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Ken Macleod : "la Division Cassini"


Sylvain

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Ken MacLeod : « La division Cassini »

Editions J’ai lu, collection « Millénaires » (2003).

Edition originale : « The Cassini Division » (1998).

Traduit par Bernadette Emerich.

Merci à Melodius de m’avoir signalé l’existence de ce roman.

Ken MacLeod est écossais. Il a déjà publié plusieurs romans de Science Fiction qui ensemble constituent une « histoire du futur » cohérente et détaillée et dont les péripéties vont de la fin du vingtième au vingt-quatrième siècle de notre ère.

« La division Cassini » est le premier roman traduit en français de cet auteur, ce qui fait que nous sommes privé de tout ce qui a précédé l’année 2303, point de départ de ce récit. Il faut donc parfois tenter de lire entre les lignes. Heureusement quelques séquences en « flash-back » racontent certains épisodes du passé…

Deux dimensions dans ce roman : d’une part, il s’agit d’un space opera avec exploration du système solaire, nouvelle planète à coloniser, nanotechnologies, etc. ; d’autre part, ce roman est truffé de considérations politiques sur les mérites respectifs des différentes sociétés humaines qui interagissent dans le récit et qui sont organisées selon des principes bien différents les unes des autres.

Dans notre avenir proche en tout cas, alors que la colonisation du système solaire a commencé, les Verts prennent le pouvoir et instaurent un régime obscurantiste et anti-technologique sur Terre.

Cette société est victime de la « Peste Verte » puis du « Crash » en 2098. La première est une série d’épidémies très meurtrières et le second un effondrement du système informatique mondial provoqué par les virus envoyés par les « posthumains » réfugiés sur la planète Jupiter (pages 227 et 228).

Ce sont les « Sheenisov » qui vont rétablir la situation. Venus de Chine et de Russie, ils instaurent sur Terre et dans l’espace un système communiste qui existe toujours en 2303 et qui s’appelle « l’Union solaire ». MacLeod donne hélas peu de détails sur l’organisation de cette société mais tout au long du roman des bribes d’information sont néanmoins données. Le capitalisme a été aboli ainsi que la monnaie. Les gens sont censés coopérer volontairement et travailler du mieux qu’ils le peuvent. De plus, ils se servent librement de ce dont ils ont besoin. Des conseils dirigent la société car l’Etat n'existe plus et l’économie est planifiée grâce à l’utilisation d’ordinateurs très puissants. Dire que Lénine a fait des erreurs (sic, voir page 18) est parfois mal vu et les vaisseaux spatiaux s’appellent « Luddites » (du nom de ces ouvriers anglais qui détruisirent des machines mécaniques accusées de leur voler leur travail au 19è siècle) ou « General Arnaldo Ochoa » (du nom d’un général cubain condamné à mort en 1989 pour trafic de cocaïne, voir page 257). La philosophie politique dominante s’appelle la « vraie connaissance » et a été élaborée notamment à partir de Nietzsche, Marx, Engels et Darwin (page 121 et 122). Il s’agit d’une morale cynique qui dit que l’homme est mauvais par nature, que le pouvoir, c’est la liberté et que le droit, c’est la force… Le plus étrange est que cette organisation permet malgré tout à MacLeod de décrire une société prospère. Il me semble qu’il y a quelque chose d’incohérent ici car même avec une technologie avancée, un tel système ne pourrait donner dans le monde réel que misère et violence. (Ce sont les ouvriers soviétiques qui disaient : « C’est vrai que nous faisons semblant de travailler mais comme l’Etat fait semblant de nous payer… »)

Dans le roman, les personnes qui refusent cependant ce mode de vie se retrouvent dans des enclaves où l’argent et le commerce libre existent toujours, encore que ces enclaves soient étroitement surveillées.

Le personnage principal, Ellen May Ngwethu est un membre éminent du Comité de Commandement de la division Cassini, une organisation militaire chargée de surveiller pour l’Union solaire les abords de Jupiter. Des intelligences d’origine humaine mais transférées sur des supports artificiels ont jadis franchi la Singularité c’est-à-dire qu’elles ont tellement évolué que toute communication avec elles est devenue impossible. Elles ont tenté de détruire la société humaine lors du Crash et avant de se perdre dans les univers virtuels qu’elles ont elles-mêmes créés, elles ont eu le temps de changer l’apparence de Jupiter. Ces posthumains ont ouvert un « trou de ver » hélicoïdal, une sorte de passage dans l’espace qui permet de se retrouver à 10 000 années-lumière de la Terre 10 000 ans dans le futur. Des humains ont plus tard traversé ce passage et ont colonisé une planète qu’ils ont appelée la « Nouvelle Mars ». Depuis, les coordonnées du passage ont été perdues.

