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Liberté : Jusqu'où ?


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Le Droit n'est pas un dictionnaire, mais un ensemble de lois devant être respectées pour que la liberté (de vivre, d'acquérir honnêtement un bien, de le faire fructifier, de le céder, etc.) soit préservée. Je n'aime pas trop le concept de liberté "négative" (formulé par Isaïah Berlin, par exemple). La liberté est une donnée essentielle de l'être humain qui n'a pas besoin d'être toujours explicitée "négativement" (cf. mes exemples entre parenthèses).

Tu es un peu doctrinaire, quand même : dès que la liberté s'écarte de ton positivisme moral, elle te déplaît si même elle n'est pas carrément fausse ! Moi, j'aime bien un tel concept, Hayek aussi par exemple (n'est-ce pas Ronnie ? ;-) ). En revanche, étant tombé sous l'influence de Popper, l'essentialisme me lasse un peu : vais-je pour autant excommunier les Libéraux essentialistes, par exemple ?

Je crois que la liberté n'a pas besoin d'être toujours explicitée négativement, en effet, mais au contraire qu'il faut et qu'il suffit qu'elle le soit pour définir un régime libéral pour l'individu. Au-delà, c'est autre chose et l'on est obligé d'apporter soi-même de l'information positive (tes exemples, par exemple) pour remplir la définition libérale positive qu'on s'est donné au préalable.

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Tu es un peu doctrinaire, quand même : dès que la liberté s'écarte de ton positivisme moral, elle te déplaît si même elle n'est pas carrément fausse ! Moi, j'aime bien un tel concept, Hayek aussi par exemple (n'est-ce pas Ronnie ? ;-) ). En revanche, étant tombé sous l'influence de Popper, l'essentialisme me lasse un peu : vais-je pour autant excommunier les Libéraux essentialistes, par exemple ?

Je crois que la liberté n'a pas besoin d'être toujours explicitée négativement, en effet, mais au contraire qu'il faut et qu'il suffit qu'elle le soit pour définir un régime libéral pour l'individu. Au-delà, c'est autre chose et l'on est obligé d'apporter soi-même de l'information positive (tes exemples, par exemple) pour remplir la définition libérale positive qu'on s'est donné au préalable.

Oufti ! quand je parlais de "donnée essentielle", je n'y mettais pas un sens métaphysique aussi prononcé. C'était employé essentiellement (hi, hi :icon_up: ) au sens de "principal", "capital".

Par ailleurs, qu'entends-tu par "positivisme moral" ?

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Oufti ! quand je parlais de "donnée essentielle", je n'y mettais pas un sens métaphysique aussi prononcé. C'était employé essentiellement (hi, hi :icon_up: ) au sens de "principal", "capital".

Par ailleurs, qu'entends-tu par "prositivisme moral" ?

J'ai donné dans le panneau, alors : dégraisse ma citation pour ne pas verser d'essence sur le feu ! ;-)

Par positivisme moral, j'entends les doctrines qui attribuent à l'individu un ensemble de caractéristiques morales a priori, comme l'inaliénabilité du droit de propriété sur sa personne et ses biens, son jusnaturalisme etc. Je sais bien que Mises a cherché par tous les moyens axiomatiques à a-moraliser la science éco pour la rendre enfin "wertfrei" ("libre de valeurs éthiques") , ie purement rationelle. Mais, je ne sais pas, sa doctrine et celle de Rothbard que je connais plus mal encore, me semblent témoigner d'une croyance presque fanatique dans le pouvoir de la raison allié à l'assomption de valeurs éthiques peut-être nobles mais absolues (homo jusnaturaliter). L'alliance du recours exclusif à la raison spéculative et d'un éthos absolu peuvent être désignés comme un positivisme moral, selon moi, dans mon mauvais sabir.

La tension entre la logique (mathématique) et l'éthique est d'ailleurs au fondement de l'économie : Keynes, dans sa jeunesse, pensait ainsi que sa science devait être rattachée à la logique (son père était logicien) et non pas aux sciences morales comme c'était la tradition académique à la fin du XIXème s. Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler que, d'après Skidelsky, Keynes avait fait complètement sienne la philosophie individualiste des Principia Ethica de GE Moore (1870-1958) comme une partie des intellectuels de sa génération et de son milieu formés à Cambridge.

