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il y a 45 minutes, Mégille a dit :

J'ai un article contre le confinement pour Contrepoints sous la main. Si il vous va (ça parle un tout petit peu d'avortement, mais pas trop), il pourrait s'appeler "confinement, liberté et violoniste", ou quelque chose comme ça.

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Ce n'est pas trop long ?

 

Et s'il faut des sources, voilà l'article de Thomson : https://spot.colorado.edu/~heathwoo/Phil160,Fall02/thomson.htm

Et voilà la page de Oxfam qui annonce plus de 100M de gens possiblement touchés par la famine : https://www.oxfam.org/fr/communiques-presse/dici-la-fin-de-lannee-12-000-personnes-pourraient-mourir-de-faim-chaque-jour

Débrancher vous serait le tuer Vous débrancher serait le tuer

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il y a 4 minutes, Drake a dit :

Débrancher vous serait le tuer Vous débrancher serait le tuer

Merci ! J'ai eu la flemme de traduire le passage moi-même, j'ai glissé sur la faute de l'ami google trad sans la remarquer...

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  • 1 month later...

Contre les conneries de Chamayou sur le libéralisme autoritaires. Dites-moi si vous voyez des problèmes avant que je poste à la rédac' (ou je poste tout de suite à la rédac' je ne sais pas). J'ai une crainte: la longueur.

J'ai pas trouvé de titres, je ne suis pas doué pour ça je crois :(

Révélation

Le terme de « libéralisme autoritaire » n’est pas neuf[1], mais jouit d’une nouvelle actualité avec la parution d’un ouvrage traduit et présenté par Grégoire Chamayou aux éditions Zones intitulé Du libéralisme autoritaire, qui met face à face les textes de deux juristes de la République de Weimar, Carl Schmitt et Hermann Heller. Grégoire Chamayou considère que ces deux auteurs que tout oppose, l’un fasciste, l’autre antifasciste, l’un catholique et raciste, l’autre juif et antiraciste, pourraient éclairer la genèse du néolibéralisme, qu’il appelle « libéralisme autoritaire ». Un terme qui peut sembler oxymorique, car on s’est habitué, peut-être à tort, à identifier le libéralisme avec une réduction de la taille et du domaine d’intervention de l’Etat. Grégoire Chamayou souligne pourtant que cette réduction de la taille de l’Etat n’est pas incompatible avec une société répressive, qui dépolitise la société (par exemple en luttant contre les mouvements de grève et les syndicats) pour repolitiser l’Etat, réduit à ses fonctions régaliennes, et il croit en voir le modèle dans l’œuvre de Carl Schmitt, un modèle que personne, sauf la Nouvelle Droite et l’ultra-gauche, ne voudrait assumer.

Pourtant, il nous paraît que ce rapprochement fait état d’une mécompréhension des conceptions divergentes de l’Etat dans la philosophie et plus encore dans le cadre de pensée intellectuel du néolibéralisme. Un terme vague, mais dont on croit comprendre qu’il se réfère au renouveau libéral qui a traversé les années 70 et 80 dans le contexte de l’ère Reagan-Thatcher, que l’on entend également parfois désignée sous le nom de « révolution conservatrice »[2], ce qui ne fait qu’ajouter au flou conceptuel qui entoure la caractérisation politique de cette période récente en la rapprochant de l’autre période qu’on désigne généralement sous ce nom, à savoir les mouvements intellectuels de droite réactionnaire sous la république de Weimar (Oswald Spengler, Arthur Moeller van den Bruck, Ludwig Klages, Ernst Jünger et Carl Schmitt).

Rappelons brièvement qui est Carl Schmitt. Nous renvoyons le lecteur à l’édition française de La Notion de politique, son ouvrage séminal, et à la préface qu’en a fait Julien Freund, pour une présentation plus exhaustive[3]. Carl Schmitt est, comme le rappelle du reste Grégoire Chamayou, un des plus importants juristes allemands du XXe siècle. Il est impliqué dans des débats politiques autour de la question de la sécularisation : en 1921, il défend dans Théologie politique que les concepts politiques sont tous des concepts théologiques sécularisés, et revendique une conception décisionniste de la souveraineté (« Est souverain celui qui décide en situation exceptionnelle. ») qui le sépare nettement de la tradition libérale qu’il n’aura de cesse d’attaquer. Le politique (défini comme une « substance » qui innerve l’ « instance » de l’Etat) prend racine dans une situation extrême de conflit entre des « amis » et des « ennemis » qui a une valeur existentielle et qui prend forme dans la guerre. L’Etat libéral, note Schmitt, est un Etat pour lequel plus personne n’est prêt à mourir. Inspiré par l’anarcho-syndicaliste admirateur du léninisme Georges Sorel et ses Réflexions sur la violence, il voit dans ce phénomène la disparition du « mythe » de l’Etat[4] dans une conception libérale, dépassionnée de l’Etat, envahi, selon lui, par d’autres dimensions secondaires (à commencer par l’économie). Ce désengagement de l’Etat de sa fonction mythique et existentielle se traduit par l’invasion de la morale dans la politique, par « la » politique en tant que pratique parlementaire, par opposition à la substance « du » politique. Cette perte du politique s’identifie pour Schmitt à la transformation du droit à la lumière des guerres du XXe siècle, la moralisation de la guerre par le pacte Briand-Kellogg et l’invention du concept de « crime contre l’humanité » après la Seconde Guerre mondiale, qu’il vilipende dans Le Nomos de la Terre comme des tentatives antipolitiques : il ne peut y avoir d’ennemi de l’humanité car l’humanité n’est pas un concept politique (elle ne saurait avoir d’ennemis hors d’elle-même). Les droits de l’homme et le « droit-de-l’hommisme » sont la quintessence de cette tendance.

Grégoire Chamayou reconnaît que l’Etat libéral fait une distinction entre Etat et société alors que l’ « Etat total » prôné par Schmitt repose sur la fusion des deux. L’ « Etat total » s’oppose radicalement à l’Etat de droit, qui considère des individus là où l’Etat total ne voit que des groupes, des unités organiques, le Volk. L’Etat de droit fonctionne à partir de règles abstraites. L’Etat de droit est fondé sur un type de pensée juridique articulé à la conception décisionniste schmittienne, et qu’il appelle la « pensée de l’ordre concret », dénoncée par Hayek comme une forme de constructivisme irrationnel dans Droit, législation et liberté[5]. L’Etat de droit, en résumé, garantit la séparation et la protection des attributions respectives des domaines de l’Etat et de la société civile. Cette distinction maintenue suppose aussi qu’on sépare ce qui est légal (et relève du droit positif) de ce qui est légitime (qui relève du droit naturel), selon un rapport des gouvernants au gouverné qui est régi par le consentement et plonge ses racines dans l’œuvre de Locke plutôt que de Hobbes.

Hobbes est le modèle de Schmitt. Il lui a consacré un ouvrage en 1938, car il admire dans l’œuvre du philosophe anglais la résolution de cette dichotomie dans le décisionnisme dont fait preuve le souverain dans le Léviathan : aucune loi ne peut être injuste, tout ce qu’exprime le Léviathan fait droit. Cela n’est pourtant pas à dire que Hobbes renie toute place au droit naturel : il maintient l’existence d’un droit de résistance individuelle, et l’analyse offerte entre autres par Yves Charles Zarka du processus de représentation dans Hobbes, où le souverain incarne la volonté du corps politique qui l’institue par le contrat comme un acteur dit un texte dont il n’est pas l’auteur, relativise grandement la lecture schmittienne. Mais Schmitt, qui n’est pas homme à s’embarrasser des subtilités du système de Hobbes, ayant érigé l’universalisme, le normativisme et le libéralisme en « fourberies de l’esprit juif »[6], est tout à fait prêt à oblitérer tous les aspects individuels et libéraux de l’œuvre, certes contradictoire et parfois mal comprise ou lue sans attention, de Hobbes, et toute possibilité de désobéissance civile, de résistance à l’oppression, qui sont des caractéristiques propres à l’Etat de droit, des mécanismes propres à le sauver de ses propres dérives[7].

