivante : il y a quelques producteurs, il y a plein de voleurs, qui s'approvisionnent chez les producteurs pour survivre ; quand chacun se sera transformé en voleur, plus personne ne pourra manger, et ce sera la guerre de tous contre tous.

Mais, en fait, ce n'est nullement le cas, il y a un point d'équilibre quan les revenus des producteurs et des voleurs sont égaux. Dans ce cas, aucun producteur n'a intérêt à devenir voleur, ni aucun voleur à devenir producteur. Puisqu'il y arrive bien un moment, où il y a tellement de voleurs que le revenu qu'ils peuvent s'accaparer reste inférieur au revenu qu'ils pourraient obtenir s'ils travaillent et se faisaient cependant spolier. (cf. l'Invention de l'Etat de P.Simonnot. Chapitre : Premier système d'exploitation de l'homme par l'homme. Dans le second livre : Une théorie de l'Etat)

Sauf cas particulier, je ne crois pas à la pluralité des voleurs de même force sur un territoire donné. Le milieu fonctionne comme un four à pyrolyse, il est auto nettoyant. Les voleurs se font la guerre entre eux (même aujourd'hui sans l'intervention de la police rappelons le) jusqu'à ce que l'un d'entre eux prenne nettement l'ascendant sur les autres, ceux çi sont alors marginalisés, ils deviennent "illégaux", quand ils ne sont pas purement et simplement éliminés. Donc j'ai tendance à penser qu'il y a toujours eu moins de voleurs que de producteurs. Dans ce cas là le pillage du voleur en chef est moins important donc plus supportable et d'autre part les "illégaux" ont contre eux le voleur "légal" et les honnêtes gens ce qui complique leur tâche et fait chuter la rentabilité du vol illégal.

Tu vas un peu loin là dans l'interprétation antietat :icon_up:, je ne crois même pas que Hobbes ne dit pas que les dirigeants ne profitent pas de leurs situations, mais que les gouvernés ont plus d'intérêt à être sous le régime d'un Etat, que de ne pas l'être…

C'est que nous n'avons pas la même définition de la paix. Hobbes dit qu'elle régne parce que l'Etat, par sa présence certes encombrante, empêche les honnêtes gens de s'étriper. Moi je dis qu'elle régne parce que à l'intérieur il a réduit au silence ses concurrents les plus dangereux et à l'extérieur il parvient à tenir en respect ses adversaires, du moins pour le moment.

De toute façon moi entre une potion qui constipe et une autre qui file la chiasse je préfère pas de potion du tout.

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c'est très long

Oui, désolé… :icon_up: et encore - tu me crois ou non - j'ai taillé dedans pour "aller à l'essentiel" . Prends ton temps pour répondre : ça ne me dérange pas… :doigt:

cela revient à légitimer tous les comportements, et donc à évacuer totalement la notion de légitimité, si tu ne peux plus discriminer ce qui est légitime de ce qui ne l'est pas.

Ben ouais : le hobbésianisme est une théorie politique, en fait, pas vraiment une "théorie du Droit" (dans le sens que tu donnes à Droit). Mais si tu es minarchiste, de toutes façons, les Objectivistes vont te dire que ta théorie du Droit est "incohérente", car "ce n'est pas la vraie isonomie".

Quoi qu'il en soit, le vocabulaire hobbésien peut prêter à confusion, comme nous l'avions vu. Par exemple, Hobbes dit que chercher à renverser le souverain est "injuste" et "insensé". Selon moi, la théorie hobbésienne "tient debout" grâce au second terme. Pourquoi, alors mentionner le premier terme ? Gérard Mairet, le traducteur de mon édition du Léviathan, jugeait dans sa préface que la notion de "promesse" (d'où découle "l'injustice" de la désobéissance) lui paraissait la seule vraie faiblesse du système hobbésien. Je me disais "de toutes façon, si l'individu est amoral -ou cyrénaïque -, qu'est-ce que ça peut lui faire de trahir sa parole ? " . Comme dit Hobbes, il est de toutes façons insensé de désobéir : soit l'on se fait punir, soit, même si l'on réussit son putsch, l'on crée un précédent qui encouragera de futures rébellions.

Je pense maintenant (mais c'est juste mon idée) que pour comprendre la notion de "promesse" dans le système hobbésien, il faut repenser à la réflexion que j'avais proposée sur une certaine incohérence des gens soi-disant "révoltés" mais qui n'entreprennent rien de décisif contre l'Etat. Comme le dit Von Mises, je crois : ce qui compte, ce sont les actes, pas les paroles. Par "promesse", on peut comprendre l'idée que les gens manifestent tacitement leur obéissance à l'Etat. Bien sûr, si je fais un putsh, dès que je désobéis, je m'interdis tout droit à l'échec, donc je manifeste clairement ma volonté de désobéir. Mais… et si je ne fais que "résister" ? même si j'agis contre l'Etat, j'accepte encore de bénéficier de ses services. Exemple : les trotskystes qui réclament l'intervention des CRS contre les néo-nazis. Ou encore les néo-nazis qui vont se plaindre à la police du "ZOG" de s'être fait bastonner par le Bétar. Ces gens "luttent" contre l'ordre actuel, mais en même temps ils excipent du Droit positif pour demander réparation. Si le régime qu'ils appellent de leurs voeux voit le jour, comment déterminera-t-on qu'ils ont "collaboré" ou "résisté", lorsqu'il s'agira de punir les partisans de l'ordre ancien ? On pourrait dire à peu près la même chose des anar-caps, d'ailleurs… Finalement, lorsque Hobbes dit "celui qui désobéit à l'Etat est injuste", il veut sans doute dire : "il est incohérent" (c'est en tout cas mon interprétation du hobbésianisme).

D'un autre coté, je vois Hobbes, et il représente, dans une conception un peu batarde, à la fois un individualisme et les individus "en société".

Mouais… On peut toujours interprêter l'apparence de "fusion clanique" comme le bla-bla collectiviste des individus cherchant à se rouler les uns les autres en prétextant de "l'intérêt général".

Là, le modéle perd tous ses avantages, puisque dans ce cas, nous sommes en train d'essayer de resconstituer la légitimité de l'Etat à partir de faits

Non ; je ne crois pas. On ne cherche pas à reconstituer je ne sais quelle "légitimité" de l'Etat dans ton sens de "conformité au Droit objectif isonomique". On cherche :

1 - à expliquer l'existence de l'Etat (aspect factuel).

2 - à expliquer que l'Etat est "utile" (aspect moral). Utile à qui ? A l'intérêt général ? Non. La morale hobbésienne n'est pas "utilitariste" mais cyrénaïque. Utile à chacun (prenons la métaphore du "dénominateur commun") plutôt qu'à tous (ce serait la "moyenne"), donc.

Mais c'est vrai : tu peux trouver que l'Etat ne t'es pas utile (OK je sais, tu n'es que minarchiste, j'y reviendrais) et ne pas reprendre à ton compte l'approbation hobbésienne de l'Etat. Après tout, je ne peux pas savoir ce qui est bon pour toi. Moi, je trouve que l'Etat m'est utile. Pourquoi ? Parce que je ne crois pas à la grande alternative de Mélodius (Droit Nat contre étatisme-anomie) mais à ma petite alternative (étatisme contre guerre civile). Mais ceux qui pensent que l'on pourrait abolir l'Etat (ou en changer radicalement la nature) sans risquer la guerre civile peuvent trouver que l'Etat (dans sa forme actuelle) leur est "inutile".

Whouh, je ne suis pas anarcap personnellement, mais minarchiste

Voilà. Alors justement, j'ai du mal à dialoguer avec le minarchisme. Je me contente en fait de te renvoyer aux réfutations qu'en ont fait les anarcaps : je suis d'accord avec eux sur un point : l'Etat, c'est un "package". On ne peut pas "en prendre et en laisser". A partir du moment où tu admets que l'Etat te prenne du pognon pour faire ceci ou cela, comment distingueras-tu les honoraires légitimes qu'il te demande de la spoliation qu'il t'impose ? Tu pourrais dire, en revanche, la chose suivante : "Ce que fait l'Etat est forcément bien. Certes, s'il me prenait moins d'impôt, alors là, ce serait encore 'mieux' ! ". On pourrais parler de "loyal-libéralisme". Il existerait aussi un "loyal-socialisme" ("L'Etat a toujours raison, mais ce serait encore mieux s'il prenait aux autres pour me donner à moi"). les deux notions devant bien sûr être opposées au socialisme révolutionnaire et au libéralisme révolutionnaire, tous deux illicites.

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C'est parce qu'ils ont besoin d'une norme commune de justice que les hommes ont instauré l'Etat, mais cela ne veut pas dire que celui qui a le pouvoir de fixer cette norme à un pouvoir absolu… AHMA

Celui qui fixe la norme (alors là on parle de norme "positive" et non de norme comme "valeur") a le pouvoir que les autres lui concèdent quand ils se dégonflent de se révolter, c'est à dire souvent. Quand Hobbes dit : "il est bon d'obéir à l'état", cela comprend deux énoncés :

> I Un énoncé à prétention factuelle qui s'applique à tout le monde. Hobbes prétend que nous obéissons à l'Etat pour sortir de la guerre civile.

______On peut décomposer cet énoncé en deux propositions :

______1 les individus obéissent à l'Etat.

______2 En l'absence d'Etat ne peut régner que la guerre civile

______(non le Droit Nat libéral).

> II Un jugement de "valeur" qui ne s'applique qu'à chacun (à moi, en fait, je ne sais pas pour les autres) : avec ma "morale" cyrénaïque, je pose que ce qui est bon pour moi est "Bien". Or, la "loi naturelle" me suggère d'obéir à l'Etat, et de renoncer à l'exercice de mon "droit naturel" (combattre autrui). Pourquoi ? A cause de l'énoncé factuel mentionné plus haut. Donc, nous le voyons bien, le "jugement de valeur" selon lequel "je dois obéir à l'Etat", n'est pas "posé" mais déduit de deux énoncés, l'un à prétention factuelle ("les autres obéissent par crainte de la guerre civile"), l'autre normatif ("il faut favoriser son intérêt personnel").

