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La Dynamique Du Progrès


Leepose

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J’aimerais lancer une discussion sur la dynamique du progrès, meme si c’est encore très confus dans mon esprit. Si vous y participez sans vous foutre de ma gueule, on va peut etre progresser!

D’abord le « progrès » (que je ne vais pas définir pour l’instant) entretient un rapport étroit avec la logique et la rationalité. On adoptera le procédé B, ou l’organisation B plutot que A, soit parce qu’elle est moins chère, soit qu’elle est plus rapide, plus simple, ou simplement plus pratique d’utilisation dans la vie quotidienne. Bref, il est plus logique d’utiliser B que A.

La première remarque est que le progrès fonctionne avec un effet de cliquet. On peut faire avec la méthode A pendant très longtemps, mais quand la méthode B commencera a entrer en application, elle s’imposera irrémédiablement, sans retour possible vers A, jusqu'à ce qu’a son tour, elle soit éventuellement remplacée par C. Quand la méthode B rentre en application, tout le monde se demande comment il a pu vivre si longtemps avec la méthode A. Tout retour de B vers A est donc impensable. B est tellement mieux…

Deuxième remarque : le progrès a une vitesse extrêmement variable suivant son domaine d’application. Par exemple, dans les domaines de la technique et de la technologie, le progrès est très rapide, mais dans les questions d’organisation sociale il est d’une lenteur invraisemblable. Il est parfois d’une telle lenteur qu’on en finirait presque par douter de la supériorité réelle de B par rapport à A.

De ce point de vue là, manifestement, le role du politique est d’accélérer la vitesse du progrès dans notre organisation sociale.

Troisième remarque : plus la rationalité et le progrès gagnent du terrain dans nos vies et dans nos sociétés, plus ce qui y résiste nous parait intolérable (a juste titre, sans doute). On pouvait sans doute accepter une organisation sociale lamentable à une époque ou les croyances magiques, mystiques ou religieuses dominaient encore nos vies, mais au fil du temps notre niveau d’exigence en rationalité augmente.

Bon, je m’en tiens là pour le moment. Je sollicite votre participation ou vos bonnes sources, s’il existe des livres (compréhensibles) sur ce sujet.

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Troisième remarque : plus la rationalité et le progrès gagnent du terrain dans nos vies et dans nos sociétés, plus ce qui y résiste nous parait intolérable (a juste titre, sans doute). On pouvait sans doute accepter une organisation sociale lamentable à une époque ou les croyances magiques, mystiques ou religieuses dominaient encore nos vies, mais au fil du temps notre niveau d’exigence en rationalité augmente.

Je crois que tu confonds avec le niveau d'autosatisfaction…

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Je lis justement un bon livre de référence sur le sujet. Par contre, pas sûr qu'il soit toujours très compréhensible… :icon_up:

J'ai l'impression qu'il s'agit surtout de débattre de la notion de progrès, or ca n'est pas exactement mon propos.

Je sais qu'on peut débattre a l'infini sur cette notion et sur sa définition, on peut le faire notamment pour le progrès économique, qui fait bien partie de mon propos, cette fois.

Moi je voulais surtout parler de la façon dont le progrès s'installe et progresse, si on peut dire! Par exemple, l'effet de cliquet me parait assez clair. Avec une bonne analyse de cette dynamique, on pourrait peut etre apporter un autre éclairage sur les raisons pour lesquelles le progrès est si lent dans la sphère publique et politique, ou disons en tout cas qu'il parait trés lent.

Merci quand meme pour cette référence.

