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Je ne sais pas pourquoi @Mégille prétend que John Stuart Mill n'est pas un crypto-communiste:

 

"Il y a aussi beaucoup d’actes positifs pour le bien des autres, qu’un homme peut être justement obligé d’accomplir ; par exemple de porter témoignage en justice, ou de prendre toute sa part, soit dans la défense commune, soit dans toute autre œuvre commune nécessaire à la société sous la protection de laquelle il vit. De plus, on peut, en toute justice, le rendre responsable envers la société, s’il n’accomplit pas certains actes de bienfaisance individuelle, le devoir évident de tout homme ; tels que sauver la vie de son semblable ou d’intervenir pour défendre le faible contre de mauvais traitements. Une personne peut nuire aux autres non seulement par ses actions, mais par son inaction, et dans tous les cas elle est responsable envers eux du dommage."

 

"Le fait seul de vivre en société impose à chacun une certaine ligne de conduite envers autrui. Cette conduite consiste : 1° à ne pas nuire aux intérêts d’autrui, ou plutôt à certains de ces intérêts qui, soit par une disposition légale, expresse, soit par un accord tacite doivent être regardés comme des droits ; 2° à prendre chacun sa part (qui doit être fixée d’après quelque principe équitable) des travaux et des sacrifices nécessaires pour défendre la société ou ses membres contre tout dommage ou toute vexation. La société a le droit absolu d’imposer ces obligations à ceux qui voudraient s’en exempter."

 

"Si un officier public ou n’importe qui voyait une personne sur le point de traverser un pont qu’on sait n’être pas sûr et qu’il n’y eût pas le temps de l’avertir du danger qu’elle coure, on pourrait la saisir et la faire reculer de force, sans violation aucune de sa liberté : car la liberté consiste à faire ce qu’on désire, et cette personne ne désire pas tomber à la rivière."


"Les marchands de boissons fortes, quoiqu’intéressés à l’abus, sont indispensables à cause de l’usage légitime de ces boissons. Cependant l’intérêt qu’ont ces commerçants à favoriser l’intempérance est un mal réel, et justifie l’État lorsqu’il impose des restrictions et exige des garanties, qui sans cela seraient des empiètements sur la liberté légitime."

"L’État ne peut faire autrement que d’imposer certains articles de consommation, d’une façon qui pour quelques personnes peut être prohibitoire. Il est donc du devoir de l’État d’examiner avant de mettre des taxes de quelles denrées les consommateurs peuvent le mieux se passer, et a fortiori de choisir de préférence celles qui selon lui peuvent être nuisibles à moins que l’usage n’en soit très-modéré. C’est pourquoi il est non-seulement admissible mais bon de mettre sur les boissons fortes l’impôt le plus élevé."

"Il est convenable de n’accorder la permission de vendre ces denrées (du moins pour être consommées sur-le-champ) qu’à des personnes dont la respectabilité de conduite est connue ou garantie ; on doit en outre régler les heures d’ouverture et de fermeture comme l’exige la surveillance publique, et retirer la permission si des violations de la paix publique sont commises à plusieurs reprises, grâce à la connivence ou à l’incapacité de celui qui tient la maison, ou si cette maison devient un rendez-vous pour des gens qui sont en insurrection contre la loi."

"N’est-il pas presqu’évident que l’État devrait exiger de tous les citoyens, et même leur imposer, une certaine éducation ?

Néanmoins chacun craint de reconnaître et de proclamer cette vérité. À vrai dire, personne ne le nie ; c’est un des devoirs les plus sacrés des parents (ou, selon la loi et l’usage actuel, du père) après avoir donné naissance à un être humain, d’élever cet être de façon à ce qu’il soit capable de remplir toutes ses obligations envers les autres et envers lui-même. Mais tandis qu’on déclare à l’unanimité que tel est le devoir du père, personne à peine en Angleterre ne supporterait l’idée qu’on l’obligeât à l’accomplissement de ce devoir. Au lieu d’exiger qu’un homme fasse quelqu’exertion ou quelque sacrifice pour assurer une éducation à son enfant, on le laisse libre d’accepter ou de refuser cette éducation, quand on la lui procure gratis. Il n’est pas encore reconnu que mettre au monde un enfant, sans être sûr de pouvoir non-seulement le nourrir, mais encore instruire et former son esprit, est un crime moral et envers la société et envers le malheureux rejeton, et que si le parent ne remplit pas cette obligation, l’État devrait veiller à la faire remplir, autant que possible, à la charge du parent."