_____________

Mais, disions-nous, l'énoncé factuel (dont dépend notre "jugement de valeur" condamnant la désobéissance) est double, en fait. Et il se trouve que le hobbésianisme "factuel" est parfois mis en échec par les faits eux-même : le souverain n'est-il pas chassé de temps en temps par un putsch ou une révolution ? Dans ce cas on constate bien l'échec du point -1- de l'énoncé factuel (les gens ont désobéi). Est-ce à dire qu'au plan moral Hobbes désapprouve les gens d'avoir désobéi à leur souverain ? Ne devrait-il pas s'expliquer, plutôt, de l'échec de sa théorie factuelle ?

Certes, si un individu désobéit et se fait punir, Hobbes est cohérent lorsqu'il juge cette personne "insensée" (ou "cyrénaïquement" immorale). Mais si tout le monde désobéit en même temps, la "faute" de l'un ne neutralise-t-elle pas la "faute" de l'autre ? Puisque l'énoncé factuel selon lequel les hommes obéissent (point -1-) est infirmé… Effectivement, dans ce cas, la morale cyrénaïque hobbésienne n'attribue pas une valeur supérieure à l'obéissance, selon moi ; au contraire, elle recommanderait plutôt de "lacher" le souverain en titre, comme tout le monde. Ce dont Hobbes doit répondre, c'est du fait que le souverain soit devenu tellement nul que tout le monde ait jugé préférable de désobéir, non de l'incohérence de sa morale (la supériorité de la "valeur obéissance" a toujours été conditionnée au respect de l'intérêt personnel). Alors, dira-t-on, la "morale" hobbésienne est certes bien sympa, mais elle ne donne aucune directive concrète (obéir ou désobéir) si le volet "factuel" du hobbésianisme échoue. Ici nous voyons bien qu'il s'agit d'une morale conséquentialiste et non déontologique : hélas, nous ne pouvons juger qu'après coup de la conformité de nos actes à notre morale. Je répondrai qu'il faut tirer certaines conclusions de la façon dont le hobbésianisme a factuellement "échoué". L'échec était partiel, disions-nous. Le point -2- du hobbésianisme factuel (on ne peut sortir de l'anomie-étatisme pour obtenir le respect du Droit Nat) semble toujours vérifié : lorsque les gens cessent d'obéir à un chef, ils s'en cherchent aussitôt un autre, dans la plupart des cas. Et s'agissant des "Etats faillis", le non-étatisme qui leur succède s'apparente davantage à l'anomie qu'à l'anarcapland.

Evidemment, on peut toujours faire valoir que l'instabilité du phénomène étatique ne se distingue pas fondamentalement de la guerre civile. On ne garantit pas notre sécurité en étant loyal au gouvernement puisqu'un nouveau régime pourrait nous reprocher notre fidélité au régime passé. Si nous considérons ainsi que "l'Etat et la guerre civile, c'est pareil", cela nous conduit alors à risquer la désobéissance sans rechercher un nouveau chef, mais sans espoir, non plus, de jouir du Droit Naturel libéral (on conserve l'hypothèse de l'énoncé -2-). On se condamne ainsi à défendre tout seul sa "souveraineté individuelle" contre une multitude hostile et divisée dans l'espoir qu'elle ne se coagulera pas à nouveau en Etat. Or, même si le phénomène étatique semble parfois instable, "l'anomie" (au sens jusnaturaliste) emprunte plus souvent la forme "cristallisée" de l'étatisme que celle du phénomène "anarchique". Donc, si le point -2- du hobbésianisme factuel est bien vérifié tout le temps, le point -1- est quant à lui vérifié "la plupart du temps".

______________

Qu'en conclure ? La morale hobbésienne, certes muette pour nous indiquer exactement "quand il faut lacher le souverain", nous exhorte tout-de-même à rechercher très vite l'obéissance à un nouveau chef, si la carence de l'ancien est établie. Non seulement le retour à l'autorité étatique, après la guerre civile, est un fait vérifié - souvent - mais c'est un comportement souhaitable - toujours - (non pas que l'obéissance soit une "valeur" en soi, pour chacun, mais parce que chacun a intérêt à l'obéissance de tous). Si Hobbes ne peut établir que l'obéissance soit toujours préférable à la guerre civile (ce n'est plus le cas lorsque le souverain devient fou), il prétend que la guerre civile (ou l'état de nature) est la seule alternative à l'obéissance. Certes, lorsque je désobéis, je ne considère plus mon souverain que comme un chef de clan parmi d'autres : autrement dit, je ne trouve plus l'obéissance préférable à l'état de nature. Mais, en désobéissant, je ne peux espérer "mieux" que l'état de nature. C'est pourquoi, y étant à peine entré, je veux vite en sortir. Et qu'exceptionnellement, je n'aie pas trouvé plus d'avantages à l'obéissance qu'à l'état de nature ne signifie pas qu'il doive en être ainsi ordinairement. Le "jugement de valeur" hobbésien n'est donc pas : "obéissez toujours". Mais plutôt :

> la puissance souveraine est utile (souvent).

> tant qu'on pense que tous obéiront, il faut obéir (toujours).

On pourrait reformuler cela en disant que Hobbes trouve le service du maintien de l'ordre (et du Droit positif) mieux assuré pour chacun (concrètement, pour lui-même) dans le cadre d'un monopole que dans le cadre d'une pluralité d'acteurs. Proposons une comparaison : l'autorité étatique, c'est un peu comme la monnaie : à la fois une norme et une marchandise. Quand tu achètes la monnaie, tu achètes le fait que tout le monde utilise la même (c'est l'aspect "normalisation"). Ceci dit, si le type qui émet la monnaie fait des bêtises (comme faire tourner la planche à billet à tout va), son monopole va vite s'effondrer (c'est l'aspect marchandise). C'est pareil pour le monopole de l'autorité étatique : tu obéis à l'Etat parce que tout le monde lui obéit. Quel intérêt d'obéir à un type auquel personne d'autre n'obéirait ? je suis en principe pour ce monopole (comme je suis pour l'utilisation d'une seule monnaie). Par contre, si le souverain devient fou et se met à faire tuer tout le monde, on n'a plus intérêt à obéir. L'aspect "normalisation" de l'autorité se retourne contre elle : pour la même raison que tout le monde obéissait à l'un, tout le monde choisit d'obéir à l'autre. Tout le monde utilisait telle monnaie, tout le monde en choisit une autre, mais personne ne revient au troc.

______________

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Mais ceux qui pensent que l'on pourrait abolir l'Etat (ou en changer radicalement la nature) sans risquer la guerre civile peuvent trouver que l'Etat (dans sa forme actuelle) leur est "inutile".

Ce qui est absolument vrai, mais j'y reviendrais. Disons que tout dépend de ce que l'on attend après l'abolition de l'Etat : si on attend le paradis jusnaturaliste, à mon humble avis, on se fout le doigt dans l'oeil, tout du moins à terme. Ce qui ne veut pas dire que cet état de fait équivaudrait à la guerre civile. Ca ne veut pas dire que tout abolition de l'Etat ne méne pas à la guerre civile, mais qu'il y a certaines conditions à respecter. Mais, je vais développer dans une second post.

Voilà. Alors justement, j'ai du mal à dialoguer avec le minarchisme. Je me contente en fait de te renvoyer aux réfutations qu'en ont fait les anarcaps : je suis d'accord avec eux sur un point : l'Etat, c'est un "package". On ne peut pas "en prendre et en laisser". A partir du moment où tu admets que l'Etat te prenne du pognon pour faire ceci ou cela, comment distingueras-tu les honoraires légitimes qu'il te demande de la spoliation qu'il t'impose ?

Voila, mon point de vue : le Droit naturel rothbardien ou lockien est fondamentalement inapplicable. Pourquoi? Parce que l'abolition de l'Etat est une condition de son respect absolu, mais que l'état de nature qui en résulterait me semble ne pas le respect, ou tout du moins ne pas le respecter à terme. Je me cite d'une autre discussion :

Bien, je vais t'exposer mon paradoxe, et j'espère que cela sera plus clair. Je ne parles pas dans le cadre d'une anarcapie, mais dans le cadre d'un état de nature, d'un état pré-étatique.

1) Il se trouve qu'il y a des conflits entre les hommes, et qu'ils finissent par s'apercevoir qu'il est préférable de résoudre les conflits par des négociations et des procédures pacifiques (ne serait-ce que parce qu'ils voyent bien les risques pour eux qu'il y a à utiliser la violence pour les résoudre).

2) S'établit donc, entre les hommes, des normes consenties, pour résoudre leurs conflits, et ceci s'appelle le droit, comme "la régle ou mesure qui permet de départager deux ou plusieurs personnes en relation d'alterité". Nul besoin d'un Etat pour avoir un droit, nous sommes d'accord.

MAIS, ici, nous parlons du "contenant", de l'existence de procédures, et de normes dans le but de résoudre les conflits, on ne parle nullement du contenu de ces procédures.

Et, c'est là que le bat blesse. Rien, absolument rien, ne nous permet d'affirmer que ce contenu, que ces procédures (indépendament de leur existence) sont conformes au droit naturel. Pour prendre un exemple, rien ne nous garantit qu'elles soient conformes au principe de proportionnalité, rien ne nous assure de la définition intangible et rigide rothbardienne des droits de propriété. Ces procédures s'appuyent sur une adhésion, un consentement au préalable, en un mot : une légitimité, une reconnaissance. S'il est reconnu par la quasi-intégralité, que l'on a le droit de chasser sur les propriétés pour se nourrir alors que ce sont des propriétés privées servant à cultiver (par exemple), et bien le propriétaire sera débouté par ces procédures s'il se plaint (ce qui est "juste" vis-à-vis du DN, mais ce ne l'est pas dans ce droit-là).

Je prétend qu'il n'y a pas que l'Etat qui "mésinterprète" le Droit (si on se place d'un point de vue jusnaturaliste).

