Aller au contenu

Comment expliquer les Trente Glorieuses ?


txomin

Messages recommandés

- Encore une fois la reconstruction oui mais elle est terminée en 1950, le niveau de PIB en volume de 1938 est dépassé dès 1950. Ensuite, c'est bien du progrès. 15 années exceptionelles malgré un étatisme croissant, alors ????

Mes connaissances en économie sont ridicules, aussi je propose une analogie maritime : une fois qu'un paquebot est lancé, il met longtemps à s'arrêter, même lorsqu'on met les machines en marche arrière.

Lien vers le commentaire
La série du PIB vient de Toutain J.-C., « Le produit intérieur brut de la France de 1789 à 1982 », Cahiers de l’ISMEA n°15, 1987. Je ne connais pas les méthodes utilisées, il y a des chances pour que ce soit des retraitements des données obtenues à l'époque par la Statistique Générale de France (ancêtre de l'INSEE).

Je ne sais ce qui choque dans les données du début du siècle, les années 20 sont marquées par les crises monétaires, alors que la "Belle Epoque" est celle de la reprise après la longue dépression qui commence en 1882…

Tu ne vois pas ce qui choque? Les séries statistiques que j'ai mises en gras sont complétement erratiques!!!! Il y a de tels écarts de variations du PIB chaque année qu'il faut croire que la France des années 1900/1913 et 1920/1929 était plongé dans le chaos politiquement et financièrement parlant.

Effectivement, le PIB n'existe QUE depuis l'INSEE, et sa mesure a démarré après la seconde guerre mondiale. De fait, avec le temps écoulé entre les périodes que j'ai citées et celles où on a évalué leur PIB, avec les très probables limites en terme de données comme en terme de méthodologie pour reconstituer le PIB d'il y a 50 ans, sans omettre le fait que la part des richesses d'une économie non prises en compte dans le PIB a certainement beaucoup évolué entretemps, je pense qu'il n'est pas pertinent du tout de réaliser des comparaisons sur, par exemple, les périodes 1840/1870 et 1945/1975.

Lien vers le commentaire

Le coté erratique des taux de croissance n'est pas illogique dans une économie très peu socialisée. En 1913, les dépenses de l'Etat représentent 13 % du PIB. Lorsque l'activité économique est défavorable il n'y a pas cet "amortisseur" que constituent les dépenses de notre Etat actuel qui, quoi qu'il se passe dépense.

Les années 20 sont effectivement celles d'un chaos économique en France. Les dettes de guerre représentent plus de 200 % du PIB, l'Allemagne ne paye pas (occupation de la Ruhr), avant que le moratoire Hoover pour les dettes inter-alliés et l'inflation pour la dette intérieur permettent de solder les dépenses de la guerre.

Naturellement, ces chiffres ne sont qu'une approximation, aujourd'hui encore l'INSEE révise parfois ses chiffres avec plusieurs mois de retard. Cet indicateur est forcément imparafait mais il n'est pas besoin d'être statisticien pour constater que pendant les Trente Glorieuses, la croissance a été, dans tous les pays du monde, exceptionnellement forte. Elle permet de faire rentrer la France dans la société de consommation de masse.

Ce n'est pas parceque ce constat est difficile à expliquer lorsque l'on prône la réduction du poids de l'Etat qu'il faut le nier.

A ce négationnisme, je préfère identifier des facteurs explicatifs (ce qui a été commencé ici) qui permettent de réfuter l'exemple massue des statophiles.

L'argument de l'élan (momentum) du paquebot ne me semble pas pouvoir être rejetté.

Lien vers le commentaire
Le coté erratique des taux de croissance n'est pas illogique dans une économie très peu socialisée. En 1913, les dépenses de l'Etat représentent 13 % du PIB. Lorsque l'activité économique est défavorable il n'y a pas cet "amortisseur" que constituent les dépenses de notre Etat actuel qui, quoi qu'il se passe dépense.

Les années 20 sont effectivement celles d'un chaos économique en France. Les dettes de guerre représentent plus de 200 % du PIB, l'Allemagne ne paye pas (occupation de la Ruhr), avant que le moratoire Hoover pour les dettes inter-alliés et l'inflation pour la dette intérieur permettent de solder les dépenses de la guerre.

Je sais tout ça, mais c'est trop court pour expliquer des variations absolument chaotiques d'une année sur l'autre et presque tous les ans. Je souhaite surtout qu'on cesse d'utiliser les taux de croissances du PIB moyens pour comparer des périodes où on l'utilisait et des périodes où on ne l'utilisait pas.

