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il y a 1 minute, Pelerin Dumont a dit :

Je parlais de son passage sur les femmes (et la dichotomie actif vs passif qui va avec), pour le reste effectivement c'est très différent ?

Dans Aristote aussi alors. L’homme par rapport à la femme est comme la forme par rapport à la matière. 
 

Et il se voit comme il veut mais il était au Sicherheitsdienst 

 

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il y a une heure, Vilfredo a dit :

Dans Aristote aussi alors. L’homme par rapport à la femme est comme la forme par rapport à la matière. 
 

Et il se voit comme il veut mais il était au Sicherheitsdienst 

 

Ah en effet, d'ailleurs dans le chapitre que je lis il se met à parler des Aryens et des peuples nordiques (hyperboréens) etc donc il a l'air de partager la même mystique qu’Himmler et consorts

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il y a 32 minutes, Pelerin Dumont a dit :

Ah en effet, d'ailleurs dans le chapitre que je lis il se met à parler des Aryens et des peuples nordiques (hyperboréens) etc donc il a l'air de partager la même mystique qu’Himmler et consorts

Tu n'étais pas au courant ?

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il y a 15 minutes, Vilfredo a dit :

Pourquoi Kantorowicz?

L'intro de ma version le mentionne :

Citation

The model was the Middle Ages, the time of the German emperor Frederick II of Hohenstaufen, the "Astonishment of the World," who was raised in Italy (Sicily, to be exact) and thus united the German and Italian regions in his Holy Roman Empire, and who also apparently personified the best of both geographical areas. In those years Evola stood strongly under the influence of Ernst Kantorowicz's two-volume biography of the Starfen emperor, at that time the object of great enthusiasm.

Ce qui est assez clair quand il analyse les légendes autour des gibelins/de frederic II ou simplement la mythologie nordique.

Gouguenheim disait aussi que Kantorowicz faisait partie d'un cercle d'idées proche de la révolution conservatrice "hostile au rationalisme, recherchant une forme de syncrétisme entre le politique et le religieux". DE plus, Kantorowicz déplore dans son introduction que l'époque manquait d'empereurs, est très critique envers la république de Weimar et se fait partisan d'un état autoritaire mais efficace. Si on ajoute à ça sa nostalgie d'un âge d'or perdu, le messianisme et la mystique orientale, les ressemblances sont frappantes.

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Je lis Le Drame de l'humanisme athée du cardinal Henri de Lubac. Je suis très surpris de voir que je suis conscient, d'un côté, que sa critique philosophique de Nietzsche, par exemple, n'est pas très puissante, et pourtant, je sens une sympathie intuitive pour ce qu'il écrit qui me surprend beaucoup, n'ayant jamais été croyant mais toujours très fasciné par la liturgie catholique. A tel point que ça mène à des disputes avec mes parents (farouchement athées). Mais pour une raison ou pour une autre, Lubac, Scruton, CS Lewis et quelques autres que je vais bientôt lire sont les gens que j'ai envie d'avoir en pile au pied de mon lit en ce moment la nuit.

 

L'argument central du livre de Lubac est que l'humanisme athée (càd pour lui Comte, Feuerbach, Marx et Nietzsche; il a aussi l'air de considérer Heidegger comme un nihiliste, ce qui est un contresens sur la Lettre sur l'humanisme; mais bon après pour lui tout athée est nihiliste) dépouille l'homme de toute substance. Il en fait une abstraction, le produit de son devenir social et historique, moyennant quoi l'homme devient l'instrument de réalisation des fins sociales ou politiques, ou est au contraire rejeté comme inutilisable. En abaissant Dieu, en présentant Dieu comme une création humaine, l'humanisme athée a aussi abaissé l'idée d'homme. La question pour l'humanisme athée est: comment trouver une justification qui ne soit pas transcendante du respect que l'on doit à la personne humaine? Ces arguments sur la personne humaine comme indissociable de son rapport au transcendant ne sont pas très nouveaux pour moi et je pense que Lubac a lu Buber. Il accepte certaines critiques de Nietzsche du christianisme moderne, mais les détourne en faisant remarquer qu'une critique du christianisme moderne peut aussi être une invitation à renouer avec le christianisme passionné des premiers temps, plutôt qu'à un rejet des valeurs chrétiennes en général. Devant le diagnostic assez banal de désenchantement du monde, Lubac met en garde le jeune chrétien devant la tentation du mythe et ses dangers pour l'esprit critique et le distingue du mystère catholique. Le mythe est la projection de désirs humains dans la nature, c'est un peu la superstition de Spinoza ou la religion vue par Feuerbach. Le mystère, au contraire, est "reçu d'en haut". Lubac ne s'attarde pas beaucoup sur les défenses philosophiques de la transcendance à l'époque de l'immanentisme (de Hegel à Nietzsche), il discute rapidement Kierkegaard mais s'en méfie, pour une raison que je n'ai pas bien comprise. Je vais entamer le chapitre sur Comte et j'attends impatiemment le commentaire de Dostoïevski, qui est bien sûr la riposte chrétienne à Nietzsche.

