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Bref, j'ai récemment lu "Vienne, ville de rêves", une collection d'articles et de conférences de Stephan Zweig. Puisque c'est la règle du genre, c'est formidablement inégal (y compris en longueur, les textes s'étageant de 3 à 40 pages). Beaucoup de critiques artistiques, parfois semi-promotionnelles et imbibées d'un lyrisme à la kolossale finesse ; autant dire que certaines comptent parmi les textes les plus lourdingues du recueil. Mais aussi des souvenirs de personnes fréquentées, le plus souvent colligés à l'occasion d'un éloge funèbre (de Freud à Moissi, en passant par Weininger, Herzl ou Rilke), par le truchement desquels on touche presque du doigt cette société viennoise si particulière. Et enfin, pour conclure le recueil, un éloge de Vienne (prononcé en exil, au théâtre Marigny de Paris en 1940), ville de culture, fondée par la civilisation romaine comme avant-poste contre la barbarie, et qui est censée garder ce rôle sous le règne bienveillant des Habsbourg ; ville constamment irriguée de talents venus des quatre coins de l'empire, au sein de laquelle même la culture allemande s'est plus épanouie qu'au sein de l'immense caserne de l'Allemagne. Même si Zweig néglige le fait que le cosmopolitisme de la capitale de l'empire Habsbourg en a aussi fait une ville pleine de tensions (et l'on comprend qu'il les ait moins vues dans son milieu, ou qu'il préfère les oublier tout compte fait), si non e vero, e commovente.

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Il y a 2 heures, Rincevent a dit :

Stephan Zweig.

C'est bien Stefan Zweig ? A chaque fois que je vois une de ses nombreuses biographies,j’hésite à les lire car j'ai peur que cela soit un peu daté (et généralement sur des personnages qui ne m'intéressent pas tellement).

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Il y a 2 heures, Pelerin Dumont a dit :

C'est bien Stefan Zweig ? A chaque fois que je vois une de ses nombreuses biographies,j’hésite à les lire car j'ai peur que cela soit un peu daté (et généralement sur des personnages qui ne m'intéressent pas tellement).

C'est très inégal. J'ai adoré Le Monde d'hier, mais j'ai trouvé les Très Riches Heures de l'humanité assez décevant (avec la faute de goût finale) ; et j'avais apprécié l'adaptation théâtrale du Joueur d'Échecs. Pas lu ses nouvelles, mais ça semble très psychologisant, donc pour ceux qui aiment.

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Le Monde d'hier est très bien en effet.

 

il y a une heure, Rincevent a dit :

Pas lu ses nouvelles, mais ça semble très psychologisant, donc pour ceux qui aiment.

Zweig a la réputation d'être fin psychologue (notamment concernant les femmes, d'après madame).

 

il y a une heure, Rincevent a dit :

j'ai trouvé les Très Riches Heures de l'humanité assez décevant (avec la faute de goût finale)

Variable oui, souffrant (de mémoire) d'un optimisme béat qui confine à la naïveté (notamment le cringe final).

 

Il y a 2 heures, Lancelot a dit :

Schachnovelle

Voilà.

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à l’instant, Dardanus a dit :

Sur Fouché, une biographie équilibrée par l'excellent Emmanuel de Waresquiel qui écrit sur un personnage qu'a priori il ne peut aimer.

 

Très bon ouvrage et si l'on découvre un côté humain du personnage il est très compliqué de l'apprécier.

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il y a 45 minutes, Dardanus a dit :

l'excellent Emmanuel de Waresquiel

J'en viens à me demander si il lui est déjà arrivé de faire un truc de travers dans sa vie d'historien, tant j'entends de compliments à son endroit. 

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J'ai eu la chance de discuter un peu avec lui lors de la Fête du livre à Saint-Étienne en 2021 : il a fait sa thèse avec Jean Tulard qui a présidé mon jury de thèse. C'est un tout petit point commun entre nous. Il est brillant et surtout écrit bien. 

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Je viens de terminer Épépé de Karinthy, ce roman raconte l'arrivée d'un linguiste dans une ville où les habitants parlent une langue incompréhensible, assez logiquement il ne comprend personne (un comble pour quelqu'un parlant une demi-douzaine de langues) et cherche tout au long du roman un moyen de contacter les autorités de son pays ou même, plus prosaïquement, de sortir de cette ville qui a l'air infinie et qui est particulièrement étouffante, avec une foule grouillante et des pénuries digne du Sovietland. Roman très agréable et en même temps angoissant, Karinthy parvenant vraiment à nous faire ressentir l'enfermement de son personnage principal.

  • Yea 2
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Le 17/05/2022 à 21:30, Bézoukhov a dit :

Magellan

Pour celui ci la biographie de Sanjay Subrahmanyam paraît meilleure non? Sinon j'ai fini un livre sir le japon médiéval où  Pierre Souyri compare les ligues paysannes entre myoshu, petits guerriers et moines (les sô et les ikki) pour se defendre contre les gouverneurs shugo, l'aristocratie militaire, et qui parviennent même à former des sortes de républiques fédérales dans certaines provinces, aux cantons suisses qui se fédèrent pour chasser les Habsbourg 🤣

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J'aurais une question sur un passage de The Police State de Chapman, où celui-ci retrace l'historique de concept de police et de souveraineté :

Selon lui, la redécouverte du droit romain et sa réinterprétation par les juristes de la Renaissance aurait légitimité le transfert de l'imperium au prince et détourne la conception romaine de la propriété pour faire de l'état la propriété du monarque, qui disposerait donc d'un pouvoir absolu sur celui-ci, d'où l'émergence de la monarchie absolue. Cette nouvelle vision de la souveraineté aurait permis d'abaisser les autres contre pouvoirs aristocratiques, féodaux et des corporations, en réduisant leur privilège via la rationalisation du droit et les nationalisations pour former l’État moderne.

