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De Gaulle antisémite?


Roniberal

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Maréchaliste ou gaulliste: tu parles d'une alternative.

Il se confirme que ce fil croise tout droit vers un endroit où le soleil ne se lève jamais.

Je ressors donc mon Zagandski:

Hormis la vanité, la cécité, le révisionnisme, l'entêtement roublard hissé au rang d'une vertu divine, les Mémoires présentent une autre facette peu reluisante du gaullisme: son pétainisme diffus.

Selon de Gaulle, Vichy n'est pas et n'a jamais été l'aboutissement de l'idéologie fasciste française, comme Berlin l'est de l'idéologie fasciste allemande. Vichy est une illusion, une chimère, un faux fantôme dont les draps sont remués par une toute petite troupe d'énergumènes, un pur brouillard qui a trompé les charmants Français et que lui, le vaillant Connétable, dissipe de la main.

De Gaulle ne se contente pas de nier avec obstination les tenants idéologiques du pétainisme: il en partage à peu près toutes les valeurs. Il écrit d'ailleurs toujours "pétainisme" avec des guillemets, de même qu'il met des guillemets au mot "gaullisme", comme s'il s'agissait d'une boutade, d'un surnom forgé par ses adversaires politiques qui osent voir un "isme" là où s'incarne un Caractère, une idéologie là où ça "incorpore".

C'est devant Bidault que de Gaulle prononce ce mot étrange, juste d'avant d'affirmer que Vichy est "nul et non avenu".

Peu après sa grotesque idée de grève du silence en 1941, de Gaulle a l'occasion de se faire projeter un film d'actualités venu de France. Il voit Pétain à Marseille, juché sur le balcon de l'hôtel de ville, contempler "les troupes et la foule agitées d'ardeur patriotique". Brusquement inspiré, Pétain se met à haranguer la foule, "cédant", écrit de Gaulle en une formule stupéfiante, "à l'immense suggestion qui s'élevait de cette masse". "N'oubliez pas que, tous, vous êtes toujours mobilisés!" lance Pétain.

De Gaulle commente:

On assistait au déchaînement d'enthousiasme que ces paroles soulevaient dans l'assemblée civile et militaire, riant et pleurant d'émotion. Ainsi l'armée, malgré la captivité ou la mort de la plupart et, souvent, des meilleurs des siens, se montrait spontanément disposée à encadrer la résistance nationale.

Autrement dit, le peuple suggère à Pétain son discours, et Pétain retourne au peuple en écho cette émulation fluidique. La velléité de résistance du vieux soldat, ranimée par "l'immense suggestion", provoque à son tour le "déchaînement d'enthousiasme".

Si de Gaulle ose encore en 1952, quand il trace ces phrases, se réjouir de l'enthousiasme prodigué à Pétain, c'est parce qu'il reste sourd à la spécificité idéologique du pétainisme. Et s'il reste sourd à cette spécificité, c'est précisément parce qu'il en partage les principales valeurs, à commencer par ce que Wilde appelle la "vertu des brutes", le patriotisme.

C'est logique. De Gaulle est l'esclave intellectuel des mêmes maîtres de rhétorique que Pétain: Barrès et Maurras. Le style et le vocabulaire spontané de De Gaulle en témoignent clairement: "force", "pureté", "trahison", "élites", "privilégiés", "décadence", "partis reviennent sans cesse.

[…]

Lorsque les soldats français remportent une victoire au Tchad, de Gaulle prend le micro et salue "tous les hommes purs et forts" menés par Leclerc. Après la victoire à Bir Hakeim du général Koenig, en juin 1942, de Gaulle parle des "braves et purs enfants de France, qui viennent d'écrire avec leur sang une de ses plus belles pages de gloire". Et à l'Albert Hall, le 11 novembre 1942: "Le ciment de l'unité française, c'est le sang des Français qui n'ont pas, eux, accepté l'armistice."

Décadence, caresses et pentes molles, force, pureté, unité de la nation, solidarité du sang, beauté du sacrifice… Non seulement de Gaulle parle la même langue que Vichy, mais, quand il dénonce la corruption ("Place aux profiteurs d'abandon, aux débrouillards de la décadence!") c'est le ton nasillard des journalistes fascistes et antisémites de Radio Paris que l'on entend.

Quoi qu'il dise, quel que soit le sujet, son vocabulaire reste marqué par son fond fascistoïde.

