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La France Va Bien


Dardanus

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Un point de vue de Daniel Cohen qui vaut son pesant de cacahuètes.

De remarquables formules dignes du défunt président Pinay : les décennies se suivent et ne se ressemblent pas

aux superbes envolées sur le génie national, on ne s'ennuie pas.

C'est le génie national des Américains qui assurent le dynamisme des services. Croyons donc au génie national pour sauver la France qui est seulement victime de l'alternance politique (enfin surtout de la présence néfaste de la droite au pouvoir) car après tout nous faisons mieux que les Nippons et les Teutons !

Les paradoxes de la croissance française, par Daniel Cohen

LE MONDE | 08.03.06 |

Le chiffre de la croissance française a été, selon l'Insee, de 1,4 % en 2005. Ce chiffre est inférieur aux prévisions officielles, pourtant prudentes, et en deçà du chiffre 2004 (2,4 %), qui avait rallumé l'espoir d'une reprise. Ce résultat médiocre relancera sans nul doute le débat sur l'atonie française et apportera de l'eau au moulin des "déclinistes" de tous bords. Il n'est pourtant pas de bonne méthode de juger des performances d'un pays sur le résultat d'une année ou deux. Mise en perspective, la croissance française se présente sous un jour meilleur, mais pose d'autres questions plus dérangeantes.

Si l'on juge les résultats français sur les dix dernières années, les chiffres sont les suivants. En prenant l'indice 100 comme référence pour 1995, on trouve pour 2005 que les Etats-Unis sont à 140, le Royaume-Uni à 130, la France à 125, tandis que l'Allemagne, l'Italie et le Japon sont à 115. Sous ce registre, le résultat français n'est pas déshonorant, et si l'on excepte les Etats-Unis, il se compare plutôt bien aux autres grandes nations industrielles. Ces chiffres révèlent pourtant nombre de paradoxes et appellent plusieurs commentaires.

Premier commentaire. Les grands perdants des dix dernières années sont bien davantage l'Allemagne et le Japon, donnés auparavant en modèles, que la France. L'histoire est connue : le Japon a mis plus de quinze ans à sortir des désastres d'une bulle immobilière, l'Allemagne a très mal géré sa réunification. Au-delà des circonstances particulières propres à ces deux pays, s'illustre ici une règle que les économistes connaissent bien : en matière de croissance, les décennies se suivent et ne se ressemblent pas. Statistiquement parlant, il est impossible de prédire les résultats d'une décennie en extrapolant ceux de celle qui s'achève. Ce qui explique pourquoi tous ceux qui cherchent à ériger un modèle - allemand, japonais, américain… - sur la base de ses performances passées se sont toujours trompés.

Deuxième commentaire. Dans le cas français, le résultat 1995-2005 est obtenu pour l'essentiel au cours de la période du gouvernement de Lionel Jospin. S'illustre ici une autre règle bien connue des économistes : la gauche fait mieux que la droite en matière de croissance. John Fitzgerald Kennedy et Lyndon Johnson ont fait mieux que Dwight Eisenhower. Bill Clinton fait mieux que George Bush senior. Tony Blair fait mieux que Margaret Thatcher. Ce résultat n'est pas nécessairement à mettre au crédit de la gauche. Il peut révéler un partage des tâches : la droite mène une politique de rigueur dont la gauche profite ensuite… A tout le moins, il invalide l'idée selon laquelle la gauche gâcherait la croissance.

D'où un troisième commentaire. Il est troublant de noter combien la croissance reste influencée par des facteurs internes : alternance politique en France, crise immobilière au Japon, réunification allemande… A l'heure où la mondialisation bat son plein, le gros de la volatilité des économies matures doit aux facteurs nationaux plus qu'internationaux. Selon une étude de l'OCDE, les échanges internationaux tendent en fait à réduire les fluctuations économiques, dont l'essentiel reste d'origine nationale.

