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il y a 10 minutes, Rincevent a dit :

l'école libérale à la française

 

L'École de Paris, plutôt.

 

Ensuite nous avons des libéraux comme Albert Schatz (qui a influencé Hayek), et Halévy, qui a en partie formé Aron et donc la génération suivante de libéraux. C'est effectivement la fin niveau économiste libéral.

 

Le vrai creux de la vague, quantitativement, semble être l'Entre-deux guerres, car je ne vois pas d'autres libéraux français qu'Halévy et Aron ?

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Vérification faite, nous avons eu durant l'Entre-deux guerres un économiste libéral méconnu, Étienne Mantoux: https://fr.wikipedia.org/wiki/Étienne_Mantoux

Mais il n'est pas directement lié à l'École de Paris.

 

Un certain Roger Auboin était avec Mantoux au Colloque W. Lippmann: https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Auboin

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il y a 49 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Vérification faite, nous avons eu durant l'Entre-deux guerres un économiste libéral méconnu, Étienne Mantoux: https://fr.wikipedia.org/wiki/Étienne_Mantoux

Mais il n'est pas directement lié à l'École de Paris.

Mantoux, un esprit dit-on particulièrement brillant mais mort bien trop tôt.

 

Et en effet, l'Ecole de Paris est progressivement morte au fur et à mesure que l'Université a intégré la jeune science économique : puisqu'enseignée en faculté de droit, les juristes avaient obtenus que les professeurs d'économie fussent impérativement diplômés en droit... Ce qui n'était pas le cas des gens de l'Ecole de Paris, ni du Journal des Economistes et des Etudes Humaines, supplantés respectivement par des juristes et par la Revue d'Economie Politique.

 

On lira à profit un certain ouvrage du bon Serge Schweiter, ou à défaut une interview de lui en trois parties, dont voici la deuxième : https://www.contrepoints.org/2015/11/13/228864-entretien-avec-serge-schweitzer-2

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Il y a 21 heures, F. mas a dit :

Platon et Aristote ne partageaient pas notre conception herméneutique de l'histoire (ils n'avaient pas de point de vue historique, en particulier sur leur propre oeuvre). Du coup, plutôt que de chercher à reconstituer la chronologie de oeuvres, il est peut être plus intéressant de chercher du côté de la logique interne des textes. 

 

Je ne comprends pas bien ce que tu cherches à expliquer mais ça m'intrigue énormément. J'avais déjà intégré (sans doute mal) que notre vision historique était très récente et certainement pas celle des grecs pour des tas de raisons, mais je pourrais te répondre, en bon moderne arrogant, qu'il existe nécessairement une composante historique importante dans leurs œuvres, même si eux n'en avaient pas conscience ! Du coup, en bon maître du soupçon, je m’attellerais à la tâche de décrypter les grecs et de les comprendre mieux qu'eux-mêmes ne le faisaient !

(Evidemment je me fais l'avocat du diable, afin de mieux comprendre, mais je suis sûr que des tas de gens ont cette vision/ ont utilisé cette approche. Sans doute les marxistes. Peut-être les psychanalystes ? En quoi est-ce une erreur pour comprendre nos illustres prédécesseurs ?). 

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4 hours ago, Boz said:

 

Sans doute les marxistes. Peut-être les psychanalystes ? En quoi est-ce une erreur pour comprendre nos illustres prédécesseurs ?). 

 

L'historicisme est une manière d'aborder les textes classiques très répandue, c'est même la chose qu'on fait le plus naturellement, puisque pour nous la contextualisation historique nous paraît tout à fait faire sens pour mieux comprendre les actes et les paroles de nos prédécesseurs. Si l'histoire n'appartient pas au monde commun de la philosophie classique, alors chercher à coller cette grille de lecture à leur réflexion ne fait pas que nous les comprenions mieux qu'ils ne se comprenaient eux-mêmes, mais qu'au contraire, nous ne sommes plus capables de les comprendre, ne serait-ce que basiquement, comme ils se comprenaient eux-mêmes. Qu'est ce qui, par exemple dans l'oeuvre de Platon, garantit qu'il existe une progression chronologique/historique dans son oeuvre, depuis ses œuvres de jeunesse jusqu'à celles de la maturité ? Qu'est-ce qui nous garantit que c'est la meilleure manière de comprendre le rapport des textes entre eux (et pourquoi pas, par exemple, le même message philosophique au fil des oeuvres mais sous différents angles) ? Là encore, je n'ai pas le temps ni la motivation pour développer, et je te renvoie à ce que Strauss a écrit sur le sujet dans qu'est-ce que la philosophie politique.

