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Ecole De "palo Alto"


Fredo

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Je propose ici de continuer la discussion sur l'école de Palo Alto ayant émergé dans le fil sur les arts-martiaux.

Pour les liens entre Watzlawick et l'hypnose, revenons un peu à l'histoire de "Palo Alto".

Ce "groupe" s'est en effet constitué de manière informelle autour de Gregory Bateson dont on va dire qu'il a établi le cadre épistémologique. Sa réflexion va s'enrichir par les rencontres avec d'autres disciplines lors des conférences organisées par la Macy Foundation. Là notamment il rencontrera Norbert Wiener, créateur de la cybernétique (1948). Le concept de feed-back va ainsi apporter un éclairage à la compréhension des régulations dans les interactions humaines.

Puis le "groupe" (Gregory bateson, Paul Watzlawick, Don Jackson, Dick Fisch, …) va travailler durant les années 50 sur le thème de la communication et du changement. D'abord de manière informelle. Ils décident dans la première moitié de la décennie d'explorer tout ce qui peut les aider à comprendre les paradoxes dans la communication, et les mécanismes de changement spontané. Aussi se donnent-ils des thèmes d'étude :

- interviews de gens créatifs dans la gestion de crise urgente. Et pas des théoriciens ou psychiatres mais des gens confrontés quotidiennement à ces sitiuations (policiers, patrons de bars, éducateurs, etc.) des gens de terrain.

- la cybernétique lancée par Norbert Wiener.

- les paradoxes logico-mathématiques

- les contes zen, le bouddhisme

- littérature, épistémologie, etc.

Cette phase de recherche préliminaire conduira Bateson à sa théorie de la double contrainte (double-bind) pour expliquer la genèse de la schizophrénie.

Mais c'est aussi au début des années 50 qu'ils décident de rencontrer Milton Erickson, dont ils ont entendu parler. Et tous s'initient à l'hypnose et s'entraînent. Certains feront aussi des expériences avec le LSD de synthèse, à la Veterans Administration.

La seconde moitié de la décennie voit la concrétisation de leurs recherches tous azimuts, avec la création formelle du Brief Therapy Center et du Mental Research Institute. La pression sociale (forte demande, listes d'attentes) va les obliger à travailler vite et reconsidérer le cadrage de la thérapie, se centrrer sur la solution, etc. C'est le début des thérapies brèves en somme. C'est là que Bateson se désinteresse des applications pratiques et retourne étudier les loutres et les dauphins… il est vrai qu'il était plutôt fasciné par la conceptualisation que la pratique clinique.

Voilà donc les liens entre le travail d'Erickson et Palo Alto. De plus Watzlawick rappelle régulièrement comment l'approche ericksonienne sert de cadre à la pratique. Les modules de formation que j'ai fait avec lui portaient justement le titre d'hypnothérapie sans transe.

Il en parle aussi dans ses derniers ouvrages. Dans L'art du changement notamment, commis avec Girogio Nardone, qu'il agrémente d'une première partie expliquant les grands principes hérétiques du cadre. Grandes hérésies, car ils tranchent avec l'orthodoxie ambiante véhiculée par les modèles psychodynamiques inspirées d'approches psychanalytiques.

Dans un ouvrage encore plus récent ils continuent d'expliquer le cadre conceptuel et opératoire du constructivisme radical, avec des contributions de Heinz von Foerster et Ersnt von Glasersfeld sur la cybernétique, l'éthique. De Jeffrey Zeig (élève d'Erickson) sur l'hypnose, etc. Un très bon recueil de textes, comme l'était à "l'époque" L'invention de la réalité.

Pour l'aspect historique de l'école de Palo Alto, il y a aussi l'ouvrage de Teresa et Jean-Jacques, de l'IGB de Liège, et qui furent mes formateurs.

Paul Watzlawick a été l'un des penseurs qui m'a fait indirectement découvrir le libéralisme, notamment par son analyse de la construction des idéologies totalitaires, les ultrasolutions qu'elles mettent en place, etc.

