LeSanton Posted May 30, 2008 Report Share Posted May 30, 2008 Damasio a fait plusieurs livres de vulgarisation et surtout un gros paquet de publications scientifiques, articles ou directions d'ouvrages collectifs. Le mieux est de les lire et de les réfuter le cas échant. Bob soulignait simplement que des scientifiques reconnus comme tels étudient la compassion, donc que la proposition selon laquelle la science ne peut pas étudier la compassion est factuellement fausse. Qu'elle soit épistémologiquement vraie ou fausse, c'est un autre débat, mais il faut au minimum reformuler la proposition (cf. ci-dessus). Damasio n'est pas la science. Aucun scientifique n'est la science, et ils sont suffisamment souvent en désaccord entre eux, on le voit bien sur le réchauffement climatique pour ne citer que cela. Ce que le scientifique (le scientifique respectant les principes et l'esprit de la science) étudie est ce qu'il peut observer et isoler physiquement et il est illusoire pour un scientifique sérieux de dire qu'il va entreprendre de découvrir "les sentiments" dans le corps humain. Ce n'est certainement à ce niveau qu'a dû se situer la démarche de Damasio, ce serait par trop stupide, à moins que ce soit un idéologue scientiste, biensûr! (ça existe!). On ne pourra pas progresser par des témoignages introspectifs personnels. Si je vous dis : "allons donc, étudier scientifiquement le soleil, quelle folie, il suffit d'avoir vu un magnifique coucher de soleil sur une plage bretonne pour comprendre que la science ne mène à rien en ce domaine", je pense que vous aurez du mal à me suivre dans les implications de ma proposition (à savoir qu'il est inutile ou infondé de vouloir étudier le soleil par la science). Eh bien les sentiments ou émotions, c'est pareil : il ne suffit pas de dire ce que l'on en pense personnellement. Analogie boiteuse: on peut voir le soleil. D'autre part, s'il faut taire sa raison et admettre que tout n'est que science par axiome, appelons ça science mal comprise. Voilà des choses plus intéressantes. Votre idée que le sentiment commande le neurone est assez problématique. En effet, de nombreuses observations ont montré que la conscience d'un sentiment (permettant au sujet de dire "j'ai peur" par exemple) est précédée et non suivie de nombreuses activations neuronales non conscientes chez le sujet, activations qui ne sont pas aléatoires (mais se situent dans les aires cérébrales que la neurobiologie attribue à la formation de la peur, dans cet exemple). Cela vous oblige à mon sens à définir plus précisément un sentiment : s'il commande les neurones au lieu d'être simplement produit par eux, c'est qu'il se situe avant eux. Mais où au juste ? En quoi ce que le sens commun appelle "peur" est indépendant des / préalable aux neurones qui la produisent ? Ce seraient les neurones qui auraient peur? Où au juste, mais pourquoi voulez-vous absolument situer cela quelque part physiquement, ce serait déja arriver à la conclusion que ça existe quelque part, non? Link to comment
CMuller Posted May 31, 2008 Report Share Posted May 31, 2008 (…) vous admettez que la science ne prend pas en compte la compassion, mais vous en demandez une théorie qui le justifie… Non, c'est le contraire (cf. recherche Bob) : "La science étudie la compassion" est une proposition vraie (factuellement), puisque la compassion fait l'objet de publications dans des revues scientifiques. Il n'y a pas de "théorie" nécessaire à élaborer pour comprendre et admettre que la science ne saurait sérieusement prétendre que l'origine d'un sentiment n'est pas présent physiquement dans l'organe. Eh bien si, justement (quoique votre double négation est ambigue). Pour être plus précis : la science pose que telle ou telle aire cérébrale est la condition nécessaire à la production d'une émotion ou d'un sentiment. Non suffisante bien sûr (le système nerveux est à entrée/sortie, il faut aussi l'entrée ou le stimulus c'est-à-dire la situation qui, dans le répertoire de l'espèce observée et le parcours de vie de l'individu analysé, va co-produire l'émotion ou le sentiment). Si cette approche vous semble infondée, il faut expliquer en quoi elle le serait. Auriez-vous une théorie sur la présence physique de l'idée dans le cerveau, sur la présence physique du beau dans les glandes expliquant la création du plafond de la chapelle sixtine? On est très loin d'en être à ce stade (pour un modèle de l'idée ou du sens esthétique), mais c'est bien sûr l'horizon des sciences de l'esprit pour ce siècle. Pour le coup, presque tous les chercheurs en neurosciences sont d'accord là-dessus, produire un modèle le plus complet possible du cerveau humain à tous les niveaux où celui-ci peut être décrit. Et ce modèle inclut les traits dont nous parlons ici. Les épistémologies purement dualistes posant l'irréductibilité du monde des représentations au monde physique n'ont presque plus aucun défenseur à ma connaissance (mais il y a d'autres débats). En tout état de cause, c'est au terme du processus de recherche que l'on jugera le résultat, ou du moins à chacune de ses étapes puisqu'il n'y a pas de terme, il n'y a pas de raison a priori de stopper ce processus ou de préjuger de ses découvertes. Les progrès réalisés depuis trente ans dans la compréhension de l'esprit-cerveau sont suffisamment probants pour continuer dans cette voie, on sort quand même de la "boite noire" behavioriste, c'est-à-dire de très très loin. Link to comment
