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Diffamation Et Dénigrement Sur Internet


Serge

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L'Internet devient le lieu de toutes les expressions, qu'elles soient légitimes ou abusives.

Tout un chacun peut s'exprimer sur tous les sujets, que ce soit sur des sites personnels, des blogs ou des forums de discussion. Ces nouveaux supports décuplent les moyens d'expression, et donc aussi les " dérapages ". Les grandes sociétés s'inquiètent aussi de plus en plus des imputations éventuellement diffamatoires commises contre elles par voie d'internet. Voici peu, ce qui inquiétait encore le chef d'entreprise, c'était une " brève " peu favorable dans la presse nationale ou régionale. Aujourd'hui, en termes d'audience, il sait qu'il a autant, voir davantage, à craindre d'un site ou d'un forum en ligne. Voici un panorama succinct des actions possibles contre des propos jugés diffamatoires ou dénigrants sur l'Internet.

Le droit de réponse

Lorsqu'une personne est mise en cause dans un article de presse, sa première réaction sera probablement de solliciter un droit de réponse. Afin de mettre fin aux errements de la jurisprudence, la loi pour la confiance dans l'économie numérique a institué un droit de réponse en ligne (voir notre chronique du 29/09/04). Toutefois, pour l'heure, son applicabilité est sujette à caution car le décret d'application n'est pas encore adopté. Dans l'intervalle, il sera prudent de privilégier une action en référé fondée sur la diffamation ou le dénigrement.

La diffamation en ligne

Selon la loi du 29 juillet 1881, est considérée comme diffamation "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé" (article 29 de la loi).

Dans le cas de la diffamation, l'intention coupable est présumée et il appartient à l'auteur de la "diffamation" d'apporter la preuve de sa "bonne foi" ("l'exception veritatis"). Une démonstration toujours difficile puisqu'elle exige que soient réunies au moins quatre conditions : la sincérité (le diffamateur croyait vrai le fait diffamatoire), la poursuite d'un but légitime (le souci d'informer et non de nuire), la proportionnalité du but poursuivi et du dommage causé et le souci d'une certaine prudence.

L'auteur de la diffamation qui veut invoquer "l'exception veritatis", dispose de dix jours pour le faire après la signification de la citation en faisant connaître au ministère public ou au plaignant les faits qualifiés dans la citation et pour lesquels il entend prouver la vérité ainsi que les copies des pièces qu'il compte verser aux débats et les noms des témoins par lesquels il compte apporter la preuve de ce qu'il avance.

Le plaignant dispose ensuite de 5 jours (et il doit le faire au moins 3 jours francs avant l'audience) pour fournir les copies des pièces et les noms des témoins par lesquels il compte apporter la preuve du contraire.

Il est important de noter que ces règles procédurales (prescrites à peine de nullité), à l'origine prévues en cas de poursuites correctionnelles, sont également applicables aux procédures civiles, et ce même s'il s'agit d'une action en référé.

Ainsi, si la personne se prétendant diffamée décide de solliciter le tribunal de grande instance - siégeant en référé - pour supprimer les propos diffamatoires publiés sur un site Web, elle devra faire signifier l'assignation au ministère public et faire élection de domicile auprès d'un avocat du ressort du tribunal de grande instance saisi. Autre formalité essentielle : la citation devra mentionner les articles de la loi qui édictent la peine encourue…

L'action en diffamation (civile ou pénale) se prescrit après 3 mois, à compter de la première mise en ligne de l'écrit jugé diffamatoire. Il est donc conseillé d'agir très rapidement, en faisant immédiatement constater les propos par un huissier ou par l'Agence pour la Protection des programmes, qui est également habilitée à dresser des constats reconnus valables en justice. L'action doit être dirigée contre le directeur ou le codirecteur de la publication, dont le nom et les coordonnées doivent obligatoirement être mentionnées sur le site (sauf en cas de site "perso", qui peut rester anonyme mais dont l'identité doit être conservée par l'hébergeur).

Le dénigrement

Si les conditions de la diffamation ne sont pas réunies (par exemple parce qu'il n'y pas d'imputation d'un fait précis), ou que l'action est prescrite, il est aussi envisageable d'invoquer en justice le dénigrement.

Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise. Il s'agit d'une une attitude fautive au sens de l'article 1382 du Code civil. En effet, l'exercice de la liberté d'expression peut être fautif lorsque le titulaire de cette liberté en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

Le dénigrement peut aussi être constitutif de concurrence déloyale, lorsqu'il consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, le travail l'entreprise ou la personne d'un concurrent. Une action en référé est également possible sur ce fondement.

Les réparations

En référé, l'action sera fondée sur l'article 809 du Nouveau code de procédure civile, car il s'agira de faire cesser un "trouble manifestement illicite", même en l'absence d'urgence ou de contestation sérieuse. En général, les plaignants sollicitent du tribunal qu'il mette un terme à la diffusion des messages diffamatoires ou dénigrants. Parfois, il est aussi demandé d'ordonner la cessation de tout nouveau propos diffamatoire ou dénigrant à l'encontre du plaignant. Pareille demande est plus délicate, car il faudra démontrer le risque sérieux de récidive.

Dans presque tous les cas, le tribunal, s'il constate l'existence d'une diffamation ou d'un dénigrement, ordonnera la publication de la décision sur la page d'accueil du site de la partie condamnée, selon une durée et des modalités qu'il détermine. Il ordonnera aussi dans certains cas, la publication de la décision dans un ou plusieurs quotidiens nationaux. Enfin, il est possible de demande au juge des référés l'allocation d'une indemnité provisionnelle, qui sera laissée à son appréciation.