Le constructivisme radical se révèle utile tant au niveau individuel (thérapie, changement) que pour comprendre les "réalités" idéologiques ou sociales. Bien sûr ce constructivisme épistémologique se rapproche plus de la phénoménologie et de la sémantique-générale de Korzybski (en gros : comment élaborons-nous nos cartes du monde ?) que de ce qu'on appelle souvent ici constructivisme au sens marxiste/socialiste.

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Un des aspects les plus fascinants pour moi des travaux de Watzlawick et al., c'est tout ce travail sur la perception (et accessoirement la manipulation) de la réalité.

Rechercher les solutions aux comportements névrotiques dans un changement de définition de la réalité du patient a l'air tellement évident une fois qu'on l'énonce, mais à l'époque c'était révolutionnaire.

Sur la réalité, j'ai adoré "how real is real" (la réalité de la réalité) de Watzlawick.

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C'est clair que c'était révolutionnaire à l'époque. Même si on en trouve des prémices dans la sémantique-générale de Korzybski, et les travaux des phénoménologistes.

Dans la même veine, sur la construction de réalités et d'idéologies, L'invention de la réalité : contributions au constructivisme radical est très bien aussi. L'ouvrage que j'ai mis plus haut, Stratégies de la thérapie brève, contrairement à ce que laisse supposer le titre, est encore un ouvrage collectif et majeur. Des philosophes de "l'équipe" comme Heinz von Foester, ou Ernst von Glasersfeld vont encore plus loin dans les fondements épistémologiques. Il y a quelque part un argumentaire sur l'éthique… et la liberté comme fondement de leur approche :doigt: J'essaierai de retrouver le passage.

J'ai suivi à l'époque (1993) un cycle sur un an avec l'IGB, sur 6 séminaires. Teresa et Jean-Jacques venant à Bordeaux. Mais comme nous étions aussi quelques toulousains, j'ai proposé à Watzlawick de venir dans la ville rose pour les deux derniers stages avec lui. Pour l'anectode, on a proposé d'ouvrir une journée au public. Mes affiches pour la conférence ont été arrachées à la fac. Personne n'est venu… On est donc resté "entre nous" et on a fini par une bonne bouffe. C'était sympa de parler de leurs parcours et d'entendre leurs anecdotes.

Quand j'y pense, j'aurais du suivre le conseil de Paul Watzlawick : "Venez en californie quelques temps, étudier au MRI, et vous retransmettrez ici. Puis là-bas on vous trouvera bien quelqu'un, y'a de jolies filles aussi. On a bien trouvé X pour Y…" :warez:

Et c'était en parallèle et indépendamment de mes études. Faut dire qu'à la fac Lacan était plus prisé en clinique :icon_up: J'ai longtemps rasé les murs… Heureusement, j'ai repris ma licence après un service militaire d'un an et demi (VSL), et ai pu partager cette passion avec le responsable méthodologique de maîtrise et du module éthologie. Il a dirigé mon mémoire sur l'épistémologie de Bateson. Du bonheur, enfin ! :warez:

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Korzybsky, Watzlawick… Mmh, j'aime cette discussion!! (et pas que pour l'orthographe :doigt: )

Je crois que la lecture, adolescent, du monde des Non-A, et plus tard la lecture de Watzlawick, sont des élément clef de mon chemin vers le libéralisme: celui de la santé mentale.

La santé mentale (dont il n'existe pas de définition: seules ses déviances sont pointées) conduit à avoir une vision claire du monde, une construction à la fois solide et cohérente, capable de se confronter avec la perception, de l'absorber, de l'enrichir, comme de nouveaux étages sur des fondations solides.

Avoir une mauvaise construction du monde, c'est la cause de la plupart des souffrances mentales: la divergence entre le monde perçu et le monde pensé "tel qu'il devrait être". Le conflit amène schizophrénie et souffrance. Je suis un de ceux qui pensent que les collectivistes et autres socialistes souffrent beaucoup, et changer le monde (d'une façon naïve et erronée) pour qu'il colle à leur vision est la solution qu'ils emploient. Alors qu'il serait plus simple de remettre ses croyances à plat!

Une autre alternative fausse consiste à se "détacher" du monde (à la bouddhiste) ou à le prendre avec un fatalisme absolu pour ne pas souffrir de ce décalage entre les deux représentations (perceptive et mentale).

