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2 hours ago, NoName said:

De toute façon je me méfie comme de la peste de toute forme de philosophie qui glose sur la bonne vie et sur le devoir et sur le bien qu'il y a à se sacrifier pour les autres. Au contraire, je pense que toute philosophie qui considère qu'il y a un bien intrinsèque à sa sacrifier c'est de la morale d'esclave ou de curé, et si on voit si peu les gens s'en réclamer le faire c'est certainement pas un hasard. Comme on l'a dit dans un autre fil, plus on est dans le business de la vertu, moins on en a soi-même.

220px-Nietzsche187a.jpgGood, come to the dark side.

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Il y a 4 heures, Soda a dit :

Pas compris la blague.

 

C'est l'équivalent de ça, pour ceux qui citent Nietzsche à tort à et travers. 

https://i.kym-cdn.com/photos/images/newsfeed/000/579/452/524.jpg

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Je lis actuellement Etat de choc : un pays sans fonctionnaire de Xavier de Lesquen (2008), qui se concentre sur les Rogernomics en Nouvelle-Zélande et ses grandes mesures libérales, où l'auteur souhaite appliquer cet exemple à la France. C'est plutôt stimulant en plus d'être assez érudit. Il y a même un passage qui décrit que l'actuelle Christchurch était à deux doigts de devenir française.

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Lu le troisième tome de Droit, législation et liberté.

 

Hayek s'intéresse à la limitation des vices inhérents à la démocratie.

Si on veut s'assurer de la prééminence du droit, il faut instaurer de véritables contre-pouvoirs. Autrement, le législateur n'adoptera que des mesures court-termistes pour satisfaire la volonté du gouvernement, parfaitement conscient du souci de l'électeur de percevoir des effets immédiats sur sa situation personnelle. Il y a effectivement une confusion entre la loi, qui se doit d'être générale pour permettre la réalisation des objectifs inconnus des individus, et dont les effets sont permanents ; et les mesures gouvernementales qui concernent des situations particulières et dont les effets sont temporaires.

 

Ce livre m'a convaincue qu'il fallait entièrement repenser notre système démocratique. Sauf que les solutions proposées par Hayek ne sont pas pertinentes : instaurer des conditions aussi restrictives pour représenter la population contrarie l'idée même de démocratie (limite d'âge, mandat unique donc réélection impossible, nécessaire longévité du mandat). Il se borne à la séparation des pouvoirs au plus haut échelon. Or, le renforcement des contre-pouvoirs à échelle locale - par exemple accroître l'autonomie des collectivités territoriales - me semble essentiel.

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il y a 43 minutes, poincaré a dit :

instaurer des conditions aussi restrictives pour représenter la population contrarie l'idée même de démocratie

Bof. Ça contrarie sans doute pas mal d'idées modernes, mais pas celle de "démocratie" (ni celle d'état de droit, par ailleurs). Si tu veux mieux comprendre ce qu'est (ou non) la démocratie, tu peux toujours lire Manin et ses "Principes du gouvernement représentatif".

 

il y a 45 minutes, poincaré a dit :

Or, le renforcement des contre-pouvoirs à échelle locale - par exemple accroître l'autonomie des collectivités territoriales - me semble essentiel.

Là, je suis tout à fait d'accord. :)

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il y a 46 minutes, poincaré a dit :

 renforcement des contre-pouvoirs à échelle locale - par exemple accroître l'autonomie des collectivités territoriales - me semble essentiel.

 

N'est-ce point ce qui se fait en France depuis 40 ans (au moins), avec de merveilleux résultats ?:

 

"De 1980 à 2008, les effectifs de l’État ont augmenté de 400 000 agents, soit 14 %. Or, pendant cette période, plusieurs vagues de décentralisation ont transféré des fonctions de l’État aux collectivités locales. En outre, cette période a été marquée par l’informatisation de nombreuses fonctions administratives. Ces deux éléments auraient logiquement dû conduire à une réduction substantielle des effectifs des services administratifs concernés. Cela n’a pas été le cas : au contraire les effectifs se sont accrus ; et cette hausse n’est même pas due au passage aux 35 heures dans la fonction publique puisque 85% de l’augmentation des effectifs constatée depuis 1980 a eu lieu avant le passage aux 35 heures. Ce qui est vrai pour l’Etat l’est aussi pour les collectivités territoriales et les hôpitaux : augmentation des effectifs de 54% dans la FPH et de 71% dans la FPT sur la même période." (cf: http://aristidebis.blogspot.com/2012/09/le-gauche-contre-le-peuple-22.html )

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il y a une heure, Rincevent a dit :

Bof. Ça contrarie sans doute pas mal d'idées modernes, mais pas celle de "démocratie" (ni celle d'état de droit, par ailleurs). Si tu veux mieux comprendre ce qu'est (ou non) la démocratie, tu peux toujours lire Manin et ses "Principes du gouvernement représentatif".