 

Sinon j'ai découvert ce site https://voegelinview.com/

qui est une mine d'or pour tous ceux qui aiment Voegelin ou voudraient le lire (inclus: des masses de textes et d'extraits des livres de Voegelin, des recensions de tonnes de bouquins conservateurs et ou liés à des questions de théologie et de politique; le site est encore tenu à jour, c'est un peu ce que The Imaginative Conservative devrait être et n'est pas)

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C'est pas un contresens de considérer Nietzsche comme un nihiliste ? Je croyais que le point de Nietzsche c'était justement de dire que l'absence de Dieu ne mettait pas fin aux valeurs mais qu'elle appelait au remplacement de valeurs obsolètes par des valeurs plus appropriée. 

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il y a 21 minutes, NoName a dit :

C'est pas un contresens de considérer Nietzsche comme un nihiliste ?

Si absolument mais Lubac considère plutôt que le dépassement du nihilisme dans Nietzsche (le surhomme, cad le nouvel humain de la transvaluation des valeurs) est une perversion du sentiment religieux, où Dionysos remplace le Crucifié. Lubac a tort de penser que Nietzsche méprise l’idée de l’homme en attaquant le christianisme, Nietzsche considère au contraire que le christianisme avilit l’humanité, et engendre in fine le nihilisme (quand le fou dit “nous avons tué Dieu” c’est parce qu’en se faisant homme, l’idée de Dieu est devenue mortelle, elle s’est temporalisée). Dieu est la forme de la complaisance que nous avons pour notre propre faiblesse, et au lieu d’être complaisants avec nous-mêmes, compassionnels, il s’agirait de dépasser ces faiblesses au lieu de les entériner dans la nature de l’homme en l’appelant “pécheur”. Au final, quand bien même Lubac aurait raison de voir dans le dionysisme une perversion du sentiment religieux, je vois pas bien où est le problème. C’est une perversion qui agrandit l’homme. Le contresens de départ c’est déjà de considérer Nietzsche comme athée.

  • Yea 2
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Mais pardon la ou Lubac touche juste c’est que cette critique est aussi compatible avec un retour aux sources du christianisme. Nietzsche lui même est très élogieux du christianisme antique, avant que la religion ne s’institutionnalise. Pourquoi plus maintenant? Est-ce un truc de positiviste, du genre le christianisme antique était une étape qui avait son sens à l’époque? Bizarre

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il y a une heure, Vilfredo a dit :

1): l'humanisme athée (càd pour lui Comte, Feuerbach, Marx et Nietzsche; il a aussi l'air de considérer Heidegger comme un nihiliste, ce qui est un contresens sur la Lettre sur l'humanisme; mais bon après pour lui tout athée est nihiliste) dépouille l'homme de toute substance. Il en fait une abstraction, le produit de son devenir social et historique

 

2): comment trouver une justification qui ne soit pas transcendante du respect que l'on doit à la personne humaine ?

 

1): ça me semble juste pour les auteurs cités mais: 1): on peut certainement être un humaniste athée sans adhérer à ça ; 2): on peut parfaitement ajouter Heidegger et un paquet de philosophes modernes dans la catégorie de ceux qui rejettent l'idée d'une nature humaine. D'ailleurs Voegelin a fait ce reproche à Arendt.