 

Or, selon de Jouvenel, c'est plutôt le passage de la souveraineté divine à la souveraineté populaire qui a permis de renforcer le Pouvoir et d'abaisser ses concurrents (les autres "puissances sociales") : car si la source du pouvoir ne provient plus de Dieu, être extérieur et supérieur au monarque, qui contraint donc celui-ci via le droit divin et les coutumes (le Droit est au dessus du roi qui ne peut donc pas créer la Loi), mais du Peuple, incarné par le roi, celui-ci peut se réclamer de la volonté populaire et donc exercer un pouvoir illimité : en effet il agit ainsi pour le bien commun/l’intérêt général et peut abattre les intérêts catégoriels privés des seigneurs féodaux, guildes ou nobles en se revendiquant d'une légitimité supérieure.

 

Une seconde critique d'ordre historique est que la conception de l'Etat comme propriété du monarque est plutôt celle de l'époque mérovingienne et se fonde sur le droit germanique plutôt que romain, le regnum est donc divisé entre les fils à mort du roi (partage salique), et s'est affaissée par la suite notamment en s'appuyant sur le droit romain justement.

 

Ces deux visions me paraissent opposés (dans la première la souveraineté réside dans le Prince car l’État est sa propriété, dans la seconde la souveraineté appartient au peuple mais est incarnée ou usurpée par le Prince) mais pas résolument contradictoires, par exemple les souverains tyranniques du moyen âge, Frederick II, Henri II, Henri IV etc s'inspiraient du droit romain ou du césaro-papisme byzantin soit pour affaiblir les limites imposées par la souveraineté divine, soit pour s'appuyer sur une proto-légitimité tirée du peuple et des communes pour briser les pouvoirs ecclésiastiques, et prétendre être la Loi vivante.

Donc comment réconcilier ces deux vues ou du moins discerner le vrai du faux dans ce passage ?

 

 

 

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Le 22/05/2022 à 23:16, Daumantas a dit :

Je viens de terminer Épépé de Karinthy, ce roman raconte l'arrivée d'un linguiste dans une ville où les habitants parlent une langue incompréhensible, assez logiquement il ne comprend personne (un comble pour quelqu'un parlant une demi-douzaine de langues) et cherche tout au long du roman un moyen de contacter les autorités de son pays ou même, plus prosaïquement, de sortir de cette ville qui a l'air infinie et qui est particulièrement étouffante, avec une foule grouillante et des pénuries digne du Sovietland. Roman très agréable et en même temps angoissant, Karinthy parvenant vraiment à nous faire ressentir l'enfermement de son personnage principal.

Je plussoie avec retard, j'avais lu ça il y a quelques années et trouvé ça particulièrement angoissant, en effet.

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Je suis en train de lire Les Sagas Islandaises de Régis Boyer, outre l'intérêt évident et la grande qualité littéraire de cette compilation de textes scandinaves, les notes de bas-de-page et son introduction sont tout bonnement passionnants ce qui n'est guère surprenant pour un spécialiste de son calibre (on pourrait sans exagérer le décrire comme le pape des études nordiques), plus particulièrement son analyse des procédés stylistiques et sa description du mode de pensée des anciens scandinaves.

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Je regardais le programme littéraire des prépas 2022, et le thème est le travail (youpi), les œuvres sont : 

  • Les Géorgiques de Virgile;
  • La condition ouvrière de Simone Weil :icon_volatilize:
  • Par dessus bord de Michel Vinaver (inconnu au bataillon)

Pour ce dernier j'étais intrigué donc j'ai cherché un résumé et je n'ai pas été décu :

Citation

Sur le sol français, deux entreprises se livrent une guerre sans merci sur le marché du papier toilette. L’une est une puissante multinationale américaine qui cherche à étendre son emprise, l’autre une PME familiale gérée à l’ancienne. Avec elles, dans la lutte les opposant et dans la révolution de palais et culturelle que celle-ci entraîne, Michel Vinaver écrit avec férocité l’épopée du capitalisme et la dynamite de l’intérieur. Cette pièce est au programme des Prépas scientifiques 2022-2023.

:icon_cobra:

On peut même lire la préface de l'auteur :

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  • 3 weeks later...

Comme certains ici j'imagine j'avais vu ça et là des critiques des mauvaises interprétations de la pensée de Machiavel dues à une lecture un peu hâtive du Prince, qu'en réalité Machiavel était un humaniste admirateur de Rome Antique et fervent républicain, loin de la caricature de l'être machiavélique : froid, calculateur, dénué de scrupules .