  • Yea 1
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Il y a 4 heures, Boz a dit :

J'avais déjà intégré (sans doute mal) que notre vision historique était très récente et certainement pas celle des grecs pour des tas de raisons

 

ça fait deux fois cette semaine que je croise ce discours, ça me fait quelque peu sourire. Visiblement certains limitent la pensée grecque à la philosophie (et c'est normal que la philosophie cherche à s'énoncer "sous les espèces de l'Éternité", c'est aussi le "point de vue" de Spinoza. Paye ton antiquité. Et c'est pourtant normal, un métaphysicien ne peut pas dire: "les traits catégoriaux ultimes du réel sont ci et ça, mais ce ne sera plus valable passée telle date" !).

 

Alors que pendant ce temps:

 

« Il se peut que le public trouve peu de charme à ce récit dépourvu de romanesque. Je m’estimerai pourtant satisfait s’il est jugé utile par ceux qui voudront voir clair dans les événements du passé, comme dans ceux, semblables ou similaires, que la nature humaine nous réserve dans l’avenir. » -Thucydide, Guerre du Péloponnèse, I, 23.

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Sur la conception grecque de l'histoire (et Thucydide), et sa différence avec la conscience historique moderne : Strauss (en particulier La cité et l'homme), et Arendt. 

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Il y a 4 heures, F. mas a dit :

 

L'historicisme est une manière d'aborder les textes classiques très répandue, c'est même la chose qu'on fait le plus naturellement, puisque pour nous la contextualisation historique nous paraît tout à fait faire sens pour mieux comprendre les actes et les paroles de nos prédécesseurs. Si l'histoire n'appartient pas au monde commun de la philosophie classique, alors chercher à coller cette grille de lecture à leur réflexion ne fait pas que nous les comprenions mieux qu'ils ne se comprenaient eux-mêmes, mais qu'au contraire, nous ne sommes plus capables de les comprendre, ne serait-ce que basiquement, comme ils se comprenaient eux-mêmes. Qu'est ce qui, par exemple dans l'oeuvre de Platon, garantit qu'il existe une progression chronologique/historique dans son oeuvre, depuis ses œuvres de jeunesse jusqu'à celles de la maturité ? Qu'est-ce qui nous garantit que c'est la meilleure manière de comprendre le rapport des textes entre eux (et pourquoi pas, par exemple, le même message philosophique au fil des oeuvres mais sous différents angles) ? Là encore, je n'ai pas le temps ni la motivation pour développer, et je te renvoie à ce que Strauss a écrit sur le sujet dans qu'est-ce que la philosophie politique.

 

Le pire, c'est que j'ai déjà formellement lu plusieurs fois cette réponse, j'ai un peu lu Strauss (2 bouquins). Je pense avoir largement sous-estimé la difficulté qu'il y a d'intégrer ces différences pour un esprit moderne qui essaye de s'imaginer le monde à travers des yeux anciens. C'est une bonne leçon d'humilité, merci (du coup, je vais sans doute relire Leo plus attentivement et en prenant des notes, en plus d'Aristote).

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Il y a 3 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

 

ça fait deux fois cette semaine que je croise ce discours, ça me fait quelque peu sourire. Visiblement certains limitent la pensée grecque à la philosophie (et c'est normal que la philosophie cherche à s'énoncer "sous les espèces de l'Éternité", c'est aussi le "point de vue" de Spinoza. Paye ton antiquité. Et c'est pourtant normal, un métaphysicien ne peut pas dire: "les traits catégoriaux ultimes du réel sont ci et ça, mais ce ne sera plus valable passée telle date" !).

 

Alors que pendant ce temps:

 

« Il se peut que le public trouve peu de charme à ce récit dépourvu de romanesque. Je m’estimerai pourtant satisfait s’il est jugé utile par ceux qui voudront voir clair dans les événements du passé, comme dans ceux, semblables ou similaires, que la nature humaine nous réserve dans l’avenir. » -Thucydide, Guerre du Péloponnèse, I, 23.

Je n'ai pas bien compris ta critique, ça m'intéresserais vivement que tu la reformules si tu en as le temps (ça fait du bien de se faire remettre les idées en place, de temps en temps).