 

Là, je suis tout à fait d'accord. :)

Ah ! Enfin un conseil de lecture de mon mentor intellectuel préféré :icon_wink:

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il y a 55 minutes, poincaré a dit :

Ah ! Enfin un conseil de lecture de mon mentor intellectuel préféré :icon_wink:

Je t'inviterais bien chez moi pour te montrer ma collection d'estampes japonaises mes bibliothèques, mais je suis en couple, heureux et fidèle.

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10 hours ago, poincaré said:

Sauf que les solutions proposées par Hayek ne sont pas pertinentes : instaurer des conditions aussi restrictives pour représenter la population contrarie l'idée même de démocratie (limite d'âge, mandat unique donc réélection impossible, nécessaire longévité du mandat). Il se borne à la séparation des pouvoirs au plus haut échelon. Or, le renforcement des contre-pouvoirs à échelle locale - par exemple accroître l'autonomie des collectivités territoriales - me semble essentiel.

De mémoire dans DLL il propose juste des pistes alternatives et ne discute pas le sujet en profondeur. L'idée d'un sénat non renouvelable basé sur la classe d'âge me semble intéressante pour discuter de thèmes sur le temps long ou fixer le niveau d'imposition. A l'autre chambre se débrouiller avec ce qu'elle a. C'est fou qu'on ait un système où ce sont les mêmes qui disent d'une part à qui on prend l'argent et d'autre part à qui on va le donner. 

 

L'idée même de la démocratie est d'assurer la paix civile tout en permettant au pouvoir de changer suivant des règles très largement acceptées. Les élections n'en sont qu'une implantation pas la source. 

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Il y a 5 heures, Kassad a dit :

L'idée même de la démocratie est d'assurer la paix civile tout en permettant au pouvoir de changer suivant des règles très largement acceptées.

 

Pascal te dirait que l'idée consensuelle, c'est que le fils du Roi est l'héritier du trône (parce que c'est la coutume et que personne ne l'a décidé pour son propre intérêt) ; alors qu'un système électif empêche un consensus d'émerger.

 

Comme quoi l'essence de la démocratie doit être autre chose.

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6 minutes ago, Johnathan R. Razorback said:

 

Pascal te dirait que l'idée consensuelle, c'est que le fils du Roi est l'héritier du trône (parce que c'est la coutume et que personne ne l'a décidé pour son propre intérêt) ; alors qu'un système électif empêche un consensus d'émerger.

 

Comme quoi l'essence de la démocratie doit être autre chose.

 

En même temps c'était pas de moi, l'idée vient de R. Aron  (Démocratie et totalitarisme) :

 

Quote

l’essence même de la politique est que des décisions soient prises pour, non par, la collectivité

 

Il n'y a pas forcément besoin de consensus : la paix civile est déjà un bien suffisant. On pourrait même dire qu'une idée plus consensuelle est moins stable si ces opposants sont plus enragés car n'ayant aucune possibilité d'accéder au pouvoir.

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« J’ai vu naître un mot ; c’est voir naître une fleur. Ce mot ne sortira peut-être jamais d’un cercle étroit, mais il existe ; c’est lirlie. Comme il n’a jamais été écrit, je suppose sa forme : lir ou lire, la première syllabe ne peut être différente ; la seconde, phonétiquement li, est sans doute, par analogie, lie, le mot ayant conçu au féminin. J’entendais donc, à la campagne, appeler des pommes de terre roses hâtives, des lirlies roses : on ne put me donner aucune autre explication, et le mot m’étant inutile, je l’oubliai. Dix ans après, en feuilletant un catalogue de grainetier, je fus frappé par le nom d’early rose donné à une pomme de terre, et je compris les syllabes du jardinier. »
Remy de Gourmont (Esthétique de la langue française, Mercure de France, 1899).