J'ai donc lu son Discours sur la Première Décade de Tite Live sortie récemment chez les Belles Lettres. Il se décompose en 3 livres :

  • Livre 1  : Politique intérieure : Comment sont fondées les cités, leurs lois, leurs religions

  • Livre 2  : Politique extérieure : Comment accroître son empire, contracter des alliances, se faire obéir de ses sujets etc

  • Livre 3 : Comment une république se perpétue : l’exemple salutaire des grands homme

 

Thèse : Depuis la Rome antique, les conditions d’existence nature humaine, leurs passions, les lois de l'univers et de la nature....) n'ont que peu changé. D’où : les leçons de nos ancêtre demeurent valables. Il est donc utile et habile de s'inspirer des principes de la Rome Antique, dont la pertinence est démontrée par l’ampleur et surtout la durée de ses conquêtes.

 

Machiavel constate en effet l'écart entre ses contemporains faibles, désunis et ignorants des leçons antiques et leurs ancêtres glorieux et maîtres du monde de la République Romaine. Il se propose donc d'étudier les leçons du passé (en s'appuyant sur les exemples historiques fournis par Tite Live) , de les comparer avec la façon dont se conduisent les modernes, pour enfin corriger les fautes actuelles et adopter la bonne conduite de gouvernement (celle des Romains). Il prend l’exemple des jurisconsultes qui s'appuie sur les lois et jugements anciens ou du médecin qui consulte les pratiques de ses prédécesseurs . Or, les dirigeants politiques, les législateurs, les généraux délaissent l'expérience du passé, la vertu antique qu'ils admirent mais n'imitent pas : ils s'arrêtent au plaisir ludique procuré par la lecture des histoires mais ne cherche pas à en tirer des connaissances ou des maximes de gouvernement.

 

Théorie politique de Machiavel :

  • Inspiration de la pensée classique

Machiavel divise les régimes politiques en deux : République et Monarchie . Il cite tout d’abord les 6 formes de régimes politiques de la pensée classiques, 3 formes idéales qui dégénèrent en 3 formes viciées : monarchie et tyrannie, aristocratie et tyrannie, gouvernement populaire et licence ; ainsi que le cycle qui fait passe de l’un à l’autre (cf Polybe).
Mais Machiavel dénonce d’emblée ces six formes, car trop instables. Il se veut le défenseur d’un régime mixte, comme Xénophon ou Isocrate, qui réunit le pouvoir du prince, des grands et du peuple afin que « chacun de ces trois pouvoirs s’observent réciproquement ». Sparte constitue le modèle du genre (éphores, deux rois et gérousia), de même que Rome : Consul (monarchie), Sénat (aristocratie) et tribun se surveillent mutuellement.

 

  • Dégénérescence et Renaissance des Républiques

Dans le Livre 3 : Machiavel affirme que toute chose a une durée finie et s'éteint. Seul les corps divins sont parfaits et inchangeants, les corps "mixtes" comme les républiques ou les religions changent, se corrompent en oubliant leurs premières vertus (comme chez Platon) et finissent par périr des maux accumulés au fil du temps.  Leur survie dépend de la valeur de leur constitution qui sert à régir leur mœurs et encourager la vertu, et à la capacité de la république à se ramener à ses principes fondateurs (il y a donc un retour en arrière possible sur l'échelle de la corruption, contrairement à Platon).

Ces "retours en arrière" sont de diverses natures :

  1. une cause extérieure (l'invasion de Rome par les Gaulois de Brennus servit d’avertissement aux Romains qui se rappelèrent à leurs vertus fondatrices : observation des rites religieux, justice, modestie etc),
  2. ou intérieure via des institutions d'incentives (punir les corrompus, récompenser la vertu) comme les censeurs ou les 'bons exemples' des citoyens modèles (les deux Caton, Regulus Attilius, les deux Décius etc)  qui rappellent à l'ordre le peuple égaré. Machiavel propose des 'remèdes de choc' (exécution, bannissement etc) tous les dix ans (estimation du laps de temps nécessaire pour qu'un peuple se corrompe) . Ce renouvellement existe aussi pour les religions : Saint François et Saint Dominique ont revigoré la religion chrétienne par leurs ordres mendiants et la discipline monastique.

Machiavel loue le Royaume de France, modèle du genre  (good old days) :

Citation

Les monarchies ont aussi besoin de se renouveler et de ramener leurs lois à leurs principes, et le royaume de France nous fournit un exemple des bons effets qu'on doit en attendre. Cette monarchie existe sous des lois et des institutions : elle n'en a plus qu'aucune autre monarchie connue. Les Parlements, et surtout celui de pris sont les gardiens de ces institutions et de ces lois. Ils ont soin de les renouveler de temps en temps par des grands exemples, contre quelque grand du royaume, ou même par des arrêts absolument opposés à la volonté du roi Et ce royaume s'est conservé jusqu'à présent parce que ce corps a été l'un des plus constants à réprimer l'ambition de cette noblesse.

 

  • Dynamique du Pouvoir :

 

Dans le Livre 2, Machiavel élabore une dynamique des empires: la quantité de bien et de mal est constante au cours du temps mais variable dans l'espace : un peuple vertueux s'élève sur les débris d'un autre corrompu : ainsi la vertu est passé d'Assyrie en Médie, puis en Perse puis en Italie et à Rome. Ensuite elle s'est transplantée chez les Arabes, les francs, les Turcs et à présent chez les Allemands.