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@BozJe confirme, c'est très compliqué, et l'entreprise straussienne me paraît titanesque. Une bonne partie de ma thèse était consacrée à la tentative straussienne (des élèves de S) de remettre en selle la science politique aristotélicienne (et donc de la comparer aussi aux autres néoaristotélicismes en vogue dans la philosophie morale US) pour juger de la démocratie d'aujourd'hui. J'avoue que ça m'a rendu plutôt sceptique sur la démarche, mais aussi certaines prétentions contemporaines de l'aristotélisme, et cela malgré le très grand talent de certains straussiens (cf par exemple H Jaffa, S Salkever ou T Marshall).  

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Il y a 17 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

 

L'École de Paris, plutôt.

 

Ensuite nous avons des libéraux comme Albert Schatz (qui a influencé Hayek), et Halévy, qui a en partie formé Aron et donc la génération suivante de libéraux. C'est effectivement la fin niveau économiste libéral.

 

Le vrai creux de la vague, quantitativement, semble être l'Entre-deux guerres, car je ne vois pas d'autres libéraux français qu'Halévy et Aron ?


Il faut tout de même rester prudent avec Halévy, dont le libéralisme est timide avant la 1ère guerre. Il va d'ailleurs critiquer le libre échange dans son échange épistolaire avec Russell (qui défend le libéalisme cobdenite à ce moment).

 

"si le libre-échange universel peut être pour le bénéfice durable de l'ensemble de l'ensemble, il n'est pas nécessairement, je dirais qu'il net nécessairement pas pour le bénéfices de toutes les parties." (Elie Halévy, Correspondance (1893-1937) p.751)

Il soutient plus généralement que le libre-échange complet aurait eu pour conséquence de transformer l'Europe en un gigantesque champ pour la ville Angleterre, qui aurait été la seule à fournir les produits industriels (p. 750 des Correspondances). Comme le montre Ludovic Frobert dans Elie Halévy République et économie (1896-1914), Halévy s'intéresse à la redistribution des richesses avant la guerre et s'oppose régulièrement au libéralisme du XIXème.

C'est après la guerre que s'opère un tournant dans la pensée d'Halévy, qui retourne vers une défense exigeante de la liberté, une critique de l'intrusion de l'état dans l'économie et des mauvaises habitudes que ce dernier à pris depuis 14-18. Frobert - qui est clairement de gauche voir ses travaux sur les canuts - qualifie ce tournant de pessimiste, je dirais plutôt réaliste (ses prédictions se réalisent). 

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Il y a 3 heures, Boz a dit :

Je n'ai pas bien compris ta critique

 

Je critique l'idée que la pensée grecque serait inconsciente de son historicité (même si elle n'a pas nécessairement explicitement posé le problème du socio-centrisme). C'est une idée qui "oublie" que les Hellènes ont donné naissance à la science historique. Et qui oublie aussi beaucoup d'autres choses, comme le fait que les Grecs se sentaient être un peuple "jeune" au regard d'empire vénérables comme la Perse ou l'Égypte.

 

Je fais également remarquer que la pensée philosophique, sur la plupart des objets qu'elle traite, est par nature obligée de s'énoncer comme a-historique, vraie de toute éternité, et que ce n'est pas un trait particulier à la philosophie antique.

 

D'une manière générale, je me défie de ceux qui insistent fortement sur l'idée que la pensée d'une autre culture / époque nous est étrangère (attitude qu'on pourrait appeler la sacralisation de l'opacité).

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Il y a 9 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Je critique l'idée que la pensée grecque serait inconsciente de son historicité (même si elle n'a pas nécessairement explicitement posé le problème du socio-centrisme). C'est une idée qui "oublie" que les Hellènes ont donné naissance à la science historique. Et qui oublie aussi beaucoup d'autres choses, comme le fait que les Grecs se sentaient être un peuple "jeune" au regard d'empire vénérables comme la Perse ou l'Égypte.

Ah mais là je suis d'accord, je t'ai même parlé un peu plus tôt de l'héritage (conscient d'après ce que j'ai lu) des égyptiens et des babyloniens (entre autres) dans la construction des mathématiques grecques. Mais d'un autre côté, j'ai le réflexe de considérer une société si éloignée de la nôtre comme probablement étrange de notre point de vue, et je me méfie des projections mentales simples (j'ai du trop lire les historiens). Et tout ça me fascine, et j'ai conscience de mes contradictions, d'où mes questions insistantes. :dentier:

 

Il y a 9 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Je fais également remarquer que la pensée philosophique, sur la plupart des objets qu'elle traite, est par nature obligée de s'énoncer comme a-historique, vraie de toute éternité, et que ce n'est pas un trait particulier à la philosophie antique.