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Moi je voulais surtout parler de la façon dont le progrès s'installe et progresse, si on peut dire! Par exemple, l'effet de cliquet me parait assez clair. Avec une bonne analyse de cette dynamique, on pourrait peut etre apporter un autre éclairage sur les raisons pour lesquelles le progrès est si lent dans la sphère publique et politique, ou disons en tout cas qu'il parait trés lent.
La notion de cliquet est très pertinente. Elle s'applique bien au progrès technique et scientifique (la somme des connaissances cumulées est consignée dans les livres et ne disparaîtra pas), même si l'effet cliquet est contrecarré par l'effet éponge: l'intelligence collective ou individuelle sature et a de plus en plus de mal à tout assimiler, on en arrive parfois à en revenir à des vieux brevets ou techniques oubliées.

En revanche, l'effet cliquet s'applique mal à l'évolution sociale qui m'a l'air de fonctionner plutôt par aller-retour. Ce qui est considéré comme progrès social en 68 (il est interdit d'interdire, libération sexuelle, toussa) est considéré comme dépassé maintenant. Aux USA, le contrecoup est même sévère: mouvements évangélique, anti-avortement, pas de sexe avant le marriage… On a tous le souvenir de collège du texte qui se plaint de la jeunesse datant de … Socrate.

Sans doute parce qu'autant il est possible de qualifier et de quantifier le progrès technique, autant il est subjectif de le faire pour le "progrès social".

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Je vous conseil "l'épopée de l'innovation", de Jean Louis Caccomo, et le bouquin de Jean-Paul Oury "la Querelle des OGM", qui bien que spécialisé sur un thème, analyse très bien les mécanismes du progrès (les reticences sociologiques aussi) et du changement.

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Bon… d'abord merci bien pour vos 2 contributions. Ensuite, je pense qu'il faut distinguer les "questions de société" (cf mai 68) et les questions d'organisations sociales, en ce sens que pour une "organisation cible" donnée, il y a indiscutablement de bonnes et de moins bonnes façons d'y parvenir, ou d'ailleurs de ne pas y parvenir, assez souvent.

Soyons un peu concret : ce sujet m'est aussi venu en entendant dire qu'une municipalité avait décidé de rendre accessible sur internet les listes électorales, pour que chacun sache facilement s'il y figure ou pas. En voila une bonne idée! Quand une idée pareille se propage et que les gens s'y habituent, ils finissent sans doute par l'exiger. Donc l'effet cliquet reste valable dans la sphère publique. La question, me semble t'il, est bien le manque d'incitations a la rationalité dans la sphère publique, par rapport au privé ou elle est d'une évidente trivialité (l'oseille, pour ceux qui ne suivent pas…)

To be continued…

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On doit séparer différents types de progrès.

Le progrès scientifique se distingue des autres par la formulation de raisonnements sur des hypothèses qui peuvent être démontrées fausses. Cela signifie qu'on est dans un processus de construction de la connaissance. En effet, les lois de la Nature ne changent pas tous les 500 ans. Les hypothèses fausses sont écartées, du moins quand leur marge d'erreur avec la réalité est suffisament importante par rapport au sujet étudié (avec la loi de newton on peut calculer le temps de passage d'un projectile entre deux point de repères avec une précision de la milliseconde sans rencontrer de surprise. Mais à une précision de 10^-14 s, c'est bien différent…). Le raisonnement scientifique permet d'imbriquer les recherches et les travaux. Il m'apparait donc important de constater que le point de départ du raisonnement scientifique est d'indiquer son "contexte" (niveau de connaissance, travaux sur lesquels il est basé, hypothèses). Ce, une fois posé, on peut plus facilement exprimmer le problème auquel on fait face et l'idée pour tenter de le résoudre. En corollaire, il est possible d'échaffauder des théories bien avant qu'elles ne puissent êtres prouvées vraies ou fausses par l'expérience (cf éclipse de 1919, première observation de la relativité).

En second lieu, il y a le progrès technique. Il dépend d'une part du progrès scientifique et d'autre part de la transmission d'un savoir-faire. Le premier assure une connaissance croissante, tandis que le second permet de maintenir ou renforcer un savoir-faire tant que celui-ci est utile (avant d'être dépassé ou remplacé). Il en résulte que chaque époque peut être identifiée par son niveau technique (de l'âge de pierre à celui d'internet!). Le progrès technique est donc le plus palpable, celui auquel on peut le plus facilement faire référence pour parler du progrès.