 

Machiavel le républicain : le peuple se montre plus sage et constant que les princes

Machiavel est républicain, car il prend systématiquement parti pour le peuple contre le prince. Les régimes populaires sont moins ingrats, choisissent mieux leurs magistrats, conservent mieux leur libertés, sont plus fiables et s'adaptent mieux à la fortune via le choix de leurs généraux.

D’après Machiavel, le peuple constitue un meilleur gardien de la liberté que les nobles : car ces derniers ne rêvent que de dominer tandis que le peuple désire seulement ne pas l’être, donc les premiers désireront moins violer la liberté, et même si ce n’était pas le cas, les talents d’orateurs d’un homme de bien lui revolerait ses erreurs. « les peuples quoique ignorants sont capables d’apprécier la vérité quand elle est présentée par un homme qu’ils estiment dignes de foi ».

Machiavel a un fétichisme de la pauvreté des citoyens, qui les poussent à être industrieux, défenseurs du bien public et magnanimes, les citoyens d'une république se doivent d’être les plus pauvres possibles, la pauvreté ait "prospérer la cité". Cependant la pauvreté ne doit pas empêcher l’accès aux plus hautes magistratures, comme le montre l’exemple de Cincinnatus, tout citoyen peut accéder aux postes de commandement en dépit de ses origines sociales (c’est son côté insoumis).

Citation

La pauvreté est plus utile que les richesses, elle a rendu florissantes des villes et des provinces, elle fait prospérer des religions tandis que les richesses n’ont servi qu’à leur ruine

Pendant une guerre, les Républiques se défendent avec plus de vigueur que les princes et respectent plus leurs serments que les princes . Et si en temps de paix, les Républiques peuvent se montrer ingrates envers les homme vertueux (comme envers  les Scipions) elles le restent toujours moins que les Princes.

 

La chute de la République Romaine serait due à sa corruption suite aux désordres des lois agraires et au prolongement des commandements militaires . Ces derniers rompent l'égalité entre les citoyens et donne un pouvoir dangereux entre les mains d'ambitieux, ce qui a deux désavantages : 1) concentre les magistratures entre un petit nombre de mains (cf la Serrata del Consigli à Venise) et 2) laisse le temps aux officiers de gagner pour eux mêmes la fidélité de l’armée au détriment du sénat, ce qui nuit à son autorité.

 

Il convient de nuancer ce portrait, car sa vision de la tyrannie et de la chute de Rome sont  comparables à celles de la Boétie dans son propre Discours. Machiavel n'est donc pas vraiment libéral, sa conception  de la liberté est celle de la liberté antique, opposée à la tyrannie ou la domination étrangère. Mais il est intéressant de remarquer qu'il trouve bon la concurrence des puissances sociales (aristocrates vs plèbe ) qui tient chacun en respect et crée des effets positifs. Car Machiavel ne cache pas les troubles qui agitèrent le République Romain mais ces luttes sont d’après lui « le principe de la liberté » et il serait injuste de les condamner d’emblée comme ces auteurs qui « sont beaucoup plus frappés du bruit et des cris qu’elles occasionnent dans la place publique que des bons effets qu’elles produisaient ». En effet, un république se maintient par la vertu, la vertu naît d’une bonne éducation et de bonnes mœurs, l’éducation et le mœurs s’entretiennent par de bonnes lois. Or toutes les lois favorables à la liberté naissent de la lutte du camp des grands contre celui du peuple, qui sont donc un moyen nécessaire pour assurer un état libre.

 

La Nature humaine selon Machiavel : ne pas aller contre celle-ci et savoir en jouer

Les hommes ne font le bien que par nécessite, s’ils peuvent commettre le mal en toute impunité, ils le feront. Si par un heureux hasard, les hommes d’une cité sont naturellement bons ou industrieux, nul besoin de la loi, sinon ils faut mettre en place un système d’incentives via la constitution et les lois. Car, selon machiavel, il n'y a pas de motivation plus puissante que la nécessité, par exemple: la détermination des guerriers à se battre avec l'énergie du désespoir, ou les choix des généraux/commissaires militaires en temps de paix sont souvent désastreux et souvent judicieux en temps de guerre (quand les circonstances punissent tout mauvais choix).

Il est important pour le prince comme pour les magistrats d’une république de ne pas aller contre les passions des hommes et de savoir en jouer : Les hommes désirent conserver ce qu’ils ont et acquérir de nouvelles choses. Ainsi, il ne faut pas les priver des profits qui leur reviennent de droit (comme pour la répartition d’un butin) sous peine de mutinerie, mais au contraire, faire croire à ces hommes qu'une récompense qui leur est due leur est donné de bon cœur pour paraître généreux.

Machiavel rappelle que pour séduire les hommes, il faut soit se faire aimer par sa clémence soit se faire craindre par sa sévérité mais non se faire haïr : il ne faut pas offenser un ennemi gratuitement car ce dernier n’aura de repos tant qu’il ne se sera pas venger, aussi démuni soit il.

De même, la pire menace pour le salut d’une république sont les outrages contre les femmes (par séduction, viol ou adultère), source d’indignation suprême et donc de révoltes (mauvais pour les affaires) .

