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Charles Taylor, Le Pape Du Communautarisme


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Il a inspiré Tony Blair, Bill Clinton, et est considéré outre-Atlantique comme l'un des plus grands philosophes vivants. Charles Taylor, 75 ans, est encore méconnu en France. Ses idées sur le communautarisme ont pourtant révolutionné la pensée nord-américaine. Rencontre.

Chemisette sans manches et bras en écharpe à la suite d'une chute, Charles Taylor enchaîne de bonne grâce les interviews sur un canapé du Claridge's à Londres : la Fondation Templeton vient d'octroyer à ce professeur de droit et de philosophie à la Northwestern University (Illinois) un prix de 800 000 livres (près de 1,2 million d'euros) pour l'ensemble de son oeuvre. « Depuis près de cinquante ans, ce philosophe démontre que la violence et l'intégrisme peuvent être combattus en prenant en compte leurs aspects sociaux et spirituels », affirme le communiqué de presse de la fondation. Créé par le très presbytérien John Templeton, patron de l'un des fonds de pension les plus puissants au monde, afin de promouvoir la recherche sur la spiritualité dans les sociétés modernes, ce prix a fait grincer quelques dents, surtout au Canada. Charles Taylor, l'un des penseurs nord-américains réputés le plus à gauche, récupéré par les bigots ? Sourire indulgent de l'intéressé. Ce Québécois de père anglophone a l'habitude de passer, selon ses propres termes, pour un « excentrique » : à Oxford, dans les années 60, quand il critique dans sa thèse de doctorat la philosophie comportementaliste alors triomphante dans les pays anglo-saxons ; au Canada quand, militant du Nouveau Parti démocratique, il soutient dans les années 70 tout à la fois la légitimité du nationalisme québécois et une culture commune canadienne. Original encore quand, dans les facultés américaines, il vante les bienfaits de l'humanisme d'un Emmanuel Mounier ou d'un Merleau-Ponty, dont il partage la vision de l'homme « incarné », tout à la fois pensée, sentiments et sensations, ancré dans son histoire et sa communauté. Excentrique enfin quand, au pays du libéralisme triomphant, il se revendique de Tocqueville tout en défendant les solidarités collectives.

Le Point : Le communautarisme vise à promouvoir la représentation et les droits de groupes culturels ou ethniques. Cette reconnaissance ne conduit-elle pas inéluctablement à l'éclatement de la communauté nationale et à la violence ?

Charles Taylor : Vous avez en France une vision caricaturale du communautarisme. Si je me définis comme communautariste, ce n'est pas parce que je veux développer une floraison de communautés différentes à l'intérieur d'un Etat, si c'est cela auquel vous faites allusion. Je suis communautariste dans le sens où je pense que la solidarité entre les individus est importante et que la société n'est pas un ensemble indifférent d'individus : elle est un ensemble de communautés, visibles ou non. Le mouvement communautariste est né dans les pays anglo-saxons en réaction aux thèses néolibérales qui voulaient réduire l'intervention de l'Etat et remettre en question les mécanismes collectifs de solidarité. C'est une réplique à ceux qui, comme Mme Thatcher, pensent que « la société n'existe pas, il n'y a que des individus ». Or cela ne correspond ni à la réalité ni aux problèmes auxquels sont confrontés les individus d'une minorité, par exemple les Maghrébins victimes de discrimination à l'embauche.

Le communautarisme est donc par définition antilibéral ?

Non, dire cela, c'est encore une fois caricaturer ce mouvement de pensée. Je ne suis effectivement pas d'accord avec les libéraux américains qui dans la foulée de John Rawls, l'auteur de « La théorie de la justice » qui a lancé le débat dans les années 70, assurent qu'une société peut fonctionner en reposant uniquement sur la liberté de l'individu et une redistribution des richesses considérée comme juste. Je pense, au contraire, comme Alexis de Tocqueville, l'un des grands penseurs du libéralisme politique, que tout pays a besoin d'une certaine cohésion et même d'un certain patriotisme : une société ne peut vivre harmonieusement sans l'engagement des individus dans des corps intermédiaires actifs qui les rassemblent autour d'un même idéal. Le lien social est essentiel pour éviter que la société ne succombe, victime d'un repli de ses communautés sur elles-mêmes : c'est quand elles se sentent délaissées et exclues du débat politique qu'elles peuvent devenir violentes.

