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Théorie Des Contrats En Droit Naturel


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Voilà un problème qui méritait d'être posé depuis longtemps, on l'a évoqué il y a plusieurs mois sur l'ancien forum.

Les libéraux sont pour la liberté contractuelle, c'est un fait, mais la définition de ce qu'est un contrat valable (exécutoire) l'est moins. Par exemple, un contrat où l'une des parties s'engagerait à être réduite en esclavage ne saurait être considéré comme valable.

Rothbard donne comme critère de validité des contrats qu'ils ne soit pas des simple promesses (qui du fait de l'inaliénabilité de la volonté humaine n'obligent à rien), mais qu'ils soient essentiellement des tranferts de titres de propriété, transferts éventuellement conditionnée par le comportement des parties. Par conséquent, une convention qui ne comporterait pas de clauses pénales serait équivalente à une simple promesse, donc non-exécutoire.

Illustrons notre propos : Durand et Dupont concluent un contrat par lequel le premier cède aujourd’hui 100 000 francs au second en échange d’une reconnaissance de dette par lequel l’autre accepte de lui rendre 110 000 francs dans un an. C’est un contrat de prêt typique. Ce qui s’est produit, c’est que Durand a transféré à Dupont son titre de propriété actuel sur les 100 000 francs en échange de quoi Dupont a consenti aujourd’hui à lui transférer un titre sur 110 000 francs dans un an. Imaginons maintenant qu’à la date convenue pour le remboursement, Dupont refuse de payer. Pourquoi le Droit libertarien forcerait-il d’exécuter cette obligation ? La loi actuelle (que nous traiterons en détail plus bas) fonde essentiellement l’obligation faite à Dupont de payer les 110 000 francs sur la “promesse” qu’il a faite et qui a créé chez Durand l’“attente” de recevoir cette somme. La thèse que nous défendons ici est qu’une simple promesse n’est pas un transfert de propriété et que si la morale exige sans doute de tenir ses promesses, il n’entre pas et ne peut entrer dans les attributions du droit (c’est-à-dire la violence légale) libertarien d’imposer la morale (tenir ses promesses en l’occurrence). Notre thèse est que Dupont doit verser les 110 000 francs parce qu’il a déjà consenti à en transférer son titre de propriété à Durand et que son défaut de payer en fait un voleur de ce qui appartient à Durand.

Pour plus de détails, voir l'Ethique de la Liberté, chap 19, ici.

Le problème que me pose cette théorie est le suivant :

On ne peut céder que ce que l'on possède, par conséquent, une l'engagement à verser une somme qui dépasse le patrimoine dont on dispose ne peut être considéré autrement que comme une promesse, puisque ce n'est pas le transfer d'un titre de propriété qu'on possède, mais d'un titre qu'on s'engage à détenir au moment où on aura à payer.

Si je reprend l'exemple si dessus, on peut distinguer 2 cas problématiques :

1. Dupond possédait des biens d'une valeur de 110 000 francs au moment ou le contrat est passé, ou, du moins, Durand ne pouvait pas savoir qu'il ne les possédait pas. Mais un an plus tard, il n'est plus en mesure de rembourser sa dette.

2. Dupond ne possédait pas un patrimoine de 110 000 francs au moment ou le contrat est passé, ce que Durand savait, et il n'est pas en mesure 1 an plus tard de rembourser Durand.

Dans le cas 1, il me semble clair qu'on peut forcer Dupond à rembourser (si besoin est en le contraignant à travailler pour Durand) car soit il a menti ou caché à Durand qu'il lui transferait un faux titre de propriété, soit il a cédé ou détruit des biens qui ne lui appartenaient plus (puisqu'il en avait tranféré le titre à Durand au moment du contrat), mais dont il avait seulement l'usage. Dans les deux cas, il est fautif. Eventuellement, on pourrait reprocher à Durand d'avoir pris des risques inconsidérés en croyant sur parole Dupond, et donc ne pas obliger Dupond à rembourser la totalité, mais c'est anecdotique.

Dans le cas 2, il me semble que selon la théorie Rothbardienne, rien ne peut obliger Dupond à rembourser. Durand à en connaissance de cause versé 100 000 francs à Dupond en échange de la promesse de celui-ci de lui rendre 110 000 francs 1 an plus tard (ce n'est pas un transfert de titre, puisque le bien correspondant à ce titre n'existait pas au moment du transfert), Dupond n'est pas tenu par cette promesse.