De Gaulle et Pétain partagent la même vision de la France. Ils ne diffèrent que par les alliés qu'ils se choisissent. Et encore, Pétain est moins xénophobe vis-à-vis des Allemands que de Gaulle à l'égard des Anglo-Saxons, dont il n'admet l'aide que contraint et forcé. Il aboie contre les "petits groupes" français de Londres ou de New York qui rejettent son autorité "et préfèreraient s'en remettre aux étrangers de l'avenir de la France".

On attendrait donc en vain de De Gaulle une analyse du nazisme pertinente et féroce comme celle de Churchill. Son gobinisme ridicule en vient presque à excuser les Allemands que "la nature", écrit-il, a aimantés vers Paris.

Vraiment, on peut chercher longtemps de profondes différences idéologiques entre pétainisme et gaullisme. Même xénophobie. Même antiparlementarisme ("la vase parlementaire", écrit de Gaulle). Même culte du "peuple", du "guide", du "but". Même soumission au "destin" dont de Gaulle se veut "l'instrument". Même sous-mystique du chef solitaire communiant avec la masse sans passer par le truchement des élites, corrompues par l'argent (ceux qui se rallient les premiers à sa cause, dit de Gaulle, sont ceux "que l'argent touche le moins"). Même volonté de réconciliation et d'unification. Même obsession du corps sacrifié à la cause. L'un s'immole, l'autre "assume". "Je fais à la France le don de ma personne…" dit Pétain. "Le pauvre moi qui répondait de tout", écrira de Gaulle.

Pauvres choux!

Pauvre de Gaulle, pages 272-274

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Si le bouquin qu'il critique prétend réellement qu'Heidegger était le nègre d'Hitler, il a raison de qualifier la thèse de grotesque. Et à voir les extraits qu'il commente, il a l'air d'avoir raison. Le rapport d'Heidegger au nazisme est quand même beaucoup plus indirect, il n'est pas l'auteur central du nazisme que je sache.

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De Gaulle était un "pétainiste diffus", ben tiens. Risible.

Ta puissance argumentative ne laisse décidément de me fasciner. Tu es, sans nul doute, le phénix de ce forum.

Même pas envie de lire la suite tellement c'est débile.

Dormez tranquilles, braves gens, tout va bien.

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Oh, mais je ne prétends pas qu'il soit infaillible, et nombre de positions qu'il défend par ailleurs dans son livre sont hautement… personnelles, sans parler de son recours fréquent au "je le dis, donc c'est vrai" et à l'injure ou au sarcasme comme argument (cela me rappelle quelqu'un, mais qui?)

N'empêche qu'il s'appuie ici sur des faits, des citations et que cela mérite un peu mieux comme réponse qu'un simple ad hominem ou, sous d'autres plumes, un rappel quelque peu incongru de sa religion. Quant à la proximité idéologique entre Pétain et de Gaulle, ce n'est pas lui qui l'a inventée; de nombreux historiens l'ont remarquée, même si tous n'en ont pas tiré les mêmes conclusions.

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Si le bouquin qu'il critique prétend réellement qu'Heidegger était le nègre d'Hitler, il a raison de qualifier la thèse de grotesque. Et à voir les extraits qu'il commente, il a l'air d'avoir raison. Le rapport d'Heidegger au nazisme est quand même beaucoup plus indirect, il n'est pas l'auteur central du nazisme que je sache.

Je me suis farci le bouquin en question, et c'est un peu plus étoffé que ce qu'en relate Zagdanski dans le but peu louable de ridiculiser l'auteur du livre (qui a consulté les oeuvres complètes de Heidegger dans le texte et y a trouvé des tas de choses tues par ses thuriféraires hexagonaux).

Il faut savoir que toute la clique des vieux heideggériens français n'a pas supporté qu'on ose rappeler le nazisme du "grand Penseur" (que j'ai lu aussi, mais en français dois-je préciser) - dont le rapport avec l'idéologie national-socialiste est tout à fait direct. L'affaire du Heidegger nazi est entendue depuis l'essai de Farias, au moins.

Zagdanski est l'un de ces pseudo intellectuel juif qui pullule. Pour confirmation, regarder la liste de ces oeuvres sur amazon.

Message signalé.

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Je me suis farci le bouquin en question, et c'est un peu plus étoffé que ce qu'en relate Zagdanski dans le but peu louable de ridiculiser l'auteur du livre (qui a consulté les oeuvres complètes de Heidegger dans le texte et y a trouvé des tas de choses tues par ses thuriféraires hexagonaux).