 

2): Étant toujours plus ou moins un égoïste éthique, je dirais: Je n'ai pas envie que ma dignité soit foulé au pied parce que c'est mauvais pour moi (et pour bien rester dans un immanentisme à la Spinoza/Nietzsche, appelons mauvais ce qui diminue ma puissance d'agir). Ensuite, pour ne pas risquer que ma dignité soit violée, il est rationnel de poser comme une norme universelle que personne n'a le droit de nuire à autrui. Si je ne veux pas que X m'arrive (ou que X m'arrive), je dois vouloir vivre dans un monde où X est universellement admis illégitime (ou que X est un devoir reconnu par tous).

 

C'est un genre d'égoïsme éclairé / universalisé qui reste parfaitement immanent. 

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En lien avec le sujet de la "désacralisation" ou la perte du sentiment mythique, je lis Arbeit am Mythos de Hans Blumenberg. J'ai pas eu le temps de le lire en entier pour le moment, et je m'en sers surtout pour consolider ma maîtrise de la langue  allemande sans avoir spécialement le temps d'organiser ma lecture ou de la ficher (un peu par flemme). Mais ça doit être assez haut dans le top des lectures les plus puissantes que j'ai pu faire, je conseille si le sujet vous intéresse. 

  • Yea 1
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Il y a 4 heures, Vilfredo a dit :

je sens une sympathie intuitive pour ce qu'il écrit qui me surprend beaucoup, n'ayant jamais été croyant mais toujours très fasciné par la liturgie catholique.

Tu as déjà assisté à une messe tradi ? Le latin, ça en jette.

  • Yea 1
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Il y a 1 heure, Arlequin/TuringMachine a dit :

En lien avec le sujet de la "désacralisation" ou la perte du sentiment mythique, je lis Arbeit am Mythos de Hans Blumenberg. J'ai pas eu le temps de le lire en entier pour le moment, et je m'en sers surtout pour consolider ma maîtrise de la langue  allemande sans avoir spécialement le temps d'organiser ma lecture ou de la ficher (un peu par flemme). Mais ça doit être assez haut dans le top des lectures les plus puissantes que j'ai pu faire, je conseille si le sujet vous intéresse. 

Très bonne initiative de le lire en allemand. On dit notamment que La Légitimité des temps modernes chez Gallimard est très mal traduit aussi. Je ne connais la thèse que indirectement (par Schmitt). Sur ma wish list depuis longtemps.

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il y a 7 minutes, Vilfredo a dit :

On dit notamment que La Légitimité des temps modernes chez Gallimard est très mal traduit aussi. Je ne connais la thèse que indirectement (par Schmitt). Sur ma wish list depuis longtemps.

Peut-être @F. mas aura-t-il une opinion.

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Sinon jamais assisté à une messe tout court. Petit, j’adorais aller à l’église de mon village de vacances où mes parents ont une maison mais hors des heures de l’office. J’ai ensuite lu la Bible et les auteurs chrétiens quand j’étais adolescent. Quasiment tous mes amis sont catholiques, une bonne fraction traditionaliste, et je pense qu’ils seraient ravis de m’emmener.

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il y a 10 minutes, Rincevent a dit :

Peut-être @F. mas aura-t-il une opinion.

Pour comprendre Schmitt je crois qu’il faut en effet lire ses contradicteurs donc au moins Erik Peterson (ça tombe bien y a un livre qui sort sur lui et Schmitt) et Blumenberg. Peut-être Jakob Taubes aussi (Eschatologie occidentale).

 

Sur la traduction / C’est Denis Trierweiler qui a participé qui est un très bon traducteur (de Blumenberg mais aussi de Schmitt) mais apparemment les autres traducteurs ont fait un travail de sagouins

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Oui, Leo Strauss aussi (et tout ce qui touche à la querelle de la sécularisation). Il faut aussi lire ses sources d'inspiration (Hobbes, Machiavel, Cortés, Proudhon etc). C'est passionnant mais c'est un gros boulot.

