Aller au contenu

Pierre Manent, Les Libéraux


Copeau

Messages recommandés

D’habitude, une anthologie de textes a un côté vieillot, que même un excellent compilateur ne saurait cacher. Celle que vient de (ré)éditer Pierre Manent, avec des textes libéraux, est plus jeune qu’on ne peut se l’imaginer. Elle nous aide à comprendre l’actualité.

Ce n’est pas une nouveauté : on invoque ou l’on critique souvent le libéralisme en France. Et la plupart de ceux qui en parlent le font en méconnaissance de cause. Pour eux (et pas seulement), un livre vient de paraître. Qu’est-ce que le libéralisme, d’où vient-il, quels sont ses représentants les plus illustres, quelles sont les particularités du libéralisme économique et du libéralisme philosophique sont les questions auxquelles répond Pierre Manent dans la réédition de son anthologie Les libéraux (Gallimard, 2001).

Publiée au milieu des année 1980, cette anthologie refait l’itinéraire d’un mouvement qui a toujours été au service de la tolérance, de l’esprit d’initiative et du droit de propriété, de la liberté du commerce et de la nécessité d’un gouvernement représentatif. La démarche de Pierre Manent est intelligente, car elle rompt avec la séparation entre un libéralisme d’origine anglaise, pragmatique, tourné vers l’économie et un libéralisme français, plus idéologique. Il mélange les deux dans un corpus de textes subtil et utile à tous. De John Milton jusqu’à Bertrand de Jouvenel, on se régale avec les écrits des intellectuels promoteurs de la pensée libérale, pour la plupart ignorés – comme Bastiat et Guizot -, ou bien écartés, comme von Mises et von Hayek.

Parmi ces personnalités, dont le libéralisme n’est plus à démontrer, l’auteur inclut aussi Spinoza, le premier à proposer une philosophie politique à la fois libérale et démocratique. Aux yeux de Spinoza, la démocratie est le régime « le plus naturel et le plus susceptible de respecter la liberté naturelle des individus ». Pourquoi ? Parce que, dans la démocratie, « nul individu humain ne transfère son droit naturel à un autre individu ». Il le transfère à la totalité de la société dont il fait partie. Mais cette discipline sociale ne doit pas entraver la liberté de pensées et de paroles.

De même, Manent trouve une place à Voltaire à qui on saura gré d’avoir dénoncé, avec une passion qui ressemblait à l’amour de la justice, deux ou trois crimes judiciaires de l’Ancien Régime finissant. Kant aussi est présent, car il invite les hommes au nouvel « acte de sincérité » qui ne fait que répéter ce que disait l’ancien « acte de foi », puisque l’un et l’autre admettent que la raison est incapable de parvenir, par elle-même, à la certitude sur la vérité des dogmes chrétiens, mais l’effort de la volonté, le sentiment d’urgence morale, l’instinct de la probité personnelle vont maintenant en sens inverse : ce qui était « tentation » devient « devoir de douter ».

C’est sans doute ce désir d’inclure dans la galerie des libéraux les portraits d’ancêtres assez douteux qui indisposera le lecteur pénétré de culture libérale. On peut en effet rappeler que le libéralisme n’inclut pas nécessairement le « libéralisme philosophique » qui participe du relativisme.

Malgré les difficultés inhérentes à la réalisation d’une anthologie pareille, l’ouvrage est indispensable et très actuel. On peut y puiser des arguments imparables à toutes les bêtises proclamées par nos anti-libéraux et anti-mondialistes.

Lien vers le commentaire

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...