Sur la nature humaine : machiavel a un côté essentialiste car il dit que les peuple, les villes, et même les familles ont des caractères propres (les Manlius sont sévères, les Scipion ambitieux...) causés par leur éducation qui se conserve dans le temps. Néanmoins, Machiavel a un côté individualiste : pour juger les mérites d’un homme: les meilleures critères sont, par ordre décroissant :

  1. les actions d’éclat individuel

  2. ses fréquentations, son entourage

  3. réputation de sa parenté

Toujours dans cette même idée de permanence, Machiavel souligne la force de l’habitude : Les cités libres sont difficiles à corrompre pour fonder une tyrannie, et les tyrannies où les hommes sont accoutumés à servir sont difficiles à libérer ou « gouverner par eux mêmes »

 

L'Art de la guerre selon Machiavel : la Légion Romaine et les Ruses de Sun Tzu

Machiavel propose un art de la guerre, très viril, austère, rustique :

  • Les forteresses ? Inutiles (on doit les garnisonner et elles excitent les rebellions des villes occupées)
  • Entretenir la lutte des factions dans les cités qu’on occupe ? Inutile, car nos adversaires se serviront de cette division pour reprendre la cité
  • Défendre les défilés/passages montagneux ? Inutile, l’ennemi trouvera toujours le moyen de passer par un passage dérobé (comme Hannibal ou François 1er) et cela disperse l’armée pour rien.
  • Les mercenaires ? Pire qu’inutiles, dangereux ! Ils font traîner la guerre, refusent de se battre, oppriment en temps de paix, et se font acheter par l’adversaire !
  • L’artillerie inutile ? seulement bonne pour les attaques de place forte
  • La cavalerie ? C’est bon pour ces bons à rien de condottiere ! L’infanterie disciplinée l’emportera toujours contre ces bons à riens de nobliaux à cheval, regardez les Suisses contre le téméraire ! D’ailleurs les Romains faisaient descendre leurs cavaliers pour combattre à pied dans les moments difficiles !

Machiavel se désole que les généraux contemporains n’utilisent plus le triples acies (vélites, hastati, princies, triarii) et la formation en quinconce qui avait fait les beaux succès des Romains ? Ainsi l’ordre profond n’a plus son efficacité d’antan, puisque les premiers rangs se faisant refoulés désorganisent les suivants et l’armée se débande alors même qu’une minorité de soldats a réellement combattu… C’est pourquoi les bons généraux préfèrent adopter l’ordre mince quand le terrain le permet (une grande plaine par exemple) comme Gaston de Foix. L’ordre mince est donc un pis-aller puisque l’ordre profond à la romaine n’est plus possible.

 

Un prince doit mener lui même les troupes en campagne (sous peine de se faire renverser) mais une république doit laisser une large marge de manœuvre à ses généraux, lui laisser l’initiative, ne pas trop sévèrement le punir (pour ne pas le rendre couard), bien le récompenser, et confier tout le pouvoir décisionnaire à un seul chef (sans lui adjoindre de commissaires militaires qui parasitent son action comme le fit Florence)

 

Un bon général doit faire preuve d’initiative, entretenir la discipline et le moral des troupes par le drill/la découverte de l'ennemi, il doit être sévère plutôt que doux, rusé, attaquer après avoir soutenu le premier choc, reconnaître le terrain et avoir le coup d’œil du bon capitaine pour repérer les positions fortes, choisir où bâtir son camp, repérer les itinéraires de fuites etc. Il doit aussi se servir de la nécessité pour augmenter la combativité de ses hommes et décourager les adversaires (en leur laissant toujours la possibilité de fuir). Il doit aussi se montrer décisif en agissant promptement et en « forçant » la main de ses alliés/neutres en les mettant devant le fait accompli (sans les laisser le temps de réfléchir) , comme lors de la marche de Gaston de Foix contre Brescia où il avertit au dernier moment le duc de Mantoue qu’il passerait par ses terres (celui-ci n’eut que le choix d’accepter).

 

Il recense 3 types armées : celles alliant discipline et ardeur guerrière (romains et allemands), celles n’ayant que la bravoure initiale mais qui, faute de discipline, tourne en lâcheté (France), et enfin celles sans impétuosité naturelle ni discipline (Italiens).

 

Machiavel prône la stratégie de la bataille décisive : rechercher l’affrontement avec toutes ses forces disponibles pour détruire l’ennemi le plus rapidement possible. Les sièges sont pénibles et couteux, il convient donc de les écourter au maximum via une politique de clémence (montrer que le peuple assiégé n'a pas intérêt à résister) .

 

Il me semble que le florentin baigne dans le mythe de l’invincibilité de la légion romaine notamment propagée par De Re Militari de Végèce (même s’il ne le cite pas, il était très populaire à l’époque médiévale). Machiavel se repose aussi trop sur la bataille de Novare, qu’il invoque à bien des reprises comme preuve indubitable de la supériorité de l’infanterie sur la cavalerie (alors que selon le wiki anglais c’est plus dû à l’effet de surprise : « the Swiss achieved encirclement of the French camp, took the French guns [ ...] Caught off guard, the French heavy cavalry was unable to properly deploy, fled the field, » ). Il serait aussi intéressant de savoir si Machiavel a eu accès aux manuels de stratégies byzantines (taktika, Strategikon, traité sur la guérilla de Phokas, les Conseils de kekaumenos etc), qui proposent des enseignements similaires, notamment en matière de ruses.