"Prendre cette responsabilité de donner une vie qui peut être une source de tourment ou de bonheur est un crime envers l’être auquel on la donne, à moins que cet être n’ait les chances ordinaires d’une existence désirable. Et dans un pays trop peuplé ou menaçant de le devenir, mettre au monde plus qu’un petit nombre d’enfants, ce qui a pour effet de réduire le prix du travail par la concurrence, est un crime sérieux envers tous ceux qui vivent de leur travail. Les lois qui, dans un grand nombre de pays du Continent, défendent le mariage, à moins que les parties ne prouvent qu’elles peuvent entretenir une famille, n’outrepassent pas les pouvoirs légitimes de l’État ; et que ces lois soient utiles ou non (une question qui dépend principalement des circonstances et des sentiments locaux), on ne peut leur reprocher d’être des violations de liberté."
-John Stuart Mill, De la liberté, 1860 (1859 pour la première édition anglaise), 309 pages.

 

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il y a 29 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Prendre cette responsabilité de donner une vie qui peut être une source de tourment ou de bonheur est un crime envers l’être auquel on la donne, à moins que cet être n’ait les chances ordinaires d’une existence désirable.

On sent tellement le gamin traumatisé qui a grandi.

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Ah, je n'ai jamais prétendu que c'était un parfait libertarien puriste. C'est tout au plus un libéral classique (par définition). Et j'ai toujours trouvé que l'utilitarisme ne permet pas de donner des bases aussi fermes que la déontologie. A propos de l'éducation, il me semble qu'il s'oppose tout de même à ce que l'état s'en occupe directement, il était je crois plutôt en faveur d'une sorte de système de voucher. Et ses impuretés mises de coté, c'est une des grandes références pour la liberté d'expression et pour l'extension du libéralisme aux femmes (ce qui n'était pas donné au début). Il est aussi bon sur le socialisme.

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12 hours ago, F. mas said:

Yep! C'est pas mal du tout.

 

10 hours ago, Rincevent said:

Pas lu, beaucoup entendu parler en bien. Pour ce que j'en sais, Jonathan Haidt, tu peux foncer sans hésitation.

Merci !

Je vais rajouter ça à ma liste des "peut-être" (qui est déjà bien trop longue).

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il y a 24 minutes, Lancelot a dit :

Merci !

Je vais rajouter ça à ma liste des "peut-être" (qui est déjà bien trop longue).

Tu peux sans doute avoir un avant-goût (et ça devrait te montrer qu'il faut passer le livre de "peut-être" à "probablement" ? ).

 

 

 

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Un des meilleurs épisodes de JRE (peut-être même le meilleur que j'ai écouté). J'ai entendu beaucoup de bien de The Righteous Mind aussi.

 

Après une pause anthologie sci-fi US 60s, je suis passé à Nature Unbound (https://www.independent.org/store/book.asp?id=120). Gros travail de recherche sur les effets des lois écologistes des 60-70s aux US passés au prisme du public choice. C'était presque difficile à lire tellement le sujet est déprimant. Mais ça mériterait clairement d'être plus connu dans le microcosme libéral (j'étais tombé dessus par hasard et l'avais commandé sur un coup de tête).

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Il y a 2 heures, Cthulhu a dit :

Après une pause anthologie sci-fi US 60s, je suis passé à Nature Unbound (https://www.independent.org/store/book.asp?id=120). Gros travail de recherche sur les effets des lois écologistes des 60-70s aux US passés au prisme du public choice. C'était presque difficile à lire tellement le sujet est déprimant. Mais ça mériterait clairement d'être plus connu dans le microcosme libéral (j'étais tombé dessus par hasard et l'avais commandé sur un coup de tête).

Petite revue de lecture pour CP. Si, si. :)

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3 hours ago, Cthulhu said:

 

 

Après une pause anthologie sci-fi US 60s, je suis passé à Nature Unbound (https://www.independent.org/store/book.asp?id=120). Gros travail de recherche sur les effets des lois écologistes des 60-70s aux US passés au prisme du public choice. C'était presque difficile à lire tellement le sujet est déprimant. Mais ça mériterait clairement d'être plus connu dans le microcosme libéral (j'étais tombé dessus par hasard et l'avais commandé sur un coup de tête).