D'accord, bien compris.

 

Il y a 9 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

D'une manière générale, je me défie de ceux qui insistent fortement sur l'idée que la pensée d'une autre culture / époque nous est étrangère (attitude qu'on pourrait appeler la sacralisation de l'opacité).

Et bien on ne dirait pas tu vas me rétorquer, mais moi aussi. Je cherche justement la voie pour comprendre les grecs (mes deux favoris : les grecs et les médiévaux), ou au moins comprendre à peu près pourquoi c'est très difficile, comme a l'air de le sous-entendre @F. mas. D'ailleurs en apparence vous ne semblez pas être entièrement d'accord, non ?

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Il y a 9 heures, Nigel a dit :

 Non mais je te crois hein :P Mais ça me choque un peu quand même, donc j'aurais voir quel genre de propos racistes il tenait. 

Ha mais je sais que tu me crois c'est juste que c'est loin maintenant et que j'ai rien gardé du coup.

 

Ses propos n'étaient pas racistes mais racialistes. Je ne sais pas si pour lui les blancs étaient supérieurs aux noirs mais il était convaincu que c'était des races différentes, encore que son racialiste était light. 

 

J'avais trouvé un article de lui parlant des différents types de bushmen d'Afrique du sud dans une revue d'anthropologie.

 

Pour le nationalisme, je trolle un peu mais quand on considère que le fait que le socialisme soit allemand est suffisant pour le disqualifier ça se place là. 

 

Quand a l'abolitionnisme, c'est dans son livre sur la prostitution. 

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J'ai localisé un autre économiste libéral du premier 20 siècle, un certain Georges d'Avenel. Il avait un humour cynique qui n'est pas sans rappeler @h16 :P

 

Citation

 

"Les choses folles sont dites par la France qui se voit ; les choses sages sont faites par la France qui ne se voit pas." (p.11)

"Les mutations fréquentes dans l'étiquette de l'Etat, depuis un siècle, ont crée ce qui n'existait pas antérieurement chez nous: des partis. L'un agit, les autres critiquent. Ils se détestent, mais ils ne se font pas grand mal.
C'est un exutoire à l'éternel instinct de combativité et d'incompatibilité des hommes entre eux. La civilisation l'atténue sans l'abolir. Les ennemis d'autrefois se prenaient la vie, la terre, les troupeaux, les objets mobiliers ; ils se prenaient leurs femmes et leurs enfants. On le voit encore chez les sauvages. En se poliçant ils se prirent moins, tout en se battant presque autant.
Aujourd'hui ils se prennent seulement les emplois, les dignités, l'influence ; ils s'appliquent à se vexer les uns les autres sur certaines idées morales.
C'est un grand progrès ; nous n'en jouissons pas assez. Il en résulte ce bien tout moderne: la sécurité des personnes. Elle n'avait presque jamais existé, depuis les Gaulois du temps de César jusqu'à nos jours: car nul n'était sûr, sous l'ancien régime, de ne pas coucher à la Bastille
." (p.17)

"La dignité, la liberté de la personne ont gagné beaucoup de terrain, en théorie, depuis un siècle, dans les monarchies comme dans les républiques: mais, dans les républiques comme dans les monarchies, l’autoritarisme gouvernemental a fait, en pratique, beaucoup de progrès." (p.23)

"Si le suffrage universel n'a pas les grandes vertus qu'on lui prête, il en a de petites à quoi l'on n'avait point songé: il accointe ensemble des gens qui, sans lui, n'auraient point de contact ; il n'unit peut-être pas les classes, mais il les force à faire connaissance. C'est son meilleur côté.
L'émiettement des citoyens qui n'ont plus rien à craindre ou à espérer les uns des autres et se retranchent volontiers dans une individualité ombrageuse, l'organisation usinière de l'industrie, la cherté des loyers dans les villes qui groupe les maisons en quartiers riches et pauvres -tout cela tend à restreindre de plus en plus, dans ce peuple de soi-disant égaux, la pénétration des classes entre elles
." (p.32-33)

"A la Chambre française -en ceci semblable à toutes celles de l'ancien et du nouveau continent- il se rencontre un fort contingent de nullités dont la situation est indestructible ; et il se trouve, dans le pays, un lot respectable d'individus tout à fait propres, par leurs capacités spéciales, à entrer au Parlement qui ne peuvent, malgré des tentatives réitérées, en forcer les portes. Les premiers finissent par sembler dignes de la place, puisqu'ils l'occupent depuis longtemps, et l'on reproche aux seconds leurs échecs successifs, comme si la sottise devait constituer un grief contre ceux qui en sont les victimes trop constantes.
Ce qui les doit consoler c'est que, fussent-ils députés et même ministres, ils ne réaliseraient aucune des réformes qu'ils projettent. Émus des dangers qu'offraient leurs vues incohérentes, les élus du peuple ont pris le parti de chercher le salut dans l'impuissance
." (p.40)