Bref, je m'égare… :icon_up: Je proposerai aussi comme lecture l'invention de la réalité, du même auteur.

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Avoir une mauvaise construction du monde, c'est la cause de la plupart des souffrances mentales: la divergence entre le monde perçu et le monde pensé "tel qu'il devrait être". Le conflit amène schizophrénie et souffrance. Je suis un de ceux qui pensent que les collectivistes et autres socialistes souffrent beaucoup, et changer le monde (d'une façon naïve et erronée) pour qu'il colle à leur vision est la solution qu'ils emploient. Alors qu'il serait plus simple de remettre ses croyances à plat!

Une autre alternative fausse consiste à se "détacher" du monde (à la bouddhiste) ou à le prendre avec un fatalisme absolu pour ne pas souffrir de ce décalage entre les deux représentations (perceptive et mentale).

Voilà une réflexion que je ne suis pas loin de partager.
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Avoir une mauvaise construction du monde, c'est la cause de la plupart des souffrances mentales: la divergence entre le monde perçu et le monde pensé "tel qu'il devrait être". Le conflit amène schizophrénie et souffrance. Je suis un de ceux qui pensent que les collectivistes et autres socialistes souffrent beaucoup, et changer le monde (d'une façon naïve et erronée) pour qu'il colle à leur vision est la solution qu'ils emploient. Alors qu'il serait plus simple de remettre ses croyances à plat!

Pour citer une source "détachée", le Dalai-Lama a dit un jour "si tu veux changer le monde, commence par te changer toi-même". Il entendait par là un changement dans la manière dont l'individu perçoit la réalité. Les bouddhistes travaillent énormément sur la perception de la réalité, et j'ai souvent découvert dans des textes bouddhistes ou traitant du bouddhisme des parallèles avec Watzlawick.

Sinon, je suis tout à fait d'accord avec cette idée que les collectivistes ont une vision erronée de la réalité, source de beaucoup de souffrance et surtout de cette volonté de rendre la réalité conforme à leurs désirs. C'est assez effrayant parfois de constater à quel point ils sont sûrs de détenir une espèce de vérité divine qu'il serait bon de forcer l'entièreté de l'humanité à adopter.

Une autre alternative fausse consiste à se "détacher" du monde (à la bouddhiste)

Les bouddhistes ne sont pas détachés du monde. Au contraire, ils sont fermement ancrés dans la réalité, car une énorme partie du travail du méditant consiste justement à apprendre à supprimer les filtres à travers lesquels la réalité nous apparaît de façon distorsionnée. Nombre de paraboles dans le bouddhisme et l'hindouisme se réfèrent justement à la différence qu'il peut exister entre la réalité et la façon dont nous la percevons.

ou à le prendre avec un fatalisme absolu pour ne pas souffrir de ce décalage entre les deux représentations (perceptive et mentale).

Fatalisme qui n'est pas incompatible avec un certain fanatisme religieux, soit dit en passant.

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Je crois que la lecture, adolescent, du monde des Non-A, et plus tard la lecture de Watzlawick, sont des élément clef de mon chemin vers le libéralisme: celui de la santé mentale.

Héhé, je vois que jeune nous avons eu en partie les mêmes points de départ :icon_up:

Ajoute à cela une enfance télévisuelle nourrie par les frères Bogdanoff (Temps X) où la série Le prisonnier me fit forte impression, puis des films comme Brazil, [/i]L'âge de cristal[/i]…

La santé mentale (dont il n'existe pas de définition: seules ses déviances sont pointées) conduit à avoir une vision claire du monde, une construction à la fois solide et cohérente, capable de se confronter avec la perception, de l'absorber, de l'enrichir, comme de nouveaux étages sur des fondations solides.

Plus tout à fait. Il existe une nouvelle branche de la psychologie qu'on appelle "psychologie de la santé", certes relativement récente. Existant depuis grosso modo une vingtaine d'années si l'on regarde le nombre de publications, mais s'étant surtout développée cette dernière décennie.