On ne comprend donc vraiment pas, quand on a lu les auteurs libéraux et qu’on en vient à la critique violente (et parfois mensongère, au sujet de Hobbes) qu’en fait Schmitt, comment Schmitt peut avoir inspiré les penseurs du néolibéralisme. Dans Le Libéralisme conservateur. Trois essais sur Schmitt, Hayek et Hegel (éd. Kimé, 1993), Renato Cristi avait déjà fait un rapprochement qui va peut-être nous permettre d’y voir plus clair. Il y fournit une curieuse interprétation de Hayek : dans la mesure où les lois doivent être « abstraites et générales », elles ne sont pas incompatibles avec la coercition, pourvu que les individus soient informés des lois en vigueur. Dans l’abstraction de la norme peuvent se nicher toutes les inégalités (on voit venir les inégalités économiques) concrètes : elles ne touchent pas au droit. C’est assez cocasse de lire une telle critique de l’abstraction de la philosophie de Hayek comme la porte ouverte à toutes les fenêtres coercitives, car c’est exactement celle que fournit Rothbard dans L’Ethique de la liberté[8]. C’est pourtant mal comprendre l’œuvre de Hayek, qui entend abstraction comme la propriété émergente d’un processus évolutionniste de complexification de la société, dans laquelle la dispersion de l’information rend tout interventionnisme direct inefficace et illégitime. Inefficace parce que l’information est trop dispersée pour être centralisée[9], illégitime parce que la majorité ne peut donner son consentement, faire consensus, que sur des règles très abstraites et générales et non sur des commandements particuliers (on retrouve presque là, de façon très ironique, un argument de Rousseau). Faire de Hayek un défenseur des travaux publics et de la réduction de la société en esclavage sous couvert de règles abstraites est donc un contresens que les libertariens comme Rothbard et Hoppe[10] sont les premiers à faire, mais qu’on n’attendait certes pas de la gauche, plus habituée à dénoncer le gouffre entre la garantie des libertés formelles (abstraites) et réelles, les première permettant d’éviter de garantir les secondes, d’où la compatibilité possible entre un Etat libéral en principe et un Etat autoritaire dans les faits. Le tour de passe-passe est élégant mais il n’est pas fidèle aux textes et à la pensée des auteurs contre lesquels il est dirigé. C’est précisément la tentative d’imposer une égalité concrète qui serait autoritaire et coercitive[11].

Renato Cristi, dans son ouvrage, rapproche Schmitt et Hayek dans leur dénonciation du positivisme juridique. Selon lui, la cible principale de Schmitt n’est pas le libéralisme, mais la démocratie, et les critiques libérales de la démocratie formulée par Hayek ne serait que le miroir, et non le contraire, de la critique schmittienne. Nul doute que Grégoire Chamayou a mis ses pieds dans les chaussons d’une telle analyse. Le problème de la démocratie, selon Schmitt, est d’avoir politisé la société, d’avoir dépris l’Etat de son monopole de la politique, concentrée dans le domaine régalien. Ce n’est pas du tout la critique de Hayek. En passant, il est comique de vouloir faire de Hayek un partisan d’un Etat strictement régalien et autoritaire à la Schmitt alors que le mérite des critiques libertariennes est au moins de nous avoir pourvus d’une liste de tous les domaines non-régaliens dans lesquels Hayek croyait que l’intervention de l’Etat était légitime. La critique que Hayek fait de la démocratie, telle qu’elle est exprimée dans son œuvre la plus achevée, Droit, législation et liberté, est que « le pouvoir illimité est la conséquence fatale de la forme établie de démocratie » (Hayek 2007 : 620), qui résulte d’une forme de démocratie où règne la dictature des partis et où la politique devient un marché de droits-créances toujours plus invasifs pour l’individu, dans la mesure où chaque parti courtise minorité après minorité pour constituer son électorat et les arrose d’argent public une fois parvenu au pouvoir, au mépris des diverses procédures de limitations du pouvoir qui entravent cette course socialisante qui bafoue l’intérêt public en faveur de son électorat, créant une « incitation » à la déresponsabilisation et à l’interventionnisme. L’analyse, grandement influencée par sa formation d’économiste, que Hayek fait de l’Etat, est plus voisine de l’école du Public Choice qui propose d’analyser l’Etat comme un acteur économique ayant ses préférences et ses « incitations » (nous traduisons le terme du vocabulaire économique « incentive ») comme un consommateur, et des ouvrages de James M. Buchanan, que de l’analyse irrationnelle, « mythique », « existentielle » de Schmitt. Dans son esprit comme dans sa lettre. L’irrespect de la suprématie du droit et de la limitation du pouvoir gouvernemental (la tradition de la rule of law) ont donc mené à une « démocratie totalitaire » (terme que l’on retrouve également sous la plume de Bertrand de Jouvenel), une forme de « dictature plébiscitaire » que Hayek dénonce comme une tyrannie des minorités alors que c’est cette dissolution de l’équilibre des pouvoirs parlementaires qu’appellent de leur vœux Schmitt et ses thuriféraires de droite et de gauche. Quitte à trouver à Schmitt un autre ennemi que le libéralisme, il s’agit moins de la démocratie que du parlementarisme.

Les universitaires, chercheurs, théoriciens qui cherchent à plaquer Schmitt sur Hayek commettent une confusion sur le sens de « démocratie », car ce qui est dénoncé dans la « démocratie » par les libéraux n’est pas le cache-sexe d’une défense de l’autoritarisme : au contraire, c’est bien parce que la démocratie se pervertit dans une forme de dictature de la masse que les libéraux la regardent avec une suspicion justifiée. La démocratie est moins considérée comme un processus de représentation que comme une procédure de sélection non-violente des gouvernants : Hayek n’a pas inventé cette idée, il la reprend à ses compatriotes Mises et Popper[12], respectivement dans L’Action humaine et La Société ouverte et ses ennemis. Hayek souligne que ce danger de la démocratie était assurément bien compris des pères fondateurs américains et des auteurs des Cato’s Letters, qui ne sauraient être ni affiliés aux « néolibéraux » ni à une quelconque forme d’autoritarisme sans tomber dans le ridicule argumentatif complet et l’aquagym spéculative. Cette crainte des pères fondateurs a encore récemment été analysée par Randall Holcombe dans Liberty in Peril[13] et c’est un contresens sur le libéralisme, sur la démocratie et sur ce que Arendt appelle l’ « esprit des lois américain » que d’y voir le cheval de Troie de l’autoritarisme. Il s’agit au contraire de protéger l’individu de la volonté générale, de lui faire sa place dans la vie de la société, au lieu de le dissoudre dans des collectifs. Nous serions donc bien surpris de voir comment l’individualisme de Hayek peut se réconcilier avec le holisme schmittien. On ne pourrait pas mieux dire que Hayek lui-même : « Ce n’est pas la démocratie, ni le gouvernement représentatif proprement dits, qui sont nécessairement corrompus ; ils sont rendus tels par l’institution que nous avons choisie, d’une ‘législature’ unique et omnipotente. » (Hayek 2007 : 636). La critique de Renato Cristi s’appliquerait sans doute mieux à certains conservateurs comme Erik von Kuehnelt-Leddihn et son Liberty or Equality. The Challenge of Our Time (The Caxton Printers, 1952) et peut-être à la dérive droitière de Hans-Hermann Hoppe (From Aristocracy to Monarchy to Democracy, Mises Institute, 2014) mais certainement pas à Hayek, qui a toujours, et à raison, renié cette étiquette[14]. Peut-être serait-il, dans le même esprit, grand temps de rappeler la parenté bien plus grande de Pinochet, et même de Thatcher[15], avec le conservatisme, qu’avec le libéralisme, afin de mettre un terme à cette confusion.

Renato Cristi (1993 : 73) critique la critique hayékienne de Schmitt, qui rapproche la « pensée de l’ordre concret » du positivisme juridique, alors que c’est ce positivisme que Schmitt critique. Il y voit un contresens. Pourtant, Hayek voit très bien dans Schmitt un travers commun à la « pensée de l’ordre concret » et au normativisme positiviste qu’il critique, à savoir la tentation identique d’imposer le primat du droit positif. Et il faut bien reconnaître que ce qui rapproche Kelsen et Schmitt est leur rejet, certes antithétique, du droit naturel. La critique de Hayek est donc parfaitement fondée, et prend place dans une critique plus large des perversions de la raison qui sort de son ordre en voulant prescrire ses lois à une société qu’elle ne peut comprendre (au sens étymologique) et qui mène, ultimement, à une forme d’irrationalisme parfaitement incarné par le « mysticisme » schmittien et son culte de l’Etat. Et nous citons encore cet auteur que personne ne semble lire correctement : « C’est ainsi que le constructivisme rationaliste, en cherchant à tout soumettre au contrôle de la raison, en donnant la préférence au concret et en refusant de se plier à la discipline des règles abstraites, se trouve marcher main dans la main avec l’irrationalisme. » (Hayek 2007 : 117-118). Voilà Schmitt et Kelsen contestés dans une seule phrase très claire.