LeSanton Posted May 31, 2008 Report Share Posted May 31, 2008 Non, c'est le contraire (cf. recherche Bob) : "La science étudie la compassion" est une proposition vraie (factuellement), puisque la compassion fait l'objet de publications dans des revues scientifiques. Encore faut-il s'entendre sur les termes: la compassion y est assimilée à l'empathie ou simplement rangée dans les émotions. Ce qui est absent est ce que signifie la compassion, du point de vue du sens, au-delà des manifestations physiques. Ce que la science n'étudie pas, elle étudie ce qu'elle nomme compassion, qui ne peut être pour elle que physique dans les neurosciences, par postulat (elle ne peut trouver que dans son champ d'étude). Autrement dit, elle est déterminée à n'y trouver qu'un aspect organique, elle ne peut faire autrement.Par contre, le sens qu'un penseur peut trouver à ce mot n'est pas réfutable au sens où l'entend la science mais sur celui de l'analyse des concepts, ici de l'ontologie humaine. La religion chrétienne rattache ce mot à la nature donnée à l'être humain par le Créateur, capable de compassion pour autrui, c.a.d d'amour pour son prochain, son semblable. C'est discutable, mais sur le plan des idées, de la pensée. Ce n'est pas discutable pour les neurosciences car tout simplement impossible à envisager. Eh bien si, justement (quoique votre double négation est ambigue). Pour être plus précis : la science pose que telle ou telle aire cérébrale est la condition nécessaire à la production d'une émotion ou d'un sentiment. Non suffisante bien sûr (le système nerveux est à entrée/sortie, il faut aussi l'entrée ou le stimulus c'est-à-dire la situation qui, dans le répertoire de l'espèce observée et le parcours de vie de l'individu analysé, va co-produire l'émotion ou le sentiment). Si cette approche vous semble infondée, il faut expliquer en quoi elle le serait. L'approche scientifique est fondée à trouver comme vrai ce qu'elle considére comme vrai. Elle ne saurait trouver ce qui ne rentre pas dans son champ d'explication. Par conséquent elle ne peut trouver que ce qui est vrai à son niveau. Dire que son niveau d'expertise est le seul revient à l'installer comme un absolu en toute chose. Dieu n'existe pas parce que la question n'est pas scientifique. L'origine spirituelle d'un sentiment n'existe pas parce qu'il n'y a que des cellules. On est très loin d'en être à ce stade (pour un modèle de l'idée ou du sens esthétique), mais c'est bien sûr l'horizon des sciences de l'esprit pour ce siècle. Pour le coup, presque tous les chercheurs en neurosciences sont d'accord là-dessus, produire un modèle le plus complet possible du cerveau humain à tous les niveaux où celui-ci peut être décrit. Et ce modèle inclut les traits dont nous parlons ici. Les épistémologies purement dualistes posant l'irréductibilité du monde des représentations au monde physique n'ont presque plus aucun défenseur à ma connaissance (mais il y a d'autres débats). En tout état de cause, c'est au terme du processus de recherche que l'on jugera le résultat, ou du moins à chacune de ses étapes puisqu'il n'y a pas de terme, il n'y a pas de raison a priori de stopper ce processus ou de préjuger de ses découvertes. Les progrès réalisés depuis trente ans dans la compréhension de l'esprit-cerveau sont suffisamment probants pour continuer dans cette voie, on sort quand même de la "boite noire" behavioriste, c'est-à-dire de très très loin. Ce que les neurosciences ont déterminé est que l'esprit s'incarne, est inséparable du corps, y produit des réactions et en reçoit en retour. Mais l'objet de ces sciences n'est pas de dissserter sur les poêmes de Dante. Additif. That acknowledged, it is important to add that Damasio is not "reducing" human reason, human judgment, human art and genius and moral insight, to the ebb and flow of hormones and neuromodulators. He is providing a model of the mechanisms--and barring miracles, there have to be mechanisms--that subserve and implement those precious human activities and propensities. There is still as much room as ever (perhaps more, now that the mists have parted a little) for praise and blame, for desert and self-criticism and wonder. These gifts never could be made to reside in some precious pearl of Cartesian mind-stuff, so the sooner we find out how our bodies make room for them, the better. sourceDaniel C. Dennett, Co-Director Center for Cognitive Studies University Professor Austin B. Fletcher Professor of Philosophy Tufts University Medford, MA 02155-7059 Link to comment
CMuller Posted May 31, 2008 Report Share Posted May 31, 2008 Encore faut-il s'entendre sur les termes: la compassion y est assimilée à l'empathie ou simplement rangée dans les émotions. Ce qui est absent est ce que signifie la compassion, du point de vue du sens, au-delà des manifestations physiques. Ce que la science n'étudie pas, elle étudie ce qu'elle nomme compassion, qui ne peut être pour elle que physique dans les neurosciences, par postulat (elle ne peut trouver que dans son champ d'étude). (…) Nous sommes à peu près d'accord. Je pense que sauf jeu inutile sur les mots, la science parle bel et bien de la compassion au sens commun, mais qu'elle en parle par définition avec ses méthodes et ses objectifs, sans épuiser le sujet. Ce qu'elle en dira ne sera cependant pas sans effet sur les interprétations possibles de la compassion. Link to comment
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