Par ailleurs la définition en psychopathologie que l'on retient de préférence est celle de l'OMS (1946) :

"La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité."

Avoir une mauvaise construction du monde, c'est la cause de la plupart des souffrances mentales: la divergence entre le monde perçu et le monde pensé "tel qu'il devrait être". Le conflit amène schizophrénie et souffrance. Je suis un de ceux qui pensent que les collectivistes et autres socialistes souffrent beaucoup, et changer le monde (d'une façon naïve et erronée) pour qu'il colle à leur vision est la solution qu'ils emploient. Alors qu'il serait plus simple de remettre ses croyances à plat!

L'idée est là. J'apporterai juste un bémol. Il faut se préserver de vouloir imposer "LA" bonne vision du monde au patient. Il n'y a pas qu'une seule carte qui puisse être efficace pour se ballader dans le territoire. Il faut aussi préserver la cohérence du système de croyances et valeurs de la personne. La thérapie n'a pas pour but d'imposer une vision normative du monde. C'est pourtant une tentation bien grande… Même si Korzybski a montré (et m'a pratique de la s.-g. confirmé) qu'un décapage de ses cartes, notamment par une culture scientifique minimum, nous faisait tendre vers plus de sanité.

Watzlawick insiste bien là-dessus, et je partage cet avis : en thérapie le seul critère est la souffrance du patient. Et le but de la thérapie, la réduction de cette souffrance. Nous ne sommes pas là pour les amener à philosopher ou changer complètement leurs cartes.

J'ai un souvenir comme exemple. Bénévole à la cellule médico-psy du SAMU après l'explosion AZF, j'ai tenu avec quelques confrères une permance durant plusieurs semaines, pour diagnostiquer mais encore prévenir d'éventuels syndromes de stress post-traumatique.

Une "patiente" un jour est venue, prête à craquer. Ce n'était pourtant pas une victime directe, et elle-même était bénévole au secours catholique. Très croyante à mon avis, vu de plus la taille de la croix qu'elle portait au cou.

Après le bla bla habituel que l'on pratique dans le protocole d'évaluation de stress post-traumatique, j'ai effectué quelques recadrages par rapport à ses doutes, en utilisant la foi et Dieu pour la rassurer. Elle est même repartie avec comme injonction comportementale de faire 1 "Notre Père" et 3 "je vous salue" le soir même. Etc.

C'est ça l'approche utilisationelle d'Erickson : rejoindre la "réalité" du patient. Se servir de ses croyances, représentations, etc., comme de leviers. Je n'avais pas à lui dire si Dieu existe ou pas, mais réduire sa souffrance et ses doutes.

D'un point-de-vue développement personnel, c'est autre chose. On peut aller plus loin, c'est un choix individuel. D'ailleurs je trouve que la s.-g. de Korzybski annonce quelque part l'objectivisme de Rand, par son côté phénoméno-logique et "rationnel".

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Réduire la souffrance du patient, c'est bien. Mais tu n'aurais pas de problème éthique à calmer cette souffrance par un éventuel manque de lucidité quant au monde ? Est-ce que tu ferais la même chose pour un membre du mandarom, en le rassurant sur le fait que Gilbert Bourdin va tout résoudre avec son lance-flamme psychique ?

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Si le patient veut croire aux extraterrestres qui viennent le voir tous les soirs sur son balcon, ou que Elvis Presley est toujours vivant (d'ailleurs il paraît qu'il va revenir sur la place publique bientôt, en se pointant à cheval à Wimbledon), ça ne me gêne pas, c'est son problème.

Je le répète en thérapie brève on n'a pas à imposer de bonne façon de voir les choses. Et si tu veux établir un lien thérapeutique, basé sur la confiance, il faut accepter leur "vision" du monde. Je n'agirai dessus que si je pense que ça va l'aider à résoudre le problème pour lequel il a une demande.

Le cas des valeurs et croyances est très particulier. Généralement, non je n'ai pas de problème "éthique".

Il y a deux types de cas dans lesquels la déontologie s'applique :

- Cadre légal.

On doit respecter la loi : protection de l'enfance, personnes en danger, crime potentiel, etc. Le soi-disant secret professionnel est souvent mal connu, même les médecins se doivent de signaler dans certains cas. Chose qu'ils semblnt mal connaître.