De manière plus générale, je pense que le progrès résulte d'un ensemble de processus d'expérimentations et de sélections "darwiniennes" selon qu'un ensemble suffisant d'individus trouve ou non un progrès à ses yeux à une nouvelle solution. Mais à l'inverse du progrès scientifique, le sentiment de progrès repose sur l'arbitraire puisque chacun peut élaborer son propre jugement sans que celui-ci ne puisse être invalidé par un autre, même opposé. C'est ainsi que le progrès peut être soumis à des modes, des cycles, voir des revers.

Le dynamisme des entreprenneurs m'apparait une bonne indication du niveau de progrès d'une société. En effet, les entreprenneurs, presque par définition, proposent de nouvelles solutions, validées (progrès) ou non (gadget? inutilité? trop cher?) par leurs concitoyens.

Donc dans la dynamique de progrès, la liberté d'entreprende tient, selon moi une place primordiale.

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Bon… cette discussion tombe un peu en rade. Il serait temps de la relancer!

En fait, peut etre bien que l'effet de cliquet n'est pas le fond du probleme, je pense que le progrés nait fondamentalement d'un processus de tatonnement. Car c'est le tatonnement qui permet de trouver la nouvelle méthode B, avant meme que de pouvoir comparer B a A et d'abandonner A par le mécanisme de l'effet de cliquet.

Vous me suivez, j'espère…

C'est peut etre bien ce processus de tatonnement qui fait complètement défaut dans la sphère publique et politique, bref, dans la dynamique des choix collectifs. Concrètement, un beau jour, un connard a du penser que les assurances sociales publiques était un concept infiniment supérieur a ce que peuvent donner des assureurs privés en concurrence. Et depuis plus de 50 ans, on rame pour pouvoir revenir sur cette mauvaise décision.

Seriez vous d'accord pour dire que c'est bien le processus de tatonnement, a la source du progrès, qui fait défaut ici?

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Deuxième remarque : le progrès a une vitesse extrêmement variable suivant son domaine d’application. Par exemple, dans les domaines de la technique et de la technologie, le progrès est très rapide, mais dans les questions d’organisation sociale il est d’une lenteur invraisemblable. Il est parfois d’une telle lenteur qu’on en finirait presque par douter de la supériorité réelle de B par rapport à A.

Deux remarques

1) l'évolution du monde social n'est pas indépendant de la conception que nous avons de son évolution. Il est donc tjs périlleux d'utiliser les mêmes concepts pour le monde physique et pour le monde social

2) Ce n'est pas la première fois que je le dis ici, pour des raisons idéologiques, les libéraux manquent d'une bonne théorie de la reproduction sociale. Hors, la reproduction sociale est une nécessité absolue de la vie en société -> le sentiment de lenteur ressenti par tous les ingénieurs sociaux. (et les débats de ces derniers temps sur le conservatisme et le progressisme que je sens confusément tourné autour de ce thème et qui gagnerait en clarté à bénéficier d'une telle théorie)

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[…] 2) Ce n'est pas la première fois que je le dis ici, pour des raisons idéologiques, les libéraux manquent d'une bonne théorie de la reproduction sociale. Hors, la reproduction sociale est une nécessité absolue de la vie en société -> le sentiment de lenteur ressenti par tous les ingénieurs sociaux. (et les débats de ces derniers temps sur le conservatisme et le progressisme que je sens confusément tourné autour de ce thème et qui gagnerait en clarté à bénéficier d'une telle théorie)

Tu peux développer ? Je crois qu'on touche un sujet important, là…

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les libéraux manquent d'une bonne théorie de la reproduction sociale

En l'occurence avec l'EN l'Etat couche avec tout le monde :-/

Les pays liberaux ont des systemes sociaux beaucoup moins figés que les socialistes, les US par exemple.