"Dans ce pays qui a douté de tout et tout bafoué, le culte de l'Etat n'a presque pas un athée ; il grandit avec les révolutions ; chaque régime lui bâtit de nouveaux temples, lui recrute de nouveaux prêtres, et le peuple(roi adore obstinément les décrets de cette idole par la bouche de qui le pouvoir central fait parler ses chefs de bureau." (p.45)
-Georges d'Avenel, Les Français de mon temps, Paris, Librairie Plon, 1904, 368 pages.

 

 

 

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Je commence l'Histoire de France de Bainville, chère, je crois, à notre regretté @Turgot. C'est bien écrit. Par contre on a vraiment le côté "la civilisation passe par la violence", dont je mettais en garde @Rincevent récemment. Point de souci du droit naturel ou d'autodétermination des peuples chez Bainville. Ou alors ça ne compte pas pour les Gaulois, va savoir pourquoi (avec de telles prémisses, je ne doute guère que Bainville ai été partisan du colonialisme):

 

"A qui devons-nous notre civilisation ? A quoi devons-nous d'être ce que nous sommes ? A la conquête des Romains. Et cette conquête, elle eût échoué, elle se fût faite plus tard, dans des conditions différentes, peut-être moins bonnes, si les Gaulois n'avaient été divisés entre eux et perdus par leur anarchie. Les campagnes de César furent grandement facilitées par les jalousies et les rivalités des tribus. Et ces tribus étaient nombreuses: plus tard, l'administration d'Auguste ne reconnut pas moins de soixante nations ou cités. A aucun moment, même sous le noble Vercingétorix, la Gaule ne parvint à présenter un front vraiment uni, mais seulement des coalitions. Rome trouva toujours, par exemple chez les Rèmes (de Reims) et chez les Éduens de la Saône, des sympathies ou des intelligences. La guerre civile, le grand vice gaulois, livra le pays aux Romains. [...]
Les Français n'ont jamais renié l'alouette gauloise et le soulèvement national dont Vercingétorix fut l'âme nous donne encore de la fierté. Les Gaulois avaient le tempérament militaire. Jadis, leurs expéditions et leurs migrations les avaient conduits à travers l'Europe, jusqu'en Asie Mineure.
Ils avaient fait trembler Rome, où ils étaient entrés en vainqueurs. Sans vertus militaires, un peuple ne substitue pas ; elles ne suffisent pas à le faire subsister. Les Gaulois ont transmis ces vertus à leurs successeurs. L'héroïsme de Vercingétorix et ses alliés n'a pas été perdu: il a été comme une semence. Mais il était impossible que Vercingétorix triompha et c'eût été un malheur s'il avait triomphé.
Au moment où le chef gaulois fut mis à mort après le triomphe de César (51 avant l'ère chrétienne), aucune comparaison n'était possible entre la civilisation romaine et cette pauvre civilisation gauloise, qui ne connaissait même pas l'écriture, dont la religion était restée aux sacrifices humains. A cette conquête, nous devons presque tout. Elle fut rude: César avait été cruel, impitoyable. La civilisation a été imposée à nos ancêtres par le fer et le feu et elle a été payée par beaucoup de sang. Elle nous a été apportée par la violence. Si nous sommes devenus des civilisés supérieurs, si nous avons eu, sur les autres peuples, une avance considérable, c'est à la force que nous le devons.
Les Gaulois ne devaient pas tarder à reconnaître que cette force avait été bienfaisante. Ils avaient le don de l'assimilation, une aptitude naturelle à recevoir la civilisation gréco-latine qui, par Marseille et le Narbonnais, avait commencé à les pénétrer. Jamais colonisation n'a été plus heureuse, n'a porté de plus beaux fruits, que celle des Romains en Gaule. D'autres colonisateurs ont détruit les peuples conquis. Ou bien les vaincus, repliés sur eux-mêmes, ont vécu à l'écart des vainqueurs. Cent ans après César, la fusion était presque accomplie et des Gaulois entraient au Sénat romain.
Jusqu'en 476, jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident, la vie de la Gaule s'est confondue avec celle de Rome
."
-Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014 (1924 pour la première édition), 552 pages, p.17-18.