- Cadre "psychologique".

Si doute sur le premier cadre, on se doit (code de déontologie) de demander avis d'un confrère ou expert. Idem s'il s'agit d'un problème dans la relation avec le sujet. C'est ce qu'on appelle le contre-transfert : s'il me renvoie à des choses personnelles, que ses croyances me gênent, alors j'ai le devoir moral de lui proposer de travailler avec quelqu'un d'autre.

Mais en général je fais avec. j'ai souvent dit lorsque je fais de la formation, que quelque part un professionnel de la communication et du changement maîtrise "l'art de la mauvaise foi". :icon_up:

Dans le cas, un peu provocant :doigt: , que tu suggères, peut-être que je pourrai faire quelque chose. A supposer déjà qu'une fanatique du mandarom vienne consulter. j'en doute mais, qui sait, peut-être qu'il y a des moyens de tirer parti de ses croyances sur les armées d'archanges pour lui venir en aide.

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:icon_up: Tssss….

En fait quand je pense au Mandarom, je revois ces images dun reportage d'envoyé spécial, et ces gens avec couronne genre "de gâteau des rois" sur la tête. Et cette bonne femme chercheur au CNRS qui récitait son mantra… A un moment, le reportage avec mis l'accent sur elle. Voilà l'image que j'avais en tête.

Sinon, voilà une synthèse que j'avais réalisée à l'époque de ma formation :

Les images du monde

Tout désir de changement, implique pragmatiquement d'agir sur la relation au monde, quelle qu'elle soit. On pourrait dire que les gens souffrent de leur image du monde, d'une contradiction non résolue entre le monde tel qu'il apparaît et le monde tel qu'il devrait être, d'après l'image qu'ils s'en sont faite. Il ne leur reste alors qu'une alternative : soit intervenir sur le cours des événements et faire en sorte que le monde s'approche de l'image qu'ils en ont, soit, le monde ne pouvant être changé, faire concorder leur image avec les faits. La première de ces deux possibilités (l'intervention active) peut, à son tour, être l'objet de délibérations et de conseils, tandis que la deuxième (l'adaptation d'une image du monde aux faits immuables) est la vraie tâche et le but spécifique de tout changement d'épanouissement personnel.

"Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils portent sur ces choses" (Epictète).

Comme l'illustre cet aphorisme, l'image du monde, la vision de ce qu'il  "devrait "  être, a une existence bien réelle. Nous sommes donc confrontés à deux  "réalités". Nous pensons que l'une existe objectivement, hors de nous, de façon indépendante (nous lui donnerons le nom de réalité du premier ordre). L'autre est le résultat de nos  "opinions"  et de notre jugement et constitue donc notre image de la première (nous l'appellerons réalité du deuxième ordre).

"Le monde est comme il est, il n'est ni vrai, ni faux, c'est seulement notre connaissance du monde qui peut l'être" (Karl Jaspers).

Il n'existe pas de réalité absolue, mais seulement des conceptions subjectives et souvent contradictoires de la réalité. Très fréquemment on fait une confusion entre deux aspects différents de ce que nous appelons la réalité. Le premier a trait aux propriétés purement physiques, objectivement sensibles des choses, et est intimement lié à une perception sensorielle correcte, au sens "commun" ou à une vérification objective, répétable et scientifique. Le second concerne l'attribution d'une signification et d'une valeur à ces choses, et il se fonde sur la communication.

Cette communication est de plusieurs ordres : celle que l'on entretient avec soi-même, avec les autres, et avec l'environnement.

Nous ne pouvons accéder à une connaissance directe du monde en soi. Aussi, quand nous parlons de la  "réalité"  ou que nous en souffrons, nous nous référons à un édifice dont seul le Seigneur serait en mesure de connaître les tenants et aboutissants ; nous avons oublié, si nous l'avons jamais su, que c'est nous qui sommes les architectes de cet édifice que nous ressentons maintenant comme  "extérieur", comme si c'était la  "vraie réalité", indépendante de nous.