 

Merci beaucoup pour la référence : je vois parmi les coauteurs Randy Simmons, l'auteur de Beyond Politics: the roots of government failure, qui est l'un de mes livres de chevet. Je vais commander et lire le livre dès que j'aurai fini les 3 livres que j'ai commencé :

 

- Nature via Nurture, un vieux livre de Matt Ridley

- How innovation works, le tout dernier Matt Ridley,

-Le cahier de tendance 2020 "La France qui vient", un ouvrage collective sous le patronage de la Fondation J Jaures (dir JL Cassely/T Germain).

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Il y a 2 heures, F. mas a dit :

Randy Simmons, l'auteur de Beyond Politics: the roots of government failure, qui est l'un de mes livres de chevet.

Et du coup, yabon à quel point ?

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Il y a 10 heures, Rincevent a dit :

Et du coup, yabon à quel point ?

Très bon livre, pas toujours facile en anglais mais ca vaut le coup. C'est justement là dedans que j'avais trouvé https://en.wikipedia.org/wiki/Bootleggers_and_Baptists (qui s'appliquait à la dernière loi porno avec Dorcel et l'asso) je ne me souvenais plus du nom du livre merci pour la ref @F. mas !

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Bon en attendant @F. mas j'ai récupéré le On Human Conduct d'Oakeshott. Le début semble très ardu.

 

Sinon j'ai lu Frank Straus Meyer, In Defense of Freedom: A Conservative Credo, 1962, (in Frank Straus MeyerIn Defense of Freedom and Related Essays, Indianapolis, Liberty Fund, 1996, 238 pages). C'est pas mal du tout, je le recommande à @PABerryer

C'est assez étonnant que ni le Conservatisme impossible d'Huguenin ni le Qu'est-ce que le conservatisme ? de J.-M. Vincent ne mentionne Meyer.

 

Après tout ça je vais retirer mon étiquette de libéral de gauche, tient.
 

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Outre l'ouvrage de Meyer je recommande vivement celui de John Kekes, très pédagogique @PABerryer @F. mas @Rincevent. Je vois beaucoup mieux à quel genre de conservatisme je peux adhérer ou non:

 

 
"All conservatives agree that history is the appropriate starting point for their reflection, but some of them believe that it is not a contingent fact that certain political arrangements have historically fostered good lives, while others have been detrimental to them. Conservatives who believe this think that there is a deepter explanation for the historical success or failure of various political arrangements. They believe that there is a rational and moral order in reality. Political arrangements that conform to this order foster good lives, those that conflict with it are bound to make lives worse." (p.28)

"Opposed to these rationalistically inclined conservatives and nonconservative Utopians are skeptical conservatives. Their skepticism, however, may either take an extreme or a moderate form. The extreme form of skepticism is fideism. It involves reliance on faith and the repudiation of reason. Fideistic conservatives reject reason as a guide to the political arrangements that a good society ought to have. It makes no difference to them whether the reasons are metaphysical, scientific, or merely empirical. They are opposed to relying on reason whatever form it may take. Their opposition is based on their belief that all forms of reasoning are ultimately based on assumptions that must be accepted on faith and that it is possible to juxtapose to any chain of reasoning another chain that is equally plausible and yet incompatible with it.
Their rejection of the guidance of reason, however, leaves fideistic conservatives with the problem of how to decide what political arrangements they ought to favor. The solution they have historically offered is to be guided by faith or to perpetuate the existing arrangements simply because they are familiar. The dangers of either solution have been as evident in the historical record as the dangers of the preceding approach. Faith breebs dogmatism, the persecution of those who rejetct it or who hold other faiths, and it provides no ground for regarding the political arrangements it favors as better than contrary ones. Whereas the perpetuation of the status quo on account of its familiarity makes it impossible to improve the existing political arrangements.
A
 via media between the dangerous extremes of rationalistic politics and the fideistic repudiation of reason is skepticism that takes a moderate form. Conservatives who hold this view need not deny that there is a rational and moral order in reality. They are committed only to denying that reliable knowledge of it can be had. Skeptical conservatives are far more impressed by human fallibility than by the success of efforts to overcome it. They think that the claims that some truths are revealed, that some texts are canonical, that some knowledge embodies eternal verities stand in need of persuasive evidence. They regard these claims only as credible as the evidence that is available to support them. But the evidence is as questionable as the claims are that it is adduced to support. According to skeptical conservatives, it is therefore far more reasonable to look to the historical record of various political arrangements than to endeavor to justify or criticize them by appealing to meta-physical or utopian considerations that are bound to be less reliable than the historical record.
Skepticism, however, does not lead conservatives to deny that it is possible to evaluate political arrangements by adducing reasons for and against them. What they deny is that good reasons must be absolute and eternal.
" (pp.30-31)
-John Kekes, A Case for Conservatism, Ithaca and London, Cornell University Press, 2001 (1998 pour la première édition), 239 pages.
 

