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La Révolution française


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Messages recommandés

Refrain explicite du reste de la chanson: "Elle avait de bonnes intentions, la Révolution" …

Retenons également que "le fait de se promener cul nu n'est pas un brevet de vertu" :icon_up:

Rien de neuf : une chanson de la Révolution titrée Conseil aux sans-culottes :

Peuple français, rhabillez-vous

Ne tombez pas dans les excès

de nos faux patriotes.(bis)

Ne croyez pas qu'aller tout nu

soit une preuve de vertu

remettez vos culottes (bis)

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  • 2 months later...
Je pose une question candide d'ignare en la matière:

comment expliquer que l'Angleterre ayant pris la voie de la monarchie constitutionnelle et la France celle de la révolution aient des régimes aussi similaires aujourd'hui?

Belle question, à dire vrai, pas candide pour un sou.

La substitution des idées de démocratie de masse à celle de la Rule of Law en Grande-Bretagne y est sans doute pour quelque chose.

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Belle question, à dire vrai, pas candide pour un sou.

La substitution des idées de démocratie de masse à celle de la Rule of Law en Grande-Bretagne y est sans doute pour quelque chose.

L'influence de l'utilitarisme n'y est sans doute pas non plus étrangère.

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L'influence de l'utilitarisme n'y est sans doute pas non plus étrangère.

Absolument, mais à mes yeux c'est lié.

En fait, et pour abonder encore plus dans ton sens, je crois même que l'utilitarisme a favorisé l'essor de la démocratie de masse en Grande-Bretagne.

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Absolument, mais à mes yeux c'est lié.

En fait, et pour abonder encore plus dans ton sens, je crois même que l'utilitarisme a favorisé l'essor de la démocratie de masse en Grande-Bretagne.

En tout cas, utilitarisme et "sociale-démocratie pratique" (i.e. le régime actuel, basé sur le compromis) semblent indissociablement liés. :icon_up:

Peut-être est-ce dû à la perte du sens de la "communauté" sur la grande échelle, et au besoin de trouver tout de même un moyen de parvenir à un accord.

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En tout cas, utilitarisme et "sociale-démocratie pratique" (i.e. le régime actuel, basé sur le compromis) semblent indissociablement liés. :icon_up:

Peut-être est-ce dû à la perte du sens de la "communauté" sur la grande échelle, et au besoin de trouver tout de même un moyen de parvenir à un accord.

La recherche du consensus à tout prix est certainement ce qu'il y a de pire dans la démocratie. Plus personne n'ose affirmer que ses valeurs sont les bonnes, plus personne n'ose dire je fais ce que je fais parce que j'estime que c'est la seule chose qui doive être faite. Ce devrait être la qualité première de tout politicien honorable et c'est la différence entre une Thatcher et un Sarkozy.

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La recherche du consensus à tout prix est certainement ce qu'il y a de pire dans la démocratie. Plus personne n'ose affirmer que ses valeurs sont les bonnes, plus personne n'ose dire je fais ce que je fais parce que j'estime que c'est la seule chose qui doive être faite. Ce devrait être la qualité première de tout politicien honorable et c'est la différence entre une Thatcher et un Sarkozy.

En effet, beaucoup confondent souplesse et consensus mou.

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  • 3 weeks later...
Tête à tête

Le culte de la Révolution est mort

Entretien avec Patrice Guéniffey, historien, auteur de La politique de la terreur

Episode final de la Révolution, pour les uns, liquidation de celle-ci pour les autres : le 18 brumaire – et son principal acteur Bonaparte – sont l’enjeu d’une querelle apparemment savante mais hautement politique. Le débat sur la Révolution est-il condamné à se répéter sans cesse ?