La compétence des tribunaux

Le demandeur peut saisir, à son choix, la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable, ou encore celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. En pratique, lorsque les propos litigieux ont été diffusés sur l'internet, tous les tribunaux du pays seront compétents.

journaldunet

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Invité jabial

Comme je l'ai déja dit, le fait même d'accepter que l'expression puisse être contrôlée ouvre la porte à des abus sans commune mesure avec les conséquences de la diffamation elle-même.

Ce que les autres pensent de moi ne m'appartient pas, ne peut pas m'appartenir. Ce que les gens disent de moi en privé, de quel droit pourrais-je le contrôler? Et en "public", il y a un propriétaire (qui très probablement ne permettra pas n'importe quoi mais ce n'est pas la raison, juste une constatation) qui peut légitiment dire ce qu'il veut.

Quant à ceux qui disent qu'on ne vit pas dans un monde anarcap et qu'aujourd'hui avec l'espace public la diffamation est un danger, je leur opposerai le pragmatisme même : aujourd'hui, les lois sur la diffamation servent essentiellement à protéger des politiciens véreux de la publication de livres à leur sujet, et le reste n'est qu'anecdotique. En bref, un libéral ne peut pas soutenir ça, ou alors il se fait avoir.

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…aujourd'hui, les lois sur la diffamation servent essentiellement à protéger des politiciens véreux de la publication de livres à leur sujet, et le reste n'est qu'anecdotique.

Un politicien véreux ou une DRH, par exemple…

Nissan fait condamner un blog

Sur son blog, Stéphanie Gonier raconte toute «sa vérité» : sa placardisation par son employeur Nissan en revenant de son congé parental. Le groupe automobile l'a poursuivie pour injure et diffamation publiques. Et vient de gagner, selon la décision du TGI de Paris rendue hier. Le blog de Stéphanie Gonier n'est pas interdit, celle-ci ayant le droit de raconter son conflit sur ce «journal intime sur le Net» . «En revanche, elle doit respecter la loi sur la liberté de la presse de 1881 et la loi informatique et liberté à laquelle sont soumis les blogs , rappelle Pierre-Yves Michel, l'avocat de Nissan. Madame Gonier a dérapé en insultant le DRH de Nissan ["menteur et manipulateur"] , en diffamant le constructeur ["association de malfaiteurs" ] et en diffusant des données personnelles sur certains salariés.» Les juges l'ont condamnée à verser 1 euro symbolique à Nissan, et de 100 à 500 euros aux salariés concernés. La blogueuse attend désormais son procès aux prud'hommes pour licenciement abusif.

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Invité jabial

Je pense que cet exemple ne peut que venir à l'appui de mes dires. Le fait de condamner quelqu'un pour des propos qui ont seulement une chance sur cent d'être vrais, c'est un renversement de la charge de la preuve. La parole n'est pas la force, et la confusion des concepts qui consiste à les confondre est d'autant plus grave qu'un jour ou l'autre les libéraux risquent d'être sur le banc des accusés.

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Je pense que cet exemple ne peut que venir à l'appui de mes dires. Le fait de condamner quelqu'un pour des propos qui ont seulement une chance sur cent d'être vrais, c'est un renversement de la charge de la preuve. La parole n'est pas la force, et la confusion des concepts qui consiste à les confondre est d'autant plus grave qu'un jour ou l'autre les libéraux risquent d'être sur le banc des accusés.

Le problème est qu'il y a une différence entre dire tel politicien est un pourri pour telle et telle raisons et déclarer péremptoirement X ou Y a assassiné son conjoint. Il serait ensuite curieux que l'honorabilité d'innocents puisse être salie par des irresponsables en quête de gloire facile.

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Invité jabial
Le problème est qu'il y a une différence entre dire tel politicien est un pourri pour telle et telle raisons et déclarer péremptoirement X ou Y a assassiné son conjoint. Il serait ensuite curieux que l'honorabilité d'innocents puisse être salie par des irresponsables en quête de gloire facile.

C'est déplorable, mais comme le dit si bien Rothbard, on n'est pas propriétaire de sa réputation. C'est facile à voir pourtant : votre réputation, c'est l'opinion que d'autres ont de vous, et vous n'avez aucun droit de restreindre les échanges privés entre d'autres personnes.

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C'est déplorable, mais comme le dit si bien Rothbard, on n'est pas propriétaire de sa réputation. C'est facile à voir pourtant : votre réputation, c'est l'opinion que d'autres ont de vous, et vous n'avez aucun droit de restreindre les échanges privés entre d'autres personnes.

Sauf que ce n'est pas une question de propriété, une fois de plus.

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Invité jabial
Sauf que ce n'est pas une question de propriété, une fois de plus.

J'ai l'impression, que j'espère fausse malgré tout ce qui nous sépare, que tu es en train de réinventer le positivsme.

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J'ai l'impression, que j'espère fausse malgré tout ce qui nous sépare, que tu es en train de réinventer le positivsme.

:icon_up: Comme je l'ai écrit plusieurs fois, j'ai plutôt l'impression que c'est une certaine branche de libertariens qui ont inventé une nouvelle sorte de positivisme : le positivisme privé. Il suffit de lire votre insistance sur l'omnipotence du contrat et votre confusion souveraineté-liberté, par exemple.

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Invité jabial
:icon_up: Comme je l'ai écrit plusieurs fois, j'ai plutôt l'impression que c'est une certaine branche de libertariens qui ont inventé une nouvelle sorte de positivisme : le positivisme privé. Il suffit de lire votre insistance sur l'omnipotence du contrat et votre confusion souveraineté-liberté, par exemple.

De l'art de renverser la réalité.

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