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Pensée libérale vs pensée libertaire ?


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J'avoue que le sujet me tiens sans doute trop à coeur pour pouvoir en parler librement.

Je vais donc m'arrêter là.

Mais que l'on en soit encore à défendre la bonne gifle qui remet les idées en place, et bien on a du chemin à faire, et les féministes n'ont pas terminé leur boulot.

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J'avoue que le sujet me tiens sans doute trop à coeur

…ce qui fait que tu as bizarrement compris que certains en étaient..

encore à défendre la bonne gifle qui remet les idées en place

Non. On défend la bonne gifle qui remet la femme en place.

:online2long: Quel retour tonitruant.

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…ce qui fait que tu as bizarrement compris que certains en étaient..

C'est vrai.

Ce genre de post m'a fait penser cela:

Ce qui me vient à l'esprit en premier c'est les cas ou la baffe ne vient pas en réponse à la violence de l'autre, mais comme une douche froide pour ramener à la raison

Pour moi remettre les idées en place ou ramener à la raison, c'est kif kif bourricot.

Mais bon, c'est un détail.

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Ah bon, les femmes violentes c'est socialement accepté?

Moi qui pensait qu'on les trait d'hystériques et autres….

La violence féminine (physique, en tout cas), n'a rien, mais alors rien à voir avec l'hystérie. Tu t'exprimes de manière bien hâtive sur la psychologie, pour un novice dans ce domaine.

Juste une question:

Combien de femmes tuées par un homme, combien d'homme tués par une femme en france en 2010?

Juste pour voir si votre vision égalitaire, en gros les femmes sont aussi violente, que les hommes est la bonne.

Tu viens de découvrir que les hommes et les femmes sont différents ? Bravo, un point pour toi. Tu dois donc savoir qu'elles ont aussi une manière différente de nuire à leurs compagnons. Alors je jouerai à cette comptabilité macabre le jour où, aux côtés des morts par tabassage, tu additionnera les morts par pression psychologique. Alors c'est vrai, c'est pas pareil : ça reste douloureux beaucoup plus longtemps.

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Ah bon, les femmes violentes c'est socialement accepté?

Moi qui pensait qu'on les trait d'hystériques et autres….

Les femmes n'hésitent pas à gifler leur mec quand elles ont un simple désaccord avec lui ou bien quand celui-ci est trop insistant… bien plus que l'inverse, nos sociétés empreintes de féminisme totalitaire le tolèrent, trouves-tu cela normal? Le coup du "les hommes sont violents et pas les femmes" on me la fait pas à moi, certe une simple gifle fait moins de mal qu'un coup de poing et peut paraître moins grave, pour autant cela n'est jamais dénoncé. Que la justice estime qu'une femme est plus faible qu'un homme et que de ce fait la violence sur les femmes soit plus sévèrement réprimée je le comprends, mais quand entendra-t-on des féministes le dénoncer aussi.

Ce n'est pas le féminisme de mai 68 qui a permis de dénoncer les violences sur les femmes, auparavant ce n'était absolument pas toléré non plus, le maltraitant recevait l'opprobre bien plus qu'aujourd'hui, simplement les choses se faisaient en petit comité et on dévoilait moins ce qui se passait dans les foyers, de plus les femmes travaillaient moins et étaient moins diplomées, si elles divorçaient ça pouvait être très casse-gueule pour elles, elles avaient donc moins intérêt à créer un scandale.

Tu viens de découvrir que les hommes et les femmes sont différents ? Bravo, un point pour toi. Tu dois donc savoir qu'elles ont aussi une manière différente de nuire à leurs compagnons. Alors je jouerai à cette comptabilité macabre le jour où, aux côtés des morts par tabassage, tu additionnera les morts par pression psychologique. Alors c'est vrai, c'est pas pareil : ça reste douloureux beaucoup plus longtemps.