Si je me suis intéressé à Napoléon, c’est bien pour échapper à ce débat qui me paraît complètement stérile, dès lors que la question a été tranchée au moment du Bicentenaire par la chute du communisme et la décomposition de la vulgate marxiste de la Révolution française, dont. le culte est mort aujourd’hui. On ne célèbre plus Robespierre et Saint Just. Celui-ci, dont le mythe a été fabriqué par l’historiographie révolutionnaire, est presque redevenu ce qu’il était à l’époque de la Révolution : un obscur. L’écroulement du mythe révolutionnaire explique d’ailleurs la fuite éperdue hors de ce champ d’études qu’on a pu observer, à l’échelle internationale, dans les années qui ont suivi le Bicentenaire.

C’est un peu moins vrai pour Robespierre…

Robespierre continue à fasciner ceux qui aiment la guerre civile.

Quoi qu’il en soit, l’héritage révolutionnaire ne se réduit pas à Robespierre. Que reste-t-il de la Révolution ?

Tout d’abord, ses principes les moins politiques : les droits de l’homme, le message humanitaire. D’où la révérence quasi-unanime qui entoure la figure de Condorcet : ami des femmes, ami des noirs, de la République, de l’Ecole, de la Science – bref, un ami de l’humanité et des lumières. Il n’était l’ennemi que de ses paysans : en affaires, il était impitoyable. Cela me rappelle ce que Mirabeau disait de son père : ami des hommes, mais ennemi implacable de ses propres enfants.

Le message humanitaire n’est peut-être pas toujours bien défendu par ceux qui s’en prévalent. Pour autant, il n’y a pas de quoi rougir de cet héritage.

Certainement. Mais dans le corbillon révolutionnaire figure aussi, même si la Révolution ne l’a pas inventé, ce qu’on peut appeler “l’esprit sans-culotte”, nourri par l’envie et le ressentiment. Cet état d’esprit se manifeste bien avant 1789 et bien après, puisqu’il imprègne bon nombre des mouvements sociaux actuels, alors que la théorie de la dictature jacobine et la philosophie fondée sur le sens de l’histoire sont mortes avec l’espérance révolutionnaire.

Quand on lit Alain Badiou, pour citer un seul nom, il n’est pas certain qu’elle soit morte.

Vous mettez le doigt sur un problème en partie sociologique, car l’université française, où le vent du radicalisme souffle encore, est le conservatoire des valeurs les moins libérales de la gauche, valeurs qui sont à peu près mortes dans le reste de la société. On a donc vu renaître, vers la fin des années 1990, à la faveur des circonstances et grâce au relais de l’altermondialisme, un discours révolutionnaire, infiniment moins sophistiqué que le léninisme, mais plus violent. Ce serait insulter la mémoire d’Althusser que de lui comparer Badiou !

L’humanitarisme et le ressentiment : vous êtes plutôt sévère à l’égard de notre passé et donc, pessimiste quant à notre présent.

La Révolution française est le moment où s’opère la conjonction entre compassion humanitaire et le ressentiment. C’est de ce mélange d’amitié fraternelle, de compassion pour les humbles et de ressentiment social très violent que naît la violence terroriste, indépendamment de toute construction savante ou idéologique. Et cette alliance très française entre la bienveillance humanitaire et la haine née du ressentiment social, continue à opérer. La France a encore ses sans-culottes. Cela ne veut pas dire qu’ailleurs la démocratie libérale provoque un moins grand désenchantement : c’est un phénomène général, jusque dans les pays venus récemment à la démocratie ; mais, dans la plupart des pays, si on n’espère pas grand-chose du libéralisme, on ne croit pas non plus à la révolution : c’est peut-être cela la définition de la démocratie parvenue à maturité. Personne n’y croit mais personne ne songe à la renverser. En France non plus, mais la passion révolutionnaire y subsiste sous la forme d’un fonds d’aigreur qui pourrait, un jour, pour peu que les circonstances s’y prêtent, nous valoir un de ces épisodes dont l’histoire française est prodigue.

Vous inscrivez Napoléon dans la continuité révolutionnaire. Il n’admirait pas vraiment la Révolution.