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Mais je ne prétends pas que le jusnaturalisme soit axiologiquement neutre. Rothbard non plus d'ailleurs (à cet égard, il critique l'approche "wertfrei" de Mises). Si je t'affirmais que le DN possède une valeur neutre, je serais hypocrite. Mais son absence de neutralité ne signifie pas qu'il soit relatif; car le respect de la liberté est juste et indispensable à la vie civilisée.

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De mon ancienne lecture du classique de Montesquieu, ce n'est pas vraiment ce que j'ai retenu. Son propos était plus comparatiste que prescriptif, non ?

Oui, il était comparatiste… Ce qui est pour moi un exemple d'écriture. Le tout mâché (le prescriptif) n'a jamais été mon truc.

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Mais je ne prétends pas que le jusnaturalisme soit axiologiquement neutre. Rothbard non plus d'ailleurs (à cet égard, il critique l'approche "wertfrei" de Mises). Si je t'affirmais que le DN possède une valeur neutre, je serais hypocrite. Mais son absence de neutralité ne signifie pas qu'il soit relatif; car le respect de la liberté est juste et indispensable à la vie civilisée.

Merci pour la précision. Néanmoins, tu réfutes théoriquement le relativisme de la liberté au fond, tandis que cette conception ne me gêne pas : comme le sous-titre du fil le laissait entendre, en termes kantiens les lecteurs de Rothbard ont trouvé la Chose en soi (le noumène, si je ne me trompe) dans le DN et la nature humaine, tandis que les autres n'y voient qu'un phénomène de la raison pratique. La différence est aussi que la question sur Qu'est-ce que la liberté pour les libéraux ne peut s'adresser indifférement selon que l'on hypostase (le vilain mot) la liberté connaturelle à l'homme ou qu'au contraire, on parte du principe de l'infirmité de notre esprit à comprendre l'homme et que la liberté soit la Chose en soi, le socle inaccessible que certains ne logent qu'en Dieu, bref la destination et non pas l'origine. Simple idée.

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Mais, je ne sais pas, sa doctrine et celle de Rothbard que je connais plus mal encore, me semblent témoigner d'une croyance presque fanatique dans le pouvoir de la raison allié à l'assomption de valeurs éthiques peut-être nobles mais absolues (homo jusnaturaliter).

- croyance presque fanatique dans le pouvoir de la raison : tout à fait, ce sont des rationalistes et ils ne s'en cachent pas.

- valeurs éthiques peut-être nobles mais absolues : axiomatiques, pour moi. Si on ne les admet pas, on aboutit à une vie sociale impossible, ou soumise à la loi du plus fort, celle de l'Etat (maudits soit son nom et ses séides).

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Merci pour la précision. Néanmoins, tu réfutes théoriquement le relativisme de la liberté au fond, tandis que cette conception ne me gêne pas : comme le sous-titre du fil le laissait entendre, en termes kantiens les lecteurs de Rothbard ont trouvé la Chose en soi (le noumène, si je ne me trompe) dans le DN et la nature humaine, tandis que les autres n'y voient qu'un phénomène de la raison pratique. La différence est aussi que la question sur Qu'est-ce que la liberté pour les libéraux ne peut s'adresser indifférement selon que l'on hypostase (le vilain mot) la liberté connaturelle à l'homme ou qu'au contraire, on parte du principe de l'infirmité de notre esprit à comprendre l'homme et que la liberté soit la Chose en soi, le socle inaccessible que certains ne logent qu'en Dieu, bref la destination et non pas l'origine. Simple idée.

Pour ne parler qu'en mon nom propre, je te répondrais que je considère que la raison est l'instrument par excellence servant à comprendre le monde qui nous entoure et, de ce fait, à découvrir les règles nous permettant de vivre de façon civilisée et honnête. Mais, pour autant, je n'accorde pas d'omnipotence ou d'omniscience à la faculté rationnelle (ce en quoi je ne suis pas un Objectiviste :icon_up:).

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Pour ne parler qu'en mon nom propre, je te répondrais que je considère que la raison est l'instrument par excellence servant à comprendre le monde qui nous entoure et, de ce fait, à découvrir les règles nous permettant de vivre de façon civilisée et honnête. Mais, pour autant, je n'accorde pas d'omnipotence ou d'omniscience à la faculté rationnelle (ce en quoi je ne suis pas un Objectiviste :icon_up:).