Très bien vue.
J'en ai des comme ça à chaque atelier informatique/français avec les migrants.
ça relativise.

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"Elle l'examina avec cette acuité du premier regard qui fait que les femmes d'abord jugent un homme d'une façon qui, tant elle est exacte, devient profonde. Quand elles sont devant la force, elles la reconnaissent en un clin d'œil. Mais, aussitôt après, leur regard glisse et ne s'attache plus qu'aux détails." Drieu

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Aristote, ou l'anti-Pascal. Un homme des Lumières avant la lettre:


"Certains se demandent s'il est dommageable ou avantageux pour les cités de changer les lois ancestrales s'il y en a une autre qui est meilleure. [...] Il peut arriver que l'on propose d'abolir certaines lois ou la constitution au nom du bien commun. Et puisque nous en avons fait mention, il est préférable de donner quelques explications, peu nombreuses mais précises, à ce sujet. Car il y a là, comme nous l'avons dit, une difficulté, et il pourrait sembler meilleur d'opter pour le changement. Dans les autres sciences, celui-ci a été avantageux: la médecine, par exemple, a modifié ses préceptes ancestraux, de même que la gymnastique et en général tous les arts et savoir-faire. De sorte que, puisque la politique doit être considérée comme l'un d'eux, il est manifeste qu'il en est nécessairement de même dans son domaine aussi. On pourrait en apporter une preuve en recourant aux faits. Car les lois anciennes sont par trop simplistes et barbares: les Grecs de jadis, par exemple, ne quittaient jamais leurs armes et s'achetaient mutuellement leurs femmes, et tout ce qui subsiste çà et là des anciennes coutumes est d'une absolue niaiserie. A Cumes, par exemple, il existe une loi concernant le meurtre selon laquelle si celui qui accuse de meurtre peut produire un nombre défini de témoins de son propre lignage, l'accusé est reconnu coupable du meurtre. Or ce que, d'une manière générale, tout le monde recherche, ce n'est pas ce qui est ancestral, mais ce qui est bon. Et il est vraisemblable que les premiers hommes, qu'ils soient nés de la terre ou qu'ils aient été les survivants de quelque cataclysme, devaient ressembler aux premiers idiots venus, comme on le dit des gens nés de la terre, si bien qu'il serait absurde de rester attaché aux dogmes de gens de ce genre. Outre cela il n'est pas préférable non plus de garder immuable les lois écrites. Comme dans les autres arts, en effet, en matière d'organisation politique aussi il est impossible de tout coucher par écrit avec précision, car, nécessairement, ce qui est écrit est général, alors que les actions concernent le particulier. Tout cela montre donc à l'évidence qu'il faut modifier certaines lois en certaines circonstances."
-Aristote, Les Politiques, Livre II, trad. Pierre Pellegrin, Paris, GF-Flammarion, 2015, 591 pages, chapitre 8, p.191-192.

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Gourmont

 

2. « Nietzsche et la princesse Bovary », Épilogues, 3e série, Mercure de France, 1905



237

[Février 1903].