Il avait la nostalgie de l’Ancien régime et n’aimait pas la Révolution, en particulier dans ce qu’elle a de libéral – par exemple, il déteste les Constituants de 1789, auxquels il préfère les Conventionnels. Mais il n’aime pas beaucoup plus les Jacobins. En réalité, Napoléon méprise la plupart de ses contemporains, tout en considérant leurs engagements avec indulgence. Par delà ses préférences personnelles, il comprend l’importance des principes de la Révolution, en particulier de ses conquêtes sociales, c’est-à-dire de l’égalité. Il garantit l’égalité proclamée par la Révolution mais il liquide la liberté – telle est en somme sa mission historique. Et cela correspond à son jugement sur ce que les Français attendent. “La liberté, il s’en dégoûteront vite”, dit-il.

Comment expliquez-vous que ce personnage si peu français soit parvenu à jouer un tel rôle dans l’histoire de France ?

Sa force provient précisément de son extériorité par rapport à l’événement qu’il va dominer, au moment d’ailleurs où l’événement lui-même arrive à son stade terminal. Napoléon arrive en fin de course, quand plus personne n’a envie de la Révolution, au moment où, comme dit Anatole France, ceux mêmes qui ont fait la Révolution commencent à s’en lasser et trouvent qu’elle dure un peu trop longtemps. D’autre part, s’il ne croit pas aux principes humanitaires de la Révolution, il n’est pas non plus animé par le ressentiment de ses contemporains.

Non seulement il n’aime pas la Révolution, mais il n’aime pas tellement la France.

Il ne se sent pas français. Il est né à la périphérie, dans une terre rattachée à la France tardivement, l’année même de sa naissance. “Je veux être enterré auprès de ce peuple que j’ai tant aimé”, écrira-t-il dans son testament. Cela signifie bien qu’il ne considérait pas en faire lui-même partie. Cela dit, même s’il s’est construit dans sa jeunesse, et par rejet de la France, une identité de patriote corse, c’était une identité d’emprunt. Au fond, il n’était ni vraiment Corse, quoique né à Ajaccio, ni vraiment Français, quoique élevé sur le continent, et c’est pourquoi, en définitive, il sera partout chez lui.

Quand on vous lit, on aperçoit sans cesse l’ombre du général de Gaulle derrière Napoléon. D’ailleurs vous comparez explicitement le 13 mai 1958 au 18 brumaire, deux événements qui revêtent pour vous un coefficient positif. Vous aimez les coups d’Etat ?

Je dois avouer que oui, du moins un certain type de coups d’Etat. Du reste, les deux véritables instaurations de la République en France ont été les produits de coups d’Etat – car en dépit de sa dérive pseudo-monarchique, le Consulat est un régime républicain. Dans les deux cas, il s’agit de sortir d’une impasse politique mais aussi morale, de réconcilier et d’agir. Les débuts du Consulat et ceux de la Ve République sont deux périodes de réformes – et pas seulement d’annonces de réformes. Ce sont deux moments extraordinaires d’une histoire qui, depuis 1789, est traversée par une crise permanente. Cela dit, il n’est pas certain que le terme de coup d’Etat que j’emploie par commodité soit adapté. Je décrirai plus volontiers brumaire comme une élection par des moyens un peu brusqués. De fait, on ne parlera de coup d’Etat que rétrospectivement, quand le régime prendra un caractère autoritaire. Mais au début, tout le monde est satisfait. Bonaparte rassure les uns par son passé révolutionnaire et les autres par la modération dont il a fait preuve à l’égard des privilèges et de la religion en Italie. Autrement dit, comme de Gaulle le fera plus tard, il parvient à incarner les deux France et à en réconcilier les deux histoires.

Très provisoirement en ce qui concerne Napoléon. Si de Gaulle fonde un régime durable, il faudra attendre 70 ans après la fondation du Consulat pour que la République s’enracine à nouveau en France.