Bref, la conception classique (accord de volontés) et tout ce qui va avec (paiement de dommages en cas de non-respect de cette promesse si des frais ont été engagés par la partie dont l'attente a été déçue) me semble plus réaliste, même s'il est alors beaucoup moins simple de distinguer ce qui est une promesse acceptable (s'engager à livrer une maison dans les délais) de ce qui ne l'est pas (se faire réduire en esclavage), et si on peut ou non obliger une des parties à exécuter sa promesse.

Bon voilà, j'espère que j'ai été assez clair. Mélodius, à ton clavier :icon_up:

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Ton raisonnement me semble bien spécieux. Je ne vois pas pourquoi "on ne peut céder que ce que l'on possède". Si je suis paysan je n'ai pas le droit de vendre d'avance ma récolte de l'année ? Mais ça se fait tout le temps ! Même que ça s'appelle des marchés à terme.

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Ben oui, mais un marché à terme est un contrat. Si on adopte pas la théorie des transferts de titres, un tel contrat est tout à fait valable.

De plus si le fermier possède un capital supérieur à la valeur de sa récolte future, ce contrat peut se reformuler en terme de transfert de titres de la manière suivante :

Le fermier cède aujourd'hui une part de X € sur ses biens à l'acheteur, à la condition qu'il ne lui verse pas à la date prévue Y quintaux de blés.

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Ben oui, mais un marché à terme est un contrat. Si on adopte pas la théorie des transferts de titres, un tel contrat est tout à fait valable.

De plus si le fermier possède un capital supérieur à la valeur de sa récolte future, ce contrat peut se reformuler en terme de transfert de titres de la manière suivante :

Le fermier cède aujourd'hui une part de X € sur ses biens à l'acheteur, à la condition qu'il ne lui verse pas à la date prévue Y quintaux de blés.

Oui, mais s'il ne possède pas un capital supérieur à la valeur de sa récolte future ? (mettons qu'il est très endetté, c'est pour ça d'ailleurs qu'il vend d'avance sa récolte).

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Ben dans ce cas, si on admet la théorie des contrats comme transferts de titre, l'acheteur ne peut que compter sur la volonté du fermier de préserver sa réputation. Sauf bien sûr si le fermier lui a caché le fait qu'il avait des dettes et que donc son patrimoine ne lui appartenait plus vraiment.

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En fait, après réflexion je ne suis plus sûr de ma conclusion. En effet, pourquoi devrait-on considérer qu'il est juste que Dupond soit forcé de travailler pendant pour Durand pour rembourser sa dette ?

Après tout, Durand a commis une imprudence en prêtant de l'argent à quelqu'un qui ne présentait aucune garantie de solvabilité, s'il n'est pas remboursé en totalité, tant pis pour lui, il est en partie responsable de la situation. Dupond aussi, mais il devra déjà céder tout ce qu'il possède à Durand, ça me semble être un retour de bâton déjà assez efficace.

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En fait, après réflexion je ne suis plus sûr de ma conclusion. En effet, pourquoi devrait-on considérer qu'il est juste que Dupond soit forcé de travailler pendant pour Durand pour rembourser sa dette ?

Après tout, Durand a commis une imprudence en prêtant de l'argent à quelqu'un qui ne présentait aucune garantie de solvabilité, s'il n'est pas remboursé en totalité, tant pis pour lui, il est en partie responsable de la situation. Dupond aussi, mais il devra déjà céder tout ce qu'il possède à Durand, ça me semble être un retour de bâton déjà assez efficace.

Je comprends assez mal : on va prendre le contrat Durand-Dupont, il est simple, il renferme deux clauses.

La clause A qui stipule qu'à une date t Durand céde 100 000 Francs à Dupond

La clause B qui stipule qu'à la date t+1an, Dupond paye à 110 000 Francs.

Le principe est assez simple : l'exécution de la clause A entraine l'inéluctabilité de l'application de la clause B. D'ailleurs, il est tout à fait possible d'inclure dans le contrat une clause C qui stipule cela.

Cela te convient ou non?

EDIT : si la clause C n'est pas honorée, il est possible qu'il existe une clause D, stipulant les modalités d'indemnisation de Durand. Si cette clause n'existe pas, Durand est dans les roses, il n'avait qu'à faire attention. Mais, je ne vois pas en quoi il est problématique que cela relève d'autre chose que du contrat propre!

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La clause A qui stipule qu'à une date t Durand céde 100 000 Francs à Dupond

La clause B qui stipule qu'à la date t+1an, Dupond paye à 110 000 Francs.