Si elle est justement appliquée, la loi de la République ne suffit-elle pas à assurer l'égalité de tous ?

C'est ce que pensent les libéraux : l'égalité devant la loi est la solution à tous les problèmes. Un individu victime de discrimination à l'embauche parce qu'il porte un nom musulman vous répondra que son souci est de trouver du travail, et non d'engager des poursuites devant les tribunaux. Les communautés doivent disposer d'autres mécanismes de défense et de reconnaissance.

Vous vous êtes rendu célèbre en 1989 en publiant « Les sources du moi », un livre où vous analysez les motivations de l'individu dans la société moderne et démontrez en fait qu'une seule chose l'intéresse : lui-même. On est loin du lien social…

Il faut bien l'accepter : l'individualisme a évolué. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, à l'époque de John Locke ou d'Adam Smith, il s'agissait pour l'individu de se définir et d'acquérir des droits par rapport à la société, aux Eglises, au pouvoir. Dans le même temps, sous l'influence de la Réforme, s'est développé un individualisme de responsabilité : l'homme libre face à Dieu. Depuis les années 60 se développe un troisième type d'individualisme : l'individualisme identitaire. Le sujet revendique le droit d'être lui-même, quel que soit l'objet de son désir (être artiste peintre, moine, homosexuel…) et le chemin pour aboutir à son accomplissement. Comme l'écrivait déjà au XVIIIe le philosophe allemand Herder, chaque être humain veut vivre en fonction de sa propre mesure. C'est ce que j'appelle la « quête d'authenticité ». C'est un véritable idéal moral, et à mon sens, une forme authentique d'exigence éthique. Non seulement elle crée de nouvelles valeurs pour la société, mais elle est devenue une source de revendication sociale. Si je revendique le fait d'être homosexuel ou musulman, je donne les clés pour expliquer comment je conçois le monde. Et je veux être reconnu en tant que tel. Ma quête personnelle d'authenticité ne vise pas l'exclusion, mais la reconnaissance sociale.

Cette quête de soi n'est-elle pas pur narcissisme ?

Le problème n'est pas de juger mais d'être réaliste. Ma thèse est que, si l'on veut comprendre nos sociétés, il faut faire référence à ce besoin d'authenticité. Prenons encore une fois le cas des homosexuels : le problème n'est pas de savoir s'il est bien ou mal qu'un homme aille jusqu'au bout de son désir pour un autre homme. L'important, c'est qu'il réclame le droit d'être reconnu en tant que tel. Il ne veut pas que la société l'entrave dans sa quête identitaire et il est prêt à se battre pour cela au sein de sa communauté.

Vous défendez le principe communautaire. Mais la communauté peut aussi être perçue comme une entrave, non ? Que faites-vous de ces jeunes musulmanes mariées de force ou obligées de se voiler ?

Bien sûr qu'il existe des communautés oppressives. C'est justement le rôle de l'Etat libéral de défendre les individus contre celles-ci. Mais il est absurde de penser que toutes le sont. C'est s'aveugler devant le fait que la solidarité communautaire sert souvent d'appui à la liberté des particuliers.

Comment analysez-vous le désengagement politique que l'on constate dans beaucoup de pays démocratiques ? Est-ce une conséquence de cette quête d'authenticité ?