Rappel utile. La modération avec laquelle tu parles des facultés rationelles me plaît davantage que le discrédit un tant soit peu doctrinaire sur la tradition, la coutume ou autres principes étrangers à la raison. :doigt:

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Rappel utile. La modération avec laquelle tu parles des facultés rationelles me plaît davantage que le discrédit un tant soit peu doctrinaire sur la tradition, la coutume ou autres principes étrangers à la raison.  :icon_up:

Loin de moi l'idée de jeter le discrédit comme tel sur la tradition ou les coutumes. Certaines sont bonnes, d'autres pas - tout simplement.

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Rappel utile. La modération avec laquelle tu parles des facultés rationelles me plaît davantage que le discrédit un tant soit peu doctrinaire sur la tradition, la coutume ou autres principes étrangers à la raison.  :icon_up:

Toutefois, pour Hayek les traditions ne sortent pas complètement du domaine de la raison. Ce qu'il rejette, c'est la tabula rasa, mais il formule également une théorie de la critique de la tradition dans DLL.

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Comme Taisei.

J'invite Kraakstorm à poursuivre son édification du bon peuple sur les lumières "libérales" de l'ère Meiji dans un fil approprié.

Ronnie,

A noter que je n'aie pas lancer ce poste pour parler d'une période ou d'un pays et d'une pseudo existence de libéralisme dans ce pays… (là dessus, je te rejoins et nous sommes d'accord), j'ai juste utiliser une situation qui a réellement exister avec des critères mentaux et sociaux réelles.

Oui la mentalité des japonais à l'époque était un respect de la liberté individuelle. Oui la mentalité des américains à l'époque était un respect de la liberté individuelle.

Oui ces 2 critères sont à remettre en fonction de leur époque…

Ce qui m'interessait surtout de poser (et Ronan l'a correctement noté) c'est comment, dans une situation de libéralisme idéale, on pourrait pour autant obtenir une dissention majeure. Ce qui en concéquence a très justement déporté le sujet sur : La liberté est elle ou non dépendante de la loi ? (ou encore, est-elle dépendante de la culture ?). Maintenant que vous vous amusiez à savoir si tout le système japonais du début de l'ère Meiji était ou non libéral, ça ne donnera rien de productif.

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Je me permet de m'inscruster dans la situation, pour faire une petite synthèse dont la conclusion est la simple aporie.

Personne ici, que se soit de la part des tenants du "libre-arbitre" ou du "déterminisme", que tout phénomène ait une cause, c'est d'ailleurs ce qu'on appelle le causalisme et ne suffit pas à être identifié au déterminisme.

La question (en termes kantiens, pourrait-on dire) réside dans l'alternative entre hétéronomie et autonomie de la volonté humaine. L'hétéronomie est le propre de la Nature (en termes hégéliens, ce coup-ci), c'est à dire que les phénomènes naturels ont leur cause dans un élèment qui leur est extérieur. Au contraire, l'autonomie, c'est la caractéristique qui consiste pour la volonté humaine, ou pour l'Esprit hégélien à être sa propre cause, à se déterminer. D'ailleurs, l'Esprit hégélien réalisant son Concept, qu'est l'autonomie, a pour but final la liberté (c'est-à-dire, finalement rien d'autre que l'auto-détermination propre). En guise de citation :

La volonté est une sorte de causalité des êtres vivants, en tant qu'ils sont raisonnables, et la liberté serait la propriété qu'aurait cette causalité de pouvoir agir indépendamment de causes étrangères qui la déterminent; de même que la nécessité naturelle est la propriété qu'a la causalité de tous les êtres dépourvus de raison d'être déterminée à agir par l'influence de causes étrangères.

Il est indubitablement vrai que nos sens nous indiquent, que nous avons l'intime conviction d'être au moins en partie la cause de nos actions, que nous ne sommes pas entièrement soumis à la nécessité naturelle. Cependant, la critique des déterministes est la suivante : étant composés de matière, et issus d'un processus de "sélection naturelle" qui ne nous pose pas hors du monde, mais issus de ce monde la nécessité naturelle, on voit mal comment nous pourrions (être de chair, dont les phénomènes mentaux sont grosso modo réductibles à des signaux électriques) échapper à cette nécessité naturelle. Ceci est d'ailleurs en sciences cognitives, l'hypothèse d'interprétation appellée réductionnisme.