Nietzsche et la princesse Bovary. — On a dit qu'elle lisait Nietzsche, cette lamentable princesse dont l'idéal fut de ressembler à nos petites bourgeoises détraquées et bêtement perverses, et que son mari déplorait cette fréquentation chez un moraliste débilitant. Ce mot fut écrit ; s'il fut dit, le prince Bovary est un sot. Mais sans doute qu'il n'a pas lu Nietzsche, lui, et certainement que si sa femme l'a lu, elle n'y a rien compris. Sinon, elle serait restée chez elle, aurait caché ses vices, offrant à son peuple du moins l'apparence d'une supériorité aristocratique. Nietzsche n'a jamais conseillé la lâcheté à personne ; mais aux princes et aux maîtres, c'est la dureté qu'il prêche, et envers eux-mêmes tout d'abord. Si elle avait lu Nietzsche, elle aurait appris que la recherche du bonheur (le bonheur des romances et des romans) est le signe évident d'une sensibilité serve et que, de toutes les déchéances, la pire est celle du privilégié qui abdique sa puissance ou seulement en renie les signes extérieurs. La puissance de Nietzsche n'est pas débilitante ; mais, comme l'alcool, c'est peut-être une nourriture trop riche pour les organismes débilités.
3. « Nietzsche et l'amour », Promenades littéraires, Mercure de France, 1904
Nietzsche avait peu d'expérience de l'amour. On dit même qu'il n'eut jamais avec aucune femme que des relations d'amitié. Il a cependant, comme tout bon philosophe, écrit et sur l'amour et sur les femmes. Un jour, à Sorrente, il confia à Malvina de Meysenburg, le cahier manuscrit qui contenait les aphorismes sur les femmes, parus depuis dans la première partie de Humain, trop humain. Malvida prit le cahier, le lut, et le rendit à Nietzsche en souriant. Il demanda l'explication du sourire. « Ne publiez pas cela, répondit Mlle de Meysenburg. » Nietzsche sembla froissé. Il joignit le cahier au reste du manuscrit et envoya le tout à son éditeur.
Le conseil de Malvida était bon. Les aphorismes de Nietzsche sur les femmes forment la partie la moins intéressante de son œuvre. Je ne parlerai ici que du chapitre qui les concerne, dans Humain, trop humain. Il y a sur les femmes et l'amour d'autres pensées que l'on pourra examiner plus tard, dans Par-delà le bien et le mal.
Le chapitre VII de Humain, trop humain, intitulé « La femme et l'enfant », débute par une idée juste et neuve : « La femme parfaite est un type plus élevé de l'humanité que l'homme parfait : c'est aussi quelque chose de plus rare. L'histoire naturelle des animaux offre un moyen de rendre cette proposition vraisemblable. » Ce qui frappe surtout dans cette pensée, c'est la dernière phrase, où il y a une magnifique intuition de la vérité scientifique. Dans la plupart des espèces animales, en effet, comme je l'ai démontré moi-même dans un livre spécial (1), la femme est le type supérieur. Chez les insectes en particulier, et chez les plus intelligents, la femelle remplit seule presque toutes les fonctions sociales qui, dans l'humanité et chez les oiseaux, sont partagées entre les deux sexes. Elle est à la fois la constructrice du nid, l'amazone qui le défend contre les ennemis, la chasseresse qui pourvoit de gibier sa progéniture ; elle est tout. Le mâle n'est presque rien : il paraît un instant, remplit son office naturel, puis disparaît.
Il est resté à la femelle, dans les espèces supérieures, quelque chose de cette activité. Si elle n'est plus l'activité même, elle en est le principe ; si elle ne construit pas la maison, c'est pour elle qu'on la construit. Mais à défaut d'un compagnon, elle la construirait elle-même. L'homme a un rôle immense dans la vie de la femme, mais il est passager ; tandis que le rôle naturel de la femme est durable. L'homme ne représente que lui-même ; la femme représente toute la postérité. Dans tous les cas où la femme n'est que femme, mais pleinement femme, elle est infiniment supérieure à l'homme. La société est bâtie sur la femme ; elle en est la pierre angulaire. C'est pour cela même qu'elle déchoit chaque fois qu'elle abandonne son métier de femme pour imiter les hommes.
Je suis loin de l'avis de Nietzsche quand il dit que la femme parfaite est plus rare que l'homme parfait. Il est difficile, il est vrai, de savoir ce que c'est que l'homme parfait. Il y a pour l'homme bien des sortes de perfections, ou plutôt de supériorités. Pour la femme, la perfection est unique : elle est parfaite, quand elle est femme profondément, de la tête aux pieds et jusqu'au fond du cœur et qu'elle remplit avec joie tous ses devoirs de femme, depuis l'amour jusqu'à la maternité.
Tout le reste est grimace.
