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La servitude libérale ?


Vincent

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Merci du rappel mais ne t'inquiète pas. Je n'ai jamais trouvé d'auteurs idéologiquement parfaits (à mes yeux), ce n'est pas non plus le cas de Burke, et Stirner n'en parlons même pas.

Mais pour défendre Constant néanmoins, l'époque joue pour lui. Bon c'est léger…

De toute façon, je serais le dernier à mettre ce grand esprit en posture d'accusé. Et je pense qu'il était impossible de proposer mieux à l'époque. :icon_up:

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http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-…1-946824,0.html

Jean-Claude Michéa : les dilemmes du libéralisme

LE MONDE DES LIVRES | 06.09.07 | 12h32 • Mis à jour le 06.09.07 | 12h32

Même s'il peut paraître aller dans le sens de l'opinion dominante en France, assez largement antilibérale, le livre de Jean-Claude Michéa représente un point de vue tout à fait original, qui a toutes les chances d'agacer, à gauche comme à droite.

Michéa se veut "socialiste" mais il doit fort peu à Marx et il n'a aucune nostalgie de la vieille politique progressiste ; en fait, il ne se veut même pas "de gauche", car il tient le clivage entre gauche et droite pour une dualité interne à la pensée libérale. Il se réclame de la tradition anarchiste, mais il est très éloigné des courants libertaires contemporains, qui sont pour lui le supplément d'âme de la modernité libérale ; il se veut comme Orwell "anarchiste tory", ce qui est une manière de revendiquer une identité "conservatrice" dans un pays où le conservatisme est l'ennemi privilégié de la droite comme de la gauche. Pis encore, il confesse sans état d'âme son "populisme", au risque de décourager les meilleures volontés libérales et-ou progressistes.

La thèse de Michéa peut être résumée de la manière suivante : le libéralisme n'est pas un courant particulier de la politique moderne, qui pourrait lui-même être subdivisé en courants divers, dont le libéralisme économique ne serait qu'une composante particulière : il y a au contraire une unité fondamentale du libéralisme, qui est au coeur de la modernité, et qui trouve finalement son "centre de gravité" dans l'expansion universelle de l'économie de marché et dans la croissance indéfinie de la production matérielle ; dans ce cadre, les revendications libertaires, qu'elles soient dirigées contre la morale traditionnelle ou contre les restes de l'Etat-nation, sont la pointe avancée de la modernisation et de la mondialisation : le libéralisme culturel est le supplément d'âme ou le complément naturel du libéralisme économique.

Le charme du livre vient d'abord de la grande élégance de la démonstration, qui s'appuie sur une vraie familiarité avec les grands penseurs libéraux. Après d'autres, Michéa montre que la logique libérale naît en fait avec la politique moderne elle-même, et singulièrement avec les guerres de religion, qui discréditent durablement l'idée que la politique aurait pour fonction d'instaurer le règne du Bien : l'Etat moderne devra s'émanciper de la religion pour se faire le protecteur des droits des individus, et le marché apparaîtra progressivement comme le cadre le mieux adapté à la pacification des relations entre les hommes.

De là, d'abord, la solidarité profonde liant le droit moderne - qui organise la coexistence des libertés sans prétendre créer les conditions de la vie bonne - à une anthropologie soi-disant réaliste mais en fait assez irréelle. Une telle anthropologie prétend dévoiler les ressorts cachés et inavouables de toute action plutôt que de se fier aux dispositions généreuses, ou altruistes, de l'humanité.

"HOMME NOUVEAU"

De là, ensuite, la force, dans la pensée moderne, de ce qu'on pourrait appeler un scepticisme dogmatique, qui au nom de la liberté et de l'égalité, refuse toute hiérarchie entre les fins que poursuivent les hommes. Or, cet égalitarisme sceptique, que Hobbes plaçait au fondement de l'Etat absolutiste, trouvera par la suite deux traductions, sociale et politique, sans doute plus adaptées à ses fins.

La première de ces traductions est l'économie de marché : on verra volontiers celle-ci comme le lieu d'un équilibre "mécanique" entre les volontés individuelles. Cet équilibre suppose aussi la dynamique indéfinie de la croissance pour tenter de satisfaire la soif d'acquisition que met en mouvement la généralisation de l'échange marchand.

La deuxième traduction de cette conception sceptique de la liberté et de l'égalité est sans doute la démocratie elle-même, contre laquelle Michéa ne craint pas de reprendre certaines des critiques de Platon. Selon l'auteur, le Grec aurait déjà reconnu, dans l'Athènes démocratique, impérialiste et commerçante, "certaines conséquences humaines du désir illimité d'accumuler des richesses et de la poursuite de l'intérêt égoïste" : on peut discuter cette critique, mais on doit reconnaître la justesse de l'idée qui fait du scepticisme le fondement de la démocratie - c'était la thèse, par exemple, du grand juriste positiviste Kelsen.