Au moment où le roman commence, de nouvelles structures sont apparues dans l’atmosphère jovienne ce qui donne à penser que les posthumains ont évolué et qu’ils sont peut-être redevenus dangereux pour les humains. Ellen May Ngwethu est envoyée sur Terre afin de ramener le physicien génial Isambard K. Malley qui devrait pouvoir calculer le chemin permettant de passer de l’autre côté du trou de ver.

Après quelques péripéties, les Terriens de la division Cassini vont donc traverser et rencontrer les habitants de la Nouvelle Mars qui ont créé une nouvelle organisation sociale. Cette société est clairement anarcho-capitaliste. Pas d’Etat - même minimal - , des compagnies privées assurent tous les services y compris les fonctions de police et de protection de la planète. Les « Nouveaux Martiens » sont en train de terraformer leur planète et n’ont rien de plus pressé que de tenter de commercer aussi bien avec les Terriens qu’avec les posthumains de Jupiter. Cette société ressemble par de nombreux aspects à la notre avec ses feuilletons télé pas toujours bien inspirés et ses musiques populaires omniprésentes à la radio. C’est également une société qui reconnaît les mêmes droits à toutes les formes d’intelligence, qu’elles soient humaines, artificielles ou humaines sur support artificiel, ce qui est plutôt sympathique.

Les critiques mentionnent souvent l’influence visible de Ian M. Banks et de son cycle de la « Culture » à propos de Ken MacLeod. On peut aussi noter qu’il utilise le concept de « Singularité » imaginé par Vernor Vinge dans « La captive du temps perdu » et que, par ailleurs, le roman anti-utopique d’Ira Levin « This Perfect Day » (en français « Un bonheur insoutenable ») est mentionné page 105 de ce roman. A la lecture de ce roman riche et complexe, il est difficile de savoir où vont les sympathies de l’auteur. En tout cas l’affrontement ou la concurrence prévisible dans l’avenir entre une société anarchiste communiste et une société anarchiste capitaliste est un ressort dramatique prometteur pour la suite de son oeuvre.

Souhaitons que les autres romans de cet auteur qui fut vainqueur du prix Prometheus en 1998 pour « The Stone Canal » soient traduits en français…

Sylvain

P.S. : à noter que « Newton’s Wake », le dernier roman de Ken MacLeod est nominé pour le Prix Prometheus 2005.

Extrait :

« La première réponse nous parvint très vite. Ce premier contact historique entre l’Union solaire et la première et unique colonie humaine extrasolaire se déroula comme suit :

-L’astronef civil de l’Union solaire, le Superbe, parti de Callisto via le Kilomètre Malley, au contrôle du trafic spatial de Cité-Navire… Demandons autorisation d’insertion sur orbite géostationnaire et…

- Bordel, foutez le camp de ce canal, les morpions. Je vous préviens, vous mettez le trafic en danger et nous sommes en train de localiser votre source. Vous êtes dans la merde jusqu’au cou, espèce de punaises. OK, on vous a, nous…

Long silence.

- OH, oh, Jonesy, une bête noire. Je répète, une bête noire. Alerte jaune. Cryptage immédiat Zéro-Première, je répète Zéro-Première immédiat, kcchchchgh

-Essaye un autre canal, conseilla Suze. Peut-être que leurs concurrents ont l’esprit plus ouvert.

Yeng essuya les mêmes rebuffades de la part de l’ATC Inc. Cité-Navire, des Reid Industrial Airways, de la Tour de Contrôle du Champ de Lowell, des Potes Barsoom, du Contrôle des Vols Amicaux Xaviera… »

« La division Cassini », page 205.

Lien : pour en savoir un peu plus sur les autres romans de Ken MacLeod, on peut lire cet article de Pascal J. Thomas :

http://www.quarante-deux.org/kws/47/cassini.html

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Ken MacLeod : « La division Cassini »

Editions J’ai lu, collection « Millénaires » (2003).

Edition originale : « The Cassini Division » (1998).

Traduit par Bernadette Emerich.

Merci à Melodius de m’avoir signalé l’existence de ce roman.

Sans l'avoir lu, hélas… mais cela ne saurait tarder, dès que j'aurais terminé la pile de Noël (une bonne vingtaine d'ouvrages tout de même…)

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