Dire ensuite, comme le fait Renato Cristi, que Hayek et Schmitt partagent une vision dépolitisée de la société, jouer sur des nuances de la pensée de Schmitt qui aurait cessé d’être décisionniste en 1933 (le moment où il publie un article intitulé « Le Fûhrer protège le droit », drôle de façon de s’éloigner du décisionnisme), consiste donc à sortir les textes de leur contexte et à lancer la signification des mots si haut dans les airs qu’on ne voit même plus de quoi on parle. Prétendre par exemple que Schmitt et Hayek partagent une vision purement négative du rôle de l’Etat est faux. Faux pour Hayek qui n’est pas un libertarien (contrairement à la vision biaisée que les intellectuels français en ont qui consiste à voir dans tout anticommuniste un libertarien et à mélanger dans cette appellation minarchistes et anarcho-capitalistes sous le terme fourre-tout et péjoratif « ultralibéral »), faux pour Schmitt, dont les passages les plus enflammés célèbrent l’Etat fort qui a le pouvoir de faire mourir pour lui les jeunes hommes dans la guerre, ce qui, on nous l’accordera, ne cadre pas parfaitement avec l’image d’un Etat qui n’intervient pas dans la vie des individus. On veut faire de Schmitt un défenseur du pouvoir qui « laisse vivre » (selon la distinction de Foucault) des monarques, contre le pouvoir « biopolitique » qui s’immisce dans la vie sociale, méconnaissant la cohérence profonde de son engagement philosophique conservateur (et absolument pas libéral) et de son engagement politique nazi. Quant à savoir s’il s’agit de dénazifier Schmitt ou de nazifier Hayek, cela n’est pas très clair.

Les élucubrations de Grégoire Chamayou prolongent, avec beaucoup moins de brio, les mêmes confusions et les mêmes sophismes. On continue allègrement de mélanger la critique hayékienne à la critique schmittienne de la démocratie et de faire innocemment comme si le terme de « politique » avait le même sens chez les deux auteurs. Mais l’objectif est plus clair : en ralliant Schmitt et Hayek sous la bannière des opposants à l’Etat-providence, remplacé par un « Etat total » super-régalien, Grégoire Chamayou transforme ses adversaires en nazis. L’argumentation qui consiste à dire qu’un Etat trop étendu fonctionne mal, ce qui n’est pas plus schmittien ou novateur que « l’eau mouille », est immédiatement nazifié, de même qu’il devient suspect d’écouter Rammstein le jour où l’on apprend qu’un criminel célèbre adorait leurs chansons. C’est le procédé classique de la reductio ad hitlerum, saupoudré de respectabilité intellectuelle par des intellectuels toujours si rétifs au libéralisme qu’ils n’ont même pas la décence de lire et de citer les auteurs qu’ils critiquent (en l’occurrence Hayek, car les atomes crochus de l’ultra-gauche avec Schmitt sont plus qu’évidents). C’est pourtant un fait économique et historique qu’un Etat trop étendu fonctionne mal et détruit la société qu’il régit. Son extension[16] croît en proportion de son inefficacité à intervenir partout, l’élévation du fardeau fiscal augmente la pression sur la classe productive, fait obstacle à la production de richesses, diminue le revenu fiscal de l’Etat en retour (selon l’ « effet Laffer » que les lecteurs de notre contributeur Philippe Lacoude connaissent bien[17]) et incite à une production déchaînée de lois et de règlements pour donner une illusion de contrôle et de puissance (toute ressemblance avec une situation et des événements actuels est pure coïncidence). Les divergences économiques entre Hayek et Schmitt crèvent les yeux : le libéralisme nazi est un contresens complet, il s’agit d’un capitalisme d’Etat que défend Schmitt (et que Hayek, dans La Route de la servitude, renvoie justement dos à dos avec le capitalisme d’Etat soviétique), un monopole de la production laissé aux industriels. Autant dire que Mussolini était libéral parce que les squadristes brisaient les grèves, exactement comme Margaret Thatcher, n’est-il pas vrai ? Comme le dit l’universitaire Eddy Malou, « mais oui, c’est clair ». Et comme ajoutait Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « je vous l’avais bien dit ».

Le texte de Grégoire Chamayou est d’autant plus troublant qu’il retranscrit fidèlement l’antilibéralisme de Schmitt, écrivant par exemple avec justesse au sujet de la critique schmittienne de la démocratie : « Mais que reste-t-il alors au concept d’une démocratie authentique, non adultérée par le libéralisme ? Eh bien la dictature, avec Mussolini pour modèle. » Et il cite Schmitt écrivant que renoncer aux élections n’est pas anti-démocratique mais antilibéral, ce qui est en opposition complète avec la définition hayékienne de la démocratie comme mode de sélection pacifique des gouvernants. Grégoire Chamayou continue en montrant comment Schmitt refuse la tradition du « laissez-faire » en économie (l’économie doit aussi être soumise à la décision souveraine). On ne peut s’empêcher d’opiner du chef en lisant cette paraphrase, mais qu’est-ce que ça peut bien avoir à faire avec Hayek ? Grégoire Chamayou effectue un lien entre cette remise en cause du libéralisme classique et les racines de l’ordolibéralisme allemand. Pour ne rien arranger à la macédoine conceptuelle, il les appelle « néolibéraux » allemands. Ça commence à devenir n’importe quoi. Puis son analyse de la crise de 1929 nous précipite dans le décor : ainsi donc les « néolibéraux » allemands des années 30 ont analysé la crise de 1929 comme l’effet d’une intervention de l’Etat dans l’économie. Ils ne sont pas les seuls, a-t-on envie d’ajouter : c’est en fait l’analyse fournie par tous les économistes libéraux de la planète, qu’ils soient allemands ou américains, des années 30 à aujourd’hui, et qui plus est, cette analyse s’applique à la crise de 2008 tout aussi bien. Grégoire Chamayou écrit que cette analyse revient à parler d’une cause non-économique de la crise économique, comme si l’Etat n’était pas une entité économique, comme si les monopoles étaient des aliens dans la théorie économique. Et de là, il en déduit que la théorie libérale (enfin, « néolibérale allemande des années 30 ») de l’Etat est… schmittienne. Mais oui, c’est évident : les deux dénoncent la démocratie et l’Etat parlementaire comme responsable de la crise de 1929 (dont on chercherait bien vainement des mentions substantielles dans les grands écrits de Schmitt, qui, selon toute probabilité, s’en fichait complètement), donc ils sont du même bord, ils se sont inspirés. Que cette analyse soit pertinente ou non, on ne nous le dira pas. Quiconque ne considère pas la crise de 1929 comme un effet du capitalisme déréglé est donc nazi dans l’âme. Milton Friedman, dont je ne suis pas sûr qu’il ait beaucoup lu Schmitt, aurait été surpris, d’autant plus surpris que ce « néolibéral » (mais néolibéral américain des années 50 (pour le début de sa carrière), faut suivre) attribuait la crise de 1929 à un défaut d’intervention de l’Etat, plus précisément à une mauvaise intervention de la Fed[18]. Mais une analyse fine du « néolibéralisme » conduirait en fait à se rendre compte qu’il n’y a pas grand-chose de commun à Hayek, Friedman et Ronald Reagan, et qu’il faudrait donc abandonner ce terme publicitaire ; mais Grégoire Chamayou ne l’entend pas de cette oreille. Sa posture théorique dans le ciel des idées le dispense commodément d’une analyse et d’un compte-rendu honnête de la recherche en économie sur le sujet pour se livrer à ce qu’il sait faire le mieux : des rapprochements hasardeux entre les pommes et les oranges. Que Hayek ait critique les néolibéraux de l’Ecole de Chicago et que l’Ecole autrichienne d’économie ait dénoncé le conservatisme des ordolibéraux n’est vraiment pas le genre de broutilles dont un grand esprit philosophique devrait daigner s’embarrasser[19].

Le texte de Grégoire Chamayou continue sur sa lancée, mélangeant ordolibéralisme, néolibéralisme et nazisme, sans qu’on voit très bien où le libéralisme va être incriminé. Les dérives idéologiques des économistes allemands des années 30 constitueraient les prodromes du « néolibéralisme » dans sa fascination pour un Etat autoritaire laissant l’économie fonctionner librement. C’est méconnaître la pensée libérale profondément, qui considère que la liberté économique ne peut fonctionner sans liberté politique, que les deux vont de pair, comme l’expérience dictatoriale du Chili l’a montré, le règne sanguinaire de Pinochet s’étant conclu par un référendum et une démission et la transition du pays vers la démocratie. A l’inverse, le nombre de pays socialistes ayant effectué grâce au socialisme leur transition vers la démocratie est, force est de le reconnaître, plutôt faible, et ce ne sont pas les criminels Poutine et Castro qui diront le contraire. La stratégie argumentative qui consiste à faire de Walter Eucken et des ordolibéraux allemands des porte-voix du libéralisme en général ou d’un « libéralisme autoritaire » revient donc à retirer toute signification au libéralisme, un peu comme une citation hors contexte de Marx pourrait le faire passer, à l’inverse, pour un libéral[20]. En effet, la pertinence de ces gloses sur les ordolibéraux pour une théorisation générale d’un « libéralisme autoritaire » n’est pas établie, et la compatibilité de l’ordolibéralisme avec le libéralisme lui-même ne l’est pas non plus. Il ne suffit pas de se dire libéral pour être libéral, sinon on pourrait tout aussi bien parler de « libéralisme jupitérien » pour parler du « libéralisme » du président Macron, qui est autoritaire justement, mais libéral en même temps, pour des raisons peu claires.