La clause B, c'est paiera, donc c'est une promesse, une promesse n'a pas à être respecté du point du vue du droit selon Rothbard.

EDIT : si la clause C n'est pas honorée, il est possible qu'il existe une clause D, stipulant les modalités d'indemnisation de Durand. Si cette clause n'existe pas, Durand est dans les roses, il n'avait qu'à faire attention. Mais, je ne vois pas en quoi il est problématique que cela relève d'autre chose que du contrat propre!

Sans disposition spécifique, ce qui se passerait en pratique, c'est que le juge sera chargé d'estimer le montant de ce que Dupond doit à Durand en plus des 110 000.

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La clause B, c'est paiera, donc c'est une promesse, une promesse n'a pas à être respecté du point du vue du droit selon Rothbard.

Rothbard fournit la solution au problème, qui est la garantie d’exécution. De même que pour un prêt immobilier le prêteur prend en général une garantie qui lui permet d'obtenir la revente du bien si le débiteur ne peut rembourser.

"Une promesse n'a pas à être respectée", certes, mais il suffit de prendre une garantie.

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Rothbard fournit la solution au problème, qui est la garantie d’exécution. De même que pour un prêt immobilier le prêteur prend en général une garantie qui lui permet d'obtenir la revente du bien si le débiteur ne peut rembourser.

"Une promesse n'a pas à être respectée", certes, mais il suffit de prendre une garantie.

C'est pas ce que stipulait la clause C que j'avais proposé?

Ca mérite un petit effort de réflexion et surtout de rédaction pour lequel je n'ai pas le temps là tout de suite.

Me too!

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La clause C serait elle-même une promesse que nul n'est tenu de la respecter.

Je m'en étais rendu compte quand tu m'avais fait la première réplique, mais vu que Dilbert avait répliqué quelque chose qui me semblait extrement similaire, je voulais m'assurer…

Enfin, pour en arriver que c'est le serpent qui se mord la queue!

Mais, il faut que je réfléchisse à ce critére de "promesse" qui me semble un peu bizarre.

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Le plus simple ne serait-il pas de distinguer une promesse d'une volonté d'exécution d'un contrat par l'intermédiaire d'une simple signature entre les deux co-contractants ?

C'est en substance ce que j'avais proposé, mais cela n'éléve pas le caractére de promesse d'une telle signature…

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Eh bien si je ne remplis pas ma part du contrat, on peut me contraindre à rembourser ce que j'ai touché. Mais pourquoi verser des intérêts (quel % ?)/corriger l'inflation/…? C'est du "dédommagement" ; une compensation, pas une réparation :icon_up: En fait je trouve plutôt étrange l'application de l'"approche propriétariste" à la monnaie elle-même. On cède une somme, pas des droits de propriété sur des pièces et des billets (étalon or ou pas). Comment dire…

A propos, dans le même chapitre :

De même seraient valides et obligatoires les servitudes conventionnelles qui existent dans le cas où, par exemple, le constructeur-promoteur cède à l’acheteur tous les Droits sur une maison et un terrain sauf celui de bâtir au-delà d’une certaine hauteur ou en dehors d’un certain style. La seule réserve à la validité de pareils contrats est que, en tout temps, la totalité des Droits sur une propriété donnée doit être détenue par un ou plusieurs propriétaires en chair et en os. Ainsi, dans le cas d’une servitude, il doit y avoir quelqu’un qui conserve le Droit réservé de bâtir en hauteur : ou le constructeur lui-même ou quelqu’un qui a acheté ou reçu ce Droit.

Ce qui nous amène droit aux RCA/CID, que Rothbard avait à l'esprit je suppose. Dans ce contexte, faire secession revient à commettre un vol, pas à rompre une promesse.

La formulation propriétariste ou plutôt rothbardienne du copyright s'appuie si j'ai bien compris sur le même principe. J'achète un CD, mais la maison de disque "garde le droit" de le copier. Etc. Zarb. Plus fort même :

La violation d’un Droit d’auteur (au sens de la Common Law ) s’assimile aussi à la rupture de contrat et au vol du bien d’autrui. Supposons en effet que Lebrun invente un piège à souris révolutionnaire et le mette sur le marché, mais en ayant pris soin d’inscrire sur chaque exemplaire : “Tous Droits réservés par Lebrun”. Ce faisant, il indique qu’il ne vend pas un titre de propriété complet sur chaque souricière ; il vend le Droit d’en faire n’importe quoi sauf de la mettre en vente, elle-même ou des exemplaires identiques. Il se réserve à perpétuité de Droit de mettre en vente son piège à souris. Un acheteur, disons Levert, qui revendrait des souricières identiques à celle qu’il a achetée viole à la fois son contrat et le Droit de propriété de Lebrun ; il est passible de poursuites pour vol. Donc, notre théorie des Droits de propriété inclut l’inviolabilité des Droits d’auteur qui résultent d’un contrat.