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Je finis "Comment l'empire romain s'est effondré : Le Climat, les maladies, et la chute de Rome" de Kyle Harper. Je l'ai trouve très intéressant (il aborde le recit de la chute de l'empire sous un angle différent et s'etend même jusqu'a la conquête arabe) , même si je trouve que son principal défaut est de consacrer de trop longues parties à la description des epidemies/maladies/climat etc (je préfère largement les parties récit des événements que j'ai trouve bien courtes et analyse des conséquences de ces changements climatiques et biologiques sur l'empire). Bon vous me direz c'est la these principale de l'ouvrage mais j'ai trouve un peu indigeste les parties plus scientifiques (interessantes au debut mais sa tendance à répéter en boucle les memes grands thème use un peu a la longue). Au final c'est un ouvrage instructif surtout couple à d'autres historiens de la chute qui developpent plus d'autres perspectives (notamment ward perkins) 

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Je trainais par hasard sur catallaxia et je suis tombé sur l'excellent texte de Phillipe Nemo sur la V eme république où j'ai trouve cette phrase qui a mal vieilli ?

Citation

Certes, dans la pratique, cet absolutisme (de la Veme République) a été souvent mitigé. Il faut tout de même que l’Assemblée vote, et l’on ne peut lui faire voter n’importe quoi n’importe quand, d’autant que le Sénat vote lui aussi et qu’on ne peut s’offrir le luxe de conflits systématiques. 

 

  • Haha 1
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1 hour ago, poincaré said:

Quelqu'un a lu "Risk Society" d'Ulrich Bech ?

Je cherche un ouvrage pertinent sur la société du risque.

J'avais trouvé ça d'une très grande médiocrité. De mémoire, de la mauvaise sociologie pleine d'a priori idéologiques trop abstraits pour que ça soit utile à quelque chose. 

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Le 28/04/2019 à 08:23, POE a dit :

Lecture de Démocratie et Totalitarisme, un "classique" de Raymond Aron, qui est en fait une reprise des cours donnés à la Sorbonne en 1957, donc juste avant la V° République.

Très didactique avec un exposé relativement clair des différents types de régime, des exemples, et parfois des prédictions sur certains pays.

Une attention particulière est donnée aux régimes constitutionnels pluralistes dans la deuxième partie de l'ouvrage avec un exemple historique intéressant de corruption de ce type de régime.

Il s'agit de la république de Weimar de 1929 qui me semble avoir certains points communs avec la situation française actuelle. Surtout dans l'équilibre des forces politiques actuelles avec finalement une majorité de votants favorables soit à un parti d'extrême droite nationaliste (FN), soit à un parti d'extrême gauche socialiste (FI). Heureusement, la situation diffère par ailleurs : d'une part, l'économie parait tout de même en meilleure santé, d'autre part, les partis en question se disent malgré tout républicains, et non révolutionnaires.

Intéressant aussi de voir qu'Aron pense que la solution qui aurait permis en Allemagne d'éviter le désastre du national socialisme au pouvoir, aurait été une forme de coup d'Etat réalisé par le centre démocrate, qui aurait gouverné par décret-loi. Solution qui n'est pas sans rappeler la forme de gouvernement actuel de la république en marche...

 

 

Relire Aron...

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Pas lu.

 

 

J'ai terminé Rendez vous avec Rama. Quelle claque sérieusement.

Quelques remarques au vol

 

- Clarke me donne l'impression d'être vraiment un auteur au plus classique possible qui ferait de la science fiction. 2001 comme RDVaR sont deux histoires où l'antagoniste est l'environnement et l'objet d'étrangeté, mais pas les hommes.

 

- Il écrit dans un style absolument impeccable, ultra fluide et léger. Il fait de l'humour sans insister et campe très bien ses personnages à la fois très basiques mais bien conçus. Son style est aussi fluide et efficace que Asimov est lourd et pataud

 

- La construction du plot est tout simplement nickel. Il y a toujours des rebondissement mais ça n'a jamais l'air de sortir de nulle part

 

 

Je pense que je vais enchaîner sur les Enfants d'Icare avant de reprendre la série des 2001 mais je sais déjà qu'avant la fin de l'année j'aurais bouffé au moins deux ou trois de ses romans. 