De façon frappante, on pourrait donc simplement corriger le texte de Grégoire Chamayou, s’il veut bien le permettre : il suffit qu’il efface « libéralisme autoritaire » à chaque fois dans le texte pour écrire à la place « fascisme ». Et ça devient tout de suite plus clair. N’importe quel historien sait cela du fascisme, et ils ne sont pourtant pas nombreux à dire que le fascisme était un mouvement libéral, sous prétexte qu’il « légifère par ordonnance en matière économique et sociale ». Ce qui est cocasse, pour un mouvement d’idées qu’on accuse de ne pas se préoccuper des réalités sociales et de ne pas intervenir dans l’économie. Grégoire Chamayou prenant conscience de la fragilité de cette recette qui fait fi de l’assentiment général (dont on a vu l’importance pour le « néolibéral » Hayek) en déduit que le « libéralisme autoritaire » ne peut être que transitoire (on voit venir la « stratégie du choc », la théorie complotiste de Naomie Klein), ce qui ne cadre pas tout à fait avec la dictature de Pinochet (de 1973 à 1990, avec justement une transition vers la démocratie), le mandat de Thatcher (ou plutôt, justement, ses deux mandats) et celui de Reagan (ou plutôt, ses deux mandats), tous des « néolibéraux » austéritaires. On rappellera d’ailleurs qu’en matière de consentement populaire et de dictature, Allende n’avait rien à lui envier[21].

Grégoire Chamayou en vient à Hayek, et redouble d’agressivité contre ses thèses « aberrantes ». Il présente les similitudes que fait voir l’analyse de Hayek entre socialisme et nazisme sans les réfuter par des arguments : il préfère dire que « la ficelle est grosse » et que c’est du « révisionnisme ». Il faut dire que cela met en difficulté son argumentation qui consiste à faire de Hayek un nazi, c’est-à-dire un « disciple de Schmitt » selon sa thèse originale. Il cite des passages où Hayek fait l’éloge de la finesse de l’analyse schmittienne de la dictature des partis, faisant l’impasse sur toutes les mentions où Hayek évoque Schmitt comme le « théoricien nazi du totalitarisme » et reproche à Carr de se rapprocher de ses thèses[22]. Que Walter Benjamin, Hannah Arendt, Giorgio Agamben, Julien Freund, Raymond Aron aient lu, cité et admiré les analyses de Schmitt ne prouve rien d’autre que le talent intellectuel de cet esprit. Pas que cette liste de noms dessine une nébuleuse libérale ou nazie. Mais le cherry-picking de Grégoire Chamayou s’expose ainsi dans toute sa grandeur : il extrait un passage où Hayek fait l’éloge de l’analyse schmittienne de la dictature des partis dans les démocraties illibérales pour plaquer immédiatement l’ombre nazie sur la philosophie de Hayek. On se prend donc à rire en le lisant évoquer la distinction entre libéralisme et démocratie que fait Hayek comme « sa » distinction, comme si le libéralisme était né avec Hayek, comme si toute l’histoire du scepticisme libéral envers les méfaits de la démocratie (et pas de la démocratie comme système de sélection pacifique des gouvernants) n’avait pas existé, de Jefferson à Tocqueville. L’analyse qui veut que la faiblesse institutionnelle de la république de Weimar et les conflits partisans, surtout au sein de la gauche et des communistes à la botte de Staline aient précipité l’Allemagne dans le nazisme, sous prétexte que Schmitt l’a perçu simplement parce que ça crève les yeux (il n’y a qu’à se renseigner sur la stratégie du « social-fascisme » et l’hostilité congénitale entre le KPD et le SPD), devient elle-même « nazie ». Nos yeux n’en croient pas leurs oreilles.

Dans sa conclusion, Grégoire Chamayou conteste la lecture foucaldienne du néolibéralisme. Là encore, rien d’étonnant à ce qu’il s’en prenne à Foucault, puisqu’il est incapable de comprendre le sens historique du pouvoir biopolitique (dont l’Etat-providence est la quintessence) par opposition à l’Etat fort mais limité de l’Ancien régime. Il superpose à cette dichotomie pertinente un « Etat total » dans le sens d’ « Etat-providence » contre lequel Hayek et Schmitt écrivent et un « Etat total » dans le sens schmittien, c’est-à-dire l’Etat fasciste, qu’il confond avec l’Etat minimal libéral qui serait la copie de l’Etat fort mais limité de l’Ancien régime. Voyez le cheminement ! Pour Grégoire Chamayou, Foucault a eu tort de voir dans le néolibéralisme une « phobie de l’Etat », puisque le néolibéralisme est une forme de fascisme qui rêve d’un Mussolini qui laisserait les industriels faire leurs affaires, ce qui est exactement ce que Mussolini faisait, bref, qui rêve d’un nouveau Mussolini. Encore une fois, Grégoire Chamayou croit visiblement qu’une économie qui ne collectivise pas les moyens de production est une économie « libre » ou « libérale ». Mais il faut bien reconnaître que sa compréhension du terme est si vertigineusement floue qu’on ne saurait lui tenir rigueur de son incurie et de ses amalgames. Non, Grégoire Chamayou est plus intelligent que Foucault et sa préface de trente pages décousue témoigne d’une meilleure compréhension du problème que les cours de Foucault au Collège de France : ne voir dans le néolibéralisme (qui, ici, désigne le renouveau libéral des années 70, et plus le nazisme des années 30 ; je vous avais dit qu’il fallait suivre !) qu’une phobie de l’Etat et l’émergence de formes de gouvernementalités horizontales, la valorisation de la responsabilité, non, ce n’est que la moitié du tableau. L’autre moitié, c’est l’autoritarisme, la violence, le néofascisme. Foucault, au contraire, avait très bien compris Hayek et Mises, qu’il était un des très rares intellectuels français à avoir lus : leur « néolibéralisme » s’oppose justement à la tendance moderne de l’Etat à s’immiscer dans la vie sociale et privée des individus, donc au pouvoir « biopolitique », au pouvoir sur les corps, visible dans l’immixtion de l’Etat dans le domaine de la santé, dans les politiques d’hygiène publiques et leurs dérives possibles (dont l’eugénisme est sans doute la plus cauchemardesque). Au lieu de voir dans le totalitarisme une forme maximale de biopolitique, en droite ligne de l’hygiénisme des campagnes de vaccination de la colonisation (Arendt avait bien vu la continuité qui va du système colonial de l’arbitraire au système totalitaire), il s’agirait exactement du contraire : le totalitarisme serait l’anti-biopolitique, l’anti-Etat-providence, bref, le totalitarisme serait pré-libéral. C’est « étrange » concède Grégoire Chamayou dans un rare moment de lucidité, mais c’est vrai. Ça n’a rien à voir avec les textes de Hayek qu’il ne cite presque jamais, mais c’est vrai. Ça n’a rien à voir avec les études historiques sur le fascisme, qui montrent entre autres l’héritage vichyste de notre Etat-providence, mais c’est vrai[23]. Vraiment, Grégoire Chamayou n’a pas froid aux yeux. Rien d’étonnant que l’analyse hayékienne lui passe au-dessus de la casquette. Sa vision, qu'il voudrait faire passer pour subtile, est binaire comme celle de tous les idéologues, elle est mal informée comme celle de tous les pseudo-intellectuels prêts à réfuter Foucault et à montrer que le sec mouille (on apprend par exemple que Ortega y Gasset, qu’il a l’air de bien connaître, était économiste, « néolibéral » bien sûr, quoique pas allemand), elle méprise les faits et l’analyse économique ou historique comme tous les fanatiques : être contre l’Etat-providence, c’est forcément être nazi. Être opposé à un Etat gargantuesque, c’est forcément être favorable à un Etat autoritaire. Tout ce qui s'approche de près ou de loin d'une critique de sa conception de la démocratie, de sa conception de la politique, de son idéal de société, est nazi.

Grégoire Chamayou n’argumente pas. Il verrouille l’argumentation et les termes du débat de façon à avoir raison, même quand il a tort. Sir Karl Popper nous a appris à nous méfier des adversaires avec qui on ne peut même pas discuter sans être insultés, qui ont toujours l’anathème facile et cèdent aux analogies douteuses. Nous ferions bien de l’écouter.


[1] Cf. par exemple Jean, Jean-Paul (1987), « Le Libéralisme autoritaire », Le Monde diplomatique, octobre 1987, pp. 16-17.

[3] Schmitt, Carl (1992), La Notion de politique, Paris, Garnier-Flammarion.

[4] Schmitt, Carl (1923), La Théorie politique du mythe in Zarka, Yves Charles (dir.), Carl Schmitt ou le mythe du politique, Paris, PUF, 2009, pp. 183-198.

[5] Hayek, Friedrich August (2007), Droit, législation et liberté, Paris, PUF, pp. 184-186.

[6] Zarka 2009 : 67.

[7] Ce que Rawls, dans Théorie de la justice, et Arendt, dans Du mensonge à la violence, ont longuement discuté.