Marcel Gauchet l'a bien montré : dans une société où la recherche d'authenticité devient la grille avec laquelle on voit le monde et la manière de coexister, on constate une perte d'engagement envers la chose commune, que ce soit au niveau des partis politiques, des syndicats ou de l'Etat. Il n'est donc pas surprenant de constater que dans nos sociétés, les taux de participation aux votes tendent à diminuer. Les Etats-Unis sont très en avance sur ce sujet puisque le taux d'abstention aux grandes élections nationales se rapproche de 50 %. Il est donc important de développer d'autres modes de fonctionnement sociaux. Jusqu'ici, nos sociétés reposent sur la loi, les coutumes, les codes. La négociation n'était qu'un ajustement pour éviter les blocages. Aujourd'hui, elle est obligatoire.

28/06/2007 - Propos recueillis par Catherine Golliau - © Le Point - N°1815

Le lien social est essentiel pour éviter que la société ne succombe, victime d'un repli de ses communautés sur elles-mêmes : c'est quand elles se sentent délaissées et exclues du débat politique qu'elles peuvent devenir violentes.

Amha, c'est quand elles ne savent pas s'en prendre à la propriété d'autrui qu'elles peuvent devenir violentes.

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Le mouvement communautariste est né dans les pays anglo-saxons en réaction aux thèses néolibérales qui voulaient réduire l'intervention de l'Etat et remettre en question les mécanismes collectifs de solidarité.

C'est vraiment malheureux que "l'un des plus grands philosophes vivants" ne sache pas faire la distinction entre solidarité et esclavage de masse :icon_up:

C'est ce que pensent les libéraux : l'égalité devant la loi est la solution à tous les problèmes.

Non, les libéraux pensent que l'inégalité devant la loi est absolument immorale et injustifiable. C'est très différent. Cela fait de l'égalité devant la loi une condition nécessaire pour résoudre les problèmes, mais pas suffisante.

À part ça, il est lucide et défend l'autonomie individuelle. C'est rare. Mais il y a une différence fondamentale entre l'égalité des chances et l'égalité des opportunités. Pas sûr qu'il l'ait compris.

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C'est vraiment malheureux que "l'un des plus grands philosophes vivants" ne sache pas faire la distinction entre solidarité et esclavage de masse :icon_up:

Non, les libéraux pensent que l'inégalité devant la loi est absolument immorale et injustifiable. C'est très différent. Cela fait de l'égalité devant la loi une condition nécessaire pour résoudre les problèmes, mais pas suffisante.

À part ça, il est lucide et défend l'autonomie individuelle. C'est rare. Mais il y a une différence fondamentale entre l'égalité des chances et l'égalité des opportunités. Pas sûr qu'il l'ait compris.

Je n'ai pas l'impression qu'il réclame plus de redistribution forcée.

Je comprends qu'il parle de l'individu dans une communauté qu'il a choisit, ou de laquelle il a le sentiment d'appartenir. Et qu'en cela, l'individu actuel se détache de la collectivité forcée que représente l'Etat.

Pour moi, c'est très bien ça, c'est dans l'individualisme bien compris, càd qu'un individu n'est pas qu'un atome, il a une histoire, un environnement, etc…

Quand il parle de coutumes, de traditions, etc… pour moi, ça ressemble à du droit en concurrence.

Moi, je vois plutôt là une destruction de l'Etat-Nation, ce qui a plutôt tendance à me réjouir.

Mais peut-être que je me trompe, le texte est assez vague.

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@Serge : D'abord, merci pour cet article, je n'avais jamais lu Charles Taylor, je le trouve vraiment intéressant. Et suis en grande partie d'accord avec ce que je lis là.

En ce qui concerne ton exemple des sous-traitants, ils ne sont pas une communauté. La création d'une communauté est du domaine du lien social. Ce n'est pas un processus entièrement rationnel. Si tu souhaites prouver qu'une communauté peut provoquer (dans un contexte de social-démocratie) des atteintes à la propriété, tu pourras aisément y arriver. Mais c'est une erreur de penser le communautarisme comme un outil rationnel pour provoquer ces atteintes anti-libérales. Ce qu'il dit, c'est que les communautés sont un fait, qu'elles sont même nécessaires, et que les ignorer, c'est se planter. Et il ne raisonne manifestement pas par rapport à une anarcapie mais par rapport à la situation d'aujourd'hui.