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Il y a 1 heure, Johnathan R. Razorback a dit :

Au moment où le chef gaulois fut mis à mort après le triomphe de César (51 avant l'ère chrétienne), aucune comparaison n'était possible entre la civilisation romaine et cette pauvre civilisation gauloise, qui ne connaissait même pas l'écriture, dont la religion était restée aux sacrifices humains. A cette conquête, nous devons presque tout. Elle fut rude: César avait été cruel, impitoyable. La civilisation a été imposée à nos ancêtres par le fer et le feu et elle a été payée par beaucoup de sang. Elle nous a été apportée par la violence. Si nous sommes devenus des civilisés supérieurs, si nous avons eu, sur les autres peuples, une avance considérable, c'est à la force que nous le devons.

En plus, ce type d'argument est aujourd'hui particulièrement daté. Ce qu'on sait des sociétés celtes rend cette vision bien moins défendable qu'à l'époque de Bainville.

Source  : https://youtu.be/q2Ovjosefdo

:icon_wink:

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il y a 53 minutes, Boz a dit :

En plus, ce type d'argument est aujourd'hui particulièrement daté.

 

Ce n'est pas tant une histoire de date que de partis pris politiques.

 

Bainville oppose l'esprit latin (civilisation) à l'esprit "germanique" (agressif)... Il pense aussi que la France est ontologiquement chrétienne (la France commence "vraiment" avec Clovis). Dans ces conditions, l'influence romaine, qui hâte la christianisation, est forcément merveilleuse, et inversement les mérites et accomplissements civilisationnels des Gaulois doivent être passés sous silence, à tel point que l'auteur ne leur reconnaît aucune qualité autre que des "vertus militaires", bon...

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il y a 7 minutes, F. mas a dit :

Rappelons quand même que Bainville est agnostique.

 

Maurras également. Mais ça n'invalide pas le fait que pour eux l'ordre social sain est le catholicisme romain.

 

"Lorsque, à Tolbiac (496), [Clovis] fit voeu de recevoir le baptême s'il était vainqueur, l'ennemi était l'Allemand. Non seulement Clovis était devenu chrétien, mais il avait chassé au-delà du Rhin l'ennemi héréditaire. Dès lors, il était irrésistible pour la Gaule romanisée.
On peut dire que la France commence à ce moment-là
."
-Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014 (1924 pour la première édition), 552 pages, p.24.

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Just now, Johnathan R. Razorback said:

 

Maurras également. Mais ça n'invalide pas le fait que pour eux l'ordre social sain est le catholicisme romain.

 

 

 

Oui, et pas christianisme. cf le venin du magnificat etc.

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il y a une heure, F. mas a dit :

Et que je suis à deux doigts de sortir un extrait de la vie de Brian sur les Romains.

Si j'étais pas sur mon téléphone, je posterais bien un "That escalated quickly". ;)

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Il y a 3 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Ce n'est pas tant une histoire de date que de partis pris politiques.

Le parti pris est important, mais lire un auteur aussi ancien c'est du masochisme.
Y'a plein de périodes et de sujets où on nous déconseille de lire des auteurs et ouvrages de plus de 20 / 30 ans parce que les découvertes archéologiques, parce que les archives etc.

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il y a 10 minutes, Wayto a dit :

lire un auteur aussi ancien c'est du masochisme.

 

Ce n'est pas la meilleure des lectures si on veut avoir une connaissance scientifique de l'histoire -ce qui est évident puisque Bainville n'est même pas historien de formation, mais journaliste.

 

En dépit de quoi il y a des intérêts autres. 1): Tu peux tomber sur une interprétation intéressante même si les faits sont moins bien connus, voire déformés, interprétation qui n'a pas forcément survécu chez des auteurs plus récents, et pas forcément parce qu'elle est éronnée, mais parce qu'ils ont pu ne pas avoir l'idée ; 2): comme le livre de Bainville a eu du succès, sa vision de l'histoire a influencé d'autres personnalités, et il est important, en termes d'histoire des idées, de comprendre les filiations intellectuelles, quand bien même les idées en question seraient fausses ; 3): le style ou même une formule, une manière de camper un événement ou une personnalité, a une valeur en lui-même, une valeur esthétique, mais dans les meilleurs cas également pédagogique, puisque certaines images peuvent utiles pour faire comprendre rapidement des réalités complexes, ou au moins les introduire.

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