Deuxième chose, deuxième point : le droit est "la régle ou mesure qui permet de départager deux ou plusieurs personnes en relation d'alterité", le mot important ici est "personne" ; il est nécessaire que les individus se fassent reconnaitre la qualité de personne, d'homme, pour pouvoir bénéficier des dites procédures de droit. Dans le cas contraire, ils sont considérés comme des objets appartenant à des propriétaires, qui ont des droits quasi-absolus sur eux.

Deux exemples de ces cas : les femmes, et dans une moindre mesure (puisque je ne suis pas sur de la période d'apparition de ceux-ci), les esclaves. C'est également une des raisons pour lesquelles je saute au plafond quand je vois Rothbard définir des droits de propriété "conditionnels" sur les enfants.

Alors, que faut-il conclure de tout cela?

I/ Le droit existe dans un état pré-étatique

II/ Il est fortement improbable qu'il se confonde avec le Droit naturel (ne serait-ce d'ailleurs que parce que les sociétés n'étaient pas individualistes mais claniques), et même il est fort probable qu'il ne viole en de nombreux points - même s'il a des élèments communs (sans parler de l'aléatoire dans l'établissement de la jurisprudence).

III/ Même si en anarcapie, les premiers anarcaps obéissent au Droit naturel, au fil des années, je suppose qu'apparaitra un droit qui n'est pas que conforme au Droit naturel, quand il ne le violerait pas. A terme, il y aura toujours un droit mais sera-t-il conforme au droit naturel? I dunno, and I don't think so.

A mon avis, on ne peut pas tirer si facilement un trait sur la question, et de toute façon, il me semble que le problème - même pour des anarcaps - du free-rider, fait que chacun aura bien tendance à tirer le droit à son avantage… Avec différents niveaux de réussite suivant la richesse! (Et ne me dit pas que l'on peut changer si facilement d'entreprises de justice, ou que ces entreprises seront desertées : l'information n'est pas parfaite, même en anarcapie)

Alors, reste la question : comment discriminer ce qui est légitime de ce qui ne l'est pas? Et bien, on juge les choses à l'égard de la norme idéal qu'est le droit naturel, et sont illégitimes toutes les actions qui violent ces droits naturels, en dehors des actions qui sont nécessaires au maintien de l'application de ces droits naturels (missions régaliennes : politice, justice, armée)

Note, que j'admet implicitement qu'il y a un problème que je n'arrive pas totalement à identifier dans le jusnaturalisme, mais qui est en son coeur.

(La suite au prochain épisode…)

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Quand Hobbes dit : "il est bon d'obéir à l'état", cela comprend deux énoncés :

> I Un énoncé à prétention factuelle qui s'applique à tout le monde. Hobbes prétend que nous obéissons à l'Etat pour sortir de la guerre civile.

______On peut décomposer cet énoncé en deux propositions :

______1 les individus obéissent à l'Etat.

______2 En l'absence d'Etat ne peut régner que la guerre civile

______(non le Droit Nat libéral).

OK, malgré les reserves que tu émets par la suite, je veux bien factuellement admettre le point 1, là où je ne suis absolument pas d'accord, c'est pour le point 2.

A vrai dire, il me parait tout à fait arbitraire de comprendre l'état de nature post-étatique comme l'alternative : société à droit jusnaturaliste vs. guerre civile. La troisième alternature est à mon avis : société à droit (non forcément d'inspiration jusnaturaliste), et le choix est à faire entre la société de droit et la guerre civile. Mais, je vais y revenir, puisqu'il y a des conditions pour que l'une ou l'autre des possibilités s'accomplissent.

Donc, nous le voyons bien, le "jugement de valeur" selon lequel "je dois obéir à l'Etat", n'est pas "posé" mais déduit de deux énoncés, l'un à prétention factuelle ("les autres obéissent par crainte de la guerre civile"), l'autre normatif ("il faut favoriser son intérêt personnel").

Donc, il suffit de réfuter l'un ou l'autre terme de ta proposition pour réfuter la conclusion. Bien, alors, je peux essayer de réfuter l'énoncé normatif, mais je ferais appel à un impératif catégorique ("on peut favoriser son intérêt personnel dans la limite qu'on ne viole pas les droits d'autrui"), mais je suppose que cela ne sera pas efficient de ton point de vue. De toute façon, je préfére essayer de réfuter l'énoncé factuel qui a un terme globalement juste et l'autre dont je dout fortement : disons qu'il manque une donnée fondamentale dans l'énoncé factuel, c'est la donnée temporelle… mais je vais y revenir.

Le point -2- du hobbésianisme factuel (on ne peut sortir de l'anomie-étatisme pour obtenir le respect du Droit Nat) semble toujours vérifié : lorsque les gens cessent d'obéir à un chef, ils s'en cherchent aussitôt un autre, dans la plupart des cas. Et s'agissant des "Etats faillis", le non-étatisme qui leur succède s'apparente davantage à l'anomie qu'à l'anarcapland.

Voilà, où je vois un problème dans ce que tu dis. Je viens de parler de donnée temporelle, et je vais m'en expliquer.

Je cite Ludwig von Mises : "l'homme qui agit désire fermement substituer un état de choses plus satisfaisant, à un moins satisfaisant. Son esprit imagine des conditions qui lui conviendront mieux, et son action a pour but de produire l'état souhaité."

Bien, alors que signifie le fait que les gens obéissent globalement à l'Etat? Il signifie qu'à un instant t donné, ou maintenant qu'ils préferent se soumettre à l'Etat que de se révolter contre lui, qu'ils trouvent donc plus d'intérêt à rester sous la tutelle étatique que de se révolter contre lui (ceci est valable factuellement également pour les libertariens). Mais, cet énoncé factuel ne préjuge nullement des faits futurs, ou de ce qui s'y passera.

Ce qui veut dire que :

- soit l'étatisme est toujours valable, et on ne peut en sortir dans notre intérêt.

- soit il existe des conditions pour que l'on puisse en sortir, et y substituer un état plus souhaitable.

Hobbes, et hobbes (toi) tranchent directement la question en faisant une lecture restrospective, ce qui est une erreur de ce point de vue là. Et en tout cas, au moins une erreur logique (le fait que l'on ait pas encore constaté certains faits, ou certaines conditions n'implique pas leur non-existence).

Maintenant, je souhaite t'exposer les conditions pour que l'on passe de l'étatisme à un état, qui est un état de droit, mais qui n'est pas nécessairement un état de guerre civile.

Tu constates, toi, que historiquement, quand les Etats se sont effondrés, on est arrivé à un état d'anomie, ou de chaos, ou de guerre civile (Angleterre sous Hobbes, ou Somalie), et tu en conclues que l'abolition de l'Etat ne peut conduire à autre chose qu'à l'anomie. Mais subrepticement, tu inverses complétement les termes du problème, en posant l'Etat comme un donné.

Je m'explique : d'un point de vue hobbésien, et de mon point de vue, un régime, quelque soit son organisation, quelque soit sa nature (monarchie absolue, dictature, démocratie…) ne peut survivre durablement si une majorité (ou tout du moins, une minorité substancielle) n'adhére pas tacitement à ses principes. Je parle ici de régime, c'est-à-dire d'une configuration de l'Etat, et non de l'Etat lui-même. Bref, si le régime n'est pas soutenu ou accepté par la population (une majorité), il finira par être renversé : démocratiquement, si la procédure de décision est peu ou prou démocratique ; par une révolution, si la population n'a pas de participation décisionnelle à l'organisation du régime. Que faut-il conclure de cela?

Que l'étatisme ou un régime particulier existe, subsiste et se perpétue par un choix délibéré ou par défaut d'une majorité, ou d'une minorité substancielle de la population

Alors, comment expliquer donc, que les situations à la somalienne se soient retrouvées en état d'anomie, et non en état où régne un droit (je n'ai pas dit le Droit libertarien)? Parce que la population avait fait le choix de vivre sous un régime étatique, et fatalement, ce choix d'organisation des relations sociales les conduit innévitablement à reconstituer ipso facto un Etat ou un semblant d'Etat.

Idem, si demain, l'Etat est aboli en France ou en Belgique, il se reconstituera tout de suite puisque les gens ont fait le choix de vivre sous la tutelle d'un Etat, que leurs relations sociales soient basées et encadrées par la coercition.

Et c'est d'ailleurs très notables, on le dit d'ailleurs souvent des pays latins où l'Etat est très interventionniste : on envisage les relations sociales et économiques sous l'angle du rapport de force, pas de la coopération; on cherche toujours la rupture, presque le conflit… C'est tout aussi une question d'"inconscient collectif"!

Et un autre point, pour prendre en compte, ce que j'entendais par dimension temporelle : la suppression brutale et rapide de l'Etat comme en Somalie par exemple (ou l'absence de contrôle de celui-ci, ce qui revient au même) conduit à l'anomie, parce que les structures alternatives dans les activités de police et de justice n'ont pas été mises en place. Si l'Etat a le monopole de certaines activités, et que l'on les supprime du jour au lendemain, fatalement on fera face à une crise, parce que les acteurs économiques ne sont pas aussi réactifs pour recréer des structures et des activités ex nihilo.

A propos, pour une réfutation factuelle de l'alternative hobbésienne, l'exemple de l'Islande : http://www.pageliberale.org/billet.php?niw=911

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Non seulement le retour à l'autorité étatique, après la guerre civile, est un fait vérifié - souvent - mais c'est un comportement souhaitable - toujours - (non pas que l'obéissance soit une "valeur" en soi, pour chacun, mais parce que chacun a intérêt à l'obéissance de tous).

Sur ce problème-là, c'est un problème typique de free-rider, et je suis absolument persuadé qu'il n'est pas étranger à la raison pour laquelle je suis minarchiste : parce que la norme de justice (proche du DN) a bien plus de chance d'être respectée (à peu près), si chacun n'a pas la possibilité de tirer de son coté la couverture. Mais, là, encore une fois, tu définis le fait pour lequel l'obéissance est souhaitable, mais nullement quel contenu du droit elle implique de respecter.

D'ailleurs, si dans ta phrase, tu remplaces "obéissance à l'autorité étatique" par "respect du droit naturel", tu ne te retrouveras pas très loin d'une thèse libertarienne : parce qu'en l'occurence, les libertariens substituent un contenu normatif au principe sensé faire respecté n'importe quel contenu normatif. (Ce qui est probablement incomplet dans les deux cas).