 

Toutefois, nuançons cette critique car Machiavel reconnaît les défaites des légions romaines et se montre en phase avec évolutions de son temps : révolution de l’infanterie du Moyen Age tardif, et la montée des pike and shots tactics du XV-XVI ème siècle (tercios espagnos, piquiers suisses, lansquenets).

 

Le Bon Prince : Cyrus et Cesare

Machiavel continue son œuvre du Prince, à savoir donner des conseils au leader politique. Il s'inspire beaucoup de la Cyropédie de Xénophon (charisme, inspirer la loyauté, juste, choix des subordonnés...), ce qui tempère un peu la vision du prince idéal donné dans le Prince. Déjà, il dénonce les erreurs des princes qu'il avait encensé : les déboires de Ferdinand d'Aragon avec les barons napolitains. Le jugement d'un prince doit être assuré et décisif : pas de demi-mesure ou de tergiversations, signes évidents de faiblesse car ils font manquer les occasions et empêchent de saisir sa Fortune. Le Prince doit par exemple punir totalement (de sorte à ce qu'on ne puisse se venger) ou être d'une clémence complète. Néanmoins, il ne faut pas hésiter à se débarrasser des prétendants à son trône (les Tarquins, les Medicis...) et user de moyens extraordinaires s'il en va du salut de la république (Machiavel fustige l'affabilité, la bonté et la naïveté de Soderini, le manque de résolution de Savanarole qu'il trouve trop light). La raison d'état, vue comme l'intérêt supérieur de la République doit primer sur le respect des serments mais en même temps une république ou un prince doit tenir se promesse pour s'attirer des alliés (enfin s'il en a les moyens car rien n'est pire qu'accepter les requêtes d'alliés ou de sujets alors qu'on en a pas les moyens et révéler ainsi ses faiblesses).

Pour se faire obéir, il est pratique pour le Prince de faire croire que les lois ne viennent pas de lui mais de dieux, des anges ou d’une nymphe (comme le fit Numa Cursor).

Cela nous montre sa vue matérialiste de la religion : instituée par des hommes (princes de premier rang des législateurs particuliers), et utile pour les effets qu'elle produit sur les hommes (motivation des soldats via les augures, qu'on peut manipuler à sa guise). La religion est utile pour le moral des troupes et l’obéissance des citoyens aux lois et la conservation de la vertu (système incitative encourage bons et rudoient les mauvais).

 

Critique

Machiavel est souvent vu comme le premier politicien moderne mais dans un chapitre il affirme que les grands changements politiques sont prédits par des songes, des devins ou des catastrophes naturelles :ainsi des anges se battant dans le ciel et Savanarole annoncent l'arrivée de Charles VIII en Italie; la foudre tombant sur la cathédrale de Florence annonce mort de Laurent de Médicis. Machiavel se hasarde même à une explication :

Citation

l’air est peuplée d’intelligences capables de predirent l’avenir et qui cherchent par bonté à prevenir les hommes.

 

Machiavel dénonce le non respect des leçons antiques par ses contemporains mais il ne réfléchit que très peu aux raisons de ce changement : Pourquoi les hommes ont ils adoptés de nouvelles méthodes ? Selon lui, par faiblesse, ignorance ou corruption . Pourtant, il ne semble pas penser que les hommes antiques étaient intrinsèquement supérieurs aux hommes modernes.

Je trouve bizarre que Machiavel ne généralise pas son raisonnement sur les effets bénéfiques de la concurrence des factions pour le pouvoir (Plèbe vs Sénat), à l'ensemble des cites-états italiennes dont la concurrence pour l'hégémonie entretient un équilibre des puissances, stimule l'innovation, les arts et les techniques (Machiavel écrit ainsi en plein âge d'or cependant qu'il décrit des cités proches du chaos et de la fin). Tandis que l'unification de l'Italie qu'il appelle de ses vœux, d'abord sous domination étrangère puis nationale s'est traduite par une stagnation et un recul de l'Italie.

La façon de procéder de machiavel peut se synthétiser de la façon suivante : Poser une question : Qui de l'option A ou de l'option B est la meilleure pour ... ? Puis faire une synthèse selon les circonstances auxquelles le problème s'applique : si on est un prince ou une république, si le peuple est militariste ou pacifique, s'il est corrompu ou pas...

 

Bilan :

Machiavel est en effet un humaniste, admirateur fervent de Rome (et dans une certaine mesure de Sparte et Athènes), de ses mœurs, ses lois, ses héros antiques. Il est matérialiste quant à ses vues sur les superstitions et la religion, il a un côté assez nietzschéen dans sa critique d'apologie de la pitié et du pacifisme par le christianisme , il valorise au contraire la religion païenne qui encense le guerrier et les exploits guerriers. Son côté premier penseur moderne est assez nuancé par la visée conservatrice de son œuvre : Les Romains savaient mieux que nous autres, modernes ignorants et efféminés, appliquons donc leurs leçons pour parvenir à la grandeur (et chasser les étrangers hors d'Italie).