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  • 2 weeks later...

toujours la même chose : "la logique libérale donc la logique marchande"

faut pas lui en demander trop à la foi, déjà il distingue 2 cathégories. En sois c'est un progrès considérable pour un marxiste. L'Oeuvre d'une vie…

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Soral sort un peu de du degré zéro de l'analyse à 2:30.

Il en sort à peine le bout de son nez pour entrevoir quelque chose comme la concurrence pure et parfaite, super progrès…

Je n'avais jamais vu de vidéo de ce type alors j'ai essayé par acquis de conscience et avec l'esprit ouvert. J'ai tenu 11 minutes avant de battre en retraite sous l'assaut du n'importe quoi. Il se bat pour ménager des concepts radicalement contradictoires sans avoir pris le temps de les digérer et il appelle ça de la complexité. Moi je dirais plutôt "immaturité intellectuelle".

Enfin bon, je n'ai pas eu le temps d'en juger mais il est peut être sincère (bien que maladroit) dans sa démarche, si c'est le cas c'est déjà ça.

Edit. Sinon, par pitié, quelqu'un peut-il corriger le titre du fil ? Mes yeux saignent à chaque fois que je le vois.

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Il en sort à peine le bout de son nez pour entrevoir quelque chose comme la concurrence pure et parfaite, super progrès…

Je n'avais jamais vu de vidéo de ce type alors j'ai essayé par acquis de conscience et avec l'esprit ouvert. J'ai tenu 11 minutes avant de battre en retraite sous l'assaut du n'importe quoi. Il se bat pour ménager des concepts radicalement contradictoires sans avoir pris le temps de les digérer et il appelle ça de la complexité. Moi je dirais plutôt "immaturité intellectuelle".

Enfin bon, je n'ai pas eu le temps d'en juger mais il est peut être sincère (bien que maladroit) dans sa démarche, si c'est le cas c'est déjà ça.

Edit. Sinon, par pitié, quelqu'un peut-il corriger le titre du fil ? Mes yeux saignent à chaque fois que je le vois.

Je me demande l'intérêt de mettre une vidéo de Soral sur Libéraux.org !

Lancelot pourquoi tu veux changer le titre du sujet ?

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Il en sort à peine le bout de son nez pour entrevoir quelque chose comme la concurrence pure et parfaite, super progrès…

Je n'avais jamais vu de vidéo de ce type alors j'ai essayé par acquis de conscience et avec l'esprit ouvert. J'ai tenu 11 minutes avant de battre en retraite sous l'assaut du n'importe quoi. Il se bat pour ménager des concepts radicalement contradictoires sans avoir pris le temps de les digérer et il appelle ça de la complexité. Moi je dirais plutôt "immaturité intellectuelle".

Enfin bon, je n'ai pas eu le temps d'en juger mais il est peut être sincère (bien que maladroit) dans sa démarche, si c'est le cas c'est déjà ça.

C'est surtout qu'il admet avoir parlé jusqu'à présent d'un concept qu'il n'a jamais vraiment compris.

Le fond de ce qu'il écrit, c'est de la daube, mais son discours est littéralement hypnotique. En fait, il parle pour ne rien dire. Il dit littéralement ce qui lui passe par la tête. Et surtout, sa vidéo où il traite tout le monde de sous-homme montre quelqu'un dont je soupçonne qu'il doit être dans une phase dépressive. Tant d'énergie dépensée pour rien. Pas un seul concept pertinent, rien, macache.

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Edit. Sinon, par pitié, quelqu'un peut-il corriger le titre du fil ? Mes yeux saignent à chaque fois que je le vois.

Ah, toi aussi ? J'espérais ne pas être le seul, mais j'ai attendu. Heureusement, tu es là. :)

Le fond de ce qu'il écrit, c'est de la daube, mais son discours est littéralement hypnotique. En fait, il parle pour ne rien dire. Il dit littéralement ce qui lui passe par la tête.