Quand de Gaulle arrive au pouvoir, 150 ans après la Révolution, la République est installée : quoi qu’il pense de celle-ci, la question du régime ne se pose plus. Quand Napoléon arrive au pouvoir, personne ne sait si le régime qui convient à la France est la monarchie ou la République. Il faut aussi faire la part des tempéraments. De Gaulle est beaucoup plus vertueux que Bonaparte. Chez celui-ci, il y a quelque chose de foncièrement despotique. Son modèle, c’est précisément le despotisme éclairé de Frédéric et Louis XIV, mais sans le garde-fou de la religion et de la tradition.

Napoléon et de Gaulle ont donc en commun d’être des Républicains de circonstance. Seriez-vous fasciné par les hommes à poigne ?

Ce qui est certain, c’est que l’un comme l’autre ne viennent pas de la politique mais du monde militaire. Ils ont été mêlés aux jeux politiciens mais ils incarnent quelque chose qui transcende les appartenances partisanes. Leur légitimité vient de la guerre ou, plus justement, du roman national. Tous deux ont la conscience très aiguë de ce que le service de l’intérêt général fera partie de leur destin et de leur gloire posthume. Bonaparte le sent dès la campagne d’Italie. Il sait que sa place dans l’histoire universelle et dans la mémoire des hommes sera en proportion de ce qu’il aura fait. Sans goût personnel pour la démocratie et la République, il consolide les conquêtes révolutionnaires, au point qu’après lui nul, ne peut plus les mettre en cause. De Gaulle avait-il un goût plus vif pour la République ? Et pourtant, lui aussi l’a rétablie au moment où elle semblait sur le point de sombrer. L’histoire de l’un comme celle de l’autre sont des aventures de la volonté éclairée par l’intelligence profonde de leur temps, un modèle du triomphe de la volonté sur la force des choses.

On vous sent nostalgique des époques héroïques, aussi tragiques aient-elles été.

Les grands événements et les grands personnages attirent forcément les historiens. C’est leur fonds de commerce. Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient nostalgiques des temps héroïques. Je suis comme mes contemporains : je dis pis que pendre du monde contemporain, mais je ne voudrais pour rien au monde revenir en arrière. Je manquerais d’air, même si parfois, j’ai l’impression d’étouffer, ici et maintenant.

On célèbre régulièrement le goût des Français pour l’Histoire. Mais en dehors de sa traduction en incantations télévisées et de rituels publico-publicitaires, on a plutôt l’impression que nous la fuyons à grandes enjambées.

Notre époque n’aime pas l’Histoire. Celle-ci s’est toujours écrite en réaction contre quelque chose. Au XIXe siècle, on cherche dans le passé les origines de la démocratie moderne. Les romantiques, eux, vont puiser dans le Moyen Age des arguments contre la Révolution française. Puis, au XXe, l’Histoire est convoquée pour illustrer ses propres “lois”, apporter sa pierre à l’eschatologie révolutionnaire, contribuer au dépassement futur de la société bourgeoise. Mais aujourd’hui que la démocratie n’a plus à combattre ni Ancien Régime ni communisme, l’Histoire a perdu ce qui avait été sa raison d’être. On peut vivre sans histoire. La mémoire s’est substituée à l’histoire, et la fonction sociale des historiens est aujourd’hui, en grande partie, de nourrir ce roman des origines. Le travail de l’historien – je parle du vrai – est en passe d’atteindre un degré d’inutilité absolue : c’est sans doute ce qui fait son charme.

On parle beaucoup du bonapartisme de Nicolas Sarkozy. Cette comparaison vous paraît-elle judicieuse ?