J'adhère vraiment avec sa réponse :

Le communautarisme est donc par définition antilibéral ?

Non, dire cela, c'est encore une fois caricaturer ce mouvement de pensée. Je ne suis effectivement pas d'accord avec les libéraux américains qui dans la foulée de John Rawls, l'auteur de « La théorie de la justice » qui a lancé le débat dans les années 70, assurent qu'une société peut fonctionner en reposant uniquement sur la liberté de l'individu et une redistribution des richesses considérée comme juste. Je pense, au contraire, comme Alexis de Tocqueville, l'un des grands penseurs du libéralisme politique, que tout pays a besoin d'une certaine cohésion et même d'un certain patriotisme : une société ne peut vivre harmonieusement sans l'engagement des individus dans des corps intermédiaires actifs qui les rassemblent autour d'un même idéal. Le lien social est essentiel pour éviter que la société ne succombe, victime d'un repli de ses communautés sur elles-mêmes : c'est quand elles se sentent délaissées et exclues du débat politique qu'elles peuvent devenir violentes.

… j'ajouterais que la violence n'est pas la seule conséquence d'un manque de liens communautaires : l'exclusion sociale aussi.

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… j'ajouterais que la violence n'est pas la seule conséquence d'un manque de liens communautaires : l'exclusion sociale aussi.

Thomas, j'avais relu ce fil avant de poster l'article sur Taylor… et je me suis rendu compte que tu n'avais pas répondu à ce message de marchange ( je suis chiant :icon_up: )

Si tu entends communautarisme comme "entraide au sein d'une communauté", je ne vois pas en quoi ça serait opposé à la liberté individuelle, bien au contraire.La formation de telles communautés est la conséquence directe du choix de ces individus, donc de leurs libertés individuelles.

J'espère que tu ne confonds pas liberté individuelle et égoïsme ou égocentrisme…

Alors ? :doigt:

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Thomas, j'avais relu ce fil avant de poster l'article sur Taylor… et je me suis rendu compte que tu n'avais pas répondu à ce message de marchange ( je suis chiant :icon_up: )

OK. Le communautarisme n'est pas seulement l'"entraide au sein d'une communauté" mais plus exactement l'"entraide obligatoire au sein d'une communauté". Ce ne sont pas des lois étatiques qui la rende obligatoire, mais la sanction vient de la réaction de la communauté. Le communautarisme s'oppose à la liberté individuelle, simplement, il ne s'agit pas de la définition particulière de la liberté utilisée par les libéraux. En fait si je n'ai pas répondu c'est que j'ai eu l'impression que marchange n'avait pas lu mon document. Parce que je crois avoir été clair, cf cette section.

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Tu peux avoir des micro-sociétés au sein d'une société plus vaste (c'est ce que les jacobins et les gens qui ont mal compris l'individualisme nomment avec effroi "le communautarisme"). Toujours est-il que des règles de vie existent dans chacune de ces sphères. Après, toute la question est de savoir si elles se recoupent, et quelles sont les règles les plus aptes à permettre la survie de cette société.

@RH, tu peux m'expliquer cette remarque ? Il y a un rapport avec ce que raconte Taylor ?

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Le communautarisme s'oppose à la liberté individuelle, simplement, il ne s'agit pas de la définition particulière de la liberté utilisée par les libéraux.

Pas sur de bien comprendre…

Il me semble que le communautarisme s'oppose à la perte de valeurs, au démembrement de la famille,… mais pas à la liberté individuelle. Tu n'as pas une autre formule, pour éviter la confusion ?

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Pas sur de bien comprendre…

Il me semble que le communautarisme s'oppose à la perte de valeurs, au démembrement de la famille,… mais pas à la liberté individuelle. Tu n'as pas une autre formule, pour éviter la confusion ?