Exactement. Nirvana, toi qui a un peu étudié ça, tu peux nous dire si ça correspond à ce qu'on appelle en littérature le mindflow ?

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Bon. Nous sommes dans un topic "philosophie et métaphysique", Soral et ses histoires à la noix, c'est plutôt un sujet "taverne". Si certains cherchent à connaître la pensée libertaire et la critique qu'elle adresse au capitalisme, il ferait mieux d'écouter ce qu'en dit par exemple Cornélius Castoriadis : http://www.youtube.c…h?v=-CnuORRAdDE et plus précisément sur le libéralisme

(désolé, le son est dégueulasse et Castoriadis n'est pas un ex pubard comme Soral). Il a tort, mais on a toujours à apprendre des erreurs des grands philosophes.
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Bon. Nous sommes dans un topic "philosophie et métaphysique", Soral et ses histoires à la noix, c'est plutôt un sujet "taverne". Si certains cherchent à connaître la pensée libertaire et la critique qu'elle adresse au capitalisme, il ferait mieux d'écouter ce qu'en dit par exemple Cornélius Castoriadis et plus précisément sur le libéralisme (…) Il a tort, mais on a toujours à apprendre des erreurs des grands philosophes.

Merci de remettre les pendules à l'heure. Pour moi le grand penseur libertaire auquel les libéraux doivent se confronter c'est Michel Foucault, qui m'a énormément influencé (je me considère d'ailleurs comme un foucaldien de droite), car il déplace la problématique du libéralisme là où se trouvent ses apories, dans le mécanisme de pouvoir qu'on appelle gouvernance, en montrant que le pouvoir n'est plus une substance qui résiderait dans l'autorité politique ou théologique comme le pensaient les classiques, mais dans un certain rapport de sujétion disciplinaire qui se déploie partout où il y a du droit, du judiciaire, de l'institutionnel, dans n'importe quel appareil de contrôle étatique ou de surveillance.

Foucault s'intéresse aux paradigmes du pouvoir, il montre un changement très intéressant dans la nature même du pouvoir que les libéraux n'ont pas intégré dans leur critique qui reste centrée sur la Raison d'Etat, alors que le pouvoir n'est plus vertical et univoque, mais horizontal et multiple, il s'applique désormais par des techniques de gouvernance dont il avait anticipé le fonctionnement. Sa légitimité ne consiste plus dans le monopole de la violence légale en vue d'assurer la sécurité du territoire, mais dans la biopolitique, c'est-à-dire la gestion de la santé physique et mentale des populations par la production de normes prophylactiques, hygiéniques, comportementales. Foucault permet ainsi de penser le mécanisme de sujétion qui est à l'oeuvre dans la judiciarisation de la société et la prise en charge des normes par des experts de tous poils qui transforme les frontières du licite et de l'illicite, du normal et du pathologique.

Mais le second Foucault, historien anti-totalitaire est aussi un analyste très critique envers les mouvements d'émancipation gauchistes et l'impasse du militantisme révolutionnaire, sa pensée évoluera vers une forme plus réflexive de libération individuelle passant par un retour socratique au souci de soi.

Note sur le texte : Le texte qui suit est une transcription des propos tenus par Michel Foucault en 1977, lors d'un séminaire actuel de réflexion organisé par le Syndicat de la Magistrature. Il a été publié, après la mort de Foucault, dans la revue du S.M., Justice, n°115, juin 1977, pp.36-39.(Présentation, par la rédaction de la revue "justice") Michel Foucault était à Goutelas en 1977. La gauche était alors donnée gagnante aux législatives de mars 1978. Le S.M., déjà, réfléchissait sur ce que serait sa position face à un gouvernement de gauche.

Dans le long week-end annuel de réflexion syndicale, Michel Foucault était venu nous livrer sa réflexion sur l'évolution du rôle du judiciaire. Le point de départ était le livre du P.S. "Liberté, libertés".