 

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Un peu HS, mais en écoutant un des podcasts de Libert-thé, je me retrouve à chercher le titre du livre de Johan Norberg en anglais:

 

VF: Non ce n'était pas mieux avant

VO: Progress: Ten Reasons to Look Forward to the Future

 

Si il fallait résumer les différences d'orientation temporelle entre le monde anglo-saxon et francophone, on ne ferait pas mieux :lol:

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@Johnathan R. Razorback

 

Désolé pour le retard dans ma réponse, en ce moment, je suis très pris et la question du rapport entre Oakeshott et la tradition du droit naturel n'est pas simple.

 

Premièrement, Oakeshott est avant tout Hobbésien, et donne une interprétation spéciale à l'oeuvre du philosophe qui n'est pas celle par exemple proposée par Leo Strauss. Pour O, Hobbes est le premier auteur à rompre avec la tradition classique de la loi naturelle (Aristote et Platon). Le rationalisme de Hobbes est celui d'un sceptique, qui pense la loi comme un effet de la volonté et comme constitutive de l'artifice qu'est la puissance publique, là où les classiques pensaient en termes de raison capable de produire un ordonnancement naturel des lois en régime politique. Hobbes en gros déplace le caractère central de la Raison pour celui de 'raisonnement' (la capacité à produire des connaissances hypothétiques).

 

Comme Hobbes, mais aussi comme Hegel, la philosophie du droit de O est surtout une philosophie de la volonté, qui lui fait défendre une sorte de positivisme libéral centré sur l'état de droit et l'individu, le droit comme manière de vivre ou de se conduire plus que sur des 'droits naturels' qui prééxisteraient aux artifices historiques qui ont vu naître le droit libéral. Notons au passage que O trouve le libéralisme de Locke (et Locke lui-même) un peu nul.

 

La critique adressée aux droits naturels se retrouvent un peu partout dans son oeuvre, de Politics of Faith and Politics of Skepticism jusqu'à Human conduct, dans des textes comme Talking politics ou The Political economy of freedom (des textes reproduit dans 'Rationalism in politics') mais il semblerait avoir synthétisé ses arguments dans un texte intitulé Contemporary British Politics paru dans The Cambridge Journal en 1947 (je n'ai pas le texte, c'est dans le livre de Paul Franco sur O.).

 

Sinon je conseille de commencer Oakeshott par Rationalism in Politics and other essays plus que par Human Conduct, qui est difficile et qui synthétise toute sa vie de recherches.

 

 

 

 

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On 7/10/2020 at 8:23 PM, F. mas said:

- How innovation works, le tout dernier Matt Ridley,

J'ai écouté la première partie de son entretien avec Naval Ravikant, cela a l'air particulièrement intéressant.

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Merci @F. mas

 

Que penses-tu de l'idée de Kekes suivant laquelle: 

 

"These conditions [du meilleur régime], in alphabetical order, are: civility (reciprocal good will among citizens), equality (in the legal and political status of mature and responsible citizens), freedom (from interference and to live according to one's conception of a good life), healthy environment (the absence of pollution), justice (criminal and distributive), order (maintained through the relu of law), peace (domestic and international), prosperity (hight enough living standard to provide citizens with the means to live according to their conceptions of a good life), rights (guaranteed by a written Bill of Rights, precedent, or unwritten tradition), security (from physical violence and social coercion), toleration (non-interference with unpopular ways of life and conduct), and welfare (a decent level of education, employment, health care, housing, and nutrition). [...]
It is desirable to have each to as high a degree as possible, but it is most unlikely that any of them could obtain fully." (p.22)

"An essential feature shared by all opponents of conservatism, therefore, is the aim of resolving conflicts always in favor of some small number of specific conditions of good lives at the expense of others.
An essential feature of conservatism is the rejection of this aim. The conservative aim is to identify, maintain, and protect the system formed of all the political conditions of good lives. This aim requires resolving conflicts concerning these conditions and attributing overriding status to some of them. But the great difference between conservatives and their opponents is that conservatives believe that it cannot specified in advance which condition should be overriding and that any condition can be only temporarily overriding, whereas their opponents believe the contrary." (pp.23-24)

-John Kekes, A Case for Conservatism, Ithaca and London, Cornell University Press, 2001 (1998 pour la première édition), 239 pages.