Non, pas une formule, un sentiment. Dans un pays communautaire, tu ne peux pas te mettre à un café comme un simple anonyme à observer la vie des gens. Même dans la tasse de café il y a du lien social qui te surveille. Tu n'es libre dans aucun de tes gestes. Lorsque l'Etat contrôle si tu n'es pas déviant, il faut juste faire gaffe de temps en temps aux représentants des administrations qui passent. Dans un pays communautaire, t'es contrôlé par ta femme, tes enfants, tes voisins, ton quartier, les commerçants, toute la ville. Tu n'es pas et ne seras jamais émancipé. Notre liberté d'action est bien plus importante dans les social-démocraties à familles réduites et désunies : un employé s'acquitte de sa part à l'Etat (60%) et il fait ce qu'il veut du reste. Absolument ce qu'il veut. Et il peut s'habiller comme il veut. Et il peut écrire ce qu'il veut. Et il peut penser ce qu'il veut. Et il peut manger ce qu'il veut. Et il peut se lever quand il veut. Et il peut… Dans une communauté, on ne peut pas. S'il ne s'agit pas de liberté, je ne sais pas ce que c'est.

Les liens sociaux (communautaires) s'opposent à la liberté individuelle, mais non pas au libéralisme comme organisation de la société.

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Notre liberté d'action est bien plus importante dans les social-démocraties à familles réduites et désunies : un employé s'acquitte de sa part à l'Etat (60%) et il fait ce qu'il veut du reste. Absolument ce qu'il veut. Et il peut s'habiller comme il veut. Et il peut écrire ce qu'il veut. Et il peut penser ce qu'il veut. Et il peut manger ce qu'il veut. Et il peut se lever quand il veut. Et il peut… Dans une communauté, on ne peut pas. S'il ne s'agit pas de liberté, je ne sais pas ce que c'est.

Il peut écrire ce qu'il veut, sauf que Ségolène Royal couche avec Louis Shweitzer (?) et que François Hollande couche avec Anne Hidalgo.

Il peut penser ce qu'il veut, sauf que les homosexuels sont une aberration antinaturelle, que les Juifs n'ont pas été massacrés en masse, que le réchauffement climatique n'aura pas lieu.

Il peut s'habiller comme il veut, sauf comme l'autre sexe, ou sans vêtements, ou dans un style dépassé depuis plusieurs siècles.

Il peut se lever quand il veut, mais ce sont des syndicats qui décident à sa place des horaires de travail "acceptables".

Il peut manger ce qu'il veut, sauf des psilocybes ou du cannabis sativa.

Il peut acheter ce qu'il veut, sauf un AK47 ou du purin d'orties.

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Il peut s'habiller comme il veut, sauf comme l'autre sexe, ou sans vêtements, ou dans un style dépassé depuis plusieurs siècles.

… et s'il veut du chinois il doit payer encore un peu plus l'Etat.

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En fait, laffreuxthomas nous rejoue la carte "John Stuart Mill": les coutumes sociales sont oppressives; vive l'Etat qui peut émancier l'individu et le libérer de ses chaînes !

Le lien social est liberticide. Les Etats des pays développés, en détruisant ce lien, ont permis une liberté individuelle qui me paraît unique. En contrepartie, la société devient peu à peu inhumaine, la rationalité administrative remplace chaque jour un peu plus les liens humains. Contrairement à ce que tu me fais dire, je n'encense pas l'Etat. Et si j'hésite à aller vivre dans un pays pauvre, c'est parce que nos sociétés rationnelles me pèsent.

Si un jour les idées libérales cassent les sécurités administratives (notamment, les assurances maladie et chômage, plus la retraite) alors on peut imaginer que les individus s'appuieront plus sur leur entourage. A mon sens le libéralisme mène au communautarisme, et donc, dans l'absolu, à moins de liberté pour l'individu.

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A mon sens le libéralisme mène au communautarisme, et donc, dans l'absolu, à moins de liberté pour l'individu.

Le liensocial, c'est comme le marc dans le café, faut pas le boire, sinon, on met ses petits engrenages de la tête sans dessus-dessous et on écrit n'importe quoi.