Le "jugement de valeur" hobbésien n'est donc pas : "obéissez toujours". Mais plutôt :

> la puissance souveraine est utile (souvent).

> tant qu'on pense que tous obéiront, il faut obéir (toujours).

OK, mais tu vois, le deuxième terme de ta proposition me fait penser que tu as un raisonnement circulaire. Pourquoi? Parce que j'ai présenté grosso modo le même second terme, mais dans un sens assez différent. J'ai dit que l'autorité étatique tenait par la consentement tacite de la population, donc la question que tu me sembles louper dans ton raisonnement, c'est pourquoi on passe du consentement à l'autorité à la rébellion à l'autorité (au moins d'une minorité), et tu ne me réponds qu'en disant "parce que le souverain devient fou", ou quelque raison proche.

Mais cette condition n'a été vraie dans l'Histoire que peu de fois lorsqu'il y a eu un effondrement d'Etat ou de régime (le seul évenement qui me vient à l'esprit est le régne de Charles VI durant la guerre de 100ans). Par exemple, à la Révolution de 1789, pourquoi l'Etat ou le régime a été renversé? Ou pourquoi y avait-il des résistants en 39-45? Parce que tu ne peux finalement pas détacher la causalité suivante : la majorité obéit à l'Etat parce qu'il ne viole pas leurs principes éthiques fondamentaux. Certes, la puissance souveraine est utile, mais il n'y a pas que l'utilité qui compte ici (utilité au sens du langage courant), il y a également une dimension morale! Et c'est ainsi que je peux raccrocher les principes du Droit naturel, qui sont fondamentalement, quoiqu'en disent certains, autant des principes juridiques que moraux.

Je pense qu'en décomposant ainsi le jugement hobbésien, on s'apercoit bien qu'il faut voir que la source du consentement n'est pas uniquement utilitaire, et qu'on ne peut pas faire l'impasse sur le contenu du droit édicté par le souverain.

On pourrait reformuler cela en disant que Hobbes trouve le service du maintien de l'ordre (et du Droit positif) mieux assuré pour chacun (concrètement, pour lui-même) dans le cadre d'un monopole que dans le cadre d'une pluralité d'acteurs. Proposons une comparaison : l'autorité étatique, c'est un peu comme la monnaie : à la fois une norme et une marchandise. Quand tu achètes la monnaie, tu achètes le fait que tout le monde utilise la même (c'est l'aspect "normalisation"). Ceci dit, si le type qui émet la monnaie fait des bêtises (comme faire tourner la planche à billet à tout va), son monopole va vite s'effondrer (c'est l'aspect marchandise). C'est pareil pour le monopole de l'autorité étatique : tu obéis à l'Etat parce que tout le monde lui obéit. Quel intérêt d'obéir à un type auquel personne d'autre n'obéirait ? je suis en principe pour ce monopole (comme je suis pour l'utilisation d'une seule monnaie). Par contre, si le souverain devient fou et se met à faire tuer tout le monde, on n'a plus intérêt à obéir. L'aspect "normalisation" de l'autorité se retourne contre elle : pour la même raison que tout le monde obéissait à l'un, tout le monde choisit d'obéir à l'autre. Tout le monde utilisait telle monnaie, tout le monde en choisit une autre, mais personne ne revient au troc.

Ton exemple, et ta comparaison n'ont rien à voir avec ta proposition initiale que tu viens de citer. Là, le raisonnement est circulaire : on admet le monopole, et tu m'expliques comment on va en changer, mais tu as posé le monopole comme hypothèse! Tu ne m'expliques pas pourquoi la pluralité d'acteurs mène à une situation pire qu'en état de monopole (je t'envoie un mp, pour te donner une info, tu comprendras pourquoi :icon_up:).

D'ailleurs, c'est assez interessant que tu fasses le parallèle avec la monnaie, vu que beaucoup ici sont pour un système de free-banking, sans pour autant prétendre que l'on en reviendra au troc. D'ailleurs, ta proposition "comme je suis en principe pour l'utilisation d'une seule monnaie" est bien fausse, ou plutôt malappropriée, parce que , malgré le fait que les Etats aient le monopole de la frappe de monnaie, il n'en reste pas moins que ces différentes monnaies sont en concurrence internationale (révélée par l'existence du marché des changes entre autres), et d'ailleurs, ce n'est que dans les pays riches où il y a une sorte de "monopole territorial" des monnaies, alors que dans les pays plus pauvres, bien souvent les monnaies occidentales les plus fortes sont bien plus usitées (pour des raisons d'inflation des monnaies locales) que les monnaies locales (en Turquie, c'est l'Euro; dans pas mal de pays d'Amerique du Sud et Centrale, c'est le Dollar US)

Tu l'as compris : je ne prétend pas qu'il puisse y avoir une absence de système de droit en anarchie, si la population y est préparée, et les structures alternatives mises en place, mais c'est pour des raisons morales, de l'impératif catégorique, que je refuses un tel état, parce que j'estime que les droits individuels y seraient moins bien respectés que dans une minarchie, qui a un droit positif qui tend au contenu du Droit naturel.

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  • 2 weeks later...
Voilà, où je vois un problème dans ce que tu dis. Je viens de parler de donnée temporelle, et je vais m'en expliquer.

Je cite Ludwig von Mises : "l'homme qui agit désire fermement substituer un état de choses plus satisfaisant, à un moins satisfaisant. Son esprit imagine des conditions qui lui conviendront mieux, et son action a pour but de produire l'état souhaité."

Bien, alors que signifie le fait que les gens obéissent globalement à l'Etat? Il signifie qu'à un instant t donné, ou maintenant qu'ils préferent se soumettre à l'Etat que de se révolter contre lui, qu'ils trouvent donc plus d'intérêt à rester sous la tutelle étatique que de se révolter contre lui (ceci est valable factuellement également pour les libertariens). Mais, cet énoncé factuel ne préjuge nullement des faits futurs, ou de ce qui s'y passera.

Ce qui veut dire que :

- soit l'étatisme est toujours valable, et on ne peut en sortir dans notre intérêt.

- soit il existe des conditions pour que l'on puisse en sortir, et y substituer un état plus souhaitable.

Hobbes, et hobbes (toi) tranchent directement la question en faisant une lecture restrospective, ce qui est une erreur de ce point de vue là. Et en tout cas, au moins une erreur logique (le fait que l'on ait pas encore constaté certains faits, ou certaines conditions n'implique pas leur non-existence).

:icon_up: T'es vache là !

C'est comme si tu disais : "les partisans de la théorie newtonienne n'ont pas observé de trou noir et ils en déduisent que les trous noirs n'existent pas" (Voire, même - je crois que c'est un argument de Pascal Salin - : "les étatistes sont comme ces gens qui regardent l'horizon et en concluent que la terre est plate").

Je pense que ce n'est pas tout-à-fait comme cela. Le hobbésianisme est - autant qu'il est possible à une science humaine - aussi "vrai" que la théorie newtonnienne (c'est ainsi que je le considère, mais il se peut que Hobbes ait eu encore plus d'ambition, si j'en crois certaines exégèses pointues ; je laisse ça de côté…). Je parle du hobbésianisme "factuel", naturellement. Or une théorie scientifique est bâtie d'après l'observation du réel (constats objectifs) et propose des énoncés prétendant décrire le réel, lesquels énoncés ne contredisent pas les constats factuels. Alors, effectivement, on pourrait dire : "Ah ben, si on raisonne comme ça, si on se contente d'observer l'horizon, on dira que la terre est plate. Aux paresseux, cette façon de décrire le réel donne des repères satisfaisants".

Mais une théorie scientifique (même relative aux sciences humaines) est obligée de faire ce que tu appelles une "erreur logique", c'est-à-dire partir de constats objectifs pour dire : "ça se passera toujours comme ça". J'avais appris en philo au lycée, qu'il existait deux théories opposées : je crois que c'était "le substantialisme" contre l'inverse (j'ai oublié le nom). La première école dit en gros "rien ne change vraiment ; les choses se recomposent, tout au plus". L'école opposée dit "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve".

Donc la science est condamnée à un certain "substantialisme". Comme elle se veut prédictive, elle est obligée de considérer les événements comme inscrits dans un canevas (basé notamment sur des "constantes" -moins il y en a, mieux c'est, je crois-) qu'elle prétend comprendre. Les choses bougent, certes, mais la science montre en quoi ce mouvement est "fixe", "fixé" selon certaines règles. Même pour la théorie du chaos, en parlant toutefois sous le contrôle des spécialistes, j'imagine qu'elle rend compte des règles auquelles ledit chaos se soumet.

Le "travail" de la science réside ainsi en ce qu'elle prend acte des faits bruts, propose des axiomes/postulats desquels on déduit une théorie ; et si la théorie décrit exhaustivement les faits observés, elle sera considérée comme bonne (lorsque deux théories y parviennent, le principe du rasoir d'occam suggère de retenir la moins compliquée).

Pour revenir au hobbésianisme : ce n'est donc pas simplement : "L'Etat a toujours existé donc il existera toujours". C'est plutôt : "On constate soit l'Etat, soit la guerre civile. On constate aussi la délinquance. On constate que dans l'Etat, les individus se comportent come ceci et comme cela. Pourquoi ? C'est sans doute parce que l'homme est fait de telle façon. Le début de Léviathan est assez rigolo à cet égard : Hobbes adopte une démarche vraiment réductionniste ; il explique comment nos pensées sont fonction des particules de lumière qui viennent heurter notre oeil et y appliquent une force qui déclenche telle et telle conséquences dans notre corps, les souvenirs les rèves, les passions etc. Je ne dirai pas que ça n'a pas vieilli mais cela démontre un souci de "cartésianisme", en quelque sorte : comprendre comment le tout dépend des parties. Peu importe. Il est sans doute allé trop loin dans le réductionnisme. On n'a pas besoin de tant détailler.