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Il faut une génération pour pleinement adopter un nouvel objet (téléphone, internet, etc). D'où certainement l'impression d'un effet cliquet: ce qui était nouveau et sujet à cautions devient banalement ordinaire.

Mais J'aimerais revenir à ma théorie de la sélection "darwinienne" du progrès. C'est le client, par ses choix et son pouvoir économique, qui juge le progrès.

Dasn un premier temps il y a une innovation majeure qui draine une génération de nouvelles offres (une offre peut elle-même créer une autre offre). Les modèles économiques et les marchés sont encore flous et à découvrir, c'est le temps des aventuriers et des passionnés. Dans un second temps, viennent les réponses des clients, il se dégage alors les premières stratégies gagnantes et les premières estimations. C'est alors que le marché est le plus dynamique (la présence de clients matérialise un marché), avec des créations et des disparitions d'entreprises, avec des nouveaux concurrents qui copient les meilleurs stratégies, et d'autres entreprises qui innovent encore. Dans un troisième temps, le marche devient mature, avec d'un côté une concentration d'entreprises pour le service au grand public, et de l'autre un marché de niche qui s'est spécialisé. Et en dernier temps, un standard s'est généralisé autour de quelques grosses entreprises et le marché de niche ne fournit plus qu'un dérivé du standard.

Voilà, mais tout ceci n'est que supposition. Mais surtout ce n'est pas tout à fait un cycle puisqu'une innovation peut survenir à tout moment.

Mais la conclusion reste la même: Le niveau de progrès réalisé par une société dépend directement du dynamisme de ses entreprenneurs.

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Moi j'en reste là pour l'instant, dans la recherche des causes de la lenteur du progrés dans nos choix collectifs et politiques :

1/ une trop faible incitation au progrès

2/ une grande difficulté a "tatonner", autrement dit a expérimenter, ou a faire demi-tour

On pourrait presque en tirer des principe de politique économique valables…

J'ajoute aussi que cette lenteur concerne la France en particulier. Il suffit de voyager un peu pour se rendre compte que la raison et les choix politiques font souvent meilleur ménage ailleurs que chez nous.

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Je voudrais bien, mais ca va être difficile de développer sur quelque chose qui n'existe pas.

Je ne vais pas inventer une théorie en 10 minutes à mon comptoir.

Je me suis mal exprimé. Est-ce que tu pourrais préciser ce que tu entends précisément par "théorie de la reproduction sociale", quitte à illustrer par quelques exemples d'auteurs divers, et montrer en quoi une telle théorie manque aux libéraux ?

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Je me suis mal exprimé. Est-ce que tu pourrais préciser ce que tu entends précisément par "théorie de la reproduction sociale", quitte à illustrer par quelques exemples d'auteurs divers, et montrer en quoi une telle théorie manque aux libéraux ?

Sorry, j'avais oublié de répondre à ta question.

J'ai pas lu les bouquins fondamentaux sur la question, mais j'en ai croisé des résumés. Il va donc y avoir des erreurs.

Il y a grosso-modo deux écoles qui parlent de la reproduction sociale (je montrerai plus tard en quoi elles ont toutes les deux torts), une école coco autour de Bourdieu et une école libérale autour de Boudon. Les deux se penchent sur la question "pourquoi les fils d'ouvriers deviennent majoritairement ouvrier à leur tour ?"