Nous devons donc considérer une image du monde comme la synthèse la plus vaste, la plus complexe que peut réaliser l'individu à partir des myriades d'expériences, de convictions, d'influences, d'interprétations et de leurs conséquences sur la valeur et la signification qu'il attribue aux objets perçus.

L'image du monde, c'est, au sens très concret et premier, le produit de la communication. L'image du monde n'est pas le monde ; elle consiste en une mosaïque d'images, interprétable différemment aujourd'hui ou demain, en une structure de structures, une interprétation d'interprétations, elle s'élabore au moyen de décisions continuelles sur ce qu'il faut ou non inclure dans ces méta-interprétations qui découlent elles-mêmes de décisions antérieures.

D'après Paul Watzlawick.

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Plus tout à fait. Il existe une nouvelle branche de la psychologie qu'on appelle "psychologie de la santé", certes relativement récente. Existant depuis grosso modo une vingtaine d'années si l'on regarde le nombre de publications, mais s'étant surtout développée cette dernière décennie.

Par ailleurs la définition en psychopathologie que l'on retient de préférence est celle de l'OMS (1946) : "La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité."

En disant qu'il n'existait pas de définition "positive" de la santé mentale, je me bornais à reprendre une contribution (dans un des ouvrages collectifs de Watzlavick d'ailleurs) dans laquelle un psychiatre accompagné d'une escouade d'étudiants investissent des cliniques psychiatriques avec de faux certificats médicaux: les étudiants essayent de voir - sans jamais mentir - au bout de combien de temps ils se font découvrir comme simulateurs, étant sains d'esprit. Peine perdue! Le personnel médical s'avéra incapable de repérer la supercherie - seuls certains ressortirent d'ailleurs, avec un certificat médicale selon lequel leur "schizophrénie bégnine" était "en rémission", mais pas guérie, un terme très difficile à faire dire en psychiatrie.

Cette étude est porteuse de nombreux autres enseignements, mais le plus important est sans doute que la santé mentale se définit comme un état négatif - l'absence de toute maladie mentale détectée.

Je me méfie comme de la peste d'une interprétation positiviste de la santé mentale, comme celle de l'OMS, car elle implique que quelqu'un qui n'est pas "en complet bien-être physique, mental et social" et sans maladie mentale n'est pas pour autant en pleine santé mentale. La déprime suite à une rupture amoureuse ou un problème de travail tombent dans cette catégorie: l'absence de bien-être est perçue commme un signe de mauvaise santé.

Cette définition amène donc directement à une dictature du bonheur: ne pas être souriant et heureux, c'est être un malade. Et qu'on m'explique ce qu'est le bien-être social sans se référer à une doctrine normative, pour voir.

L'idée est là. J'apporterai juste un bémol. Il faut se préserver de vouloir imposer "LA" bonne vision du monde au patient. Il n'y a pas qu'une seule carte qui puisse être efficace pour se ballader dans le territoire. Il faut aussi préserver la cohérence du système de croyances et valeurs de la personne. La thérapie n'a pas pour but d'imposer une vision normative du monde. C'est pourtant une tentation bien grande… Même si Korzybski a montré (et m'a pratique de la s.-g. confirmé) qu'un décapage de ses cartes, notamment par une culture scientifique minimum, nous faisait tendre vers plus de sanité.

Watzlawick insiste bien là-dessus, et je partage cet avis : en thérapie le seul critère est la souffrance du patient. Et le but de la thérapie, la réduction de cette souffrance. Nous ne sommes pas là pour les amener à philosopher ou changer complètement leurs cartes.

Je ne suis pas tout à fait d'accord. L'objectif n'est pas "d'éduquer" le patient vers de plus haut niveaux moraux ou intellectuels dans lesquels se trouverait, comme par hasard, le thérapeute. Mais le respect de certaines des croyances du patient peut être tout à fait néfaste. En termes psychiatriques, cela consiste à le jeter de Charybde en Scylla: transformer un maniaco-dépressif en sataniste bien dans sa peau ne m'apparaît pas comme une guérison réussie.

Ceci dit, ma remarque est à prendre avec des pincettes: tout est question de compromis… :icon_up:

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