  • Yea 2
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J'ai lu les origines chinoises de benoit Malbranque (Institut Coppet).  Étant pas mal sinophile et intéressé par le libéralisme, le livre me vendait du rêve et je dois dire que j'ai apprécié sa lecture dans l'ensemble. Le propos du livre est de s'intéresser à l'influence du modèle chinois sur les libéraux français du XVIII ème siècle (compris ici au sens de physiocrates+Turgot, et philosophes des Lumières : Voltaire/Montesquieu/Diderot... et Vauban?), phénomène relativement peu étudié et intéressant de prime abord vous en conviendrez. Toutefois j'aurais quelques points à reprocher, sans tomber dans l'excès inverse qui serait un européocentrisme obtus comme Hayek qui lâche sans pression ni connaissance aucune dans la présomption fatale :

Citation

 La forme abrégée sous laquelle j’ai trouvé cette phrase la première fois que je l’ai lue est apparemment la conséquence de ce qu’il n’existe pas en chinois de mot (ou de caractère) pour « liberté ». (hint : )

 

Le plan se déroule de la façon suivante : une première partie qui traite de la découverte progressive de la Chine par les Européens,  via les voyageurs comme Marco Polo, Plan Carpin, Rubrouck, puis des jésuites qui viennent évangéliser le pays et dont on étudie en détail les témoignages (Matteo Ricci, Gabriel de Magalhães, Alexandre de Rhodes, le père Fouquet...) pour tenter de connaître le point de vue des européens sur les chinois et inversement le point de vues des orientaux sur ces nouveaux venus (pour expliquer en partie le non succès de la conversion des Chinois, ce qui provoque ensuite une remise en cause des dogmes du christianisme et des préjugés occidentaux par les penseurs lisant ces récits de voyage). Viennent ensuite le point de vue des philosophes puis des économistes sur la Chine (et en quoi celle-ci a pu influencé leurs conceptions/théories libérales) . Enfin la quatrième partie (la plus réussie à mon goût) traite du libéralisme de la pensée chinoise (dans le confucianisme, taoïsme ou les œuvres littéraires).

 

Ma principale critique à l'encontre de l'auteur est de se laisser entrainé par son angle d'analyse : à trop vouloir étudier une nouvelle conception d'aborder deux phénomènes, il a tendance à vouloir exagérer le moindre lien entre les deux, voire à faire l'un (le libéralisme français) la conséquence de l'autre (la pensée chinoise) et à tout vouloir analyser à travers cet état d'esprit. On retrouve ce même défaut par exemple chez Frankopan (qui analyse la première croisade à travers le prisme byzantin sans donner de volontés propres aux croisés ou au pape) ou chez grousset (qui cette fois ci adopte un point de vue "national" et colonial et fait de la croisade et des états latins une affaire purement franque et colonialiste la comparant même aux mandats français en syrie, sans égards pour les autres participants ou aux variations au sein même du groupe franc ).

Pour illustrer cet avis qui peut semble flou : Malbranque affirme entre autre que :

Citation

"Avec son idéal du pré carré, Vauban rejoignait encore la Chine "

Donc la doctrine pré carré et les fortifications de Vauban lui auraient été soufflé par ses lectures chinoises ? Sérieusement? Ce n'est pas comme si sa reflexion était la synthèse logique des réflexions européennes de plusieurs siècles sur la matière... ou que les Européns n'avaient pas attendu de découvrir les chinois pour polir leur art de la poliorcétique (limes romains, Longs murs d'Athènes, châteaux forts et armes de sièges médiévales puis de la Renaissance, Fortification bastionnée italienne et hollandaise...)

Par ailleurs, le tableau économique de Quesnay serait en fait une transposition (ou carrément un plagiat) du Classique des mutations aux 64 hexagrammes. :

Citation

Le Tableau économique doit certainement être tenu pour la plus célèbre production physiocratique, quoique loin d’être la meilleure ni la plus solide. Or d’où vient-elle ? Aurait-elle, comme le reste, des origines chinoises ? Nous savons d’abord que le Tableau économique, d’aspect effectivement assez curieux, était perçu comme une conception très étrangère aux modes de pensée habituels, et il frappait universellement par sa complexité.