Quatrième commentaire, qui éclaire le précédent. La croissance est médiocre en France en 2005, mais la Bourse y bat tous les records. L'explication est simple et désormais bien connue : les grands groupes cotés en Bourse ne sont plus représentatifs de l'économie nationale. L'explosion de leurs résultats ne trouve aucun parallélisme avec l'évolution intérieure des autres profits.

Cette dissociation entre Bourse et performances nationales se nourrit d'un facteur essentiel : le déclin de l'industrie dans la richesse nationale. La majorité des firmes cotées dans le CAC 40 sont dans l'industrie. Ce n'est plus le cas de l'économie dans son ensemble. A force de gagner de la productivité ou de se délocaliser, les effectifs industriels fondent comme neige au soleil.

D'où un cinquième et dernier commentaire. Les grandes nations industrielles que sont l'Allemagne, le Japon ou la France ont longtemps considéré le secteur tertiaire comme un déversoir utile pour recréer les emplois détruits par l'industrie. Plus était basse la productivité des services, mieux l'emploi s'en portait. Cette asymétrie entre un secteur industriel très productif et un secteur tertiaire qui l'est peu touche ses limites lorsque l'essentiel de l'emploi est dans le secteur réputé stagnant. Pour croître, une économie doit désormais simultanément réussir à accroître sa productivité et à créer des emplois dans les services, ce qui suppose une bonne dose d'innovations en ce domaine.

DYNAMISER LES SERVICES

La leçon américaine à cet égard, quel que soit son devenir, est claire : les services peuvent enregistrer des gains de productivité considérables sans pour autant nuire à l'emploi. Selon une étude présentée par Bart van Ark lors d'une conférence organisée par la Banque de France en novembre 2005, cinq secteurs expliquent l'essentiel de l'écart de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis : le commerce de gros, le commerce de détail, la banque, le service aux entreprises et la réparation automobile.

D'où une interrogation : comment dynamiser les services ? C'est la question dont la Commission a essayé de se saisir à partir de la directive Bolkestein. L'idée de la Commission est d'appliquer aux services la méthode qui a réussi à l'industrie : les soumettre à la concurrence internationale. Comme les réactions à ladite directive l'ont prouvé, ce n'est pas la même chose de mettre en concurrence les biens et les personnes. Les services reflètent beaucoup mieux la psyché nationale. Chaque pays est renvoyé à ses traits et à ses blocages nationaux.

Dans le cas français, le périmètre des contraintes est connu et a fait l'objet de nombre de rapports récents : insuffisant dynamisme des PME, effets pervers des lois Royer, Galland, Raffarin… On notera que la novation principale du projet de Jean-Louis Borloo sur les services tient moins aux exonérations de charges, qui visent à blanchir le service aux personnes, qu'à un effort pour le rendre plus productif.

Alors que la concurrence internationale dans le domaine industriel favorisait l'adaptation des différents appareils productifs, seule une émulation intérieure peut nourrir la reprise de la croissance. Tel est le paradoxe central qui commande tous les autres. A l'heure de la mondialisation, la croissance dépend plus que jamais du génie propre de chaque nation à s'organiser efficacement. C'est sans doute la raison pour laquelle la recherche de modèles originaux (comme au Danemark) n'a jamais été aussi vive, ni aussi vaine.

DANIEL COHEN POUR LE MONDE

Article paru dans l'édition du 09.03.06

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Ce brave Daniel Cohen a déjà préparé sa feuille de route pour montrer sa tignasse frisée au prochain "C dans l'air" sur l'économie et la mondialisation.

Je serais curieux de savoir quels seraient les résultats de la comparaison internationale si l'on prenait 1975, et pas 1995, comme point de départ. A mon avis, ce serait:

Etats-Unis: 280

Grand-Bretagne: 240

Japon: 210

Allemagne: 200

France: 170

"Les décennies ne se ressemblent pas mais la France elle est toujours la même."

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Tout est dans tout, et réciproquement, mais globalement ça ne va pas mieux que si c'était pire. L'évolution se fait dans le changement, et la température est ambiante (© Achille Talon).

Bon résumé.

talon.jpg

Connaisseur, le Dilbert.

