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Une Page Exemplaire Du Socialisme à La Française


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JUSTICE L'affaire des écoutes téléphoniques

Une page exemplaire du socialisme à la française

PAR JEAN BOTHOREL *

[29 novembre 2004] 

L'affaire des écoutes téléphoniques de l'Elysée, qui va occuper pendant trois mois le tribunal correctionnel de Paris, retient peu l'attention des médias et guère plus celle des citoyens. Ce n'est pas surprenant. D'une part, elle est jugée vingt ans après les faits ; d'autre part, François Mitterrand, unique responsable de cette grave atteinte aux principes démocratiques, est décédé. Désormais, c'est trop tard, et le procès ressemble déjà à une pièce de théâtre. Une bonne pièce. Quand le rideau tombera, quelques seconds couteaux seront sanctionnés, quelques plaignants récompensés de leur pugnacité, et chacun rentrera chez soi. Pourtant les écoutes de la cellule élyséenne illustrent une page exemplaire du socialisme à la française. Elles devraient figurer dans tous nos livres d'histoire.

D'abord, les écoutes téléphoniques appartiennent au catalogue des méthodes qu'utilisent les régimes tota litaires. Or la gauche, dans ces années 1981-1985, lorsqu'elle se parait à grands frais de toutes les médailles de mo ralité civique, s'est mise à écouter les conversations de centaines de Français, sans qu'aucun de ses hiérarques – qu'ils soient des milieux politique, culturel ou journalistique – ne s'en offusque, ne lève le petit doigt. L'ancien premier ministre, Pierre Mauroy, avec une sincérité habillée de cynisme, vient de le reconnaître devant le tribunal : «Vous comprenez, je ne voulais pas entrer en conflit avec le président…»

Personne dans la fratrie socialiste n'eut le courage d'entrer en conflit avec François Mitterrand. C'est le fond du débat. A travers l'affaire des écoutes, l'arrogance et l'impunité, qui caractérisaient alors la gauche, se sont déployées dans toute leur majesté. D'ailleurs, les rares journalistes qui, dès 1984, osèrent évoquer l'hypothèse d'un système d'écoutes et dénoncèrent le syndrome policier de François Mitterrand furent, tout simplement, renvoyés dans le camp des «fascistes». A cette époque, pas si lointaine, traiter l'adversaire de «fasciste» était encore un des arguments favoris de la gauche.

Tout cela est oublié. Par un savoureux paradoxe, certains de ceux qui, aujourd'hui, ont porté plainte contre les responsables de la cellule élyséenne, étaient hier les thuriféraires de la gauche. D'où leur hargne, celle de tous les amoureux déçus. N'eût-il pas fallu qu'ils ouvrent les yeux dès 1981 ?

Ensuite, la manière dont on a ignoré l'énorme majorité des «écoutés» pendant l'interminable instruction de l'affaire témoigne du mépris dans lequel on tient les citoyens. Deux catégories de personnes sont concernées. Il y a celles qui ont été formellement mises sur écoute – comme Jean-Edern Hallier ou Edwy Plenel – et il y a celles, beaucoup plus nombreuses, qui ont été écoutées chaque fois qu'elles étaient en relations téléphoniques avec les «mis sur écoute». Le minimum eût été que la copie, environ 4 000 pages, des enregis trements de la cellule élyséenne fût mise à la disposition des «écoutés». Il n'en fut rien : pour l'obtenir, il fallait… l'acheter environ 1 800 euros ! Non contente d'avoir violé vos droits fon damentaux, la République vous demandait de payer son crime ! La lecture, il est vrai, de cette copie, est glaçante. Une intrusion brutale, scandaleuse dans votre vie privée. La face noire d'un Etat dit républicain et démocratique.

Enfin, l'affaire des écoutes confirme, s'il en est besoin, la dimension royaliste de nos institutions. Quand le président veut, chacun s'incline. De ce point de vue, force est d'admettre que François Mitterrand a surpassé ses prédécesseurs comme son successeur : il fut plus qu'un roi, il fut «Dieu».

Nos concitoyens s'accommodent parfaitement de ce monarchisme. La politique des grands travaux, les multiples «faits du prince», l'inflation extravagante du budget de l'Elysée, la pompe qui entoure le plus modeste déplacement du président de la République – pompe qui déteint sur le moindre sous-ministre –, rien de tout cela, au fond, ne les gêne. C'est pourquoi le procès des écoutes, bien qu'emblématique, sera vite rangé au magasin des accessoires…

* Essayiste. Publiera en janvier une biographie de Jean-Jacques Servan-Schreiber (Robert Laffont).

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Jean Montaldo ('Mitterrand et les quarante voleurs'), avait bravé pas mal d'interdits, à l'époque, et parfois au péril de sa sécurité et/ou de sa vie.

Il y eut beaucoup de morts dans la galaxie Mitterrand. Ces années là ont signé la fin de partie entre le peuple et la gauche française, qui n'est pas prête de se relever de tant de cynisme, mensonges, et démissions. Pari tenu.

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Ne te réjouis pas trop vite, le pire n'est jamais sûr.

Quand on voit la résistance que provoquent les 2-3 réformettes de raffarien, et la versatilité des français, qui se complaisent dans l'assistanat et les "jeux" (à ce propos, je vous conseille le petit ouvrage intitulé "Les infortunes de la pensée magique" de J. Darmon écrit sur lemode ironique), le retopur de la gauche n'est pas improbable.

je crois que ce bouquin fait référence à ce qu'on appelle "l'animisme" (politique) mais j'en suis pas sûr, peut-être que je confonds tout, alors si vous pouvez m'éclairer…

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