Ce qui ne me paraît pas évident (pas de procédure matérielle comme une gravure impliquée ; pour le contrat d'accord, mais alors on doit… rendre la tapette ?), et y a-t-il un libertarien dans la salle ?

Egalement, si le droit de propriété sur soi est aliénable, au moins en partie, faut-il dire qu'en achetant un CD "protégé" je cède la partie de mon droit sur moi-même qui correspond à la possibilité de lancer une gravure sur ce CD etc. ?

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Un exemple d'une affaire à laquelle j'ai été confrontée :

Un jeune homme de 17 ans est passionnément fou d'une fille. Il joue sur son apparence, sans produire de fausses pièces d'identité. Le banquier pense qu'il est majeur, et lui ouvre donc un compte. Notre jeune en question ne refuse rien à sa petite amie, il dépense toutes ses économies et tire des chèques sans provisions d'un montant de 7500 euros.

1) On dit alors qu'en droit actuel, puisque le jeune en question n'avait que 17 ans, il était mineur, et donc incapable juridiquement. Le banquier aurait dû s'en apercevoir plutôt, il est le seul responsable des pertes provoquées…

2) En droit actuel on précise aussi que seules les sommes qui ont tourné au profit du mineur doivent être restituées. Ce qui n'est pas le cas ici. La cour de cassation a donc jugé l'affaire et a reconnu que la cour d'appel avait violé les textes susvisées.

Mon opinion : la banque a perdu dans cette histoire 7500 euros, cela ne me semble donc pas juste à son égard. Cela encouragerait donc d'autres jeunes à profiter de la situation et à en faire autant. D'autant plus que la CA avait reconnu que la banque devait être remboursée en toute intégralité.

Qu'en pensez-vous ?

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Un exemple d'une affaire à laquelle j'ai été confrontée :

Un jeune homme de 17 ans est passionnément fou d'une fille. Il joue sur son apparence, sans produire de fausses pièces d'identité. Le banquier pense qu'il est majeur, et lui ouvre donc un compte. Notre jeune en question ne refuse rien à sa petite amie, il dépense toutes ses économies et tire des chèques sans provisions d'un montant de 7500 euros.

1) On dit alors qu'en droit actuel, puisque le jeune en question n'avait que 17 ans, il était mineur, et donc incapable juridiquement. Le banquier aurait dû s'en apercevoir plutôt, il est le seul responsable des pertes provoquées…

2) En droit actuel on précise aussi que seules les sommes qui ont tourné au profit du mineur doivent être restituées. Ce qui n'est pas le cas ici. La cour de cassation a donc jugé l'affaire et a reconnu que la cour d'appel avait violé les textes susvisées.

Mon opinion : la banque a perdu dans cette histoire 7500 euros, cela ne me semble donc pas juste à son égard. Cela encouragerait donc d'autres jeunes à profiter de la situation et à en faire autant. D'autant plus que la CA avait reconnu que la banque devait être remboursée en toute intégralité. 

Qu'en pensez-vous ?

J'en pense que vous essayez de faire faire votre cas pratique à rendre pour demain à des innoncents :icon_up::doigt:

Edit : Sinon, le mensonge ne suffisant pas à caractériser une infraction pénale à lui seul, et la banque ayant (en théorie) l'obligation de s'assurer de la capacité des personnes, tout ceci me paraît susceptible d'annulation et donc de remise en l'état. Ceci dit, je raisonne en termes de droit positif, et non pas en termes de droit naturel.

Melodius confirmera ou infirmera à l'occasion :warez:

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Franchement, moi je pense que les tords sont partagés. Pour ce qui est des 7500 € de chèques en bois, il me semble que ce sont les commerçants qui sont lésés, pas la banque. Ils pourront demander le remboursement au petit crétin qui sera obligé de travailler pendant ses vacances. Et je serais le juge de mon royaume minarchiste, j'obligerais la banque à payer les frais de justice engagés par les commerçants.

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