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[…] un employé s'acquitte de sa part à l'Etat (60%) et il fait ce qu'il veut du reste. Absolument ce qu'il veut. Et il peut s'habiller comme il veut. Et il peut écrire ce qu'il veut. Et il peut penser ce qu'il veut. Et il peut manger ce qu'il veut. Et il peut se lever quand il veut. Et il peut… Dans une communauté, on ne peut pas. S'il ne s'agit pas de liberté, je ne sais pas ce que c'est. […]

Une fois emprisonné pour avoir consommé de la ganja, le prisonnier est libre.

Une fois sa maison détruite dans les bombardements, l'Irakien est libre.

Une fois ses jambes et ses bras coupés à la machette, le mutilé est libre.

Merci qui? Merci l'état!

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Une fois emprisonné pour avoir consommé de la ganja, le prisonnier est libre.

Une fois sa maison détruite dans les bombardements, l'Irakien est libre.

Une fois ses jambes et ses bras coupés à la machette, le mutilé est libre.

Merci qui? Merci l'état!

Certes.

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C'est vraiment malheureux que "l'un des plus grands philosophes vivants" ne sache pas faire la distinction entre solidarité et esclavage de masse

(…) Mais il y a une différence fondamentale entre l'égalité des chances et l'égalité des opportunités. Pas sûr qu'il l'ait compris.

Et il ne raisonne manifestement pas par rapport à une anarcapie mais par rapport à la situation d'aujourd'hui.

Faites gaffe les gars, ce type là, c'est pas un français.

Il connait son parfait petit libertarien sur le bout des doigts. Et -si !- c'est justement par rapport à une anarcapie qu'il réfléchit.

Par chez nous, on n'en est toujours à débattre de Althusser vs Aron, mais on a 20 ans de retard. Le débat qui va débarquer, c'est justement celui des libertariens vs communautariens. Taylor, c'est LE penseur sérieux qu'il faut affronter comme libertarien, parce que la pensée communautarienne s'est développée contre le libertarianisme.

Evidemment, du coté français, on ne s'interresse à Taylor que pour ses réfléxions sur le post-modernisme parce qu'on ne comprend pas vraiment à quoi il s'oppose vu qu'on ne connait pas le libertarianisme. Et comme il est sur une position en retrait par rapport à nos vieux marxistes, il ne fait pas vraiment de vagues.

J'ai le sentiment que Taylor regrette la perte d'engagement envers la chose commune ( parti politique, syndicat, Etat ).

C'est l'évidence même. Le communautarisme est une critique du libéralisme qui récupère les critiques conservatrices tout en les adaptant à la post-modernité. Et, parmi ses critiques, on retrouve bien entendu la critique de l'individualisme abstrait qui est depuis l'origine le point d'achoppement du libéralisme avec tous les autres courants. L'idée d'un individu universel coupé de son histoire sociale est perçue comme la cause du délitement de la société, le repli sur les préoccupations privatives menaçant le lien social.

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Le mouvement communautariste est né dans les pays anglo-saxons en réaction aux thèses néolibérales qui voulaient réduire l'intervention de l'Etat et remettre en question les mécanismes collectifs de solidarité.

C'est vraiment malheureux que "l'un des plus grands philosophes vivants" ne sache pas faire la distinction entre solidarité et esclavage de masse :icon_up:

Ouaip, j'ai eu la même réaction que toi sur ce passage. Sinon, globalement, j'ai trouvé le texte plutôt bien.

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Allez, en route pour le fisking, puisque tout le monde n'a pas l'air de mesurer la portée des propos de ce brave homme.

Le Point : Le communautarisme vise à promouvoir la représentation et les droits de groupes culturels ou ethniques.

Ca commence bien !

Cette reconnaissance ne conduit-elle pas inéluctablement à l'éclatement de la communauté nationale et à la violence ?