Donc, il s'agit de dire : "On constate certaines choses dont l'existence de l'Etat, on en déduit certaines propriétés de la nature humaine , ou plutôt, on propose un paradigme rendant compte de nos constats. Et selon ce paradigme, que faut-il attendre pour l'avenir ? L'existence de l'Etat ou le retour à la guerre civile". Pour le moment, ça n'a pas été démenti (sauf à considérer certains cas rares et assez litigieux). Comme pour la théorie newtonienne, on peut toujours imaginer qu'un jour le réel divergera substantiellement de la théorie.

Mais là, tu vois, il ne suffit pas de dire "Peut-être qu'à l'instant t+1, il se passera autre chose". La charge de la preuve incombe plutôt, me semble-t-il, à celui qui prétend proposer une meilleure théorie. Enfin, il me semble qu'en science c'est un peu comme ça…

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Mais derrière cette critique d'"erreur logique", je crois discerner un autre reproche : a théorie hobbésienne ne serait-elle pas "réflexive", c'est-à-dire un discours sur le réel qui modifie le réel ? Et là évidemment, c'est pas du jeu parce qu'en science ce n'est pas censé marcher ainsi…

On aurait pu dire aussi "performative", mais "performatif", par rapport à "reflexif", ça implique, en plus : "discours qui veut modifier le réel". Or l'énoncé moral hobbésien n'est pas, à la base, "obéis à l'Etat" mais "fais ce qui est bon pour toi", l'obéissance n'en étant qu'un corollaire (et encore dans certains cas seulement). Donc, si l'on infirme le hobbésianisme factuel, le hobbésianisme "moral" ne prescrira plus le même comportement (D'ailleurs, David Friedman a été appelé "hobbésien" parce qu'il accepte l'individu hobbésien mais juge que cet individu pourrait se comporter autrement si l'Etat n'existait pas - il ne voudrait pas le réinventer, selon lui).

Cependant, le hobbésianisme serait-il seulement "reflexif" (modifiant le réel par le simple fait d'être énoncé, indépendamment de tout jugement de valeur), ne serait-ce pas là déjà une "tricherie" ? Tout d'abord, on pourrait faire le même reproche à certaines théories concurrentes. J'imagine que ce problème se pose souvent en science humaine (on pense à la sociologie, par exemple). On ne sortira pas de là : l'homme est ici tant le "chercheur" que le sujet d'étude. A la fois dans la rue et à la fenêtre, l'objet observé et l'observateur. On parle encore de prophétie autoréalisatrice

Sur le fond, est-il illégitime qu'une théorie soit validée du fait même d'être énoncée, d'être en quelque sorte autoréférente ? Puisqu'elle fait partie du réel et qu'elle décrit correctement le réel en bénéficiant du fait-même qu'elle soit contenue dans le réel, où est le problème ? Je ne sais pas… Peut-être faudrait-il qu'elle s'assume comme "réflexive", car sinon elle serait incomplète en tant qu'elle ne rendrait pas compte de sa conséquence sur le réel. Mais si une telle théorie s'assumait comme "réflexive", cela voudrait dire que celui qui l'énonce, qui en fait la publicité assume sa volonté de changer le réel. Autrement dit, même en se défendant d'être un jugement de valeur, une théorie se donnant comme énoncé factuel pourrait être "normative", non dans son contenu mais dans son existence même, en tant qu'acte.

Par ailleurs, nous aurions le paradoxe d'une théorie "vraie" sans être "utile", puisque la disparition d'une telle théorie n'occasionnerait aucun "manque" pour décrire le réel : ce dernier se conformerait aussi bien à l'absence de théorie. "Utile", toutefois, cette théorie pourrait l'être en un certain sens : si l'on attribue à l'existence de cette théorie une "valeur" supérieure à celle de son absence. Evidemment, ce n'est pas le même genre d'"utilité" : toujours la même question du prescriptif/descriptif.

__________________________

Mais en admettant que l'on accepte pas la "réflexivité" d'une théorie, le hobbésianisme est-il vraiment "réflexif" ?

On peut déjà constater une chose : l'Etat existait avant le hobbésianisme. Les étatistes avaient d'autres théories pour légitimer leur joug ("droit divin", etc). La guerre civile (ou la guerre tout court) existait aussi. Certes le hobbésianisme se veut "moral" ou performatif pour proner l'étatisme plutôt que la guerre civile (mais il se veut factuel pour écarter la possibilité du Droit Nat à la Rothbard)

Alors la bonne question serait : "le hobbésianisme a-t-il par son existence détruit une anarchie pacifique ?". Le système islandais décrit dans l'article auquel tu m'as renvoyé, par exemple ? Je saisis l'occasion pour répondre à cet argument. L'article dit bien que le système s'est écroulé sur lui-même et que ses membres l'ont abandonné pour "demander" la suzeraineté du Roi de Norvège… Et quand bien même aurait-il été attaqué de l'extérieur, un système libertarien doit aussi répondre de sa capacité à se défendre contre des hordes extérieures. Car pour traiter de la nature humaine, on doit parler de l'humanité en général, pas de quelques pacifistes qui constitueraient une exception anéantie par un plus grand nombre se comportant "normalement".

Encore une fois le hobbésianisme n'est "moral" que s'agissant de la préférence pour l'étatisme par rapport à la guerre civile. Est-ce que les hommes entrent en anomie (anomie/étatisme) parce qu'ils connaissent le hobbésianisme : on ne peut pas dire cela. Par contre ils peuvent préférer l'étatisme à la guerre civile par connaissance du hobbésianisme (et encore pas forcément pour cette raison, mais c'est néanmoins le but "normatif" de Hobbes).

En revanche, une théorie du Droit Nat est nécessairement "performative" et - elle l'espère - "réflexive" : on voit mal comment les hommes respecteraient le Droit Nat sans savoir qu'il existe (ils le respectent déjà partiellement par "empirisme", disent certains, mais c'est bien le maximum).

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Ah mais tu vas me dire : est-ce que le hobbésianisme empèche ton bon minarchisme d'entrer en vigueur ? Mmmm… En fait le hobbésianisme ne tranche pas la question de la "taille" de l'Etat. Moins ou plus d'Etat, est-ce que ça veut vraiment dire grand chose ? La façon "hobbésienne" de te poser le problème serait plutôt : "Tu souhaites moins d'Etat pour avoir le droit de faire plus de trucs. Mais l'Etat se considère comme un 'package'. Alors tu l'acceptes ou tu le refuses ?" C'est la même chose pour les socialistes sous Pinochet, par exemple…

Tu peux me dire "Je me révolterai contre le nazisme". Et contre, disons… Hugo Chavez au Vénézuela ? Oui ? Et contre… Moubarak en Egypte ? Et contre nos social-démocraties sclérosées ? contre le pseudo-libéralisme de Bush ? contre Margaret Tatcher qui n'était pas tout-à-fait minarchiste ? La théorie anarcap se propose de distinguer le juste de l'injuste. Et le minarchisme ? Aussi ? Donc, on peut se révolter contre un Etat non minarchiste pour instaurer le minarchisme. Est-tu sûr que le passage de l'état minarchiste à l'état "spoliateur" soit si net que cela ? Car une fois cela établi, il s'agirait de légitimer une éventuelle révolte contre l'état non-minarchiste au prétexte qu'il serait seulement "légal" sans plus être "légitime". Si tu me dis "Contre une démocratie, la révolte n'est pas une riposte proportionnée", je te dirais "Mais alors ta théorie de la 'légitimité' n'a pas grand intérêt puisque tu acceptes ta soumission".

Est-ce que, par exemple, au dessus d'un certain niveau d'impôts, la révolte est légitime ? Pourquoi un Etat "formellement" minarchiste, avec peu de fonctionnaires, peu de "redistribution", pas de "démocratie" permettant aux fainéants de vivre aux crochets des industrieux, pourquoi un tel Etat ne se voterait-il pas des honoraires exorbitants ? Si l'on n'est pas obligé de payer, ce n'est plus un Etat. Et si on est obligé de payer, pourquoi il s'emmerderait ? Or, si le problème ne vient que du niveau des impôts et non de la forme, tu n'as pas de critère clair pour distinguer le juste de l'injuste.

Là, évidemment, je critique un éventuel minarchisme "normatif". Maintenant, s'agissant d'un minarchisme "économique" ou "utilitariste", je ne sais pas car je ne suis pas économiste. Par ailleurs, je n'agis pas en fonction de "l'intérêt général", donc je peux très bien voter (si ce droit m'est octroyé) pour une politique non optimale pour une majorité de mes concitoyens (l'Etat est davantage un "dénominateur commun" qu'une "moyenne").

Sur ce problème-là, c'est un problème typique de free-rider, et je suis absolument persuadé qu'il n'est pas étranger à la raison pour laquelle je suis minarchiste : parce que la norme de justice (proche du DN) a bien plus de chance d'être respectée (à peu près), si chacun n'a pas la possibilité de tirer de son coté la couverture. Mais, là, encore une fois, tu définis le fait pour lequel l'obéissance est souhaitable, mais nullement quel contenu du droit elle implique de respecter.

Voilà. C'est à ça que j'ai répondu, en fait…

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D'ailleurs, si dans ta phrase, tu remplaces "obéissance à l'autorité étatique" par "respect du droit naturel", tu ne te retrouveras pas très loin d'une thèse libertarienne : parce qu'en l'occurence, les libertariens substituent un contenu normatif au principe sensé faire respecté n'importe quel contenu normatif. (Ce qui est probablement incomplet dans les deux cas).

Sauf que le respect du Droit Nat n'est observé nulle part (l'expérience de l'Islande, on l'a vu, s'est terminée de manière un peu hobbésienne). Ce qui est observé (en tout cas aujourd'hui -je laisse de côté les hommes préhistoriques-), c'est : soit la guerre civile, soit l'étatisme. Le hobbésianisme ne saurait assumer un éventuel obstacle au Droit Nat pour cette raison (l'étatisme/anomie existait avant lui). En revanche il assume sa préférence pour l'Etat sur la guerre civile

OK, mais tu vois, le deuxième terme de ta proposition me fait penser que tu as un raisonnement circulaire. Pourquoi? Parce que j'ai présenté grosso modo le même second terme, mais dans un sens assez différent. J'ai dit que l'autorité étatique tenait par la consentement tacite de la population, donc la question que tu me sembles louper dans ton raisonnement, c'est pourquoi on passe du consentement à l'autorité à la rébellion à l'autorité (au moins d'une minorité), et tu ne me réponds qu'en disant "parce que le souverain devient fou", ou quelque raison proche.