La période que nous vivons serait en quelque sorte l'aboutissement ultime de la logique libérale avec, d'un côté, l'extension de la sphère marchande et, de l'autre, la multiplication des conflits nés du relativisme moral moderne. Ces luttes se traduisent finalement par de nouvelles contraintes, visant à la création d'un "homme nouveau" toujours plus vigilant contre les conformismes passés et toujours plus conforme aux normes de la société nouvelle.

Le tableau que donne Michéa de cet Empire du moindre mal qui finit par ressembler au meilleur des mondes est souvent juste et parfois saisissant, parce qu'il est servi par un style alerte, qui tempère l'indignation par une ironie pleine de charme. On peut cependant lui adresser deux objections. Il est possible, en premier lieu, qu'il y ait une part d'illusion rétrospective dans l'idée d'une nécessité de l'évolution du libéralisme politique vers le pur et simple règne du marché ; on aurait pu tout aussi bien, il y a quelques dizaines d'années, prophétiser l'autodestruction de l'économie de marché en montrant que celle-ci avait fait naître une demande illimitée de protection des droits qui se traduisait par le progrès régulier de l'Etat-providence.

On peut aussi estimer que les thèses fondamentales du libéralisme (les droits, la limitation du pouvoir, la distinction de la société et de l'Etat) peuvent être articulées de différentes manières, dont certaines pourraient faire droit aux préoccupations d'un conservateur socialiste comme Michéa. Le philosophe polonais Lezsek Kolakowski a tenté jadis de montrer comment on pouvait être "socialiste-conservateur-libéral" : c'est peut-être là un oxymore, mais sans doute pas plus qu'"anarchiste tory".

L'EMPIRE DU MOINDRE MAL. ESSAI SUR LA CIVILISATION LIBÉRALE de Jean-Claude Michéa. Climats, 224 p., 19 €.

En librairie le 10 septembre.

Philippe Raynaud

Article paru dans l'édition du 07.09.07.

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Certainement pas. J'insiste: ce type dépeint (volontairement ?) le libéralisme avec les oripeaux du progressisme le plus absolu sans la moindre pertinence historique ou philosophique.

Tiens, encore une louche pour souligner l'incohérence inévitable de ce rapprochement:

De là, la tendance inéluctable des sociétés libérales contemporaines à interdire graduellement tout ce qui est jugé « politiquement incorrect » selon les rapports de force du moment. C’est ainsi que l’on glisse, sans la moindre solution de continuité, des idées généreuses d’un Constant ou d’un Tocqueville à celles d’Act Up ou des Indigènes de la République.

Exact, ce passage là montre simplement qu'il n'a rien compris au libéralisme.

Bref je vois pas grand chose de pertinent dans ce texte, et la dérive de certains libéraux vers le progressisme n'est pas la dérive du libéralisme en lui-meme

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Mise au point : je vous rappelle que ce gars parle des libéraux, pas du consensus entre les anarcaps sur lib.org…

Il emploie le terme "libéralisme". Si on accepte sa critique comme pertinente c'est donc que le terme a été totalement dévoyé et qu'on devrait meme plus l'utiliser.

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Tu sous-entendrais que le ver est dans le fruit ? :doigt:

Evitons de parler de ver, SVP… :icon_up:

Exact, ce passage là montre simplement qu'il n'a rien compris au libéralisme.

Bref je vois pas grand chose de pertinent dans ce texte, et la dérive de certains libéraux vers le progressisme n'est pas la dérive du libéralisme en lui-meme

Il emploie le terme "libéralisme". Si on accepte sa critique comme pertinente c'est donc que le terme a été totalement dévoyé et qu'on devrait meme plus l'utiliser.

Ce genre de réaction me rappelle quelque chose…

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Si les moyens employés par Act Up ou les Indigènes n'ont vraiment rien de libéraux, je n'en dirais pas tant de leur rétorique victimaire sur les "minorités" (ainsi que les faux-droits qui s'accompagnent) dont s'imprègnent certains libéraux progressistes selon moi (sous un autre vocabulaire certe).

Par ailleurs si l'on ne peut être entièrement d'accord avec les aproximations données par Michéa, on peut néanmoins les corriger, et à partir de là continuer ce débat entre nous. Du moins celui qui nous intéresse.

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Bref, si ce qu'il décrit peut être qualifié de "libéralisme de gauche", les travers qu'il condamne sont ceux du "de gauche" et pas du "libéralisme".

Le relativisme moral (je ne parle pas du droit -et encore- mais de la moralité) est bel et bien défendu par des membres de ce forum.

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Apparemment, il parle de "scepticisme dogmatique" et non de relativisme moral, ce qui ne me semble pas exactement la même chose. Idée que je trouve plus intéressante.

D'accord, admettons. Mais il n'empêche que son texte est bourré non seulement de strawmen mais aussi de slippery-slopes.

