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Les Bonnes Affaires Des Etats Fantômes


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Le Figaro

par ARNAUD RODIER

Publié le 10 mai 2007

Les bonnes affaires des États fantômes

Des minipays existent, qui ne sont reconnus par personne. Ils délivrent cependant passeports et permis de conduire, et font des affaires.

VOTRE pays ne vous plaît pas ? Inventez-en un autre ! Ils s'appellent Christiania, République de Conch, Principauté de Hutt River ou de Seborga, Ladonia, Sealand, Royaume de Redonda… Ce sont des micronations, qu'une poignée de personnes ont un jour déclarées indépendantes.

Contrairement aux micro-États, comme Andorre ou Saint-Marin, elles ne siègent pas à l'ONU et n'ont aucune existence légale. Néanmoins, elles ont leurs drapeaux, leurs monnaies, leurs timbres, leurs passeports. Elles sont plusieurs centaines si l'on compte les nations virtuelles, inventées sur Internet ; mais une trentaine revendiquent un territoire réel, même s'il est parfois minuscule. Certaines puisent leur légitimité dans leur histoire, d'autres sont des pays de pure fantaisie. Certaines font des affaires commerciales, d'autres naviguent à la limite de l'escroquerie. En 2003, six d'entre elles ont tenu leur premier sommet international à Helsinki, organisé par un collectif d'artistes finlandais, Ykon, qui se passionne pour le phénomène. Le deuxième aura lieu en 2008 sur l'archipel des Brioni en Croatie. Sealand a défrayé la chronique, au début de cette année, quand son « prince » a décidé de vendre au plus offrant son royaume, en réalité une plateforme rouillée au large de l'estuaire de la Tamise. Mais à l'autre bout du monde on ne plaisante pas avec les micronations.

La principauté de Hutt River, à 500 kilomètres de Perth en Australie, est une exploitation agricole de 75km2, proclamée indépendante en 1970. Son propriétaire, Leonard George Casley, refusait les quotas de production imposés par le gouvernement et qui risquaient de le ruiner. Il a multiplié les procès, obtenu le droit de vendre du vin sans licence, de diffuser des émissions de radio libre. Faute de sanctions réelles, il profite toujours aujourd'hui d'un flou juridique qui lui permet de ne pas payer d'impôt à l'Australie et de proposer d'enregistrer sur son territoire des banques ou des entreprises étrangères. Si le tourisme et l'agriculture assurent l'essentiel de l'économie du « pays », qui revendique un millier de résidents et 20 000 visiteurs chaque année, le « prince » Leonard a réussi un formidable coup médiatique en accueillant en 2005 Jean-Pierre Raveneau, l'inventeur français du Viralgic, un médicament contre le sida très controversé, dont Paris refuse l'autorisation de mise sur le marché. La société qui le fabrique, Pharma Concept, est désormais délocalisée à Hutt River qui lui a délivré une licence de commercialisation et l'aide à trouver des débouchés en Afrique !

C'est également un procès qui a permis à la République de Conch de naître en Floride en 1982. Dennis Wardlow, à l'époque maire de Key West, débouté après avoir porté plainte contre un contrôle de police qui avait bloqué trop longtemps l'accès à l'archipel, décrète son indépendance et se proclame premier ministre. Conch, que les États-Unis n'ont jamais reconnu, a aujourd'hui un roi, Mel Fisher, et un ambassadeur en France, Roger Hobby… diplomate à l'OCDE ! Quand on lui demande s'il prend son rôle au sérieux, cet homme de 32 ans, qui est tombé amoureux de la région alors qu'il y était en vacances en 1988, répond « moitié-moitié ». Il a décroché son poste après avoir organisé une fête à Paris en l'honneur de la République, mais il assure que la moitié des 78 000 habitants des Keys se sentent des véritables résidents de Conch et que les touristes les adorent.