"Le souverain devient fou", ça veut dire : "on pense qu'on ne sera pas davantage protégé en obéissant qu'en désobéissant". Le problème se pose en fait dans les mêmes termes pour un condamné à mort à tort ou à raison (même s'il s'est mis dans son tort, il n'a plus d'intérêt rationnel à obéir sauf à gagner un peu de temps). Par contre autant un condamné à mort a peu de chance de trouver un soutien parmi la population, autant la question est posée lorsqu'on pense qu'une rébellion a des chances de succès. Mais là, le hobbésianisme ne fournit pas de directive précise pour savoir quand exactement il est avantageux de désobéir : c'est selon opportunité. Le critère "moral", c'est le succès. Par contre le hobbésianisme juge "moralement" supérieure la possibilité de s'accorder sur un chef par rapport à la guerre civile (il a posé "factuellement" cette seule alternative). C'est comme si on disait que le monopole d'une monnaie est préférable à la concurrence, sans se prononcer sur telle ou telle monnaie en particulier (mais ça n'est qu'une comparaison ; on y reviendra).

Par exemple, à la Révolution de 1789, pourquoi l'Etat ou le régime a été renversé? Ou pourquoi y avait-il des résistants en 39-45? Parce que tu ne peux finalement pas détacher la causalité suivante : la majorité obéit à l'Etat parce qu'il ne viole pas leurs principes éthiques fondamentaux. Certes, la puissance souveraine est utile, mais il n'y a pas que l'utilité qui compte ici (utilité au sens du langage courant), il y a également une dimension morale! Et c'est ainsi que je peux raccrocher les principes du Droit naturel, qui sont fondamentalement, quoiqu'en disent certains, autant des principes juridiques que moraux.

Je pense qu'en décomposant ainsi le jugement hobbésien, on s'apercoit bien qu'il faut voir que la source du consentement n'est pas uniquement utilitaire, et qu'on ne peut pas faire l'impasse sur le contenu du droit édicté par le souverain

Alors commençons par la 2de guerre mondiale. Je n'aime pas servir la soupe à ceux qui reprochent sans arrêts aux Français d'avoir "collaboré", mais le fait est que les résistants auraient eu bien du mal à gagner la guerre à eux tous seuls. Les USA sont entrés en guerre après avoir été agressés. Quant aux soldats russes, ils ont été "encouragés" à se battre par des snipers femmes qui avaient l'ordre de tirer sur les éventuels fuyards (Au moins Staline avait résolu à sa manière l'aporie soulevée par Carl Schmitt : si l'individu hobbésien obéit à l'Etat par peur de la mort, comment le pousser à sacrifier sa vie pour la patrie ?). La guerre de 40 me paraît en fait assez hobbésienne. On a fait du procès de Nuremberg un cas d'école d'une victoire d'Antigone sur Créon, mais Créon a été vaincu par un autre Créon.

Et la Révolution française ? Pour des raisons morales ? Il faudrait nuancer cette appréciation en faisant valoir que sous des Rois plus cruels (Louis XIV, Louis XV), les Français ne se sont pas révoltés. Hobbes dit en substance "Je souhaite que le souverain tienne fermement les rennes du pouvoir ou les lache entièrement" (C'est un des rares jugements de valeur). En étant sévère, on pourrait dire que les Français se sont révoltés parce que leur Roi était faible, "qu'il n'était plus royaliste", disent certains. Si l'on fait intervenir la morale, pourquoi plus de clémence royale n'a-t-elle pas débouché sur plus de reconnaissance populaire ? Pourquoi les gens ne se sont-ils pas révoltés lorsque le Roi était davantage immoral ?

Mais, bien sûr, je ne dis pas que certaines personnes ne se révoltent pas par morale. En fait le paradigme hobbésien me semble le plus utile "aux limites" : lorsqu'un intérêt vital est vraiment en jeu. Là, j'ai du mal à croire que la majorité de la population adopte un comportement altruiste. En plus, admettons même que la population ait un sursaut "moral" pour déposer un tyran au profit d'un "bon" souverain : cet "effort" ne durerait qu'un moment certes décisif, mais les citoyens, "moraux" l'espace d'un instant le seront d'autant plus qu'ils espèrent vivre à nouveau sous l'arbitrage d'un Droit positif. Se révolteraient-ils s'ils espéraient s'affranchir du Droit positif pour compter sur le respect par autrui du Droit Nat ?

Ton exemple, et ta comparaison n'ont rien à voir avec ta proposition initiale que tu viens de citer. Là, le raisonnement est circulaire : on admet le monopole, et tu m'expliques comment on va en changer, mais tu as posé le monopole comme hypothèse! Tu ne m'expliques pas pourquoi la pluralité d'acteurs mène à une situation pire qu'en état de monopole (je t'envoie un mp, pour te donner une info, tu comprendras pourquoi ).

Oui ; la monnaie comme métaphore de l'autorité m'est venu à l'esprit mais je dissocie cette image de mon raisonnement général. Je ne sais pas si elle est appropriée. Mais sinon, il me semble que j'ai expliqué l'aspect nécessairement monopolistique de la monnaie, OK disons oligopolistique, éventuellement : c'est un besoin de normalisation. J'utilise telle monnaie parce que tout le monde l'utilise. Sinon, on me proposerait de m'échanger mon bien contre tel papier dont je n'ai jamais entendu parler. Il faudrait à chaque fois que j'aille vérifier si Machin qui l'émet est solvable. Alors ça laisse ouverte la question : faut-il plutôt un monopole ou un oligopole ? Le problème n'est pas tant la fausseté de l'image, c'est de savoir si elle est appropriée. C'était juste une idée comme ça.

D'ailleurs, c'est assez interessant que tu fasses le parallèle avec la monnaie, vu que beaucoup ici sont pour un système de free-banking, sans pour autant prétendre que l'on en reviendra au troc. D'ailleurs, ta proposition "comme je suis en principe pour l'utilisation d'une seule monnaie" est bien fausse, ou plutôt malappropriée, parce que , malgré le fait que les Etats aient le monopole de la frappe de monnaie, il n'en reste pas moins que ces différentes monnaies sont en concurrence internationale (révélée par l'existence du marché des changes entre autres), et d'ailleurs, ce n'est que dans les pays riches où il y a une sorte de "monopole territorial" des monnaies

Oui. Mais j'imaginais une situation dans laquelle l'Etat n'imposerait plus sa propre monnaie et laissait au contraire la concurrence jouer. Et j'expliquais pourquoi un monopole naturel émergerait. Mais ça pourrait certes être un oligopole. Le marché, même libre, resterait à mon avis assez "concentré" pour une question de nécessaire "normalisation". ça n'était qu'une image montrant que dans certains cas, le "consommateur" a intérêt à la concentration du marché. On aurait pu prendre d'autres comparaisons. Certains disent qu'en informatique, il vaut mieux que les acteurs soient concentrés parce que ça produit des normes moins bordeliques. ça dépend donc des situations. Pour l'autorité, je soutiens qu'on a intérêt à un monopole. Et je donne des exemples. Bien sûr, je sais ce qui est bon pour moi. Je propose une hypothèse expliquant pourquoi c'est bien pour les autres. Mais chaque consommateur connaît son intérêt. Après tout, certains préfèrent se dépatouiller avec plusieurs petits Linux plutôt qu'avec un seul gros Microsoft. Mais je te l'accorde volontiers : comparaison n'est pas raison.

D'une manière générale, pour certaines marchandises qui jouent un rôle de "norme", le consommateur a intérêt à ne pas faire jouer la concurrence, mais au contraire à favoriser un acteur sur les autres. Selon que l'aspect de "normalisation" est un besoin impérieux ou non, on préférera un monopole a un oligopole.

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  • 1 month later...

J'exhume ce thread pour y répondre, j'espère que tu ne m'en veux pas pour avoir attendu un mois avant de donner suite. :icon_up:

Donc la science est condamnée à un certain "substantialisme". Comme elle se veut prédictive, elle est obligée de considérer les événements comme inscrits dans un canevas (basé notamment sur des "constantes" -moins il y en a, mieux c'est, je crois-) qu'elle prétend comprendre. Les choses bougent, certes, mais la science montre en quoi ce mouvement est "fixe", "fixé" selon certaines règles.

Donc, il s'agit de dire : "On constate certaines choses dont l'existence de l'Etat, on en déduit certaines propriétés de la nature humaine , ou plutôt, on propose un paradigme rendant compte de nos constats. Et selon ce paradigme, que faut-il attendre pour l'avenir ? L'existence de l'Etat ou le retour à la guerre civile". Pour le moment, ça n'a pas été démenti (sauf à considérer certains cas rares et assez litigieux). Comme pour la théorie newtonienne, on peut toujours imaginer qu'un jour le réel divergera substantiellement de la théorie.

L'induction a ses limites, et elles sont surement notablement importantes. Mais, là n'est pas tellement le propos. Disons que la combinaison de deux points me gène fortement dans ta démonstration : d'une part, le recours à l'induction, et d'autre part, la prétention à la scientificité de la théorie hobbésienne, mais qui ne se fait certainement pas sur le même plan que la théorie newtonienne.

Sans vouloir entrer de manière démesurée dans une épistémologie, dont j'ai des connaissances somme toute assez rudimentaires, je crois pouvoir noter que les deux facteurs pris isolément ne permettent pas de formuler d'objections majeures autres qu'anecdotiques, mais la combinaison des deux me parait beaucoup plus hasardeuse quant aux conclusions que tu peux vouloir en tirer. Je vais m'expliquer de manière un peu moins elliptique.

