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Robert Heinlein : "révolte En 2100"


Sylvain

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Robert Heinlein : « Révolte en 2100 ».

Editions françaises :

1 : in « Histoire du futur » tome 2, éditions OPTA col. CLA n° 16 (1969) ;

2 : Pocket n° 5076 (1980).

Recueil de trois nouvelles :

1 : « Si ça arrivait… » (« If This Goes On… », 1940) ;

2 : « La réserve » (« Coventry », 1940) ;

3 : « L’inadapté » (« Misfit », 1939).

Traduit par Frank Straschitz.

Robert Heinlein est né en 1907 et c’est en 1939 qu’il publie « Life-line » (en français « Ligne de vie »), sa première nouvelle. Une bonne partie des textes qu’il publie ensuite jusqu’au début des années soixante s’inscrit dans une « Histoire du Futur » cohérente et racontant la destinée de l’homme de 1950 (environ) à 2600 de notre ère. Le recueil « Révolte en 2100 » constitue le troisième volume de cette série qui en compte cinq.

« Si ça arrivait », le premier texte est le plus intéressant et représente à lui seul les deux tiers du recueil.

L’histoire se passe au Etats-Unis au 21è siècle. Une dictature religieuse règne sur le pays et les faits et gestes des citoyens sont surveillés de près.

Le récit est raconté à la première personne par John Lyle, un jeune homme plutôt naïf qui après avoir fait West Point (une école militaire) a été recruté dans la garde rapprochée du Prophète, le chef de cette dictature. Une nuit qu’il monte la garde sur les remparts devant les appartements privés du Prophète, John croise Judith, une jeune femme consacrée qui n’a pas eut la chance d’être choisie par tirage au sort pour servir le Prophète « corps et âme » pendant vingt-quatre heures. John, qui n’a jamais connu de femme est troublé par cette rencontre et ne cesse d’y penser les jours suivants.

Quelques jours plus tard, Judith réussit à rencontrer John pour lui apprendre que cette fois elle a été choisie. Dans la nuit, un cri retentira et la jeune femme sera évacuée en urgence des appartements du Prophète. John mettra plusieurs jours à comprendre que Judith a failli être violée et commencera alors à voir d’un autre oeil ce qu’il a toujours cru être la vérité.

Grâce à un ami plus déluré que lui, il entrera plus tard en contact avec la Cabale, une organisation clandestine qui veut mettre fin à la dictature religieuse. S’ensuivront de nombreuses péripéties jusqu’au déclenchement de la révolution…

Ce court roman se lit avec plaisir encore aujourd’hui. La narration est simple et linéaire et de nombreux détails rendent crédible l’intrigue. Les réfractaires à la nouvelle religion sont enfermés dans des ghettos et risquent le lynchage s’ils en sortent. Robert Heinlein mentionne la télévision comme outil permettant d’espionner les gens, l’utilisation de la torture pour obtenir des renseignements et pour briser les opposants et la manipulation des foules par les tenants de la dictature comme par les révolutionnaires. L’organisation économique elle, ne semble pas avoir été modifiée, il s’agit toujours d’un capitalisme tempéré. L’évolution psychologique du personnage principal, quoiqu’un peu rapide et radicale est bien menée et les personnages secondaires sont soigneusement traités.

Par rapport aux textes traitants de sujets proches comme « La kallocaïne » de Karin Boye ou « 1984 » de George Orwell, le ton est moins sombre, la dictature moins terrible et les opposants plus forts. Cela est peut-être dû au fait que Robert Heinlein était Américain et que les horreurs du totalitarisme de la première moitié du XXè siècle lui étaient peut-être moins proches qu’à des Européens. Il ne faut pas oublier non plus que la Science Fiction de l’époque était fondamentalement optimiste et volontariste : les Bons devaient nécessairement gagner… On peut aussi penser qu’une dictature religieuse est par nature moins totalitaire qu’une dictature à base plus exclusivement politique.