Il semble donc que la thèse en question soit moins ridicule que ce qu'en présente Zagdanski. Dont acte (et tant mieux).

Il faut savoir que toute la clique des vieux heideggériens français n'a pas supporté qu'on ose rappeler le nazisme du "grand Penseur" (que j'ai lu aussi) - dont le rapport avec l'idéologie national-socialiste est tout à fait direct. L'affaire est entendue depuis l'essai de Farias, au moins.

Oh, mais je ne conteste pas un seul instant qu'Heidegger fut un nazi enthousiaste, car il pensait trouver dans le nazisme le reflet de sa propre pensée. Simplement, de là à dire qu'il fut le nègre d'Hitler, il y a un pas. Et de même, ce ne me semble pas nécessairement disqualifier sa pensée, surtout sa métaphysique. Comme souvent, la chute est venue avec la volonté de voir naître un système philosophique complet au sens fort, entreprise éminemment dangereuse s'il en est.

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Oh, mais je ne conteste pas un seul instant qu'Heidegger fut un nazi enthousiaste, car il pensait trouver dans le nazisme le reflet de sa propre pensée. Simplement, de là à dire qu'il fut le nègre d'Hitler, il y a un pas. Et de même, ce ne me semble pas nécessairement disqualifier sa pensée, surtout sa métaphysique. Comme souvent, la chute est venue avec la volonté de voir naître un système philosophique complet au sens fort, entreprise éminemment dangereuse s'il en est.

Sa métaphysique n'est pas innocente, en vérité : son insistance sur "l'aube présocratique", son paganisme, son rejet du monothéisme ne sont rien d'autre qu'un témoignage de son rejet de la parole biblique et, dans le contexte de cette époque, cela n'était pas un fait anodin.

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Sa métaphysique n'est pas innocente, en vérité : son insistance sur "l'aube présocratique", son paganisme, son rejet du monothéisme ne sont rien d'autre qu'un témoignage de son rejet de la parole biblique et, dans le contexte de cette époque, cela n'était pas un fait anodin.

Certes, ceci peut former une bonne base pour ne pas aimer Heidegger, et est sans doute à la source de son attirance pour le nazisme, qui partage ces caractéristiques (mais ne s'y réduit pas, tout comme la métaphysique de Heidegger ne se réduit pas à ces éléments, comme je suis sûr que tu en conviendras).

Pour autant, il est difficile de soutenir que le nazisme se déduit méthodiquement de telles prémisses, et on peut donc être heideggerien sans être nazi, alors même que lui l'était sans l'ombre d'un doute (tout comme, j'ajouterais, pour emmerder mon monde, on peut être sartrien sans être gauchiste).

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Certes, ceci peut former une bonne base pour ne pas aimer Heidegger, et est sans doute à la source de son attirance pour le nazisme, qui partage ces caractéristiques (mais ne s'y réduit pas, tout comme la métaphysique de Heidegger ne se réduit pas à ces éléments, comme je suis sûr que tu en conviendras).

Pour autant, il est difficile de soutenir que le nazisme se déduit méthodiquement de telles prémisses, et on peut donc être heideggerien sans être nazi, alors même que lui l'était sans l'ombre d'un doute (tout comme, j'ajouterais, pour emmerder mon monde, on peut être sartrien sans être gauchiste).

Pour résumer mon point de vue : sa métaphysique est liée à la conception völkisch. En d'autres termes, elle est contaminée par la politique - et parmi les moins reluisantes qui fussent. Si le nazisme n'est pas nécessairement heideggérien, en revanche la pensée heideggérienne est profondément imprégnée de thèmes nazis.

Nul besoin d'être nazi pour apprécier les cours et conférences de Heidegger, mais combien de ses disciples échappèrent et échappent à la pensée totalitaire en général ?

Sur cette nouvelle affaire Heidegger, voici un débat réunissant Emmanuel Faye (l'auteur du livre conspué par le Heidegger fanclub), François Fédier (successeur de Jean Beaufret dans le rôle du confident privilégié du mage de la Forêt noire), ainsi que l'historien Edouard Husson (dont les commentaires valent leur pesant d'exactitude face à l'idolâtrie dégoulinante d'un Fédier) :

http://www.dailymotion.com/video/x1aths_he…ger-14_politics

http://www.dailymotion.com/video/x1aths_he…ger-24_politics

http://www.dailymotion.com/video/x1aths_he…ger-34_politics

http://www.dailymotion.com/video/x1aths_he…ger-44_politics

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Pour résumer mon point de vue : sa métaphysique est liée à la conception völkisch. En d'autres termes, elle est contaminée par la politique - et parmi les moins reluisantes qui fussent. Si le nazisme n'est pas nécessairement heideggérien, en revanche la pensée heideggérienne est profondément imprégnée de thèmes nazis.