De Seborga à Christiana, en passant par la République de Saugeais

C'est encore le tourisme et le folklore qui font vivre la Principauté de Seborga en Italie, où les habitants se disent tout autant résidents qu'Italiens, et la République de Saugeais en France. Née en 1947 d'une plaisanterie entre un hôtelier et le préfet de région, cette dernière a une présidente - Georgette Bertin-Pourchet, fille de restaurateurs à Montbenoît -, un premier ministre, deux douaniers et un secrétaire général, Louis Perrey. Il ne se prend pas au sérieux, mais il explique : « Nous représentons onze communes, 5 000 habitants, 12 800 hectares de terre. Nous accueillons des tour-opérateurs, des rallyes, des groupes venus de France ou de Suisse. Tous veulent des laissez-passer. La République attire du monde. » Et des curieux qui paient les souvenirs au prix fort. Ce qui n'empêche pas Saugeais d'avoir voté à l'élection présidentielle, comme le reste de la France.

À l'opposé, la commune libre de Christiania, fondée en 1971 sur un ancien terrain militaire au coeur de Copenhague, revendique haut et fort son indépendance vis-à-vis du Danemark. Partie d'une cinquantaine de squatters décidés à vivre autrement, elle compte 700 résidents permanents, parfaitement organisés autour d'un principe : « Le plus de liberté possible et le pouvoir aux individus ». Son budget annuel, 2,4 millions d'euros, lui permet de vivre en quasi-autarcie, mais le gouvernement n'est pas d'accord et a lancé une vaste offensive juridique pour faire rentrer la communauté dans le rang.

« Entre la plaisanterie et une vision sérieuse du futur, il est difficile de faire la part des choses », résume Thomas Ivan Träskman, membre du collectif Ykon. Cependant, lorsque onze micronations ont décidé l'an dernier de reconnaître officiellement Taïwan en tant qu'État à part entière, heureusement sans diplomate taïwanais présent lors de la signature, Ykon s'est aperçu soudain qu'il était peut-être en train de jouer avec le feu.

Le Figaro

par ARNAUD RODIER

Publié le 10 mai 2007

Gadgets, souvenirs, permis de conduire et évasion fiscale

Tout est à vendre dans les micronations. Et tout y est possible, à commencer par les escroqueries.

TIMBRES, casquettes, tee-shirts, stylos, billets de banque, passeports, permis de conduire, tout est à vendre dans l'univers des micronations. Avec le tourisme, c'est pour beaucoup d'entre elles l'essentiel de leurs revenus. Elles sont même devenues tellement populaires que Lonely Planet leur a consacré un guide l'an dernier.

Mais il n'est pas nécessaire de se déplacer pour obtenir le souvenir que l'on convoite ou la double nationalité qui fera rêver ses collègues de bureau. Un ordinateur et une carte de crédit suffisent. Le reste n'est qu'une question de prix.

Un passeport de la République d'Anodyne, totalement virtuelle car elle ne dispose pas de vraies terres, coûte 68 dollars. Pourquoi le prendre ? « Vous pouvez être l'une de ces nombreuses personnes qui regardent avec inquiétude l'érosion continuelle des libertés individuelles (…) Vous pouvez simplement vouloir un camouflage pour vous protéger en cas d'enlèvement ou d'autre problème », explique le site Internet du « pays ».

Le même passeport réclamé à Conch revient à 200 dollars si l'on est américain ou canadien et 218 dollars si l'on est ressortissant d'un autre pays. Selon Roger Hobby, ambassadeur de Conch en France, la différence de tarif s'explique par la volonté d'éviter les fraudes et de dissuader les immigrants qui souhaitent utiliser ces faux papiers pour entrer aux États-Unis. Car ils circulent plus facilement qu'on ne le croit.

Scandale bancaire

L'un des passeports de la République de Conch a été retrouvé dans les poches d'un terroriste au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Il n'était toutefois pas entré dans le pays avec. Mais, « plusieurs passeports sont passés sans problème en Allemagne, en Autriche, en France, en Italie, en Espagne et en Angleterre », affirme Roger Hobby, l'ambassadeur de Conch en France. De la même manière, un document de Sealand était entre les mains de l'assassin du couturier Gianni Versace, tué en 1997.

Parfois, ces faux papiers provoquent de véritables mouvements de foule. En 2002, quelque 3 000 Pakistanais avaient réclamé des passeports de Ladonia, un minuscule territoire au sud de la Suède qui n'abrite que deux sculptures, où ils pensaient pouvoir s'installer. En 2001, des milliers de Nigérians avaient également cru qu'ils pouvaient s'expatrier dans la République de Lomar, qui n'existe que sur Internet.