[8] Rothbard, Murray (2009), L’Ethique de la liberté, Paris, Les Belles Lettres, pp. 349-363 et notamment p. 362 : « On a rarement mis aussi crûment en lumière à quel point il est absurde de vouloir fonder la liberté individuelle uniquement sur des règles générales, universelles (‘également applicables’) et prévisibles. Cela signifie que, par exemple, si une règle générale de l’Etat décrète que chaque personne sera réduite en esclavage une année sur trois, il n’y aurait rien de coercitif dans cet esclavage universel. »

[11] On peut penser à l’interventionnisme illimité transformant l’Etat-providence en équivalent politique de la notion théologique de création continuée et auquel on s’expose en ne distinguant plus equality of outcome (l’égalité du résultat) et equality of opportunity (égalité d’opportunité) en relisant la parabole de Wilt Chamberlain dans Nozick, Robert (2016), Anarchie, Etat et Utopie, Paris, PUF, pp. 200-204.

[12] « I suggest the term ‘democracy’ as a short handy label for… governments of which we can get rid without bloodshed – for example, by way of general elections ; that is to say, the social institutions provide the means by which the rulers may be dismissed by the ruled. » Popper, K.R. (1963), The Open Society and Its Enemies, Princeton, Princeton University Press, vol. 1, p. 124.

[16] Dont Justin Murray, dans un article pour le Mises Institute, a proposé une mesure intéressante : l’Implied Public Reliance ( = (population active – fonctionnaires)/population totale) : https://mises.org/library/greece-reliance-public-funds-central-problem

[17] Ils peuvent, le cas échéant, se reporter au chapitre que lui consacre Philippe Simonnot dans Nouvelles leçons d’économie contemporaine, Paris, Gallimard, 2017, pp. 407-416.

[18] « As a result of examining more closely the key years between 1929 and 1933, Friedman and Schwartz first concluded that the Great Depression was not the necessary and direct result of the stock-market crash of October 1929, which they attribute to a speculative investment bubble. (The popping of the “bubble” may have been instigated by the Federal Reserve’s raising of the discount rate—the interest rate the Fed charges on loans to commercial banks—in August 1929. The cause of the speculative bubble that led to the crash is a somewhat controversial topic. Whereas Friedman and Schwartz accepted that the bubble was caused by investors, seemingly endorsing—at least partly—the Keynesian “animal spirits” explanation, Austrian economists have argued otherwise.) In fact, they believed that the economy could have recovered rather rapidly if only the Fed—the central bank of the United States —had not engaged in a series of disastrous policies in the aftermath of the crash. (…) Friedman and Schwartz argued that all this was due to the Fed’s failure to carry out its assigned role as the lender of last resort. Rather than providing liquidity through loans, the Fed just watched as banks dropped like flies, seemingly oblivious to the effect this would have on the money supply. The Fed could have offset the decrease created by bank failures by engaging in bond purchases, but it did not. As Milton and Rose Friedman wrote in Free to Choose: ‘The [Federal Reserve] System could have provided a far better solution by engaging in large-scale open market purchases of government bonds. That would have provided banks with additional cash to meet the demands of their depositors. That would have ended—or at least sharply reduced—the stream of bank failures and have prevented the public’s attempted conversion of deposits into currency from reducing the quantity of money. Unfortunately, the Fed’s actions were hesitant and small. In the main, it stood idly by and let the crisis take its course—a pattern of behavior that was to be repeated again and again during the next two years.’ According to Friedman and Schwartz, this was a complete abdication of the Fed’s core responsibilities—responsibilities it had taken away from the commercial bank clearinghouses that had acted to mitigate panics before 1914—and was the primary cause of the Great Depression. » https://fee.org/articles/the-great-depression-according-to-milton-friedman/

[19] « Even before the war, Mises did not have the highest opinion of most German economists. After his emigration, he had avoided any closer involvement with them. He would acknowledge Erhard's achievements by contributing to a Festschrift in Erhard's honor, but he declined to write an entry for the new standard social-science dictionary, the Handwörterbuch der Sozialwissenschaften; only after Gottfried Haberler pleaded the case of the editors did Mises agree to write a piece on "Economic Liberalism," a complement to Hayek's article on "Political Liberalism." And the prospect of cooperating with the fashionable Ordo School, be it in the Mont Pèlerin Society or elsewhere, did not exactly warm his heart either. He believed the Ordo people were hardly better than the socialists he had fought all his life. In fact, he eventually called them the "Ordo-interventionists." And his New York associates seem to have harbored essentially the same views — but without Mises's hesitation to express such views in print. » https://mises.org/library/against-neoliberals

[20] N’est-ce pas lui qui écrit : « Une « éducation du peuple par l'Etat » est chose absolument condamnable. Déterminer par une loi générale les ressources des écoles primaires, les aptitudes exigées du personnel enseignant, les disciplines enseignées, etc., et, comme cela se passe aux Etats-Unis, surveiller, à l'aide d'inspecteurs d'Etat, l'exécution de ces prescriptions légales, c'est absolument autre chose que de faire de l'Etat l'éducateur du peuple ! Bien plus, il faut proscrire de l'école au même titre toute influence du gouvernement et de l'Eglise. » dans la Critique du programme de Gotha ? https://www.marxists.org/francais/marx/works/1875/05/18750500d.htm Alors quoi? Marx, précurseur de l’école libre ?

[21] Article indispensable de Contrepoints pour rappeler les faits : https://www.contrepoints.org/2019/09/11/798-la-voie-chilienne-vers-le-socialisme

[22] Hayek, Friedrich August (2016), La Route de la servitude, Paris, PUF, p. 199.

[23] On consultera avec profit l’encyclopédie Wikibéral à ce sujet : https://www.wikiberal.org/wiki/R%C3%A9gime_de_Vichy#L.27h.C3.A9ritage_de_Vichy

 

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Quelle ne fut pas ma surprise de voir sur Contrepoints une pub d'illuminés anti-5G. "5G: danger après 55 ans" je trouve que c'est tout de même gonflé comme message.

Alors bon, liberté d'expression, tout ça.  Reste le fait que pour un lecteur de passage, CP risque d'être vite classé dans les sites complotistes...

 

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Bonjour.

 

Je signale une initiative intéressante dans le domaine de l'éducation, qui pourrait donner l'occasion d'un bon article. Me contacter si vous êtes intéressés.

 

Une société à but non lucratif devrait annoncer mardi matin le lancement d'un test indépendant de Maths dans la foulée des épreuves terminales de spécialité du bac, à partir de 2022 : une sorte de super-épreuve plus sélective dont les résultats seraient utilisables à l'intérieur du système parcoursup en exploitant la liberté offerte aux candidats de communiquer directement quelques éléments aux formations où ils postulent. Cela risque de tanguer un peu vu la culture soviétique de l'Education Nationale, donc c'est à relayer sans trop appuyer le côté libéral (les membres de l'asso sont en fait de bords politiques très variés mais tous partagent le constat qu'on ne peut pas faire grand' chose d'innovant à l'intérieur du système). La réaction du Mammouth devrait être assez savoureuse.

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Voici une forme un peu plus présentable de mes deux posts qui ont plu dans le topic sur l'économie pour noob :

Révélation

Le véritable problème de la dette publique

 

L'auteur de ces lignes n'a aucune qualification en économie. Le texte qui suit n'a donc aucune autorité, il s'agit uniquement d'une invitation à la réflexion, ainsi que d'une tentative, de la part d'un profane, de synthétiser en aussi peu de mots que possible -mais pas moins qu'il n'en faut- un labyrinthe d'informations dans lequel il est souvent difficile de se repérer.

 

En raison de la pandémie de confinements, la dette publique de la plupart des pays bondit, et quelques commentateurs commencent à faire mine de s'en inquiéter. Mais pourquoi au juste ? Une grande partie de cette dette n'est-elle pas détenue dans le pays lui-même ? Et les états n'ont-ils pas de toute façon la possibilité de faire « rouler » éternellement leur dette, en la remboursant toujours avec plus de dette ? Après tout, les taux auxquels l'état s'endette sont très bas, négatif même, à court terme. Cette position « rassuriste » a for malheureusement quelques angles morts, qu'il convient d'examiner.

 

Si l'état peut, contrairement à vous mortels, faire rouler sa dette, c'est, entend-t-on parfois, en raison de sa potentielle immortalité. Cette hypothèse n'est toutefois pas suffisante. Une entreprise aussi est, en puissance, immortelle, elles sont d'ailleurs nombreuses à être plus anciennes qu'un grand nombre de pays. Pourtant, aucune ne peut se permettre de faire « rouler sa dette » à la façon d'un état. C'est donc autre chose, un pouvoir qui fait défaut aux entreprises, qui permet de s'endetter aussi facilement et à des taux aussi bas : celui, tout simplement, de contraindre par la force les banques à acheter cette dette. Une série de réglementations nationales et internationales (les dernières en date étant les accords de Bâle III, visant à donner plus de contrôle aux états suite à la crise de 2008) font que les banques sont tenue de détenir une certaines quantités d'actifs jugés fiable par l'état, et donc, de la dette d'état, en fonction de l'argent qu'elles prêtent (et donc, créent) sous peine de se voir infliger de très lourdes amendes.