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Est-il si étonnant que ce soient les intervenants les plus proches de ce que Michéa met en lumière qui recourent à la dénégation systématique ? :icon_up:

Franchement, qui osera affirmer que le discours qu'il évoque ci-dessous n'a jamais été tenu sur ce forum ?

Mais le libéralisme exclut, par définition, tout appel à des vertus morales communes. Pour les libéraux la morale est, au mieux, une croyance privée qu’on ne pourrait chercher à universaliser qu’en portant atteinte à la liberté d’autrui. Dans ces conditions, les seules normes qui demeurent susceptibles d’accorder des individus, que tout oppose par ailleurs, seront forcément celles du marché. Elles sont, en effet, fondées sur le seul langage que les libéraux supposent commun à tous les êtres humains : celui de l’intérêt bien compris.
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Il fait quelques observations intéressantes, cependant sa critique, relevant du communautarisme, se base sur une interprétation au moins discutable du libéralisme illustrée en France notamment par Pierre Manent et esquissée pour la première fois par Leo Strauss, un penseur intéressant mais qu'on peut difficilement qualifier de libéral.

Il y a en effet beaucoup des libéraux contemporains qui pensent que le libéralisme se fonde sur un certain relativisme ou scepticisme moral, mais cela n'est pas l'avis de la majorité des grands penseurs libéraux. En fait, le noyau dur du libéralisme a pour fondement, grosso modo, la découverte de la société en tant que sphère autonome et autorégulatrice, la découverte de l'ordre spontané et par conséquent l'idée d'une certaine science de l'auto-organisation de la société qui rend inutile, voire nocive, la gestion politique, collective ou non, de la société.

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+ 1 à Magistre.

mais en effet ne nous leurrons pas : en dehors de ce far west qu'est lib.org :doigt: , la plupart des gens pensent que le libéralisme soit nie toute morale commune, soit s'assimile à l'égoîsme dans son acception la plus vile…

Quand je pense que je suis abonné au Point…. (mais j'i une excuse, c'est parce que j' ai acheté la Nespresso, l'abonnement était refilé avec…Je sais ça ne m'excuse pas hein :icon_up: )

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mais en effet ne nous leurrons pas : en dehors de ce far west qu'est lib.org :icon_up: , la plupart des gens pensent que le libéralisme soit nie toute morale commune, soit s'assimile à l'égoîsme dans son acception la plus vile…

En dépit des dénégations qui ne manqueront pas de ressurgir dans ce fil, ce sont pourtant des idées qui imprègnent nombre de libéraux - ici et ailleurs.

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:icon_up: ha, bon ? Qui ça, par exemple ?

C'est quoi le relativisme moral ? Dire qu'il n'y pas de morale absolue commune a tous ? Que notre morale est fonction de notre histoire personnelle et de notre education, et qu'elle varie d'un individu a l'autre ? Si c'est le cas il y a moi qui defend ca :doigt:

Enfin non je l'ai jamais defendu ici mais je pourrai. A la fois je suis pas bien sur de savoir ce que vous entendez par relarivisme moral, du coup je suis peut etre a cote de la plaque.

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Ben Roucou ou DomP par exemple (c'est vraiment pas gentil de demander une dénonciation :icon_up: ).

Ah je tiens à ce qu'on me rajoute dans la liste. Si le droit absolu une grande partie de la morale est relative.

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Ah je tiens à ce qu'on me rajoute dans la liste. Si le droit absolu une grande partie de la morale est relative.

Ce n'était évidemment pas une liste exhaustive. A vrai dire cette position me semble plus ou moins majoritaire sur le forum.

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Ben Roucou ou DomP par exemple (c'est vraiment pas gentil de demander une dénonciation :icon_up: ).

Mon cher Arn0u. Pour ma part, j'affirme qu'il n'y a pas de "morale universelle", je ne fais pas de "relativisme moral". J'ai bien une notion forte du bien et du mal mais elle ne rejoint pas forcément la tienne.

Rien à voir donc avec la position de cet abruti de Michéa.

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N'oubliez pas que les droits naturels tels que la non-agression, le respect de la propriété, la liberté d'expression sont censés être universels, donc reposent sur une morale… universelle.

C'est une fois qu'on sort de ce cadre que la morale devient privée, au sens où si chacun peut établir "sa" vision d'une hiérarchie des valeurs, on en reste nécessairement à un niveau infra-juridique: tout jugement de valeur ne peut être converti en terme de règle de droit universelle.

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N'est-ce pas Hayek qui chante les louanges du libéralisme car celui-ci n'implique aucune fin collective contrairement aux idéologies collectivistes ? (troll inside)

C'est exactement l'erreur fondamentale contre laquelle je m'insurge. Hayek le premier (mais pas le seul) explique que la morale ne peut être relative précisément parce que l'exercice libre de la morale et de la justice entraîne l'émergence du droit dans la société: cela démontre l'existence objective de la morale et de la justice.

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