Ce qui va fondamentalement différencier une science de la nature (ici, théorie de la gravitation universelle, théorie newtonienne) d'une science humaine (ici, le hobbésianisme à prétention scientifique), va être l'objet d'étude de la science. Le point crucial est sans doute là : dans le premier cas, il est question de phénomènes extérieurs à l'individu, qui existent et se produisent indépendament de l'existence de l'individu qui interpréte ces faits ("ce qui ne dépend pas de nous", aurait dit Epictéte), et dans le second cas, il est question de l'homme comme objet d'étude, et plus particulièrement son comportement et les pensées individuels (et non la résultante d'intéractions, là on prend dans le sens de monade pour le hobbésianisme), c'est-à-dire, si on en suit les épicuriens : "ce qui dépend de nous".

Pourquoi je fais ce retour et cette distinction? Parce qu'elle est cruciale dans l'importance et la pertinence de l'utilisation de l'induction pour compléter la théorie.

Explication : dans le cas d'une science de la nature, on observe une certaine régularité dans les phénomènes, obéissant à certains régles que l'on a pu mettre en évidence. Du fait de notre incapacité physique à tout tester, en dehors d'un système axiomatique strict (comme dans les mathématiques, l'arithmétique, la géométrie euclidienne…), on peut se permettre l'écart de l'induction pour universaliser les régles observées, comme modèle théorique globale. On construit ainsi un paradigme, qui peut néanmoins être remis en question par l'existence d'expériences que l'on ne peut interpréter, ou expliquer par le paradigme précédent.

Mon propos est alors de dire que l'on ne peut se permettre cette induction dans le cas spécifique et des sciences sociales, de manière un peu générale (encore que… je vais détailler), et surtout pour le hobbésianisme, parce que cela tient à sa construction. L'induction est acceptable dans le cas des sciences de la nature précisement, parce que nous n'avons aucun moyen d'action, d'influence ou autre, sur les régles/lois qui régissent les phénomènes qui nous sont indépendants. C'est en l'absence d'une capacité physique de test complet qu'on admet la généralisation, puisque de toute façon, l'opérateur agit de manière très maginale voire pas du tout, sur la loi observé dans les cas particuliers.

Cependant, ceci n'est pas le cas pour le hobbésianisme, puisque dans ce cas précis, les hommes ont parfaitement la possibilité d'agir et de se determiner, de fausser la régle, qui cette fois-ci, n'est pas indépendante ni de leur existence, ni de leur volonté. C'est la relative indépendance du phénomène vis-à-vis de l'observateur qui permet d'accepter l'induction, et la généralisation, mais ceci n'est plus valable pour le hobbésianisme. D'ailleurs, j'en remet une couche, parce que tu pourrais récuperer ceci en me disant que ma critique pour s'appliquer également à l'économie par exemple : ceci n'est pas le cas, parce que dans l'économie, on étudie la résultante de l'interaction, et des échanges entre les gens, on étudie non pas le comportement, mais la résultante de la relation entre les individus. Cette relation, et ses modalités de fonctionnement sont ici loin d'être totalement dépendants de la volonté individuelle, puisqu'on analyse ici non pas des opinions, des jugements individuels (comme dans le hobbésianisme), mais bien des structures et des organisations "spontanées".

Mais là, tu vois, il ne suffit pas de dire "Peut-être qu'à l'instant t+1, il se passera autre chose". La charge de la preuve incombe plutôt, me semble-t-il, à celui qui prétend proposer une meilleure théorie. Enfin, il me semble qu'en science c'est un peu comme ça…

Certes. Remarque cependant que tu me produis ici d'une manière assez interessante une sorte de nouvelle "philosophie de l'Histoire" au sens hégelien et marxiste, qui prétend anticiper le comportement des individus, selon un certain "sens de l'histoire", ou quelque chose de voisin. J'essaie de me raccrocher dans la critique à l'ami Karl Popper, et son Misère de l'historicisme. C'est précisement ce type d'induction historique qu'il essaie d'invalider. A noter que le hobbésianisme, qui prétend à la scientificité, ne répond pas non plus à la possibilité d'expérimentation, et de ton propre aveu, n'intégre pas dans son paradigme un certain nombre de cas particulier (Islande, par exemple), ce qui est tout de même un comble pour un paradigme donné…

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Mais derrière cette critique d'"erreur logique", je crois discerner un autre reproche : la théorie hobbésienne ne serait-elle pas "réflexive", c'est-à-dire un discours sur le réel qui modifie le réel ? Et là évidemment, c'est pas du jeu parce qu'en science ce n'est pas censé marcher ainsi…

Tu as effectivement bien compris le fond de mon propos, let's see. :icon_up:

Cependant, le hobbésianisme serait-il seulement "reflexif" (modifiant le réel par le simple fait d'être énoncé, indépendamment de tout jugement de valeur), ne serait-ce pas là déjà une "tricherie" ? Tout d'abord, on pourrait faire le même reproche à certaines théories concurrentes. J'imagine que ce problème se pose souvent en science humaine (on pense à la sociologie, par exemple). On ne sortira pas de là : l'homme est ici tant le "chercheur" que le sujet d'étude. A la fois dans la rue et à la fenêtre, l'objet observé et l'observateur. On parle encore de prophétie autoréalisatrice

Sur le fond, est-il illégitime qu'une théorie soit validée du fait même d'être énoncée, d'être en quelque sorte autoréférente ? Puisqu'elle fait partie du réel et qu'elle décrit correctement le réel en bénéficiant du fait-même qu'elle soit contenue dans le réel, où est le problème ? Je ne sais pas…

Le problème et mon objection sont exactement les même que dans mon message précedent, et dans le message auquel tu répondais : tu manques la dimension temporelle, de l'affaire. J'ai longuement développé ce que je disais sur l'impossibilité de l'induction pour le hobbésianisme, mais ça ne le ruine pas totalement, loin de là!

Seulement, je suis en train de dire que je veux bien accepter, et il me parait tout à fait raisonnable de le faire, d'adopter, au moins comme une alternative parmi d'autres, le hobbésianisme comme grille de lecture des relations entre Etat et individus, pour ce qui est déjà advenu dans le passé. Comme théorie dans une optique d'interprétation de faits passés, le hobbésianisme me semble tout à fait adapté, et ici, la critique de la "prophétie autoréalisatrice" ne se pose même pas, puisqu'il n'y a pas de prétention à l'anticipation, à la prévision (qui, en Histoire, pose des problèmes immenses, que j'ai essayé d'esquisser en partie).

Le poitn d'achoppement ici est la dimension temporelle donc : là où interviendrait une perspective de prophétie autoréalisatrice, comme quelque part toute philosophie de l'Histoire (l'analyse du concept de lutte des classes, provoquant d'une certaine manière, l'emergence d'une "conscience de classes" et la consolidation de ces classes, alors qu'elles n'avaient aucune raison d'exister), est dans la prétention à ce que le futur et la volonté des hommes reproduisent d'anciens schémas.

Bien sur, si le hobbésianisme "dit" aux hommes que la seule alternative est entre l'anomie de la guerre civile et l'existence et la sureté que procure l'Etat, il est clair que même si les conditions de l'existence d'une anarchie non anomique peuvent être éventuellement réunies, une telle anarchie ne se produira jamais.

Le hobbésianisme, dans sa perspective prédictive, conduit "évidemment" à incliner la volonté humaine à certaines opinions, en introduisant des facteurs qui la refoulent même si la volonté aurait pu agir en sens contraire. En ce sens, ce n'est pas tant que le hobbésianisme modifie le réel, mais modifie le futur, ou plutôt modifie les perspectives et les possibilités du futur. Tout tient de la détermination de la volonté et l'influence que peut avoir sur elle une théorie qui empéche certaines configurations de s'accomplir…

Par ailleurs, nous aurions le paradoxe d'une théorie "vraie" sans être "utile", puisque la disparition d'une telle théorie n'occasionnerait aucun "manque" pour décrire le réel : ce dernier se conformerait aussi bien à l'absence de théorie. "Utile", toutefois, cette théorie pourrait l'être en un certain sens : si l'on attribue à l'existence de cette théorie une "valeur" supérieure à celle de son absence. Evidemment, ce n'est pas le même genre d'"utilité" : toujours la même question du prescriptif/descriptif.

Théorie utile dans l'interprétation passée, et vraie dans ce domaine-ci, mais qui n préjuge pas de son cadre, et de sa réalisation dans le futur.

Alors la bonne question serait : "le hobbésianisme a-t-il par son existence détruit une anarchie pacifique ?". Le système islandais décrit dans l'article auquel tu m'as renvoyé, par exemple ? Je saisis l'occasion pour répondre à cet argument. L'article dit bien que le système s'est écroulé sur lui-même et que ses membres l'ont abandonné pour "demander" la suzeraineté du Roi de Norvège…

Et alors, ça ne régle pas la question des conditions d'existence d'un troisième terme de l'alternative hobbésienne, qui par son existence même, comme théorie prédictive, empéche la réalisation une seconde fois d'un système de type islandais! Note d'ailleurs que j'ai toujours parlé dans ce débat de conditions particulières pour avoir un troisième terme en présence, et non la réalisation systèmatique et permanente de ces conditions. Précisement, si tu rejoins mon analyse précédent, je suis loin d'avoir tord sur ce point, que tu as totalement tranché par tes extrapolations…

Car pour traiter de la nature humaine, on doit parler de l'humanité en général, pas de quelques pacifistes qui constitueraient une exception anéantie par un plus grand nombre se comportant "normalement".

Dans un système à prétention scientifique, tu sais bien que les exceptions qui ne peuvent être expliquées par le paradigme doivent pouvoir être intégrées dans un paradigme plus élargi, reprenant au moins partiellement le paradigme précédent. Tu persistes dans le modèle hobbésien, avec ses limites que je crois avoir souligné, au moins en partie, et personnellement, j'élargis la perspective en concervant un certain nombre d'hypothèses et d'interprétations hobbésienne, tout en intégrant de nouvelles alternatives (conditions de possibilités d'une anarchie non anomique, par exemple). Si mon compromis ne te plait pas, tu peux toujours en trouver un autre pour intégrer les cas particuliers non conformes…

En revanche, une théorie du Droit Nat est nécessairement "performative" et - elle l'espère - "réflexive" : on voit mal comment les hommes respecteraient le Droit Nat sans savoir qu'il existe (ils le respectent déjà partiellement par "empirisme", disent certains, mais c'est bien le maximum).