 

Bonne nouvelle, les perfides banquiers, sans doute coupables de spéculation et autre conspiration, seraient donc les seuls auquel le système ne profiteraient pas ! Pas si vite. Non seulement les banques, comme de nombreux groupes d'intérêt, ont leur mot à dire, et souvent une oreille ou deux au gouvernement pour les écouter, mais surtout, cette petite machinerie ne pourrait pas fonctionner sans elles. Les piller sans contrepartie reviendrait tout simplement à menacer leur existence, et donc, le bon fonctionnement du tour de passe-passe.

 

Les banques trouvent leur intérêt dans la promesse, désormais plus officielle qu'officieuse, de se voir racheter leur titre de dette publique par de la monnaie nouvellement créé par les banques centrales, qu'elles peuvent à leur tour multiplier par des prêts. Elles jouissent donc du « seigneuriage », vieux privilège aujourd'hui privatisé, permettant de jouir de prix bas avec un nouvel argent, avant que celui-ci ne provoque de l'inflation en étant dépensé.

 

Ce dont nous devons nous inquiéter à propos de l'endettement de l'état, ce n'est pas de la possibilité qu'un huissier vienne frapper à ça porte. De quelle autorité, par quelle force, viendrait-il contraindre l'état à rendre quoi que ce soit ? Ce n'est pas non plus que ces créanciers perdent confiance en lui et refusent de lui prêter à nouveau, ou encore, n'y consentent qu'à des taux plus élevés – après tous, il peut les forcer à lui prêter, et il passera toujours pour clément à leur égard, puisqu'il pourrait tout aussi bien les piller sans aucune promesse de remboursement. Ce n'est pas non plus que les banques et tout le système financier fasse faillite du fait de cette extorsion, il ne peut pas se le permettre, on peut être certain qu'il créera toujours autant d'argent que nécessaire pour les sauver, comme on l'a vu en 2008. Le problème est bel et bien que plus de dette publique signifie plus de création monétaire.

 

Trois maux majeurs, que l'on a trop souvent tendance à prêter au capitalisme lui-même, sont causés par la création monétaire. Le premier est bien connu des libertariens, il s'agit, à en croire la théorie autrichienne du cycle des affaires (austrian business cycle theory, ou ABCT), de la création, ou au moins de l'amplification, des crises économiques. Nous en diront quelques mots, toutefois, nous tâcherons de ne pas nous y appesantir inutilement. D'une part, parce qu'il existe de nombreuses théories rivales de crises(coût de menu des nouveaux keynésiens, cycle réel des nouveaux classiques, baisse du taux de profit du capital des vieux marxistes, etc), pas forcément toutes mutuellement exclusives d'ailleurs, mais surtout parce que les deux autres mots ne sont pas moins grave, et sont trop souvent ignorés : l'augmentation de la préférence pour le présent, et avec elle, une bonne partie de ce que nous avons pris pour habitude d'appeler « consumérisme » ; et une redistribution inversée, des pauvres vers les riches.

 

Effet Cantillon et ABCT

 

Plus de monnaie signifie des prix plus élevés, tout le monde s'accorde, au moins en grande partie, sur ce sujet. C'est trivial : qu'il y ait une plus grande quantité de monnaie pour une même quantité de richesse, c'est à dire, de bien à acheter avec elle, implique que chaque unité de monnaie permettra d'acheter une plus petite part de richesse. Par contre, ce qui est ignorée de la plupart des écoles d'économie est que l'argent nouvellement créé n'apparaît pas uniformément dans toute la société. L'argent nouveau s'écoule des mains de celui qui l'a créé vers le reste de la société lorsqu'il est dépensé, et fait augmenter les prix de ce qu'il sert à acheter en premier lieu avant le reste. Il y a donc non seulement une augmentation des prix nominaux en général, mais aussi, un changement des prix les uns relativement aux autres. C'est ce que l'on appelle « l'effet Cantillon », en mémoire de cet économiste irlandais du XVIIIe qui prédit l'échec du système de Law [insérer ici un article CP sur le sujet].

C'est à partir de ce même phénomène que Hayek, approfondissant les théories de Mises, prédit la crise de 1929. En effet, distordre les prix fait que ceux-ci cessent de refléter adéquatement, et tous de la même façon, le rapport de l'offre à la demande. Certains biens, parce que le nouvel argent traverse plus vite leur marché, voit leur prix monter bien au delà de la demande pour eux (c'est sans doute aujourd'hui le cas pour l'immobilier en France, peut-être aussi pour les actions Tesla et le bitcoin), alors que d'autres en viennent à nous apparaître comme faussement abondant par le prix se retrouvant relativement plus bas. Les nouveaux investissements obéissent à ces signaux trompeurs, et ne font que faire grossir la bulle. La crise n'est rien d'autre que l'inévitable retour à la réalité, la rencontre de ce qui est réellement demandée par les consommateurs, et de ce qui est réellement abondant ou non.

 

Tout ceci ne doit pas être pris comme une considération technique n'intéressant que le financier et le trader. Outre l'impact individuel du chaumage et de la pauvreté, nous savons que les crises majeurs provoquent souvent des réactions politiques assez dramatiques.

 

Capitalisme de cigale VS capitalisme de fourmi

 

Lorsqu'on lit Max Weber, père de la sociologie allemande écrivant à la fin du XIXè, sur le capitalisme, on ne peut que ce demander si c'est bien du même système économique qu'il nous parle : le capitalisme serait le fruit d'une éthique protestante poussant au travail et à l'épargne, plutôt qu'à l'oisiveté et à la dépense vaine, associés au traditionnel mépris catholique pour la richesse. Difficile d'y reconnaître ce monde d'inlassable consommation où l'on amasse des déchets plus qu'autre chose.

 

Cette évolution est en partie due au succès du capitalisme, ayant rendu plus abondants de nombreux biens. Elle est aussi, nous rappellent les écologistes, due à notre cécité pour les externalités, la destruction des richesses naturelles que nous sommes tous incités à négliger, puisque nous ne payons individuellement qu'une partie du coût que nous infligeons à toutes l'humanité. Mais ce n'est pas tout.

 

Parmi les déformations artificielles des prix causées par la création monétaire, on compte tout particulièrement une modification du prix du temps. En effet, que les prix grimpent nos incites à dépenser (punir les épargnants est d'ailleurs un objectif explicite de la plupart des apologètes de la planche à billets, d'inspiration keynésienne), et inversement lorsqu'ils descendent.

 

Cette dernière perspective, celle de la déflation nous effraie parfois : puisque nous serions toujours incités à attendre avant de dépenser notre argent, nous ne dépenserions jamais, et nous laisserions tous mourir de faim, sans aucun doute. Mais c'est oublier un élément essentiel de l'action humaine, celle de la préférence pour le présent. Qu'un verre d'eau coûte moins cher demain qu'aujourd'hui ne me fera pas me priver d'eau pour la journée, et en outre, que garder de l'argent revienne-t-alors à s'enrichir ne signifie pas que ce soit la meilleure façon de le faire, et qu'il n'y ait pas des investissements d'autant plus rentable. Schumpeter faisait d'ailleurs observer que les périodes de déflation étaient fréquentes au XIXè, en temps de paix (elles ne sont après tout que le symptôme d'une plus grande création de richesse que de monnaie), et que loin d'être des catastrophes, elles étaient souvent l'occasion des dépenses les plus ambitieuses, telles la construction du canal de Suez et des chemins de fer en France.

 

L'évolution du niveau des prix se contente de modifier notre préférence pour le présent. La déflation, en la faisant baisser, nous pousse à voir à long terme, nous détourne des dépenses frivoles et inutiles et nous pousse à n'investir que dans les entreprises qui seront les plus profitables (pour nous et pour les autres) à l'avenir. L'inflation nous invite à faire tout l'inverse. Elle est sans doute profitable pour un pays à court-terme -à l'échelle d'un cycle politique, par exemple- mais à long terme, elle tend à transformer en prophétie auto-réalisatrice le prognostique de Keynes, selon lequel « à long terme, nous seront tous morts ».

 

Que notre société soit vieillissante, et que notre rapport à notre environnement risque de nos causer des soucis à l'avenir, devrait nous faire prendre tout ceci très au sérieux. Si l'ancien capitalisme de laborieuses fourmis protestantes que décrivait Weber était suffisamment riche pour permettre aux cigales bohémiennes de vivre et de jouir dans une relative, et délibérée, pauvreté, une société entièrement construite sur la jouissance immédiate peut difficilement être comparée à autre chose qu'à une nuée de locustes.