 

PS : Je ne savais pas où le mettre : Machiavel réfute aussi plusieurs opinions courantes : l'argent n'est pas le nerf de la guerre, les romains auraient réaliser les mêmes conquêtes même s'il y avait eu des canons etc

 

 

  • Yea 4
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45 minutes ago, Pelerin Dumont said:

Comme certains ici j'imagine j'avais vu ça et là des critiques des mauvaises interprétations de la pensée de Machiavel dues à une lecture un peu hâtive du Prince, qu'en réalité Machiavel était un humaniste admirateur de Rome Antique et fervent républicain, loin de la caricature de l'être machiavélique : froid, calculateur, dénué de scrupules .

Ceux qui sortent ces clichés l'ont en général encore moins lu. Merci d'avoir fait l'effort de ton côté. Je ne vois pas grand chose dans ton résumé qui permettrait de conclure à un Machiavel radicalement différent de celui du Prince, ou que Le Prince serait une œuvre ironique (encore ce terme à la con).

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Enfin pris le temps de lire Public Choice Theory and the Illusion of Grand Strategy de Richard Hanania.

 

J'avais un peu de doutes vu le style abrasif de Hanania, mais c'est un livre très académique au final (dans le meilleur sens du terme). La partie théorique est bonne, rien de fondamentalement nouveau pour qui connaît la théorie des choix publics, mais ça évite l'isolationnisme naïf.

 

Très intéressant sur les parties historiques sur les relations US-URSS dans les années 20 et le Moyen-Orient dans les 20 dernières années.

 

Sa critique des sanctions internationales (ou américaines) est excellente. Il me fait presque changer d'avis sur les sanctions sportives à l'encontre des Russes (Wimbledon par exemple) vu que ça rentre dans son cadre de high symbolic impact, low economic cost.

 

Ma seule vraie critique est sensiblement la même que j'aie pour Scott Horton : l'analyse sur les acteurs multiples donnant une stratégie unifiée est appliquée aux États-Unis, mais peu ou pas aux autres acteurs internationaux. C'est malheureusement un écueil récurrent des auteurs américains.

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Je me suis intéressé à ce que racontait les droitards conspi pro-Kremlin et j'ai donc visionné plusieurs passage de l'émission de Bercoff sur Sud Radio en rapport avec la guerre d'Ukraine.

Je suis tombé sur Pierre Conesa qui faisait la promo de son bouquin "Vendre la guerre : Le complexe militaro-intellectuel". (écrit en fait avant la guerre d'Ukraine et ne parlant que des guerres occidentales (Yougoslavie, Irak, Lybie)

Certains aspects qu'il décrivait lors de l'émission m'ont donné envie de l'acheter ("chaque peuple a ses mythes sacrés, pour la France c'est la Révolution française. Donc pour faire accepter une guerre, il faut jouer sur l'inconscient collectif") 

mais en fait le bouquin est assez mal construit et ressemble surtout à un long inventaire d'interventions publiques de telle ou telle personnalité (BHL est évidemment souvent cité).

Du coup, j'ai laissé tomber après une centaine de pages et j'ai attaqué Les Abeilles Grises de Kourkov qui est un roman qui se déroule en 2016 pendant la guerre du Donbass dans un petit village quasi désert dans un no man's land entre les ukrainiens et les séparatistes. Il ne se passe pas grand chose, on suit le quotidien d'un homme qui est resté parce qu'il possède des ruches difficiles à transporter et il ne veut pas abandonner ses abeilles. Mais ça se lit bien et ça dépayse.

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Le 09/07/2022 à 15:17, Solomos a dit :

Dans quel sens ?

 

Que c'est une alternative préférable aux sanctions économiques et que c'est donc moins débile que ça en a l'air.

 

Bien sûr, dans le cas de la Russie, on a aussi eu droits à ces sanctions économiques donc ça reste globalement débile.

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On 7/8/2022 at 3:53 PM, Solomos said:

Je me suis intéressé à ce que racontait les droitards conspi pro-Kremlin et j'ai donc visionné plusieurs passage de l'émission de Bercoff sur Sud Radio en rapport avec la guerre d'Ukraine.

Je suis tombé sur Pierre Conesa qui faisait la promo de son bouquin "Vendre la guerre : Le complexe militaro-intellectuel". (écrit en fait avant la guerre d'Ukraine et ne parlant que des guerres occidentales (Yougoslavie, Irak, Lybie)

 

 

J'ai commencé le livre de Conesa, car le sujet me semble essentiel en démocratie : il faut convaincre pour entrer l'opinion pour entrer en guerre en démocratie, et la propagande pour y arriver repose sur des techniques et des influenceurs. J'avais lu il y a quelques temps le livre de David Colon sur le sujet, qui est très classique mais intéressant. J'ai fait une pause dans le Conesa, parce qu'au bout de 20 pages, j'ai relevé au moins 5 erreurs ou approximations agaçantes. J'en avais lu un compte rendu plutôt positif dans les colonnes du Monde Diplomatique. Il y a toutefois une limite évidente qui ressort du propos de Conesa, que j'ai écouté lors d'un entretien sur youtube, c'est d'éviter de parler groupes d'intérêts qui poussent tel ou tel 'expert' ou 'intellectuel' à prendre la parole pour telle ou telle cause, qui me semble peser plus qu'il ne le suggère.