Pour les premiers, le société se comprend comme une structure dans laquelle les individus prennent place et vivent un destin imposé par la structure. Ce serait un peu comme l'organigramme d'une entreprise, où tel poste existe indépendament de la personne qui le remplit. Le commercial devra répondre de ses résultats devant le directeur de vente, quels que soient les personnes qui occupent ses fonctions. Pour les sociologues de gauche, le remplacement des générations ne sert qu'à assurer qu'une position dans la structure sociale soit occupée. Les enfants d'ouvrier deviennent ouvriers parce qu'il faut que la case ouvrier soit remplie. Pour Bourdieu, ce qui va permettre cette reproduction, c'est le développement d'habitus (ensemble de gouts, préférences, mode de raisonnements, etc. L'habitus est une notion très floue) spécifiques au différentes catégories sociales. Les habitus servent de courroie de transmission entre les structures sociales et les destins individuels. Quelque part, Bourdieu est assez individualiste pour un coco parce que c'est à l'intérieur de l'individu que se joue son destin, mais néanmoins, l'analyse des habitus ne peut se comprendre que dans le rapport entre les différents habitus, rapport lui-même déterminé par les rapports de domination dans la structure sociale générale.

La position de Boudon est nettement moins élaborée. Pour lui, les acteurs sociaux s'adaptent rationnellement aux conditions de départ dans lesquelles ils se trouvent. Pour un enfant d'ouvrier, les études apparaissent comme longues (donc salaire différé), chères (donc problème d'investissment/consommation) et semées d'embuche (fort taux d'échec des enfants d'ouvriers). Il est donc rationnel de préférer des études courtes et directement professionnalisantes qui ont pour conséquence de le maintenir dans sa catégorie sociale. Les libéraux adhèrent à cette analyse de façon purement idéologique. Il leur est tellement impossible d'admettre une force supérieure aux individus qu'ils sont prets à accepter une théorie qui dit finalement que c'est par choix que les enfants d'ouvriers deviennent ouvriers à leur tour. :icon_up: (je ne vais pas me lancer dans la déconstruction de la théorie de Boudon)

La théorie de Bourdieu me parait fausse, celle de Boudon simpliste. Voilà pourquoi je dis que les libéraux n'ont pas un théorie satisfaisante de la reproduction sociale. (les cocos en ont une satisfaisante mais fausse, je ne sais pas si c'est mieux). A mon avis, leur erreur vient du fait qu'ils placent le débat bcp trop haut. Ils ont des théories macro-sociales, là où une théorie micro-sociale reste à écrire. Ils essayent d'analyser directement des réalités statistiques dans des grands groupes sans passer par l'interaction individuelle.

Or, l'interaction individuelle n'est possible que grâce à une certaine forme de reproduction. C'est parce que le monde dans lequel on évolue aujourd'hui est identique à celui d'hier que l'on peut développer une action efficace. Impossible de prendre le bus pour ce rendre au travail si les horaires et les trajets varient aléatoirement tous les jours. Impossible de faire ses courses si les magasins n'ont pas d'horaire. Bref, pour que je puisse développer une action efficace, il faut que les autres agissent comme ils ont toujours agi, et inversément. Il faut donc analyser la reproduction sociale au niveau des actes, pas au niveau des individus (et il y aurait moyen, je pense, de remonter jusqu'au réalité statistiques macro-sociales). Et, à ce niveau, nous sommes tous "pris au piège" dans un réseau de reproductions sociales. Il faudrait développer une sorte d"habitus mais en déconstruction/reconstruction permanente, déterminé par les situations d'interaction.

Bien foutue, une théorie de ce genre permettrait de sortir du dialogue de sourd qui s'est installé sur ce forum et qui trouve, à mon avis, sa source dans cette histoire de reproduction sociale. La régularité de comportement est nécessaire à la vie en société, sans quoi c'est l'anomie, mais en même temps, la poser comme une fin en soi au dessus du libre choix des individus débouchent sur des modes de contraintes illégitimes. Pour un libéral, c'est un paradoxe. Et, je pense que c'est ce paradoxe qui alimente nos conflits internes et que nous ne pourrons pas les résoudre à cause de l'absence d'une bonne théorie de la reproduction sociale.