C'est que in fine, hobbésianisme et jusnaturalisme ne se situent pas sur le même plan, ni dans la même perspective, mais ton post suivant va me donner l'occasion de développer ceci.

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Ah mais tu vas me dire : est-ce que le hobbésianisme empèche ton bon minarchisme d'entrer en vigueur ? Mmmm… En fait le hobbésianisme ne tranche pas la question de la "taille" de l'Etat. Moins ou plus d'Etat, est-ce que ça veut vraiment dire grand chose ? La façon "hobbésienne" de te poser le problème serait plutôt : "Tu souhaites moins d'Etat pour avoir le droit de faire plus de trucs. Mais l'Etat se considère comme un 'package'. Alors tu l'acceptes ou tu le refuses ?" C'est la même chose pour les socialistes sous Pinochet, par exemple…

(…) Est-tu sûr que le passage de l'état minarchiste à l'état "spoliateur" soit si net que cela ? Car une fois cela établi, il s'agirait de légitimer une éventuelle révolte contre l'état non-minarchiste au prétexte qu'il serait seulement "légal" sans plus être "légitime". Si tu me dis "Contre une démocratie, la révolte n'est pas une riposte proportionnée", je te dirais "Mais alors ta théorie de la 'légitimité' n'a pas grand intérêt puisque tu acceptes ta soumission".

Est-ce que, par exemple, au dessus d'un certain niveau d'impôts, la révolte est légitime ? Pourquoi un Etat "formellement" minarchiste, avec peu de fonctionnaires, peu de "redistribution", pas de "démocratie" permettant aux fainéants de vivre aux crochets des industrieux, pourquoi un tel Etat ne se voterait-il pas des honoraires exorbitants ? Si l'on n'est pas obligé de payer, ce n'est plus un Etat. Et si on est obligé de payer, pourquoi il s'emmerderait ? Or, si le problème ne vient que du niveau des impôts et non de la forme, tu n'as pas de critère clair pour distinguer le juste de l'injuste.

Comme je le disais dans mon dernier post, le problème que tu m'opposes là, tient à un positionnement différent du hobbésianisme et du jusnaturalisme, ou de toute théorie de la légitimité, sur deux plans qui peuvent se recouper, mais qui ont des perspectives différentes, et des modalités différentes.

Quand tu vas réflechir sur une base hobbésienne, sur l'acceptation tacite de l'Etat, et des mécanismes qui conduisent à ce consentement factuel, ton critère de choix et d'étude est le pouvoir, et les mécanismes qui y sont rattachés. Quand je/nous vais/allons réflechir sur une théorie jusnaturalisme, ou d'un contenu normatif et "intemporel" du droit, on ne se situe pas sur le même plan, là on parle de justice, d'équité. On ne parle nullement de force, qui vient après, en application de la réflexion sur le concept de justice, mais pas qui la fonde.

Je parlais à l'instant d'une différence de perspective, qui rend quelque part incomparable les deux théories de Hobbes et de Locke, opposition qui se retrouve d'ailleurs dans la manière historique d'appréhender le droit par les philosophes : la perspective réaliste du pouvoir, vs. la perspective idéaliste du droit naturel. Dans le premier cas, le droit procède de la force, procéde du pouvoir ("autoritas non veritas facit legem", tu le dis toi-même) ; dans le seconc cas, c'est la force qui procéde du droit, ou plutôt c'est le droit qui encadre et présuppose l'exercice de la force. Tu peux certes vouloir critiquer une théorie sur un paradigme différent, mais c'est quelque peu inefficient, et un peu hors de propos…

Bon, alors tout ça pour rattacher sur quoi?! La question de la "légitimité" chez les libertariens, que j'ai finalement du mal à saisir. J'ai l'impression qu'il s'agit finalement de proférer une norme de justice face l'Etat, qui condamnerait certaines de ses exactions soit comme injuste devant l'Eternel (d'où le rattachement du jusnaturalisme à une croyance divine), soit comme injuste de manière immanente, devant l'Histoire et la justice des hommes. Nuremberg, que tu cites en contre-exemple, est finalement une bonne illustration de ce fait, que tu ne vois que dans une perspective hobbésienne du pouvoir…

Pour les libertariens, la soumission est-elle incompatible avec leur théorie de la légimité? A première vue, on pourrait penser que oui, mais je répondrais, du moins pour les minarchistes, certainement "non" : il s'agit de régler le pouvoir sur le droit, de le restreindre à ce cadre, qui est légitime, et pour ce faire, il s'agit d'adopter la stratégie la plus intelligente et efficiente. Le propos n'est pas en ce cas de dire : "révoltons-nous contre l'Etat dans ses actions qui ne sont pas légitimes", mais plutôt il s'agit dans une perspective évolutionniste, d'adapter le pouvoir de l'Etat au droit. Dans le première terme de l'alternative, on pourrait dire que finalement soumission et théorie de la légitimité sont incompatibles, mais dans ce cas, le libertarien va rechercher l'arrêt de l'injustice, alors que dans le second cas, où soumission et théorie de la légitimité ne sont plus incompatibles, le libertarien va rechercher le reigne de la justice. Tout dépend dans cette optique si on se sert de l'Etat comme instrument ou comme obstacle. Pour les anarcaps, qui le considèrent comme un obstacle, je n'ai pas de réponse à apporter

La guerre de 40 me paraît en fait assez hobbésienne. On a fait du procès de Nuremberg un cas d'école d'une victoire d'Antigone sur Créon, mais Créon a été vaincu par un autre Créon.

Comme je le disais plus haut, le primat du pouvoir t'empéche finalement de concevoir une quelconque justice dont le critère est finalement… le juste. Lorsque l'on admet le primat du droit comme condition du pouvoir, l'analyse est facile à mener, mais dans ton cas, tu conditionnes tout aux différentes formes de pouvoirs, rendant objectivement équivalentes, la juridiction nazie et la juridiction des pays occidentaux, et des alliés…

Et la Révolution française ? Pour des raisons morales ? Il faudrait nuancer cette appréciation en faisant valoir que sous des Rois plus cruels (Louis XIV, Louis XV), les Français ne se sont pas révoltés. (…) En étant sévère, on pourrait dire que les Français se sont révoltés parce que leur Roi était faible, "qu'il n'était plus royaliste", disent certains. Si l'on fait intervenir la morale, pourquoi plus de clémence royale n'a-t-elle pas débouché sur plus de reconnaissance populaire ? Pourquoi les gens ne se sont-ils pas révoltés lorsque le Roi était davantage immoral ?

Ton analyse renverse totalement la mienne pour la récuperer à bon compte, je voudrais re-nuancer ta position en citant quelques élèments, qui sans être exhaustif sur la période, me paraissent intéressants. A noter par exemple, la situation socio-économique de la pèriode, à savoir des famines en 1788 et 1789, et le prix de blé, on peut également noter la situation d'endettement du royaume de France, notamment consécutif à la guerre d'indépendance Américaine, les diverses affaires qui ont touché la couronne, à commencer par l'affaire du diadéme de Marie-Antoinette, et finalement, le renvoi de Necker par le roi deux jours avant la prise de la Bastille.

La question de la cruauté du roi, et des guerres engagées, n'est pas tout, la situation économique, les impôts levés, les scandales, l'ambiance délètére, et finalement l'éxècution de choix non partagés par la population (sur Necker, par exemple), ne peut être tenu comme quantité négligeable. D'une part, tu tronques le débat en ne parlant que de la cruauté, alors qu'il faut également contextualiser, et d'autre part, on va noter qu'outre la contestation des philosophes de l'époque, ce qui finit par mettre le feu aux poudres, c'est… une décision non approuvée, c'est-à-dire que le consentement tient également à la politique menée.

Last point, de la théorie hobbésienne : il est prévu que tous doivent se révolter si le souverain est fou, ou si "on pense qu'on ne sera pas davantage protégé en obéissant qu'en désobéissant". Or, force est de constater qu'aucune des deux raisons n'est opérante ici, et qui plus est, la révolution et la prise de la Bastille est le fait d'une minorité d'une minorité (les Parisiens) du royaume de France, fait qui ne correspond pas l'hypothèse hobbésienne de lachage collectif du souverain.

Oui ; la monnaie comme métaphore de l'autorité m'est venu à l'esprit mais je dissocie cette image de mon raisonnement général. Je ne sais pas si elle est appropriée. Mais sinon, il me semble que j'ai expliqué l'aspect nécessairement monopolistique de la monnaie, OK disons oligopolistique, éventuellement : c'est un besoin de normalisation. J'utilise telle monnaie parce que tout le monde l'utilise. Sinon, on me proposerait de m'échanger mon bien contre tel papier dont je n'ai jamais entendu parler. Il faudrait à chaque fois que j'aille vérifier si Machin qui l'émet est solvable. Alors ça laisse ouverte la question : faut-il plutôt un monopole ou un oligopole ? Le problème n'est pas tant la fausseté de l'image, c'est de savoir si elle est appropriée. C'était juste une idée comme ça. (…)

D'une manière générale, pour certaines marchandises qui jouent un rôle de "norme", le consommateur a intérêt à ne pas faire jouer la concurrence, mais au contraire à favoriser un acteur sur les autres. Selon que l'aspect de "normalisation" est un besoin impérieux ou non, on préférera un monopole à un oligopole.

OK pour un oligopole. De toute façon, l'aspect de normalisation vient de lui-même sous l'effet de préférences individuelles. Enfin, tout dépend du système d'échange et de la manière dont la valeur faciale de la monnaie est garantie. De toute façon, ce qui est critiqué ici va être le monopole légal de la monnaie nationale. Et au délà de l'aspect oligopolistique, on peut très bien avoir des niches pour des transactions spécifiques, ce qui fait qu'en réalité, on a plus qu'un oligopole. D'accord pour l'essentiel, cependant.

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