Il est aussi absurde de comparer Sarkozy avec Bonaparte que de comparer Hitler et Bonaparte. Au premier abord, Sarkozy appartient certainement au même type d’homo politicus que Bonaparte – énergie, volontarisme, charisme, souci des détails, manie du contrôle, suractivité même : la vie de Bonaparte est une course perpétuelle. S’il s’arrête, il meurt, et je crains que notre Président soit exposé aux mêmes risques. Pour le reste, comment filer plus loin la comparaison ? Bonaparte n’avait pas à demander l’autorisation de Bruxelles pour mettre en œuvre sa politique. C’est tout dire. Bonaparte était le chef d’un Etat, Sarkozy le maire d’une grande commune dont la capacité d’agir, si elle n’est pas nulle, est de fait limitée. Pour exercer cette fonction, nul besoin d’un Bonaparte ; nul besoin, même, d’un de Gaulle. L’apparition de ce type de personnage était étroitement liée à la mystique de la souveraineté, si puissante dans l’histoire française. Celle-ci s’étant délitée, il y a peu de chances de voir ce type de personnage réapparaître un jour, en tout cas ici. Du reste, nos contemporains ne le supporteraient pas. Il y avait en Bonaparte, comme dit Nietzsche, une synthèse de l’inhumain et du surhumain qui n’est plus de saison. Il manque certainement à Nicolas Sarkozy, si on songe à de Gaulle, l’assaisonnement de la grandeur, mais en cela, il est de son temps. Faut-il le regretter ? Bonaparte a réussi à faire croire aux bourgeois de 1800 qu’ils étaient la réincarnation des Romains de l’Antiquité, de Gaulle a réussi à faire passer les vaincus de 1940 pour des résistants : c’étaient assurément de merveilleux illusionnistes, mais des illusionnistes.

http://www.causeur.fr/le-culte-de-la-revolution-est-mort,582/2

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http://www.causeur.fr/le-culte-de-la-revolution-est-mort,582/2

On ne célèbre plus Robespierre et Saint Just. Celui-ci, dont le mythe a été fabriqué par l’historiographie révolutionnaire, est presque redevenu ce qu’il était à l’époque de la Révolution : un obscur.

C'est tout à fait caricatural, ce qui ne milite pas en faveur d'une grande crédibilité pour l'auteur de cet interview. 

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C'est tout à fait caricatural, ce qui ne milite pas en faveur d'une grande crédibilité pour l'auteur de cet interview. 

Pourrais-tu développer un chouilla? Robespierre et Saint Just continuent-ils d'exercer une fascination, ou bien ils n'ont jamais été les "obscurs" présentés ici?

Sinon, je trouve ce passage assez pertinent, qui explique la constance de la passion révolutionnaire française comme une synthèse du ressentiment et de la compassion, radicalisés sous un message humanitaire abstrait:

Robespierre continue à fasciner ceux qui aiment la guerre civile.

Quoi qu’il en soit, l’héritage révolutionnaire ne se réduit pas à Robespierre. Que reste-t-il de la Révolution ?

Tout d’abord, ses principes les moins politiques : les droits de l’homme, le message humanitaire. D’où la révérence quasi-unanime qui entoure la figure de Condorcet : ami des femmes, ami des noirs, de la République, de l’Ecole, de la Science – bref, un ami de l’humanité et des lumières. Il n’était l’ennemi que de ses paysans : en affaires, il était impitoyable. Cela me rappelle ce que Mirabeau disait de son père : ami des hommes, mais ennemi implacable de ses propres enfants.

Le message humanitaire n’est peut-être pas toujours bien défendu par ceux qui s’en prévalent. Pour autant, il n’y a pas de quoi rougir de cet héritage.

Certainement. Mais dans le corbillon révolutionnaire figure aussi, même si la Révolution ne l’a pas inventé, ce qu’on peut appeler “l’esprit sans-culotte”, nourri par l’envie et le ressentiment. Cet état d’esprit se manifeste bien avant 1789 et bien après, puisqu’il imprègne bon nombre des mouvements sociaux actuels, alors que la théorie de la dictature jacobine et la philosophie fondée sur le sens de l’histoire sont mortes avec l’espérance révolutionnaire.