Il existe une autre critique beaucoup plus ancienne, et qui est celle de Spinoza :

Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées à exister et à agir d'une certaine façon déterminée. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple : une pierre par exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement et, l'impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette persistance de la pierre dans son mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la pierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d'une certaine manière déterminée.

Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, pense et sache qu'elle fait effort, autant qu'elle peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurément, puisqu'elle a conscience de son effort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elle est très libre et qu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut. telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.

Là encore, l'hypothèse déterministe est plus pernicieuse, puisqu'elle revient à chercher des causes extérieures à ce que nous croyons être notre libre-détermination.

Maintenant, il faut dissiper un malentendu, et qui a été une critique de melodius et Ronnie à l'encontre des déterministes, à savoir que cette hypothèse ruine toute possibilité de vie en société - il n'est d'ailleurs nul besoin de faire appel à une quelconque utilité sociale, pour sauvegarder la responsabilité. Or, précisement, il s'agit de voir que déterminisme et fatalisme sont deux choses bien distinctes. C'est un thème developpé par Alain, et on peut trouver pire comme philosophe anti-libéral, je pense. :icon_up:

Chapitre VI - Du déterminisme

On peut prédire ce qui arrivera dans un système clos, ou à peu près clos, par exemple dans un calorimètre, dans un circuit électrique, dans le système solaire, si l'on considère les positions des astres seulement. Non seulement un ensemble de causes ou de conditions détermine rigoureusement un ensemble d'effets, mais encore le travail ou, comme on dit, l'énergie, qui comprend aussi le travail moléculaire supposé, se retrouve dans l'effet en quantité égale, quelles que soient les transformations. Par exemple la chute d'une certaine masse, depuis une certaine hauteur, se traduira toujours par la même vitesse à l'arrivée, et le choc, s'il transforme en chaleur ce travail accumulé, fondra toujours le même poids de glace à zéro. Les vivants n'échappent point à cette loi. Autant qu'on peut isoler un animal, l'énergie qu'il dissipe en mouvement et en chaleur égale l'énergie chimique enfermée dans ses aliments, diminuée de celle qui subsiste dans les excrétions. Voilà ce que l'entendement pose, en prenant pour modèle les opérations mathématiques, qui sont des systèmes parfaitement clos. Pour les systèmes imparfaitement clos, la vérification est toujours ce qu'on peut attendre, d'après le soin qu'on a apporté à exclure des causes étrangères. Il n'y a aucune raison de supposer que des causes encore mal mesurées échappent à cette règle, et même, comme il a été expliqué, une telle supposition ne peut être faite qu'en paroles et que tant qu'on ne sait pas de quoi on parle. Il est donc inévitable qu'un esprit exercé aux sciences étende encore cette idée déterministe à tous les systèmes réels, grands ou petits.

Ces temps de destruction mécanique ont offert des exemples tragiques de cette détermination par les causes sur lesquels des millions d'hommes ont réfléchi inévitablement. Un peu moins de poudre dans la charge, l'obus allait moins loin, j'étais mort. L'accident le plus ordinaire donne lieu à des remarques du même genre ; si ce passant avait trébuché, cette ardoise ne l'aurait point tué. Ainsi se forme l'idée déterministe populaire, moins rigoureuse que la scientifique, mais tout aussi raisonnable. Seulement l'idée fataliste s'y mêle, on voit bien pourquoi, à cause des actions et des passions qui sont toujours mêlées aux événements que l'on remarque. On conclut que cet homme devait mourir là, et que c'était sa destinée, ramenant ainsi en scène cette opinion de sauvage que les précautions ne servent pas contre le dieu, ni contre le mauvais sort. Cette confusion est cause que les hommes peu instruits acceptent volontiers l'idée déterministe ; elle répond au fatalisme, superstition bien forte et bien naturelle comme on l'a vu.