Ce premier aphorisme de Nietzsche semblerait indiquer chez lui, malgré tout, une certaine connaissance, au moins théorique, de la femme ; c'est une illusion. La femme, même dans l'extrême civilisation, est toujours beaucoup plus naturelle que l'homme, beaucoup plus près de la vie, plus physique, en un mot. On ne peut parler d'elle sérieusement que si on est ému pour elle d'une sympathie physique. Ceux qui sont incapables de cela devraient s'abstenir. Parler de la femme comme d'une abstraction est absurde. L'homme, non plus, n'est pas une abstraction ; mais il peut vivre dans l'abstraction, et cela est impossible à la femme. Nietzsche le reconnaît dans les aphorismes 416 et 419 : « Les femmes peuvent-elles d'une façon générale être justes, étant si accoutumées à aimer, à prendre d'abord des sentiments pour ou contre ? C'est d'abord pour cela qu'elles sont rarement éprises des choses, plus souvent des personnes... » Il croit cependant que c'est une infériorité. Sans doute, s'il s'agit de raisonnements métaphysiques, de philosophie ; mais non, s'il est question de la vie pratique. Car les idées n'existent qu'autant qu'il y a des hommes pour les penser et les vivifier ; il faut qu'elles s'incarnent pour acquérir la vitalité et la force. Les femmes ont raison. Mais n'est-ce pas Nietzsche lui-même qui a dit qu'un système de philosophie n'est que l'expression d'une physiologie particulière ? Si une femme avait aimé la philosophie de Nietzsche (il y en a aujourd'hui), elle eût bien vite délaissé les livres pour aller vers le philosophe. Les hommes, d'ailleurs, font-ils autrement ? Ceux qui admirent un écrivain ne désirent-ils pas le voir, entendre sa voix, serrer sa main ? Les femmes sont plus franches et plus naturelles, voilà tout. On a maudit leur fourberie. Elles ne sont fourbes que lorsque l'homme les contraint à se défendre contre lui. Il y a beaucoup d'hommes trompés ; il y a encore plus de femmes. Elles le savent et, moins bêtes que les hommes, se fâchent moins souvent qu'eux.
Nietzsche connaît si mal les femmes que lui, le grand créateur d'idées, de rapports nouveaux, il se trouve réduit à rédiger, sous une forme nietzschéenne, des lieux communs. Il nous dit : « Les jeunes filles qui ne veulent devoir qu'à l'attrait de leur jeunesse le moyen de pourvoir à toute leur existence et dont l'adresse est encore soufflée par des mères avisées, ont juste le même but que les courtisanes, sauf qu'elles sont plus malignes et plus malhonnêtes. » Mais nous avons lu tant de fois cette maxime de faux moralisme qu'elle nous fait sourire, à moins qu'elle ne nous exaspère. D'autres fois, il résume tout bonnement en quelques lignes les opinions de Schopenhauer (aphorismes 411 et 414). Ceci est amusant, mais est-ce bien nouveau : « Les jeunes filles inexpérimentées se flattent de l'idée qu'il est en leur pouvoir de faire le bonheur d'un homme ; plus tard, elles apprennent que cela équivaut à déprécier un homme en admettant qu'il ne faut qu'une jeune fille pour faire leur bonheur. »
Quel homme de n'importe quelle caste et de n'importe quel pays peut admettre cette affirmation : « Avec la beauté des femmes augmente en général leur pudeur. » Cela, c'est une signature. Quand on a écrit cela dans une série de pensées sur les femmes, c'est à peu près comme si on avait dit : « Voici des réflexions sur un sujet qui m'est totalement inconnu. » Si quelque chose, en dehors de l'éducation, peut augmenter la pudeur qui est naturelle aux femmes jusqu'à un certain point, n'est-ce pas, évidemment, le sentiment d'une imperfection physique ?
Nietzsche se fait du mariage non pas une idée, mais un idéal bien personnel. Il y a là un aveu d'une sincérité presque excessive : « ... Le mariage conçu dans son idée la plus haute, comme l'union des âmes de deux êtres humains de sexe différent, ... un tel mariage qui n'use de l'élément sensuel que comme d'un moyen rare, occasionnel, pour une fin supérieure. » Je ne puis citer tout : Nietzsche exprime à peu près cette idée qu'on ne peut aimer physiquement une femme que l'on estime intellectuellement. Cela, c'est l'immoralité parfaite, l'immoralité naïve d'un homme dont les sens sont muets, dont la sensibilité est toute cérébrale.
Par un dernier mot, il repousse même cette illusion d'un mariage purement métaphysique et contemplatif ; et c'est en songeant à lui-même, sans aucun doute, qu'il écrit : « Ainsi j'arrive, moi aussi, à ce principe dans ce qui touche aux hautes spéculations philosophiques : tous les gens mariés sont suspects. »
Ce qui est suspect, à la vérité, c'est l'opinion sur les femmes et sur l'amour d'un homme, fût-il un grand philosophe, qui ignore et l'amour et les femmes.

1904

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