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Bien foutue, une théorie de ce genre permettrait de sortir du dialogue de sourd qui s'est installé sur ce forum et qui trouve, à mon avis, sa source dans cette histoire de reproduction sociale. La régularité de comportement est nécessaire à la vie en société, sans quoi c'est l'anomie, mais en même temps, la poser comme une fin en soi au dessus du libre choix des individus débouchent sur des modes de contraintes illégitimes. Pour un libéral, c'est un paradoxe. Et, je pense que c'est ce paradoxe qui alimente nos conflits internes et que nous ne pourrons pas les résoudre à cause de l'absence d'une bonne théorie de la reproduction sociale.

Les gens, au niveau psychologique, s'attendent en effet aussi à certaines régularités dans les actions sur le monde, les interactions entre eux etc. Bref le monde à besoin d'être "prévisible".

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Les gens, au niveau psychologique, s'attendent en effet aussi à certaines régularités dans les actions sur le monde, les interactions entre eux etc. Bref le monde à besoin d'être "prévisible".

Indeed. La continuité permet d'économiser les efforts consacrés à l'adaptation. De plus, l'enfant d'ouvriers deviendra ouvrier (même si c'était bien moins le cas avant les années 70) parce que (raisonnement horriblement économiste) ses parents lui transmettent une part de sa "courbe d'expérience" (ou plutôt de leur capital humain), capital humain qui est davantage adapté aux métiers que les parents sont amenés à rencontrer qu'aux métiers dont ils ignorent l'existence.

Evidemment, ce n'est qu'une très vague ébauche, beaucoup trop teintée d'économisme et pas assez sociologisante.

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Indeed. La continuité permet d'économiser les efforts consacrés à l'adaptation.

Effectivement, mais cette continuité présuppose une même continuité chez les autres personnes. Et ça, ça rend tout le bastringue beaucoup plus complexe.

De plus, l'enfant d'ouvriers deviendra ouvrier (même si c'était bien moins le cas avant les années 70) parce que (raisonnement horriblement économiste) ses parents lui transmettent une part de sa "courbe d'expérience" (ou plutôt de leur capital humain), capital humain qui est davantage adapté aux métiers que les parents sont amenés à rencontrer qu'aux métiers dont ils ignorent l'existence.

Evidemment, ce n'est qu'une très vague ébauche, beaucoup trop teintée d'économisme et pas assez sociologisante.

:icon_up: A quoi ca sert que je me casse le cul à écrire des choses intelligentes pour avoir ce genre de réponses ?

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:doigt: A quoi ca sert que je me casse le cul à écrire des choses intelligentes pour avoir ce genre de réponses ?

Désolé, je n'ai que des rudiments d'économie, je ne connais rien à la sociologie. J'ai essayé, j'ai raté. Pardon. :icon_up:

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Sorry, j'avais oublié de répondre à ta question.

J'ai pas lu les bouquins fondamentaux sur la question, mais j'en ai croisé des résumés. Il va donc y avoir des erreurs.

Il y a grosso-modo deux écoles qui parlent de la reproduction sociale (je montrerai plus tard en quoi elles ont toutes les deux torts), une école coco autour de Bourdieu et une école libérale autour de Boudon. Les deux se penchent sur la question "pourquoi les fils d'ouvriers deviennent majoritairement ouvrier à leur tour ?"

Pour les premiers, le société se comprend comme une structure dans laquelle les individus prennent place et vivent un destin imposé par la structure. Ce serait un peu comme l'organigramme d'une entreprise, où tel poste existe indépendament de la personne qui le remplit. Le commercial devra répondre de ses résultats devant le directeur de vente, quels que soient les personnes qui occupent ses fonctions. Pour les sociologues de gauche, le remplacement des générations ne sert qu'à assurer qu'une position dans la structure sociale soit occupée. Les enfants d'ouvrier deviennent ouvriers parce qu'il faut que la case ouvrier soit remplie. Pour Bourdieu, ce qui va permettre cette reproduction, c'est le développement d'habitus (ensemble de gouts, préférences, mode de raisonnements, etc. L'habitus est une notion très floue) spécifiques au différentes catégories sociales. Les habitus servent de courroie de transmission entre les structures sociales et les destins individuels. Quelque part, Bourdieu est assez individualiste pour un coco parce que c'est à l'intérieur de l'individu que se joue son destin, mais néanmoins, l'analyse des habitus ne peut se comprendre que dans le rapport entre les différents habitus, rapport lui-même déterminé par les rapports de domination dans la structure sociale générale.