 

Toujours en rapport avec le contexte actuel, je suis en train de me mettre à niveau : j'ai lu l'ouvrage classique Histoire de la Russie des origines à 1984 de Nicholas Riasanovsky (excellent, ça se lit comme un roman) et suis dans "La Russie face à l'Europe" de Marie-Pierre Rey (moins détaillée, plus scolaire). En parallèle, je lis "La politique internationale de la Chine" de Jean-Pierre Cabestan (un livre de scpo universitaire sur le sujet, très complet).

 

En matière de libertés publiques, j'ai lu "La démocratie en Etat d'urgence. Quand l'exception devient permanente", de Stéphanie Hennette Vauchez, qui montre que la succession des Etats d'urgence et leur intégration dans le droit commun détériore l'Etat de droit de l'intérieur. J'ai lu aussi "La peur a-t-elle tué nos libertés?" sur le même sujet. Ce sont deux sujets qui intéresseront en particulier les juristes.

 

J'ai également commencé un livre intitulé l'économie parasitaire, de Beat Burgenmeier, qui suit un peu mon programme de lecture sur le capitalisme managérial (qu'on peut opposer au capitalisme d'entrepreneurs ou d'innovation). C'est une réflexion sur l'économie de rentes et sur ses développements parasitaires, mais pas seulement la bureaucratie. Comme ce n'est pas spécialement un libéral, mais qu'il est sérieux sur le plan économique, j'espère être un peu challengé.

 

 

 

Dans toutes ces lectures, j'avance plus ou moins rapidement.

 

 

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  • 4 weeks later...

J'ai terminé La peur de la liberté d'Erich Fromm. Certainement l'un des plus pertinents que j'ai pu lire sur la thématique de la religion et de la politique. Très succintement, la thèse de Fromm s'inscrit dans une optique évolutionnaire, et consiste à dire que l'homme moderne a évolué de sorte à s'affranchir progressivement de chaque contrainte extérieure (l'insécurité du milieu naturel, la religion, l'Etat moral, la famille) pour les subsituer à une contrainte interne dont il parvient difficilement à se détacher aujourd'hui (l'irréprécible besoin grégaire d'appartenance communautaire). Ce phénomène aurait été particulièrement accéléré par le développement économique vertigineux ces derniers siècles (et du protestantisme l'accompagnant). Mais l'émergence de nouveaux modes d'organisation sociale a vraisemblablement été trop rapide pour une adaptation symétrique de la psychologique humaine. S'il est parvenu à être autonome, l'homme moderne ne peut s'empêcher de s'enfermer dans de nouveaux cadres rassurants.

De prime abord, je dirais qu'il est parvenu à le démontrer plutôt brillamment d'un point de vue historique : idéologies mortifères du XX (communisme, nazisme et autre formes de totalitarisme), et qu'il s'agit d'une thèse éclairante pour tenter d'expliquer les principaux maux dont sont frappées les sociétés occidentales actuelles (idéologie woke, religion du covid). Cela invite nécessairement les amoureux de la liberté à s'interroger sur une stratégie viable, à terme, pour éviter de sombrer dans de nouvelles formes de totalitarisme.

Bonus : je pense aussi que c'est un argument convaincant en faveur de la psychologie évolutionnaire - mais les neuneu "pro science" fermés d'esprit ne risquent pas d'être d'accord, c'est certain. Ceci dit, l'erreur de Fromm, me semble-t-il, consiste à croire qu'un "véritable individualisme" est possible (ie: détaché de ces contraintes à la fois externes et internes). On en revient aux racines fondamentalement grégaires de l'être humain.

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Il y a 1 heure, poincaré a dit :

véritable individualisme" est possible 

L'Unique et sa Propriété ?

sinon concernant les vues sur la religion et l'affranchissement des contraintes, Max Stirner semble tenir les mêmes propos (en plus confus). Il parle de soumission aux idées fixes comme Dieu ou la morale, et il montre bien la dimension spirituelle de l'atheisme (qui ramène Dieu du cosmos sur Terre et fait de l'homme un dieu) et du communisme (qui remplace Dieu par l'être suprême qu'est la société). Le point commun entre ces idéologies etant qu'elle ne s'intéresse pas au moi (l'individu) mais à l'humanité (qui n'existe qu'en esprit selon Stirner). 

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J'ai lu les trois premiers livres de l'histoire florentine et j'aurais tendance à penser que Machiavel est un mauvais historien : il se trompe sur le nom des papes (90% du temps), la numérotation des princes, les dates, inverse la temporalité de certains événements (par exemple la révoltes des guelfes noirs/blancs et les bannissements), insert ses fanfics en faisant dire ses propres discours à des figures historiques pour faire passer ses idées en douce (sans sources aucunes !), reprend les légendes de ses prédécesseurs avec une certaine crédulité, son analyse prête parfois à la téléologie/anachronisme puisqu'il plaque ses opinions présentes/analyses de la première décade directement dans le récit historique (même si c'est souvent justifié puisque ses analyses sont elles mêmes tirées des exemples historiques).

Aussi il range Dante parmi les guelfes (alors qu'il est gibelin) et distingue le peuple de la populace ce qui rend les luttes de factions parfois confuses (par exemple un chapitre commence par "la populace était mécontente car elle trouvait que le peuple avait obtenu trop de pouvoir à la suite de la dernière révolte")

 

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