 

J'ai souvent remarqué en effet une tendance au sein des droites à soutenir que la même mesure / loi / institution / régime pouvait être ou ne pas être bonne "en fonction des circonstances" -ce que je trouve effectivement mystérieux. N'est-ce-pas un asile pour l'ignorance ou une contradiction flagrante ? Comment peut-on dire que: "Conservatives, therefore, will not think that it is always unjustified to place [...] peace over the freedom to advocate the violent overthrow of the governement, or civility over the toleration of sado-masochistic pornography." (p.24) ?

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Certaines institutions bonnes peuvent se retrouver dans certaines circonstances mauvaises pour pas mal de monde au-delà des clivages démocratiques de ces deux derniers siècles. On peut trouver des réflexions assez proches dans la philosophie politique d'Aristote sur la différence entre régimes droits et ceux déviés, ou même dans la République de Platon. Par exemple des institutions républicaines/démocratiques gouvernant des citoyens à l'esprit tyrannique ou monarchique ne sont pas bonnes, et peuvent mêmes aboutir au contraire de ce qu'elles sont censées enseigner.

 

Il n'existe malheureusement de ce point de vue des institutions ou un étalon assez solide pour garantir la qualité des institutions en dépit des circonstances (d'ailleurs, pour Platon, le déclin de l'esprit des institutions est cyclique). On peut penser par exemple à la République de Weimar, dont les institutions démocratiques ne furent pas abolies avec l'avenèmement du nazisme. Formellement, la constitution existait toujours, même si réellement, ce n'était plus le cas et que ses principes ont été très utile, particulièrement la neutralité de l'Etat, pour laisser se développer l'extrémisme.

 

John Kekes dans son livre sur la moralité du pluralisme a eu l'occasion d'approfondir son propos sur l'impossibilité de découvrir un point d'appui ou une valeur permettant de dominer et d'invalider les autres définitivement (ce qu'il appelle le "monisme"). Kekes divise les valeurs présentes (morales ou pas) au sein de la société entre valeurs premières et valeurs secondaires, les premières étant universellement nécessaires à la vie bonne, les secondes contingentes. Aucune de ces valeurs ne sont dispensables pour vivre une bonne vie, quelque soit le contenu qu'on mettre derrière l'expression 'vie bonne'. En conséquence, aucune valeur particulière ne permet de démettre les autres, ce qui les rend toutes conditionnelles : "according to pluralists, this does not lead to the desintegration of morality, because the conflicts about values could be resolved reasonably. It is just that these reasonable resolutions will not appeal to an overriding value but to historically conditioned traditions and conceptions of the good life that the opposite protagonists share."

 

Comme pour Oakeshott, la politique est une activité d'abord pratique faite de compromis historiquement contingents, c'est à dire révisables et transitoires. Notons aussi que Kekes ici élargit sa position, qui n'est plus simplement 'conservatrice', mais 'pluraliste'. Parmi les auteurs qu'il désigne sous cette étiquette, il y a des conservateurs, des progressistes et des non alignés (I Berlin, C Taylor, T Nagel, J Rawls, M Nussbaum, Oakeshott, etc.).

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ça me fait penser à une remarque de Vargas Llosa qui m'avait percuté :

"... la guerre abstraite n'existe pas. Il n'y a que des guerres concrètes ..." - Mario Vargas Llosa (dans <i>Les pacifistes</i> dans <i>Les enjeux de la liberté</i>)

 

et je crois que cela ne concerne pas que la guerre.

 

C'est bien et utile et nécessaire d'essayer d'avoir un socle moral/principiel,

mais imaginer qu'il permet d'appréhender toute situation tel quel ... c'est parfois un peu naïf.

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La France périphérique de Christophe Guilly : bien pour comprendre partiellement les causes du vote "populiste" contre les "élites" ; termes dépassés dans la mesure où la véritable fracture sociale ne se trouve plus entre ces deux concepts suffisamment abstraits pour englober des catégories différentes. Finalement assez intéressant à lire quand on vit dans un microcosme parisien et autre grande ville mondialisée. Ça peut aussi vous donner un argument supplémentaire à l'impertinence de la dichotomie gauche/droite pour représenter les classes populaires. Poke à mon petit @Rincevent sur la nécessité de préserver le capital social. 