Encore une fois, ce n'est pas comme si on pouvait établir une filiation d'idées entre Quesnay et ses prédécesseurs, sans nécessairement invoquer des influences chinoises...

 

Mon second point est que la vision de la Chine des penseurs français reposent sur des témoignages de jésuites biaisés et partiaux. Donc on se retrouve avec une Chine quasi utopique , sur laquelle les philosophes ont tendance à projeter leurs idéaux et attentes.

Citation

Les nations plus que semi-barbares de notre Europe moderne, dit sévèrement l’abbé Baudeau, sont encore dans un éloignement prodigieux du point de perfectionnement de ces quatre grands peuples [Chaldéens, Égyptiens, Péruviens et Chinois]. L’idée d’une administration vraiment royale, de la majesté de ses œuvres et de leur influence nécessaire sur le bien-être de l’humanité, ne vient que d’éclore parmi nous… Il n’en est pas moins vrai, qu’en jetant les yeux sur les États qui nous environnement, on y trouvera la prospérité des sujets dans une proportion exacte avec la sagesse de l’administration, avec la grandeur des travaux par elle consacrés à ce grand et unique objet de vivifier son territoire. (Nicolas Baudeau)

On notera cette volonté intemporelle de dirigisme à la française :lol:

Citation

Seul l’Empereur de la Chine paraissait surtout occupé à cultiver son jardin, c’est-à-dire à donner de la valeur à son territoire et à soutenir le travail de son peuple par des travaux publics intelligents. La politique étrangère, et surtout les guerres, passaient au second plan, racontaient les Jésuites : le mot de conquête ou de colonie ne se prononçait pour ainsi dire jamais

L'éternel mythe de la chine pacifique aux intentions paisibles.

Citation

En conclusion, la Chine est le modèle ultime des économistes physiocrates : cette nation lointaine n’est pas un simple exemple ou un argument, c’est une incarnation parfaite ou quasi-parfaite de libéralisme, tel qu’il était entendu alors, et une leçon perpétuellement donnée à l’Europe, encore plongée dans la barbarie.

Or on pourrait facilement nuancer cette vision naïve d'une Chine libérale :

  • La Chine est présenté comme un modèle de laissez-faire où les impôts et taxes sont fort légers mais en même temps les physiocrates louent son paternalisme économique, sa politique de grands travaux public
  • J'avais lu que pendant la période des song du sud , il y avait un monopole etatique des lieux de stockages des marchandises, ce qui remet en cause la tradition chinoise de non intervention en economie
  • De plus les Chinois méprisent le commerce, bizarre pour un pays censé être un modèle de liberté économique ?
  • La Chine serait un parangon de tolérance religieuse, jusqu'à en être débonnaire : mais que dire des persécutions des nestoriens ou de l'ordre d’exécution de Tome Pires par l'empereur Zhengde ? Il serait plus juste de dire que la tolérance religieuse est un équilibre complexe qui dépend du contexte et de la volonté du souverain du moment
  • Les auteurs s'extasient du concours mandarinal et du caractère non héréditaire de la noblesse chinoise : quel rapport avec le libéralisme? Premièrement, il existait bien une noblesse héréditaire : la famille impériale, https://fr.wikipedia.org/wiki/Huit_Bannières... Secondement l'énarchie, les corps de fonctionnaires et leurs privilèges c'est bien du moment que c'est non héréditaire en théorie (parce qu'en pratique c'était plutôt réservé aux classes aisées...) ? Enfin l'existence d'une noblesse héréditaire n'est pas incompatible avec une véritable  liberté politique (Royaume-Uni, Provinces-Unis, République des Deux Nations...)
  • On vante aussi l'excellence du système judiciaire chinois, son légalisme strict (l'empereur ne condamne pas homme à mort s'il n'y a pas au moins 3 jugements, l'accusé peut faire appel quasi infiniment...) mais en même temps la bastonnade est courante (mais Malbranque nous dit que ce n'est pas grave car ce n'est pas considéré comme infamant wtf?) et on voit par ailleurs que les officiels n’hésitent pas à sortir outre du champ légal pour réprimer le peuple , donc au final quel est l’intérêt d'une législation théoriquement libérale si elle n'est pas appliquée en pratique?
Citation