La position de Boudon est nettement moins élaborée. Pour lui, les acteurs sociaux s'adaptent rationnellement aux conditions de départ dans lesquelles ils se trouvent. Pour un enfant d'ouvrier, les études apparaissent comme longues (donc salaire différé), chères (donc problème d'investissment/consommation) et semées d'embuche (fort taux d'échec des enfants d'ouvriers). Il est donc rationnel de préférer des études courtes et directement professionnalisantes qui ont pour conséquence de le maintenir dans sa catégorie sociale. Les libéraux adhèrent à cette analyse de façon purement idéologique. Il leur est tellement impossible d'admettre une force supérieure aux individus qu'ils sont prets à accepter une théorie qui dit finalement que c'est par choix que les enfants d'ouvriers deviennent ouvriers à leur tour. :icon_up: (je ne vais pas me lancer dans la déconstruction de la théorie de Boudon)

La théorie de Bourdieu me parait fausse, celle de Boudon simpliste. Voilà pourquoi je dis que les libéraux n'ont pas un théorie satisfaisante de la reproduction sociale. (les cocos en ont une satisfaisante mais fausse, je ne sais pas si c'est mieux). A mon avis, leur erreur vient du fait qu'ils placent le débat bcp trop haut. Ils ont des théories macro-sociales, là où une théorie micro-sociale reste à écrire. Ils essayent d'analyser directement des réalités statistiques dans des grands groupes sans passer par l'interaction individuelle.

Or, l'interaction individuelle n'est possible que grâce à une certaine forme de reproduction. C'est parce que le monde dans lequel on évolue aujourd'hui est identique à celui d'hier que l'on peut développer une action efficace. Impossible de prendre le bus pour ce rendre au travail si les horaires et les trajets varient aléatoirement tous les jours. Impossible de faire ses courses si les magasins n'ont pas d'horaire. Bref, pour que je puisse développer une action efficace, il faut que les autres agissent comme ils ont toujours agi, et inversément. Il faut donc analyser la reproduction sociale au niveau des actes, pas au niveau des individus (et il y aurait moyen, je pense, de remonter jusqu'au réalité statistiques macro-sociales). Et, à ce niveau, nous sommes tous "pris au piège" dans un réseau de reproductions sociales. Il faudrait développer une sorte d"habitus mais en déconstruction/reconstruction permanente, déterminé par les situations d'interaction.

Bien foutue, une théorie de ce genre permettrait de sortir du dialogue de sourd qui s'est installé sur ce forum et qui trouve, à mon avis, sa source dans cette histoire de reproduction sociale. La régularité de comportement est nécessaire à la vie en société, sans quoi c'est l'anomie, mais en même temps, la poser comme une fin en soi au dessus du libre choix des individus débouchent sur des modes de contraintes illégitimes. Pour un libéral, c'est un paradoxe. Et, je pense que c'est ce paradoxe qui alimente nos conflits internes et que nous ne pourrons pas les résoudre à cause de l'absence d'une bonne théorie de la reproduction sociale.

J'aimerais comprendre par quel tour de passe-passe on arrive de "les fils d'ouvriers deviennent eux-mêmes ouvriers"* à "si les comportements des individus ne sont pas un mimimum prévisibles, rien ne va plus". Il me semble qu'il vaut mieux ne pas avoir de théorie de ce genre du tout très franchement… :doigt:

* règle qui connait par ailleurs un nombre d'exceptions tel qu'on peut se demander si elle n'est pas tout simplement fausse, mais soit.

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