Très juste. Heidegger a fourni la métaphysique du nazisme, au même titre que Carl Schmitt en a fourni la théorie politique de la dictature, par un Etat-Léviathan organique. Sur cette métaphysique völkisch de l'être authentique qui se dévoile à travers la langue et la culture germaniques, se greffe un anti-humanisme radical tourné contre le libéralisme philosophique des Lumières, au profit d'une mystique écologiste de la pureté, qui a ouvert un chemin intellectuel vers la barbarie. Le Dasein véritable, incarnation du destin de l'être occidental, se révèle dans la formule "ein Reich, ein Volk, ein Führer."

CF la rupture avec A. Arendt.

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Un passage involontairement comique. Quand Husson rappelle la présence d'Heidegger au solstice d'été de 33, l'autre lui rétorque texto "ah oui, mais il y-a-t-il été les années suivantes ?" tout en soulignant, d'après lui, l'erreur d'appréciation de son interlocuteur ! A ce niveau c'est du grand art.

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(…) Le rapport d'Heidegger au nazisme est quand même beaucoup plus indirect, il n'est pas l'auteur central du nazisme que je sache.

+1. C'est pour moi aussi intelligent que de dire : appelons un chat un chat, Aristote était esclavagiste. La pensée d'Heidegger (avec laquelle je suis en désaccord quasi-complet pour ce que j'ai lu) n'est évidemment pas réductible au nazisme et au regard de cette pensée et de sa construction, le nazisme apparaît comme un accident.

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+1. C'est pour moi aussi intelligent que de dire : appelons un chat un chat, Aristote était esclavagiste. La pensée d'Heidegger (avec laquelle je suis en désaccord quasi-complet pour ce que j'ai lu) n'est évidemment pas réductible au nazisme et au regard de cette pensée et de sa construction, le nazisme apparaît comme un accident.

Succulent. Le même argumentaire que dans la vidéo (4ème partie). Il faut lire entre les lignes également ?

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Succulent. Le même argumentaire que dans la vidéo (4ème partie). Il faut lire entre les lignes également ?

Je ne remets pas en cause le fait que Heidegger ait adhéré à un moment au régime nazi : je trouve simplement débile de réduire la pensée de Heidegger à cela. Je me suis fadé une bonne partie de ses oeuvres, essayer de voir en elles une sorte d'immense justification de son adhésion au parti nazi est un exercice à peu près aussi gratifiant et intelligent que de voir en l'oeuvre de Tocqueville une immense justification de son approbation de la colonisation de l'Afrique. On se triture les méninges pour pas grand chose, le plus intéressant est ailleurs.

(Cela dit, je pense que les heideggeriens se triturent eux aussi les méninges pour pas grand chose, mais je le pense depuis une critique philosophique, pas un jugement historique ou moral sur les culottes de peau de leur gourou).

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Ronnie peut éventuellement me confirmer la chose, mais il me semble que JFR estimait dès 1957 (Pourquoi des philosophes ?) que la pensée heidegerienne avait beaucoup de points communs avec le "lifestyle" national-socialiste.

Quelques gentillesses reveliennes sur Heidegger (il lui consacre d'ailleurs une des pages les plus drôles de son corrosif adieu à la philosophie, cette discipline "depuis longtemps morte au regard de l'histoire des idées") :

Sa méthode consiste à énoncer d'abord ce qui est à prouver ; puis à formuler la même idée de cinq ou six manières à peine différentes, en se bornant à juxtaposer les phrases les unes à la suite des autres. Enfin, au début de la dernière phrase du paragraphe, qui répète la première et toutes les autres, il écrit simplement le mot "donc". (…) Qu'est ce que cette méthode ? C'est une tautologie à point de départ arbitraire.

Un mauvais esprit relèverait le lien étroit entre cette méthode et la structure des discours d'Hitler. Heureusement, ma bonté naturelle me l'interdit. D'ailleurs, Hitler omettait le "donc". Il n'était pas philosophe.

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