 

Bref, ce livre peut se résumer en une phrase.

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Je suis dans une période "WWI" en ce moment.

Lu :

 

"The First World War", Hew Strachan : OK

The Great War, Peter Hart : bien.

Les deux ont un biais anglais, intéressant.

 

"Foch" de Jean Christophe Notin : très intéressant, en pendant des précédents.

"Castelnau, le 4e maréchal" de Benoit Chenu. Plus un panégyrique qu'une biographie, mais se lit facilement. Très intéressant avec un peu de recul. Un personnage méconnu, ce qui est dommage.

 

Maintenant, j'ai envie de lire sur Fayolle (et ses carnets), découvert à travers les précédents.

 

Quand j'étais jeune, je me demandais qui pouvait s'intéresser à la Grande guerre alors que WWII est tellement plus intéressante. J'ai complètement changé d'avis aujourd'hui... ceci dit, lectures assez déprimantes dans l'ensemble : suicide d'un continent tout de même... et tant d'aveuglement... ?

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Ce mois-ci j'ai lu La Nouvelle Alliance de Prigogine et Stengers. C'est pas mal mais j'ai trouvé certains points très osés (dire que les diagrammes de bifurcation sont l'histoire d'un système comme dans le cas de la répartition géographique des amibes acrasiales, bof). C'est aussi trop long. C'est trop écrit pour les philosophes qui font genre (les citations de Deleuze wtf) et j'ai souvent eu l'impression d'exemples super développés qui accouchaient d'une conclusion conceptuelle riquiqui du genre le temps n'est pas réversible, le réductionnisme naïf ça marche pas et tout. Donc en fait à un moment je faisais plus trop attention à leur blabla et je m'intéressais à ce que j'apprenais scientifiquement.

 

Ensuite j'ai lu les Philosophical Explanations de Nozick. C'est du Nozick pur sucre, j'adore le lire et j'adore sa façon de poser les problèmes et ensuite de les mitrailler d'analyses et de questions ou d'expériences de pensée foutraques. La première partie sur la métaphysique où il expose sa thèse des closest continuers (en débat avec Parfit) est pas mal, un peu chtarbée sur les bords quand il se demande si, quand on a un mec n°1 dont on transplante un bout de cerveau dans un autre mec n°2 et que le mec n°1 meure au bout de 2 semaines, le mec n°2 devient le mec n°1. La 2e partie sur l'épistémologie est la plus solide, sa quête d'une articulation entre vérité et croyance (to know is to have a belief that tracks the truth) et son analyse des hypothèses sceptiques est très intéressante et agréable à lire même si on sent pointer le gros défaut du mec comme dans Anarchie, Etat et utopie : il sait pas écrire un bouquin. Il n'a aucune capacité de synthèse, il jette sur le papier 15 façons d'expliciter un problème sans penser à choisir la, que dis-je les trois façons ou même les cinq façons les plus convaincantes de le poser. Il peut pas s'empêcher de prendre trouzmille détours (il se répète aussi pas mal) donc bon faut être patient, un peu comme avec un enfant. Est en particulier digne d'intérêt sa notion d'un support factuel d'une théorie mesurable en probas avec e:= evidence et h:= hypothesis t.q. support (e|h) = p(e|h) - p(e|non-h) > 0.9 même si que p(e|h) > 0.95 ne veut pas dire que h explique e: l'éclair n'explique pas le tonnerre bien que p(tonnerre|éclair) = 1. La théorie de l'evidence proposée par Nozick porte un coup au scepticisme: l'hypothèse sceptique du genre nous rêvons/nous sommes des cerveaux dans une cuve n'a aucune evidence spécifique puisque le principe du rêve est que le monde, les situations restent exactement les mêmes en cas de rêve ou de non-rêve ce qui fait que p(e|rêve) = p(e|non-rêve) <=> l'hypothèse du rêve a donc un support factuel = 0: pour que l'hypothèse du rêve soit scientifiquement valide, il faudrait que rêve -> e et que non-rêve -> non-e. Les deux conditions de la connaissance sont: je connais x si je crois que x quand x est vrai et je ne crois pas que x quand x est faux. Autant ce genre d'approche fonctionne bien en épistémologie si on est un peu patient avec le gugusse, autant ça part en couilles dans la partie éthique (qui fait la majorité du bouquin) avec plein de pistes intéressantes qu'il n'exploite pas du tout. Le passage sur le libre-arbitre est entièrement vide de contenu et je ne peux pas retenir un soupir quand il prend l'exemple du chat de Schrödinger pour expliquer comment une décision impute une valeur à son objet qui ne préexiste pas à la décision elle-même.