 

Robin des bois à l'envers

 

Une troisième plaie de la création monétaire est que cette distorsion des prix et des incitations ne touche pas tout le monde de la même façon. Certains y gagnent, d'autres y perdent, et elle peut donc être vu comme une redistribution de valeur de ces derniers vers ces premiers. Au risque d'étonner les libertariens qui ont pris l'habitude de voir en l'état essentiellement un allié des pauvres et des oisifs contre les riches et les industrieux, à y regarder de plus prêt, ce transfert de richesse semble bien aller dans l'autre sens.

 

La création monétaire profite, d'une part, à l'endetté, qui voit le poids de sa dette se dissiper comme par magie, au détriment de l'épargnant, qui voit la valeur du fruit de ses efforts et de sa prévoyance lui filer entre les doigts. D'autre part, elle profite aux premiers détenteurs du nouvel argent, qui peuvent le dépenser « gratuitement », avant que les prix ne montent, au détriment des derniers, qui voient les prix augmenter avant d'avoir plus d'argent à dépenser.

 

Ceux qui s'endettent le plus sont, d'une part, l'état, d'où cette vaste escroquerie soutenue par lui, et d'autre part, les plus riches et les plus grosses entreprises, les pauvres n'ayant tout simplement pas même pas possibilité de s'endetter autant. Et de plus, les plus riches sont immunisés contre les pertes infligées à certains par cette redistribution, puisque plutôt que d'épargner, ils ont la possibilité d'acheter des actifs dont la valeur augmente plus vite que l'inflation.

 

Les premiers lésés ne sont pas tout à fait les plus pauvres. Ceux-là, par les aides de l'état, bénéficient peut-être de quelques miettes du larcin. Ceux qui pâtissent le plus sont plutôt ceux qui pourraient sortir de la pauvreté par leur travail et leur prévoyance. Il est toujours possible aujourd'hui de devenir riche à partir de peu, comme l'on fait Bezos ou Buffet en Amérique, mais il faut pour cela être à la fois très travailleur et très intelligent, il n'est plus possible de se contenter d'être travailleur et parcimonieux pour ça. Balzac, dans le Père Goriot, nous raconte l'histoire, à l'époque vraisemblable, d'un homme devenu riche en faisant des pâtes, et dont la fortune est dilapidée par des filles ingrates. Aujourd'hui, cette fortune ingrate est pillée par l'état avant même qu'elle ne soit constituée.

 

Cette dynamique n'est que redoublée par l'autre facteur de redistribution, l'ordre distribution du nouvel argent. Les bénéficiaires de celle-ci sont plus difficiles à discerner avec exactitude, puisqu'entre la dette de l'état promise à être rachetée, le prêt de banque centrale et le prêt de banque commerciale, il est difficile de déterminer quand apparaît véritablement le nouvel argent. Toutefois, le plus gros de la masse monétaire étant créé par les prêts des banques commerciales, il semblerait que les gagnants de ce jeu là soient encore les plus gros endettés, les mêmes que précédemment.

 

Tout ceci n'est pas une spéculation hors sol. Que l'on voit les prix de l'immobilier augmenter plus vite que « l'inflation » calculé à partir d'un panier de biens de consommation quelconque signifie que le nouvel argent sert plus à acheter des immeubles que des œufs, et l'acheteur moyen d'immeubles n'est pas l'acheteur moyen de boîtes d’œufs. Nous comprenons aussi ainsi les mécanismes à l’œuvre derrière le creusement des inégalités depuis l'abolition de l'étalon-or du dollar au début des années 70, puisqu'il s'agissait de l'une des dernières barrières contre la création monétaire déraisonnée. [insérer peut-être quelque part par ici wtfhappenedin1971.com ] Nous pouvons aussi comprendre pourquoi, alors qu'il n'y avait jamais eu de centi-milliardaires en dollar US avant 2020, il y en a désormais au moins cinq.

 

Petit bilan : voilà donc le véritable enjeu de l'endettement sempiternel de l'état. Ce « roulement » carbure à la création monétaire, et celle-ci est à l'origine, au moins en grande partie, à la fois des crises économiques, du court-termisme, et d'inégalités injustifiés, puisque causées non par le libre jeu des échanges mais par une redistribution tout particulièrement inique.

 

Et voilà l'article sur le confinement vu à travers un prisme arendtien que j'avais l'intention d'écrire depuis un moment :

Révélation

Profitons de ce deuxième confinement et demi (non pas qu'il s'agisse d'un demi-confinement, mais bien plutôt qu'il n'y a pas vraiment eu de déconfinement le séparant de celui d'automne) pour réfléchir à la nature du phénomène politique que nous vivons. La tâche est difficile, puisqu'il est sans précédent. Certes, il y a déjà eu quelques quarantaines (inutiles, d'ailleurs) ici et là lors pandémies pour la plupart bien plus terrifiante que celle de notre présente pneumonie, mais il ne s'agissait tout au plus que de quelques villes et de leurs environs, jamais de pays entiers.

 

Il ne s'agit pas d'un geste médical collectif anodin, comme un médicament désagréable à avaler que seul un caprice enfantin pourrait nous faire refuser. De telles politiques sont absolument nouvelles, alors que les pandémies sont relativement banales (les plus de 65 ans connaissent déjà au moins leur quatrième pandémie ayant atteint ou dépassé le million de morts), il s'agit donc, au mieux, d'une incroyable innovation politico-sanitaire. Ou tout du moins, ça en aurait été une s'il s'était agit du fruit de nouvelles découvertes scientifiques, ainsi que d'une délibération politique raisonnable accompagnée de réflexion éthique rigoureuse pour décider de son application. Ca n'a pas été le cas. Rappelons que quelque soit l'état de la recherche et de l'opinion populaire actuelle sur le bien fondée du confinement, à la veille de la pandémie, le consensus scientifique était que les quarantaines sont à éviter en toutes circonstances.

 

[source page 9 ici : https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/329438/9789241516839-eng.pdf

entre autre]

 

Et même si de solides éléments scientifiques étaient venu recommander les quarantaines nationales, il ne se serait pas pour autant agit d'une évidence politique. On ne tolérait, il y a peu de temps auparavant, l'usage de la coercition pour des raisons médicales que dans des cas rares et très encadrés – lorsqu'un malade perd son autonomie, et qu'il devient dangereux pour lui-même et pour les autres. Autoriser aujourd'hui une coercition massive, pour des raisons médicales, sur des non-malades, ne coule aucunement de source.

 

Si ce n'est la lumière de la science (à ne pas confondre avec le bruit de bonshommes en blouse blanche à la télé) qui est à l'origine du mouvement mondiale auquel nous faisons face, c'est que celui-ci est d'abord bel et bien de nature politique. C'est de cette façon qu'il a déjà tenté d'être compris par ceux qui lui ont cherché des antécédents du coté du totalitarisme du siècle dernier. On a vu fleurir des citations (souvent approximatives) de Orwell, qui semblaient toutes merveilleusement décrire notre quotidien. Mais si Orwell est un auteur brillant, qui a su dresser un portrait-type des sociétés totalitaires, il n'est pas forcément celui qui a le plus fait attention à leurs subtilités et leurs mécanismes plus profonds. Pour tout ça, un détour par Arendt et son monumental L'Origine du Totalitarisme s'impose. Je vous propose donc ici quelques considérations, en vrac, sur ce que l'on peut voir de totalitaire -ou non- au sens de Arendt dans nos confinements.

 

Commençons par rappeler qu'un totalitarisme n'est pas un simple autoritarisme classique, puisqu'il s'agit d'un contrôle étroit de chaque aspect de la vie des individus par une bureaucratie devenue omniprésente. Sous ce rapport, nos khmers blancs semblent être les plus purs des totalitaristes. Les lieux où vous avez le droit de vous rendre, les heures auxquelles vos avez le droit de sortir, les motifs sous lesquels vous pouvez rendre visite à vos proches, etc, plus rien de tout ceci n'échappe aux autorités. Qu'il nous manque le leader et l'abolition formelle des institutions démocratiques pourrait être vu comme une atténuation de ce caractère totalitaire – ou bien au contraire, on pourrait juger que nous vivons un totalitarisme plus pur que l'ancien, qui était mêlé d'un vulgaire autoritarisme traditionnel.

 

Remarquons tout de même que ces deux traits, le mépris pour les institutions et le culte du chef, ne sont pas complètement absents. En France, nous avons vu la plupart des décisions prises discrétionnairement par le conseil de défense et le conseil scientifique, contournant ainsi le gouvernement et le parlement. De plus, en France comme ailleurs, il semblerait que les dirigeant voient leur popularité augmenter lors des périodes de contrainte les plus durs. En Argentine, après six mois de confinement, le président a vu son approbation s'élever à plus de 85%. Mais Arendt, à l'affût des discontinuités et des changements qualitatifs dans l'histoire, ne nous permettrait sans doute pas d'identifier de tels traits comme « semi-totalitaires ».