Maintenant je vais donner quelques réponses à ta question: pourquoi enregistre-t-on une période longue de forte croissance au cours des trente glorieuses dans les pays d'Europe de l'ouest? Regardons simplement ce qui caractérise la période.

1/ Pas de guerre, situation diplomatique stabilisée (la Guerre Froide n'est restée qu'une menace, et quand elle a donné lieu à des conflits c'était loin d'Europe). Moindre risque d'instabilité internationale.

2/ La détente en Europe de l'ouest s'accompagne d'accords d'échanges internationaux = plus de débouchés pour les productions. Mais en elle-même cette explication ne vaut que parce qu'elle s'accompagne de

3/ Un fort développement de la société de consommation: produits nouveaux révolutionnant la sphère domestique, disponibles dans un réseau de distribution largement élargi car la mobilité des individus s'accroît avec le développement de l'auomobile.

4/ Plus généralement, cette période voit la poursuite du phénomène des "distances raccourcies" (en terme de temps nécessaire à les couvrir) avec l'essor des technologies du transport et télécommunications

5/ En amont du point 4/, on peut avancer que les 30 Glorieuses ont eu lieu "à ce moment-là" car les sciences et techniques ont permis de deverser énormément de produits à fort potentiel "à ce moment-là", tout comme elles ont eu beaucoup d'applications en terme de mobilité et de communications.

6/ Les 30 Glorieuses sont aussi une période de forte tertiarisation de l'économie, laquelle est très créatrice de VA. L'entreprise connaît une forte mutation organisationnelle.

7/ (à développer) quid du rôle de l'intermédiation financière à cette période?

STOP c'est l'heure du match :icon_up:

Lien vers le commentaire
- Encore une fois la reconstruction oui mais elle est terminée en 1950, le niveau de PIB en volume de 1938 est dépassé dès 1950. Ensuite, c'est bien du progrès. 15 années exceptionelles malgré un étatisme croissant, alors ????

N'importe quoi. Ce n'est pas parce que beaucoup de gens avait retrouvé un toit, que toutes les traces de la guerre avaient disparu (le retard était considérable dans tous les domaines*). Les "30 glorieuses" sont justement le laps de temps pendant lequel le pays s'est remis péniblement des dégâts de la guerre.

*Très peu de salles de bains dans les maisons, téléphone déplorable jusqu'à la remise à plat de FT dans les années 70 (cf le sketch de Fernand raynaud, "le 22 à Asnières"), réseau routier lamentable, économie essentiellement agricole jusqu'au début des années 60, etc.

Lien vers le commentaire

J'aimerais quand même insisté à nouveau sur une chose en ce qui concerne les 30 glorieuses. Il n'est pas dans mon intention de nier les grands progrès qui ont été accomplis pendant cette période pour pouvoir me réfugier dans la certitude confortable que l'Etat est, comme prévu, le mal absolu.

Mais, de façon complètement objective, il faut absolument avoir à l'esprit que la période des 30 glorieuses est très ambivalente. Si les taux de croissance affichés sont effectivement impressionants, cette croissance repose sur un déséquilibre qu'elle va payer cher: l'inflation. On ne peut pas porter un jugement équilibré sur la croissance des 30 glorieuses si on isole ses taux de croissance du contexte historique dans lequel s'insère cette période: les 30 glorieuses suivent la seconde guerre mondiale et finissent dans la stagflation. Ainsi il ne faut pas réfléchir sur les 30 glorieuses sans tenir compte du fait qu'elles débouchent sur une crise économique (et morale au moins aux Etats Unis) profonde qui n'a fait que révéler les déséquilibres sur lesquels reposait la croissance de cette période.

Cela semble indiquer que la prospérité des 30 glorieuses était en partie soutenue artificiellement par l'inflation qui n'était que la conséquence logique des politiques keynésianiste suivies par les gouvernements de l'époque. Il est même possible à mon avis de soutenir que la prospérité s'est écroulée quand il n'a plus été possible d'accélérer suffisamment l'inflation pour pouvoir maintenir la croissance: l'inflation avait peu à peu détruit détruit les mécanismes de coordination du marché, ce qui ne pouvait que mener à des ajustements douloureux: chômage+inflation+croissance molle.