 

Après j'ai lu The Extended Phenotype de Dawkins (fini en fait parce que j'avais commencé il y a plusieurs mois mais j'avais dû m'interrompre parce que boulot). C'est très cool avec certains chapitres plus intéressants que d'autres (clairement celui sur les parasites est un pied monumental). Globalement c'est un approfondissement de perspectives déjà élaborées dans Le Gène égoïste. On m'avait annoncé le truc comme très technique mais bof pas tant que ça. C'est très bien argumenté, la mise au point sur le "déterminisme génétique" au début du bouquin est super, les développements sur les arms race et les moyens qu'ont les colonies d'insectes de contrôler leur sex ratio sont fascinants. Après ça fait un peu bizarre quand au bout de littéralement 300 pages (sur 400) le mec écrit: "et maintenant nous allons en venir à l'extended phenotype". Le livre n'est pas aussi fourmillant d'idées que Le gène égoïste parce qu'il est malgré tout plus spécifique (ça ne concentre pas l'éthologie + la théorie des jeux + la génétique + les débats de biologie évolutionniste mais parfois ça se perd un peu dans les querelles de chapelles saoulantes (en particulier Dawkins essaie de montrer que Mayr a la même position que lui sur la gene-centered view of evolution et je lis actuellement son What Evolution Is et c'est très bien mais j'ai des gros doutes là-dessus) mais donne beaucoup à penser notamment le chapitre sur les ESS où Dawkins analyse comment certains comportements (qu'il identifie à des programmes comme pour un ordinateur) sont sélectionnés même s'il n'effectue pas de réduction simple du programme aux gènes qui le codent (parce que pléiotropie etc).

 

Je suis en train de lire Système 1 Système 2 de Kahneman. Ça ne se lit pas très bien, les chapitres sont trop courts, c'est répétitif et je déteste le storytelling du genre "un matin j'étais à la machine à café et ça me grattait l'oreille quand soudain Amos arrive et il portait une chemise hawaïenne et il m'a expliqué des truc intéressants sur l'ancrage". Je pourrais pas lire ça une journée entière. J'en suis à peu près au tiers. Parfois trop d'exemples pour expliquer un concept simple. Mais je retiens précieusement l'idée que moins on en sait, plus on arrange les qq éléments qu'on a en un ensemble cohérent (et plus c'est facile d'inventer les liens). L'Autre moi-même de Damasio et La Dialectique du moi et de l'inconscient de Jung sont sur mon bureau pour la suite en psycho.

 

Là donc je suis dans Mayr et j'avais une question: il écrit que plus une espèce a une longue espérance de vie, moins la spéciation est probable. Je suis sans doute fatigué mais je vois pas le rapport. C'est dans un passage où il explique brillamment que les fossiles ne sont pas une bonne base de données pour calculer des taux de spéciation moyen parce que les fossiles concernent surtout des espèces nombreuses et avec un long life span et donc un faible taux de spéciation (?). Très bon bouquin d'introduction, ça met les choses au clair. Un peu chiant sur la taxonomie au début. Il me donne envie de lire Zahavi.

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il y a 5 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

il écrit que plus une espèce a une longue espérance de vie, moins la spéciation est probable. Je suis sans doute fatigué mais je vois pas le rapport. C'est dans un passage où il explique brillamment que les fossiles ne sont pas une bonne base de données pour calculer des taux de spéciation moyen parce que les fossiles concernent surtout des espèces nombreuses et avec un long life span et donc un faible taux de spéciation (?).

Pas certain non plus de ce qu'il veut dire. Déjà, je verrais davantage un rapport avec le reproductive lifespan (quelques heures pour certains insectes, des décennies pour certains mammifères), au sens où la longueur de cette période de vie reproductive permet (en supposant l'absence de couples stables) des combinaisons génétiques entre des individus de générations différentes, brassant au final mieux les gènes.

 

Mais je ne veux pas surinterpréter.

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