Les chefs de village qui auraient participé à un quelconque abus se voyaient parfois promis la bastonnade à mort, quoique cela sortît du cadre
légal, lequel ne prévoyait que la bastonnade simple, ou une certaine forme de torture, et encore sous certaines conditions : mais un « acci-
dent » n’étant pas impossible à dissimuler aux supérieurs, la menace était prise au sérieux

  • Malbranque affirme sans ambages que les chinois sont mysogines et relèguent les femmes dans leur maison, donc que celles ci jouissent relativement moins de libertés qu'en France mais en échange les chinois font plus attention à leur liberté sexuelle et au plaisir féminin, donc au final ça passe :icon_tourne:.
    J'ai pour ma part une difficulté avec cette mise sur le même plan des droits (politiques ou économiques)  et du plaisir sexuel : Pourquoi vouloir amener dans la sphere politique quelque chose qui appartient fondamentalement au domaine privé et qui gagnerait à le rester. Est-on plus vraiment libre lorsqu'on est plus épanouie sexuellement ?  De plus, les chinoises n'ont vraisemblablement pas eu leur mot à dire sur ce choix (être plus épanouie à la maison ou faire un métier pénible dehors) donc vouloir excuser cette facette peu reluisant des chinois au motif d'une plus grande considération pour la libération sexuelle je me marre...

Bon pour être honnête il corrige cette vue idyllique de la chine avec son dernier chapitre où il émet quelques scrupules :

Citation

 Toutefois, cette Chine libérale, qui donnait des leçons à l’Europe, n’était peut-être au fond qu’un mirage, que le discours des missionnaires jésuites, plein de superlatifs et sur- tout plein d’erreurs, avait adroitement ou maladroitement transmis

Ah enfin ! A la page 157 ce n'est pas trop tôt :rolleyes:. Il nuance donc un petit peu via une présentation de la philosophie chinoises dans ses aspects liberhallal mais il manque je trouve un chapitre sur l'histoire économique de la chine (comment était appliqué ses principes dans la réalité, parce que dire "L'empereur appliquait une politique conforme aux valeurs confucéennes" c'est un peu vague) et un autre sur les penseurs de la phase étudiée, le XVIIIème siècle (parce que confucius, Mencius, Laozi et compagnie c'est plutôt ancien et cela serait intéressant de comparer les physiocrates/les lumières à leurs contemporains chinois), donc je pense que je vais creuser cet aspect là pour la suite.

Mais au final c'était une lecture très enrichissante, on trouve même des passages bougrement intéressants sur la pratique libre, non régulée et sans diplômes étatiques de la médecine au Vietnam sur le modèle Révolte sur la lune de Robert Heinlein :

Révélation

L’exercice et l’enseignement de la médecine sont absolument libres. Devient médecin qui veut et comme il veut », dit Anatole Mangin, qui ajoute que « le médecin est en même temps pharmacien. L’exercice de la pharmacie est complètement libre. »  Cette libre concurrence, sur ce marché, avait des effets très perceptibles. Un autre auteur explique que pour gagner la confiance
des clients, le médecin annamite devait montrer son savoir-faire. « L’Hippocrate, pénétré de sa dignité, surtout quand il n’est pas con-
nu, met son honneur à ne prendre aucun renseignement ni près du malade, ni près de son entourage. Il connaît, du reste, le risque d’être peu apprécié et d’être bientôt remercié, s’il paraissait étudier l’état du malade autrement que par le pouls qui lui est présenté. » Selon Édouard Hocquard, dont on a déjà cité les témoignages dans d’autres chapitres, cette libre concurrence s’illustrait aussi dans la question du prix des soins, qui demeurait généralement faible, et qui surtout ne s’exigeait jamais qu’à la guérison. « Les médecins annamites ne fixent pas comme nous leurs honoraires d’après le nombre de visites qu’ils font à leurs clients : ils débattent une fois pour toutes avec la famille la somme qui leur sera versée à la fin de la cure. Cette somme n’est exigible que si le malade guérit ; s’il meurt, le médecin en est pour ses frais. » . En somme, la médecine même pouvait être exercée sur un marché libre.

 

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