Quand on lit Alain Badiou, pour citer un seul nom, il n’est pas certain qu’elle soit morte.

Vous mettez le doigt sur un problème en partie sociologique, car l’université française, où le vent du radicalisme souffle encore, est le conservatoire des valeurs les moins libérales de la gauche, valeurs qui sont à peu près mortes dans le reste de la société. On a donc vu renaître, vers la fin des années 1990, à la faveur des circonstances et grâce au relais de l’altermondialisme, un discours révolutionnaire, infiniment moins sophistiqué que le léninisme, mais plus violent. Ce serait insulter la mémoire d’Althusser que de lui comparer Badiou !

L’humanitarisme et le ressentiment : vous êtes plutôt sévère à l’égard de notre passé et donc, pessimiste quant à notre présent.

La Révolution française est le moment où s’opère la conjonction entre compassion humanitaire et le ressentiment. C’est de ce mélange d’amitié fraternelle, de compassion pour les humbles et de ressentiment social très violent que naît la violence terroriste, indépendamment de toute construction savante ou idéologique. Et cette alliance très française entre la bienveillance humanitaire et la haine née du ressentiment social, continue à opérer. La France a encore ses sans-culottes. Cela ne veut pas dire qu’ailleurs la démocratie libérale provoque un moins grand désenchantement : c’est un phénomène général, jusque dans les pays venus récemment à la démocratie ; mais, dans la plupart des pays, si on n’espère pas grand-chose du libéralisme, on ne croit pas non plus à la révolution : c’est peut-être cela la définition de la démocratie parvenue à maturité. Personne n’y croit mais personne ne songe à la renverser. En France non plus, mais la passion révolutionnaire y subsiste sous la forme d’un fonds d’aigreur qui pourrait, un jour, pour peu que les circonstances s’y prêtent, nous valoir un de ces épisodes dont l’histoire française est prodigue.

Il éclaire assez sur l'idiosyncrasie nationale vis-à-vis d'un désir de révolution inextinguible, malgré toutes les horreurs passées.

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Saint Just était tout sauf un inconnu au temps de la révolution, ou un obscur comme il l'écrit. Député de la Législative, de la Convention, membre du Comité de salut public, c'est suffisant, à à peine plus de vingt ans, pour être une grande figure de la Révolution. Ceci sans bien sûr porter le moindre jugement sur l'intéressé, que je ne porte vraiment pas dans mon coeur.

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Saint Just était tout sauf un inconnu au temps de la révolution, ou un obscur comme il l'écrit. Député de la Législative, de la Convention, membre du Comité de salut public, c'est suffisant, à à peine plus de vingt ans, pour être une grande figure de la Révolution. Ceci sans bien sûr porter le moindre jugement sur l'intéressé, que je ne porte vraiment pas dans mon coeur.

Merci pour cette précision. Je n'avais aucun doute sur ton jugement quant au fanatisme terroriste des ultra-jacobins, mais sur le sens du terme "obscur", que de mon côté j'interprétais comme une dénotation d'obscurantisme et non pas dans le sens d'inconnu ou de médiocre. C'est bien en ce premier sens d'un retournement des Lumières contre elles-mêmes que l'usage d'"obscur" me paraissait adéquat et non pas au sens du second, qui justifie ta remarque.

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Je me suis fait la même réflexion que toi, mais la lecture du contexte de cet entretien, ainsi que l'intégralité de celui-ci, me font pencher en faveur de mon interprétation. Et puis il écrit "dont le mythe a été fabriqué par l’historiographie révolutionnaire", ce qui sous-entend que ce sont les historiens qui, a posteriori, ont donné à Saint Just une renommée certaine. Ce qui est faux. Si les Soboul et sonsorts n'ont jamais caché leur sympathie pour lui, il était et reste de fait une figure de la Révolution.

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