De plus, en 1940, année de la parution de ce texte, les dictatures communistes, fascistes et nazies n’avaient pas encore montré toute leur perversité. Orwell en 1949, « bénéficiera » si j’ose dire d’une plus grande expérience. Tout cela n’en souligne que plus l’extraordinaire réussite de Karin Boye avec son roman « La kallocaïne » paru lui aussi en 1940 et qui décidément est le chef d’oeuvre de cette période.

Le deuxième texte, « La réserve » se place quelques années plus tard alors que le nouveau régime est solidement établi. David MacKinnon a frappé quelqu’un avec qui il avait un différent. Les examens auxquels il a été soumis ont révélé qu’il était dangereux pour les autres. Les gens sont libres mais aucune violence à l’égard des autres personnes n’étant tolérée, la justice lui donne le choix entre un réajustement psychologique et l’exil dans la réserve de Coventry où vivent ses semblables. Il choisit Coventry en pensant y trouver une sorte d’utopie anarchiste et individualiste. Il sera très déçu de constater qu’en fait ce sont des régimes dictatoriaux qui ont pris le dessus. L’un d’eux en particulier ressemble beaucoup à notre monde avec ses impôts prohibitifs et ses gangsters vivant aux marges du système… MacKinnon découvrira l’existence d’une conspiration visant à envahir le reste des Etats-Unis et cherchera à prévenir les « autorités »…

Le troisième texte de ce recueil parle lui de tout autre chose. « L’inadapté » est l’histoire d’un homme qui n’a pas trouvé sa place sur Terre mais qui dans l’espace se révèle être un calculateur prodige…

Robert Heinlein reprendra plus tard une partie de la problématique posée dans les deux premiers textes de « Révolte en 2100 ». Avec une intrigue plus complexe, des idées politiques plus élaborées et une dimension scientifique plus importante, il écrira "Révolte sur la Lune", son chef d’oeuvre.

Sylvain

Citation :

« C’était la première fois que je lisais des livres non approuvés par les censeurs du Prophète et cela eut sur mon esprit un effet dévastateur. Parfois, je lorgnais par-dessus mon épaule de peur que l’on ne m’épie. Je commençai à entrevoir que la base de toute tyrannie n’est pas tellement la force que le mystère, la dissimulation, la censure. Lorsqu’un gouvernement, ou une Eglise d’ailleurs, dit à ses sujets : « Il ne faut pas lire ceci, pas voir cela, il est interdit de savoir telle chose », il en résulte inévitablement une tyrannie, quels qu’aient été les mobiles primitifs. Il faut bien peu de force pour contrôler un homme dont l’esprit est ainsi déformé. En revanche, nulle violence ne peut venir à bout d’un esprit libre, ni la torture, ni les bombes à fission, rien… on ne peut pas soumettre un homme libre. On ne peut que le tuer. »

« Si ça arrivait… » in « Révolte en 2100 » (édition Pocket page 76).

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Intéressant, comme d'habitude mais pourquoi diable la plupart des bouquins de SF sont aujourd'hui indisponibles ! C'est pas comme s'il n'y avait aucune demande pourtant !  :icon_up:

En fait, beaucoup de bouquins de SF sont disponibles mais mes critères pour en parler n'en tiennent pas compte.

Sinon, c'est vrai qu'Heinlein fait partie des auteurs qu'on est en train d'oublier de nos jours, du moins en France.

P.S. qui n'a rien à voir : que signifie ta signature ?

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En fait, beaucoup de bouquins de SF sont disponibles mais mes critères pour en parler n'en tiennent pas compte.

Sinon, c'est vrai qu'Heinlein fait partie des auteurs qu'on est en train d'oublier de nos jours, du moins en France.

P.S. qui n'a rien à voir : que signifie ta signature ?

Dans une traduction très approximative :

"Marcheur, il n'y a pas de chemins, et pourtant il faut marcher…"

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