Aller au contenu

Vous Avez Dit "expropriation" ?


Kimon

Messages recommandés

Dans le Figaro d'aujourd'hui, le titre du papier est évocateur.

http://www.lefigaro.fr/international/20050829.FIG0238.html

Deux jours seulement après la fin du retrait de la bande de Gaza

Sharon relance la colonisation de la Cisjordanie

Al-Azaria : de notre envoyé spécial Patrick Saint-Paul

[29 août 2005]

Tous les hauts parleurs d'al-Azaria appellent au rassemblement et à la «révolte face à l'injustice». Quarante-huit heures après la fin de l'évacuation des colonies israéliennes de la bande de Gaza, les villageois de ce faubourg de Jérusalem ont reçu leur ordre d'expropriation. Ariel Sharon n'aura pas traîné pour lancer la construction de l'extension de la colonie de Maale Adoumim, tenant ainsi sa promesse d'abandonner la bande de Gaza dans l'unique but de raffermir la mainmise israélienne sur les colonies de Cisjordanie.

«C'est une guerre froide, qui détruit la vie de notre peuple, s'indigne le maire d'al-Azaria, Issam Faroun. Israël se retire de Gaza et nous en payons le prix ici. Les Israéliens sèment la colère dans notre coeur, pour nous pousser à la violence. Ainsi, ils n'auront plus besoin de négocier avec nous.» Approuvé par le gouvernement Sharon en février dernier, le projet «E 1» d'extension de Maale Adoumim, la plus grande colonie de Cisjordanie (30 000 habitants), située à 10 kilomètres à l'est de Jérusalem, prévoit la construction de 3 500 logements supplémentaires et d'un poste de police. Face aux protestations américaines et européennes soulevées par le projet «E 1», le gouvernement en avait gelé l'application. Mais, selon la presse israélienne, Ariel Sharon a ordonné la semaine dernière la construction du poste de police, la délocalisation des policiers et de leurs chevaux et la mise à disposition de prairies pour faire paître les montures.

L'ordre militaire d'expropriation, distribué à la fin de la semaine dernière aux propriétaires palestiniens, stipule que «la terre est confisquée pour des raisons militaires afin d'ériger la barrière de sécurité sur les terres d'al-Azaria». Une fois le projet achevé, Maale Adoumim sera physiquement rattaché à Jérusalem Est, isolant ainsi les quartiers arabes de la ville sainte, où les Palestiniens espèrent établir leur capitale et annexant de facto la ville. L'opération aura aussi pour conséquence de couper physiquement le sud de la Cisjordanie du nord de ce territoire occupé par Israël depuis 1967, rendant ainsi impossible la contiguïté territoriale d'un futur Etat palestinien. Le gouvernement propose la construction d'un tunnel réservé aux Palestiniens, pour relier le sud au nord de la Cisjordanie. «Nous rêvons d'un Etat relié par la terre, où nous pourrons circuler librement, explique Issam Faroun. Veulent-ils nous faire vivre dans des tunnels goudronnés ? Si nous acceptons cela, il n'y aura pas de libre circulation puisque les Israéliens pourront ouvrir et fermer le tunnel à leur guise, comme un corridor destiné à faire circuler le bétail.»

Au-delà du problème de l'Etat palestinien, al-Azaria est menacé d'asphyxie par le projet «E 1». Avant le début de l'Intifada et la construction de la barrière de sécurité, al-Azaria, connu dans la Bible sous le nom de Béthanie et qui abrite le tombeau de Lazare, vivait du tourisme lié au passage des pèlerins. Des commerces s'étaient développés sur l'axe reliant Jérusalem à Jéricho. La rue qui mène au mur de séparation, haut de huit mètres, se résume désormais à une collection de rideaux de fer : ceux des commerces qui ont fait faillite.

Lancée en 1975, la construction de Maale Adoumim a privé al-Azaria de sa croissance naturelle : la colonie et la zone militaire qui l'entoure occupent 70% des terres agricoles du village, qui s'est développé en hauteur. «Nous étouffons, ici, s'emporte Ibrahim Faroun, 75 ans, ancien agriculteur. J'ai neuf enfants et trente-deux petits-enfants. Où vont-ils vivre ? J'ai déjà perdu cinquante hectares de terre en 1975 avec la construction de Maale Adoumim. Et ils veulent me confisquer vingt hectares supplémentaires. Je n'ai plus rien.» Il a vécu l'occupation turque, le mandat britannique, le règne jordanien et maintenant l'occupation militaire israélienne, qu'il juge comme étant «ce qu'il y a de pire». Il ne désespère pourtant pas d'accéder un jour à son rêve : la fin de l'occupation, l'indépendance de la Palestine.

Ibrahim Faroun n'a jamais cessé de venir sur ses terres, malgré les ordres de Tsahal, qui a décrété ses pâturages «zone militaire». «Je n'ai pas le droit d'y construire, ni d'y planter quoi que ce soit, raconte-t-il. La dernière fois que j'ai planté un olivier, c'était en 1982. Les soldats israéliens ont tout arraché. Ainsi, ils peuvent dire que nous avons laissé notre terre à l'abandon et nous la prendre plus facilement.» Assis sur un rocher sous les pins en buvant un thé offert par des éleveurs bédouins de passage sur ses terres, installé dans ce décor biblique survolé par des aigles, il observe le développement de la colonie depuis 1975. «Ils ont travaillé chaque jour et chaque nuit depuis 1975, pour ériger cette ville, commente-t-il. Mais c'est après les accords de paix d'Oslo qu'ils se sont mis à construire comme des fous. On a compris alors qu'ils ne partiraient jamais.»

Un voisin vient lui aussi faire le tour du propriétaire sur les terres qui ne lui appartiennent plus. Il gronde en tendant sa canne vers les immeubles blancs soigneusement alignés de Maale Adoumim. «Nous n'avons pas d'eau et ils remplissent leurs piscines, fulmine Hashem Khalil, 70 ans. Nous n'avons pas de terre, pas de liberté, pas de démocratie, rien pour vivre. La mort est mieux que cet enfer. Nous voulons mourir. La troisième Intifada vient. Elle frappera non seulement les Juifs, mais aussi l'Autorité palestinienne.» La révolte couve. Elle n'attend qu'une étincelle pour exploser.

Lien vers le commentaire

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...