Charles Taylor : Vous avez en France une vision caricaturale du communautarisme. Si je me définis comme communautariste, ce n'est pas parce que je veux développer une floraison de communautés différentes à l'intérieur d'un Etat, si c'est cela auquel vous faites allusion. Je suis communautariste dans le sens où je pense que la solidarité entre les individus est importante et que la société n'est pas un ensemble indifférent d'individus : elle est un ensemble de communautés, visibles ou non.

Ce sont les communautés qui confèrent une existence politique aux individus.

Le mouvement communautariste est né dans les pays anglo-saxons en réaction aux thèses néolibérales qui voulaient réduire l'intervention de l'Etat et remettre en question les mécanismes collectifs de solidarité. C'est une réplique à ceux qui, comme Mme Thatcher, pensent que « la société n'existe pas, il n'y a que des individus ».

No comment.

Or cela ne correspond ni à la réalité ni aux problèmes auxquels sont confrontés les individus d'une minorité, par exemple les Maghrébins victimes de discrimination à l'embauche.

Le communautarisme est donc par définition antilibéral ?

Non, dire cela, c'est encore une fois caricaturer ce mouvement de pensée. Je ne suis effectivement pas d'accord avec les libéraux américains qui dans la foulée de John Rawls, l'auteur de « La théorie de la justice » qui a lancé le débat dans les années 70, assurent qu'une société peut fonctionner en reposant uniquement sur la liberté de l'individu et une redistribution des richesses considérée comme juste. Je pense, au contraire, comme Alexis de Tocqueville, l'un des grands penseurs du libéralisme politique, que tout pays a besoin d'une certaine cohésion et même d'un certain patriotisme : une société ne peut vivre harmonieusement sans l'engagement des individus dans des corps intermédiaires actifs qui les rassemblent autour d'un même idéal.

La grande question des communautariens, ce n'est pas celle des droits individuels et des institutions aptes à les défendre, mais celle de la cohésion du groupe social et des principes "spirituels" nécessaires à la maintenir.

Le lien social est essentiel pour éviter que la société ne succombe, victime d'un repli de ses communautés sur elles-mêmes : c'est quand elles se sentent délaissées et exclues du débat politique qu'elles peuvent devenir violentes.

Les intérêts et les désirs des différents groupes doivent s'exprimer dans le débat politique par les voies légitimes. Il n'y a pas de question à se poser sur la légitimité de ces intérêts de façon intrinsèque. La démocratie n'est qu'une forme de pacification de la guerre sociale inhérente à la coexistence des communautés.

Si elle est justement appliquée, la loi de la République ne suffit-elle pas à assurer l'égalité de tous ?

C'est ce que pensent les libéraux : l'égalité devant la loi est la solution à tous les problèmes. Un individu victime de discrimination à l'embauche parce qu'il porte un nom musulman vous répondra que son souci est de trouver du travail, et non d'engager des poursuites devant les tribunaux. Les communautés doivent disposer d'autres mécanismes de défense .

Mécanisme de défense = capacité à ne pas se faire "écraser" par une autre personne.

Les relations entre les individus étant inégaux en parallèle avec les rapports de dominations entre les communautés auxquelles chacun appartient, on rétablit l'égalité en les personnes en travaillant sur les rapports entre leurs communautés. On est à la source du politiquement correct et des lois genre discrimination positive. L'Etat a pour role de tripatouiller dans les tréfonds de la société afin de rééquilibrer les rapports entre les groupes plutot que de laisser aller les choses jusqu'au niveau où des individus doivent avoir recours aux tribunaux.

et de reconnaissance

:doigt: Ah ! La reconnaissance. Le coeur du post-modernisme.