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"L'explication est simple et désormais bien connue : les grands groupes cotés en Bourse ne sont plus représentatifs de l'économie nationale"

Alors là respect, une analyse aussi pointue et en avance sur son temps… merci pour cette explication!

Sinon j'aime bien aussi: "l'allemagne a très mal géré la réunification"

En fait cette persistance à louer le système à la française envers et contre tout, à critiquer les politiques économiques des autres pays etc… me donne la nausée, couplé à des analyses de ce niveau là c'est :icon_up: !!

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A propos des lapalissades, le terme a environ un siècle et se réfère aux soldats commandés par La Palice (époque François Ier) qui chantaient sa bravoure et sa vigueur après qu'il se soit fait tuer dans une bataille, par ces termes : "un quart d'heure avant sa mort, il était toujours en vie" :icon_up:

La Palice n'est donc pas le coupable donc ne dites pas "La Palice aurait dit …"

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A propos des lapalissades, le terme a environ un siècle et se réfère aux soldats commandés par La Palice (époque François Ier) qui chantaient sa bravoure et sa vigueur après qu'il se soit fait tuer dans une bataille, par ces termes : "un quart d'heure avant sa mort, il était toujours en vie" :doigt:

La Palice n'est donc pas le coupable donc ne dites pas "La Palice aurait dit …"

En fait, ses hommes chantaient: "S'il n'était pas mort, il ferait encore envie". Cette chanson fut mal retranscrite, à cause de la ressemblance entre le f et le s à l'époque. :icon_up:
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En fait, ses hommes chantaient: "S'il n'était pas mort, il ferait encore envie". Cette chanson fut mal retranscrite, à cause de la ressemblance entre le f et le s à l'époque. :icon_up:

Pourtant le terme "lapalissade" aurait été inventé par les Goncourt. Ils auraient fait une erreur pareille? tiens je vais voir wikipedia

edit: http://fr.wikipedia.org/wiki/Lapalissade cette explication n'est pas sourcée mais la chanson est terrible :doigt:

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Pourtant le terme "lapalissade" aurait été inventé par les Goncourt. Ils auraient fait une erreur pareille? tiens je vais voir wikipedia

edit: http://fr.wikipedia.org/wiki/Lapalissade cette explication n'est pas sourcée mais la chanson est terrible :icon_up:

Je confirme l'explication du SCM. Lapalisse n'était d'ailleurs pas pris pour un neuneu à son époque, il me semble.

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"L'explication est simple et désormais bien connue : les grands groupes cotés en Bourse ne sont plus représentatifs de l'économie nationale"

Alors là respect, une analyse aussi pointue et en avance sur son temps… merci pour cette explication!

Sinon j'aime bien aussi: "l'allemagne a très mal géré la réunification"

En fait cette persistance à louer le système à la française envers et contre tout, à critiquer les politiques économiques des autres pays etc… me donne la nausée, couplé à des analyses de ce niveau là c'est :icon_up: !!

Quoiqu'il en soit, si l'Allemage est à 115 après la réunification, c'est une très belle performance. Il serait intéressant de prendre "l'ex-Allemagne de l'ouest (ou RFA)" seule.

En économie comme dans beaucoup d'autres secteurs, l'anti-conformisme est souvent payant. Aujourd'hui donc, rien de mieux que de critiquer les "déclinologues" pour vendre sa soupe. Hier c'était l'inverse.

Cet article n'est vraiment pas terrible, on n'y apprend pas grand chose (et je reste gentil).

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Quoiqu'il en soit, si l'Allemage est à 115 après la réunification, c'est une très belle performance. Il serait intéressant de prendre "l'ex-Allemagne de l'ouest (ou RFA)" seule.

Etre aussi performant après avoir raccroché un poid mort économique aussi énorme que la RDA est bien la preuve de la force de l'économie allemande.

C'est aujourd'hui un acteur de premier ordre d'un point de vue industrielle et dans les technologies de pointe au niveau mondial.

Critiquer le fleuron économique de l'europe en y comparant une soi-disant bonne tenue de l'économie française c'est au minimum risible et bien cupide.

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