 

D'autres caractéristiques totalitaristes peuvent toutefois nous frapper aujourd'hui. En premier lieu, pour Arendt, à la racine du totalitarisme, se trouve l'isolement et la désolation, c'est à dire, le fait de non seulement être coupé des autres, mais aussi d'être coupé de soi même et de se vivre comme « superflu » (c'est le mot de Arendt, nous dirions plutôt aujourd'hui « non-essentiel »). Toutes les tyrannies, nous dit-elle, fleurissent sur le terreau de l'isolement, et s'assurent d'entretenir celui-ci, mais la désolation permet une domination bien plus grande des hommes, puisque c'est la totalité de leur vie, et pas seulement leur rapport avec les autres, qui tombe sous les griffes du régime totalitaire.

 

La forme de la propagande et de l'idéologie totalitaires telle que décrite par Arendt aussi mérite notre attention. Une fois le régime au pouvoir, nous dit-elle, il n'est plus nécessaire de chercher à convaincre qui que ce soit. Il s'agit seulement de donner, non, décider, des faits, et de présenter la communication du parti comme ni plus ni moins que de la science. Mais d'une science pervertie, toute entièrement tournée vers la prédiction du futur, plutôt que vers l'explication du passé. D'une fausse science irréfutable, qui quoi qu'il advienne y verra une confirmation de ses prophéties. Nous le savons tous aujourd'hui : de toute évidence, même lorsqu'il y a beaucoup de morts lors d'un confinement, c'est que c'est bien la preuve qu'il y en aurait eu encore plus sans lui, et lorsqu'il y en a peu sans confinement, c'est qu'il aurait pu ne pas y en avoir du tout. Inutile, pour le vérifier, de comparer les résultats des pays ayant confinés ou non (mieux vaut éviter de le faire, d'ailleurs, certains s'y sont risqués, et ils n'ont pas tous eu le bonheur de confirmer le bien fondé des dictas de nos médecins-commissaires).

 

Mais tout ceci ne doit pas nous faire négliger les différences importantes entre tout ceci et le totalitarisme ancien. L'apparent maintient du multipartisme et des institutions est une première différence visible, le relativement faible usage de la répression violente en est une autre. Il y a bien quelques cas de passage à tabac par des policiers pour non port du masque, et une impressionnante charge de cavalerie dans une foule en Belgique, mais comparé au volume des normes que l'on nous impose, la faiblesse de la violence pour les faire respecter est étonnante. Elle l'est d'autant plus que pour Arendt, la violence et la cruauté visible est un trait essentiel du totalitarisme, qui a aucun moment ne cache son intention de causer des atrocités. Cette brutalité en vient à être vu comme désirable par un peuple devenu nihiliste et apathique. Aujourd'hui au contraire, c'est la plus grande des mièvreries, dégoulinante de moraline, qui vient justifier l'enfermement. La cruauté de celui-ci, le sort des millions de gens qui sombrent dans la pauvreté, les tentatives de suicide d'enfants, etc, tout ceci est tout simplement oublié, y penser et envisager de le prendre en compte revient à insulter les soignants. Ce mal n'est pas désiré... Mais il n'est même pas accepté non plus, comme on aurait pu le faire s'il s'était agit d'un calcul politique d'un genre habituel.

 

Une autre différence, je ne sais pas si elle est plus subtile, mais il faut Arendt pour la voir, est que le totalitarisme est essentiellement un mouvement. Elle est une masse atomisé, privée de structure, et mise en mouvement par un chef. Il serait étonnant de voir comme un mouvement ce qui consiste justement à immobiliser autant que possible chaque personne. De plus, ce mouvement se présentait comme éternel, et destiné à durer des siècles. Aujourd'hui on contraire, on semble, depuis plus d'un an déjà (et je t'imagine ricaner, lecteur égaré de 2022), persuadé de n'en avoir plus que pour quelques semaines. Peut-être s'agit-il en fait du plus parfait inverse du totalitarisme arendtien. Mais peut-être aussi s'agit-il d'un mouvement analogue à celui de la reine rouge de Lewis Carroll, mais à l'envers. Celle-ci court pour rester au même endroit, parce que dans un monde en constante évolution, c'est la seule façon de rester au même endroit. Cette immobilité, toujours provisoire, est peut-être justement ce que l'on a pressenti comme la façon la plus radicale d'imprimer un changement à la société. Pour le meilleur... ou pas.

 

J'ai vaguement l'intention d'écrire un article sur ce que Foucault et Deleuze auraient pensé du confinement, un autre sur trois problèmes moraux autour du confinement (des trucs bateaux : 1) la liberté est une valeur en elle-même, pas de raison de la sacrifier systématiquement à la santé, 2) calcul utilitariste foireux 3) tramway). Et il y a toujours cette histoire de changement du sens de la "représentation" politique avec les conseils citoyens, qu'il faut que je rédige. Je profiterai des vacances qui viennent pour ça.

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  • 1 month later...

https://www.contrepoints.org/2021/06/09/399193-temps-de-fonctionnement-des-eoliennes-les-25-de-stephane-bern-vs-les-75-de-pompili

 

Plusieurs erreurs dans l'article :

dans le paragraphe FINALEMENT QU'ATTENDRE DES ÉOLIENNES, troisième phrase "anne" au lieu de "année".

Sous la courbe prod/heure, c'est 5% au lieu de 0,05% (0,05/1 => 5%) et 10% pour le off shore au lieu de 1% (0,1/1 => 10%).

?

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  • 1 month later...

Dans le Contrepoints, le Facebook et le Twitter sont à la fin de la page, pourquoi non aussi au début de la page (seulement le symbole, du Facebook, Linkedin, Twitter etc)?

 

 

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  • 3 months later...
  • 1 month later...

Contrepoints rame terriblement depuis quelques jours, que ce soit de chez moi ou de la maison. Il faut parfois plus de 10 secondes pour avoir une page.

Un petit problème ?

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Idem lorsque que je clique sur afficher +d'articles.

De plus, je n'arrive pas à recréer un mot de passe pour mon compte. Lorsque j'arrive sur le lien de réinitialisation, il me dit qu'il n'est pas valide.

Et je ne sais pas si ça a changé, n'étant plus connecté, mais je ne faisais pas la différence entre quand j'étais connecté sur mon profil ou déconnecté. Dans les 2 cas il s'affichait "mon profil", il serait mieux de mettre le pseudo à la place une fois connecté.

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Il y a 21 heures, Kyouki a dit :

Idem lorsque que je clique sur afficher +d'articles.

 

Le 29/12/2021 à 13:14, Waren a dit :

Contrepoints rame terriblement depuis quelques jours, que ce soit de chez moi ou de la maison. Il faut parfois plus de 10 secondes pour avoir une page.

Un petit problème ?

 

Toujours le cas ? Ça va vite chez moi depuis PC ou téléphone.

Après, si je me connecte au backoffice ça a tendance à ramer. Vous êtes connectés ou pas connectés ? (PS : ça peut jouer @h16 ?)

 

Il y a 21 heures, Kyouki a dit :

De plus, je n'arrive pas à recréer un mot de passe pour mon compte. Lorsque j'arrive sur le lien de réinitialisation, il me dit qu'il n'est pas valide.

 

Mmmh, ça me rappelle un pb que j'ai moi même et jamais réussi à résoudre (mais que j'avais déjà sur l'ancienne maquette). Bon, au pire demande moi par MP que je réinitialise à la main.

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il y a 37 minutes, Bézoukhov a dit :

Après, si je me connecte au backoffice ça a tendance à ramer. Vous êtes connectés ou pas connectés ? (PS : ça peut jouer @h16 ?)

Oui. Ca peut et ça joue.

 

Comme on a eu la fine idée (!) de connecter les utilisateurs par le backoffice quand ils déposent un commentaire, ça donne ça.

J'ai fait la remarque que c'était un risque de sécurité et de stabilité dès le début. C'est manifestement passé à la trappe. 

Le développeur semblait trouver ça normal.

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  • 1 month later...

C'est beaucoup plus rapide ces derniers temps ?

 

Quelques réflexions concernant le bouton "aimer cet article":

  1. L'icône est énigmatique (une torche?).  Pourquoi pas un coeur ou un pouce levé?
  2. Le bouton est au début de l'article.  Or, c'est seulement après avoir lu l'article qu'on sait si on l'aime ou pas.  Du coup il faudrait placer le bouton (ou le dupliquer) en fin d'article.
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  • 1 month later...

Alors il y a toujours un souci :

 

"Elle est autant post-pénurie que possible, en gardant à l’esprit que la post-pénurie ne peut jamais exister puisque tout ce qui se produira sera une réaffectation de la valeur 1 . Par ailleurs, la mort, notre plus grand ennemi, a été pratiquement vaincue (sauvegarde intégrale, possibilité de réjuvénation, etc.).

 

Comme il l’explique, les biens de base sont quasiment gratuits, le reste augmente en valeur de façon logique".

 

@Bisounours@F. mas@h16

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