Ce sont pourtant des doctrines opposées ; l'une chasserait l'autre si l'on regardait bien. L'idée fataliste c'est que ce qui est écrit ou prédit se réalisera quelles que soient les causes ; les fables d'Eschyle tué par la chute d'une maison, et du fils du roi qui périt par l'image d'un lion nous montrent cette superstition à l'état naïf. Et le proverbe dit de même que l'homme qui est né pour être noyé ne sera jamais pendu. Au lieu que, selon le déterminisme, le plus petit changement écarte de grands malheurs, ce qui fait qu'un malheur bien clairement prédit n'arriverait point. Mais on sait que le fataliste ne se rend pas pour si peu. Si le malheur a été évité, c'est que fatalement il devait l'être. Il était écrit que tu guérirais, mais il l'était aussi que tu prendrais le remède, que tu demanderais le médecin, et ainsi de suite. Le fatalisme se transforme ainsi en un déterminisme théologique ; et l'oracle devient un dieu parfaitement instruit, qui voit d'avance les effets parce qu'il voit aussi les causes. Il reste à disputer si c'est la bonté de Dieu ou sa sagesse qui l'emportera. Ces jeux de paroles sont sans fin, mais l'expérience la plus rigoureuse semble décider que le Créateur ne change jamais le cours des choses, et reste fidèle aux lois qu'il a instituées. Par ce détour, on revient à dire que l'homme qui sera noyé par des causes ne sera certainement pas pendu. Au lieu d'être attiré par un destin propre à lui, il est pris dans une immense machine dont il n'est qu'un rouage. Sa volonté elle-même suit ses actions ; les mêmes causes qui le font agir le font aussi vouloir. Chacun sait qu'une certaine espèce de fous font ce qu'on leur suggère, et qu'ils veulent aussi ce qu'ils font, ce qui fait qu'ils croient faire ce qu'ils veulent. Prouvez que nous ne sommes pas tous ainsi.

Ce qui achève d'engourdir l'esprit, c'est que, par un déterminisme bien éclairci, tout reste en place. Un bon conseil est toujours bon à suivre, que je le suive par nécessité ou non. La délibération n'est pas moins naturelle, soit que je pèse les motifs avant de me décider librement, soit que je cherche à prévoir, par l'examen des motifs, ce que je ferai par nécessité. La décision a le même aspect, soit que je jure de faire, soit que je sois sûr que je ferai. Les promesses aussi. L'action aussi, l'un disant qu'il a fait ce qu'il a voulu, l'autre qu'il a voulu justement ce qu'il ne pouvait pas ne pas faire. Ainsi le déterminisme rend compte des sentiments, des croyances, des hésitations, des résolutions. La sagesse, disait Spinoza, te délivre et te sauve autant, que ce soit par nécessité ou non. Sur quoi disputons-nous donc ?

Maintenant, et en réalité, il s'agit de voir que déterminisme et libre-arbitre ne s'opposent pas nécessaire, le déterminisme est alors plus une théorie interprétative des faits (a-t-elle un autre statut en science?), un outil, qu'une véritable réalité?

Il n'est pas moins vrai qu'en interprétant tout sur une hypothèse déterministe, on rajoute un niveau, à un schéma qui paraissait plus simple (avec l'opposition libre-arbitre, vs. causalité naturelle), ce qui pourrait faire penser un tantinet au système géocentrisque de Ptolémée, qui passe au rasoir d'Occam par rapport à l'héliocentrisme.

En bref, il y a de bonnes raisons de part et d'autre, et je vois difficilement comme on pourrait trancher.

Mon 2000éme message. Ca se fête. :doigt:

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Décidément, je préfère l'enseignement à l'ancienne. Celui des baignoires qui se remplissent et se vident… C'est plus simple ! :icon_up: (En plus, j'écrirais avec moins de fautes…)

Donc je plonge dans une rivière ayant du courant. Je subis le courant. Ma volonté étant d'échapper à ce courant, je nage. Mais au lieu d'utiliser toute mes forces à lutter contre le courant indéfiniment, je préfère nager avec le courant et j'arriverais plus vite sur la rive.

Voila la compatibilité du déterminisme et du fatalisme est démontrée. Le déterminisme me permet de savoir qu'en nageant vers la rive, j'échapperais au courant à un moment ou à un autre. Le fatalisme, c'est que dès que je suis dans l'eau, je subis le courant.

La conclusion c'est que si je m'obstine contre le courant, je n'arriverai à rien. Si je l'utilise, j'arriverai à mon but très rapidement et en tout état de cause, bien plus rapidement qu'en essayant de lutter contre.

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