Il est aujourd'hui assez bien établi (me semble-t-il) que la croissance des 30 glorieuses ne s'est pas seulement arrêtée à cause d'un choc exogène (le choc pétrolier) mais bien en raison des déséquilibres sur lesquels elle reposait et à l'orgine desquels l'Etat est loin d'être étranger…

Lien vers le commentaire

Les "30 glorieuses" ne sont pas juste le laps de temps pendant lequel le pays s'est remis péniblement des dégâts de la guerre. Avant guère, la France n'est pas dans la société de consommation, c'est un pays rural et souvent même arriéré. Il y a progrès pendant cette période.

Il faut bien distinguer le phénomène observé : fort développement de la société de consommation, "distances raccourices"… des éventuels facteurs explicatifs.

Facteurs explicatifs : La paix, innovations de procédés qui apparraissent dans ces années là (les innovations de produits sont d'avant-guerre), l'ouverture des frontières, la notion de tertierisation de l'économie qui accélère la croissance…

L'idée d'une croissance déstabilisatrice qui s'achève dans les trente piteuses est intéressantes: quels sont les déséquilibres (induits par l'étatisation) qui expliquent la croissance puis la stagnation ?

Cela ne semble pas être l'inflation.

Dans l'histoire, avec les données dont nous pouvons disposer, il ne semble pas exister de lien entre forte croissance et inflation. D'ailleurs la relation théorique entre les deux est très discutable car elle suppose l'irrationalité des agents qui seriaent victimes de l'illusion monétaire.

Année Croissance Inflation

1813 22,47% -17,83%

1814 21,60% -17,25%

1815 -27,63% 39,04%

1818 9,68% -17,78%

1819 11,23% -16,57%

1820 13,56% -10,95%

1821 5,14% -1,68%

1822 3,51% -5,71%

1823 11,79% -0,30%

1840 9,18% -1,69%

1841 11,75% -6,52%

1856 6,45% 1,68%

1857 6,61% -6,50%

1880 6,39% 4,08%

1881 4,46% -0,19%

1882 7,53% -2,24%

1888 6,38% -3,98%

1889 5,22% 1,49%

1896 7,22% -1,27%

1897 6,69% -0,86%

1906 8,07% -0,78%

1907 3,30% 5,30%

1922 21,04% -3,85%

1923 9,38% 11,00%

L'inflation de cette période est très forte avant la stabilisation Pinay de 1952, et à la fin de la période après le choc éptrolier. Les taux d'inflation ne sont pas astronomiques le reste du temps.

Les taux de croissance du PIB et de l'inflation:

1945 9,40% 48,35%

1946 53,60% 52,56%

1947 9,27% 49,19%

1948 8,34% 58,70%

1949 14,18% 13,18%

1950 6,59% 10,00%

1951 8,19% 16,27%

1952 4,22% 11,89%

1953 5,17% -1,68%

1954 5,46% 0,43%

1955 6,17% 0,92%

1956 5,76% 4,21%

1957 9,31% 3,02%

1958 0,35% 15,10%

1959 2,47% 6,14%

1960 6,70% 3,64%

1961 5,98% 3,29%

1962 6,53% 4,81%

1963 6,87% 4,90%

1964 7,55% 3,14%

1965 4,74% 2,77%

1966 5,31% 2,80%

1967 5,16% 2,72%

1968 4,10% 4,41%

1969 7,12% 6,48%

1970 6,04% 5,29%

1971 5,59% 5,53%

1972 5,22% 6,19%

1973 6,71% 7,17%

1974 1,33% 13,81%

1975 0,80% 11,76%

1976 5,60% 9,70%

1977 3,18% 9,30%

1978 4,36% 9,05%

1979 2,47% 10,82%

1980 -0,66% 13,51%

1981 -0,61% 13,40%

1982 2,77% 11,82%

1983 1,94% 9,62%

1984 1,48% 7,41%

1985 1,69% 5,83%

1986 4,43% 2,66%

1987 1,92% 3,14%

1988 4,78% 2,69%

1989 3,76% 3,61%

1990 1,68% 3,37%

1991 0,15% 3,20%

1992 1,24% 2,42%

1993 -1,19% 2,08%

1994 1,85% 1,67%

1995 1,78% 1,73%

1996 0,78% 1,97%

1997 2,00% 1,23%

1998 3,77% 0,69%

1999 2,48% 0,54%

2000 3,89% 1,69%

2001 2,16% 1,63%

2002 1,54% 1,92%

2003 0,87% 2,09%

2004 1,63% 2,13%

2005 1,25% 1,77%

Lien vers le commentaire

Je n'aime pas trop cette batterie de chiffres: ils sont censés signifier quoi exactement ? Ce sont des agrégats de moyennes qui sont certes intéressants pour avoir une idée de ce qui se passe mais qui, par leur nature même, ne sont qu'une image très grossière de la réalité. A mon sens ils peuvent même être très piégeux car les agrégats masquent les mécanismes fondamentaux du changement: un niveau général des prix a peu de signification. C'est même d'une certaine manière une régression: raisonner en terme de lien entre PIB et inflation (macroéco), c'est nier les apports de l'économie moderne qui repose sur des raisonnements à la marge et non sur des moyennes. Les mécanismes du changement sont déclenchés par des évaluations marginales relatives et non pas sur des moyennes absolues.

Bref je m'arrête sur ce point: c'était juste pour relativiser un peu les enseignements que tu tires des chiffres et de certains raisonnements macro.

Pour revenir à nos moutons, parlons un peu d'inflation. Tu considères que les taux ne sont pas astronomiques, c'est ton avis personnel… en plus tu passes sous silence l'influence sur leur calcul que peuvent avoir les contrôles de prix. Prenons plutôt une mesure plus intéressante de l'inflation. On peut considérer sans trop de peine que, dans un système de change fixe (Bretton Woods), une dévaluation de la monnaie est bien le signe d'une perte de valeur de la monnaie, c'est à dire d'une inflation. Combien de dévaluations pour la France entre 1945 et 1969 ? 9 dévaluations du Franc (de mémoire) soit en moyenne une tous les 2-3 ans. Alors, l'inflation est raisonnable ? En 1971, le système de Bretton Woods meurt de fait. Pourquoi ? A cause des tensions inflationnistes entre les différents pays. Ainsi soutenir que l'inflation est un problème surestimé pour comprendre les 30 glorieuses me semble être en contradiction complète avec les faits.

Deuxième question, quel est le lien entre l'Etat et l'inflation ? C'est assez simple. Il y a trois moyens de financer l'augmentation des dépenses publiques: augmenter les impôts (impopulaire), s'endetter ou utiliser la création monétaire. Pendant les 30 glorieuses la création monétaire a été l'un des moyens de financement des dépenses de l'Etat en faveur des fonctionnaires ou des entreprises nationalisées (qui étaient nombreuses). De ce fait l'Etat a modifié les flux de revenus à l'intérieur de la société en faveur de certains intérêts qui n'auraient sans doute pas pu jouir du même niveau de revenus dans un marché libre. En soutenant des projets non rentables (ex:Plan calcul, concorde, meccano industriel), un phénomène de malinvestissement se crée qui induit une distorsion artificielle de la structure des prix relatifs. L'allocation des ressources est alors faussée en faveur de certains projets non profitables. Il se forme alors une sorte de bulle inflationniste qui conduit certaines personnes vers des emplois qui n'existent que parce que la demande relative pour les biens particuliers est provisoirement accrue en raison de la création monétaire. Par la suite, ces emplois doivent disparaître dès que l'augmentation de la quantité de monnaie cesse.

Ainsi tant que les gains de productivité sont importants, la bulle inflationniste peut être soutenue (au prix de nombreuses injustices tout de même: il y a des gagnants et des perdants…). Mais dès que les gains de productivité s'épuisent, l'inflation a mis en route un mécanisme infernal qui ne peut se résoudre que dans une crise.

Or il est tout à fait intéressant de noter qu'à partir du milieu des années 60 au moins, les gains de productivité commencent à diminuer (le taylorisme et le fordisme trouvent leurs limites). Dès lors l'inflation va prendre le dessus et détruire la croissance: il n'est plus possible de maintenir l'inflation et la croissance. Un ajustement est nécessaire: le chômage…

Pour essayer d'être le plus clair possible, je soutiens deux choses:

1) il y a bien eu croissance pendant les 30 glorieuses en raison de facteurs structurels (gain de productivité, développement des échanges) et de facteurs conjoncturels (reconstruction et rattrapage technologique des USA)

2) la croissance repose sur un déséquilibre très clair: l'inflation qui provient de l'action de l'Etat. Ce déséquilibre ne pouvait que déboucher à terme sur une crise économique douloureuse.

Conclusion: la croissance des 30 glorieuses a eu des effets tout à fait positifs mais on ne peut pas les apprécier sans tenir compte des problèmes qu'ils ont engendrés.

Lien vers le commentaire

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...