Vous vous êtes rendu célèbre en 1989 en publiant « Les sources du moi », un livre où vous analysez les motivations de l'individu dans la société moderne et démontrez en fait qu'une seule chose l'intéresse : lui-même. On est loin du lien social…

Il faut bien l'accepter : l'individualisme a évolué. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, à l'époque de John Locke ou d'Adam Smith, il s'agissait pour l'individu de se définir et d'acquérir des droits par rapport à la société, aux Eglises, au pouvoir. Dans le même temps, sous l'influence de la Réforme, s'est développé un individualisme de responsabilité : l'homme libre face à Dieu. Depuis les années 60 se développe un troisième type d'individualisme : l'individualisme identitaire. Le sujet revendique le droit d'être lui-même, quel que soit l'objet de son désir (être artiste peintre, moine, homosexuel…) et le chemin pour aboutir à son accomplissement. Comme l'écrivait déjà au XVIIIe le philosophe allemand Herder, chaque être humain veut vivre en fonction de sa propre mesure. C'est ce que j'appelle la « quête d'authenticité ». C'est un véritable idéal moral, et à mon sens, une forme authentique d'exigence éthique. Non seulement elle crée de nouvelles valeurs pour la société, mais elle est devenue une source de revendication sociale. Si je revendique le fait d'être homosexuel ou musulman, je donne les clés pour expliquer comment je conçois le monde. Et je veux être reconnu en tant que tel. Ma quête personnelle d'authenticité ne vise pas l'exclusion, mais la reconnaissance sociale.

Si vous voulez emmerder un post-mod qui revendique le droit d'être lui-même, vous lui demandez comment il y a moyen d'être autre chose que soi-même :icon_up:

Je ne vais pas m'étendre parce que c'est super long. Mais en gros, tout rôle social nécessite une part de conformisme. Quand je vais à la banque, je m'attend à ce que le type derrière le guichet se comporte d'une certaine façon, et à vrai dire, je me fous de savoir quel type de musique il aime ou s'il a des problèmes dans sa famille. Je ne lui demande pas d'être lui-même, mais de me servir. Si tout le monde était vraiment "soi-même' en permanence, ce serait le bordel. Et par ailleurs, ca a deux conséquences, 1) les autres sont "obligés" de me reconnaitre et de respecter mon moi-même 2) Etre soi-même, c'est aussi être transparent, et là, ca devient franchement totalitaire.

(…) dans une société où la recherche d'authenticité devient la grille avec laquelle on voit le monde et la manière de coexister, on constate une perte d'engagement envers la chose commune, que ce soit au niveau des partis politiques, des syndicats ou de l'Etat. Il n'est donc pas surprenant de constater que dans nos sociétés, les taux de participation aux votes tendent à diminuer. Les Etats-Unis sont très en avance sur ce sujet puisque le taux d'abstention aux grandes élections nationales se rapproche de 50 %. Il est donc important de développer d'autres modes de fonctionnement sociaux. Jusqu'ici, nos sociétés reposent sur la loi, les coutumes, les codes. La négociation n'était qu'un ajustement pour éviter les blocages. Aujourd'hui, elle est obligatoire.

Cette idée de négociation est éminemment sympathique de prime abord, mais il faut s'en méfier parce que la question est "qu'est-ce qui est négociable ?" et la réponse post mod est "tout!" Il n'y a plus de droit universel, il n'y a que le résultat de négociation entre des individus. C'est la logique du contrat social, mais sans sa partie mythique d'une grande négociation universalisable établie une fois pour toute. Ce sont des tas de petits contrats sociaux passés par des individus en quête d'authenticité (ou les groupes constitués par ces individus, càd les communautés)

"Et si je n'ai pas envie de passer des contrats à gauche et à droite et que je préfère vivre chez moi comme un mysanthrope ?"

"Tu ne m'as pas l'air très authentique. De quoi as-tu peur ? Qu'est-ce qui te fait souffrir comme ça ?"

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"Tu ne m'as pas l'air très authentique. De quoi as-tu peur ? Qu'est-ce qui te fait souffrir comme ça ?"

[Obsession MBTI-esque]

C'est donc une doctrine pour les ENFP, ces communicants et acteurs narcissiques et versatiles, qui se targuent de toujours "être authentique". :icon_up:

[/Obsession MBTI-esque]

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