Plus la frontière est mince entre la fiction et la réalité, plus les micronations sont les terrains rêvés de toutes les fraudes. Dans les années 1995, le Dominion de Melchizedek, créé de toutes pièces par un escroc américain, avait permis un énorme scandale bancaire. Et l'an dernier le gouvernement australien a dû mettre en prison le gouverneur autoproclamé de la principauté de Camside qui avait fait croire que sa banque, Terra Nova Cache, était une vraie banque et avait récolté des fonds sur lesquels il promettait des rendements de 50 % par an !

Aujourd'hui, Internet leur offre de nouvelles possibilités. Plusieurs micronations, comme Hutt River, Seborga, Sealand, abritent des sites. Toutes jurent leurs grands dieux qu'elles le font dans le strict respect des lois, en matière de pornographie en particulier. Mais la palme des grands projets revient sans aucun doute à Howard Turney, un ancien homme d'affaires américain, rebaptisé prince Lazarus I, qui propose de construire dans les Caraïbes une île de 1 000 km2, New Utopia, dont le poids économique, promet-il, dépassera 20 milliards de dollars dans les cinq ans à venir.

Il cherche des investisseurs. Mais il a déjà eu de sérieux problèmes avec la Security and Exchange Commission américaine. Le document de plus de 80 pages qui présente sa « Venise des Caraïbes » est tellement réaliste que le projet a trop manifestement une forte odeur d'évasion fiscale.

Le Figaro

par ARNAUD RODIER

Publié le 10 mai 2007

De la place Clichy à Hutt River, un herboriste se délocalise et obtient une licence

Pharma Concept, faute d'autorisation française, s'est expatrié.

LA VITRINE de Pharma Concept est une herboristerie médicale pittoresque près de la place Clichy, à Paris. Mais elle cache bien son jeu. Depuis 2005, la société est officiellement enregistrée à Hutt River qui lui a délivré la licence de fabrication du Viralgic, un produit de phytothérapie destiné notamment au « traitement précoce des personnes vivant avec le VIH », dont la France lui refuse l'autorisation de mise sur le marché.

Au début, son patron, Jean-Pierre Raveneau, biologiste, docteur en pharmacie et inventeur du Viralgic en 2000, n'y croit pas trop. C'est un ancien pilote de ligne syndicaliste, Edmond Suchet, bombardé ambassadeur itinérant de la principauté et patron d'une société d'import-export basée à Genève, Transgalaxie, qui lui parle le premier de la micronation. Ce dernier, qui connaît beaucoup de monde en Afrique, lui a déjà ouvert les portes du Burkina Faso, de la Guinée Conakry, de la République de Centre Afrique, du Congo et de la Côte d'Ivoire, où les essais du médicament donnent de bons résultats. « Il m'a invité en 2005 pour le 35e anniversaire du pays et j'avais plutôt envie de rire », explique cet homme de 56 ans qui n'a rien d'un aventurier. Il se laisse tenter.

Essai transformé

En installant Pharma Concept à Hutt River, Jean-Pierre Raveneau obtiendra automatiquement la licence de fabrication dont il a besoin, il verra l'impôt sur sa société tomber à 1 % des résultats et il pourra utiliser les banques australiennes pour toutes ses transactions financières. En échange, il devra payer 1 200 euros par an à la principauté.

L'essai transformé, il décide il y a six mois de délocaliser la production du Viralgic en Tunisie auprès d'une société, Olea, dont les italiens sont également actionnaires. D'artisanale, puisque réalisée dans l'herboristerie parisienne, celle-ci s'industrialise. Aujourd'hui 50 000 flacons sortent chaque mois, commercialisés par Transgalaxy qui se rémunère sur le chiffre d'affaires de Pharma Concept. Hutt River peut se vanter d'avoir sa première société étrangère. Elle en espère d'autres. Des Chinois et des Japonais auraient approché la principauté. « La seule inconnue aujourd'hui, c'est de savoir si les héritiers du Prince, qui a 80 ans, voudront continuer à développer Hutt River ou revenir à l'agriculture» , s'interroge Jean-Pierre Raveneau.

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Beaucoup de ces micronations ont des territoires réels. Pour certains comme Sealand et Hutt River Province, il y a même une part de reconnaissance légale (Droit international pour le premier, droit constitutionnel pour le second).

L'étape intermédiaire entre micronation et nation, c'est le célèbre Paradis Fiscal.

Vive la concurrence !

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