Sans doute cette référence est-elle datée, quoique, avec le recul et au vu de l'évolution institutionnelle suivie depuis dix ans, les propositions de "Liberté, libertés" prennent un singulier relief.

La pensée de Foucault, elle, demeure.

J'ai relu ce texte "liberté, libertés" qui m'avait frappé sur un certain nombre de points, en particulier à cause de l'importance qu'il donne aux magistrats. L'amplification du rôle des institutions judiciaires m'avait frappé.J'en suis arrivé à l'idée que, s'il fallait prendre un thème à >Goutelas, ce pourrait être celui-là : j'ai préparé une relecture de ce livre.

Ce livre, bien entendu, je ne le prends pas comme cible d'une critique ni comme la charte d'un problème auquel je souscrirais, mais plutôt comme symptôme de quelque chose qui est en train de se passer, qui caractérise une évolution de ce qu'on pourrait appeler les techniques de pouvoir dans la société contemporaine.

C'est un livre qui est significatif de la manière de poser le problème du pouvoir, significatif aussi d'une certaine manière de redéfinir le rôle du juge, de redistribuer et en quelque sorte d'essaimer les fonctions judiciaires à travers tout le corps social.

Pour resituer cela historiquement, et d'une façon très grossière, voici ce que je dirai pour expliquer pourquoi je m'intéresse à ce texte, ce que j'essaie d'y voir et d'y repérer.

Au XVIIIe siècle, une réflexion tactique sur le coût du pouvoir.

Une des choses qui caractérise les sociétés modernes depuis le >XVIIe siècle, c'est à la fois une réflexion sur et une élaboration des techniques de pouvoir essentiellement autour de ce problème : quel est le coût du pouvoir ?

La découverte qui a été faite au XVIIe siècle de l'idée que le pouvoir ce n'était pas quelque chose qu'il était désirable ou utile de porter à son maximum, car un pouvoir n'est efficace que dans la mesure où son coût n'est pas trop élevé, sinon exercer le pouvoir ne sert à rien, je crois que cette découverte qui a été fondamentale dans l'histoire de l'Occident a été faite à partir de deux grands événements : d'une part les révoltes populaires du XVIIe qui ont été écrasées dans le sang et par l'utilisation d'une force militaire non contrôlée et non compensée, qui ont réduit à l'état de ruine absolue les campagnes européennes, allemandes surtout, également françaises, à ce point que ceux-là même qui avaient réclamé l'écrasement des révoltes paysannes, c'est-à-dire les propriétaires et les créanciers urbains, se sont trouvés ruinés à cause de la crise entraînée par la répression, d'où cette idée que la répression en elle-même n'est pas souhaitable, et que le pouvoir doit s'exercer de façon modérée.

Puis le second problème a été le problème de la fiscalité au moment des relations commerciales et du premier développement industriel, fiscalité non compensée et non équilibrée.

La grande réflexion politique au XVIIIe siècle n'est pas tellement une réflexion juridique sur les fondements du droit, elle a été surtout une réflexion tactique, technique sur la manière dont on peut et dont on doit exercer le pouvoir en fonction de ses coûts, découverts au travers des phénomènes de répression et de développement économique.

Il me semble liberté-loi, c'était une certaine manière d'envisager, de définir la façon dont on pourrait exercer le pouvoir : dans un schéma d'économie de pouvoir rationnel on considère les individus comme sujets de droit détenant un certain nombre de libertés, et liés par un certain pouvoir qui limite lui-même son exercice par la loi.

A partir du XIXe siècle, l'essai d'intégration des contre-pouvoirs.

L'histoire du XVIIIe a été à la fois l'échec de ce système >libéralisme-légalisme, et la découverte que, à travers ce système, passaient des abus de pouvoir d'un côté, mais également des contre-pouvoirs d'un autre côté. Les révolutions du >XIXe, mais aussi l'apparition de phénomènes comme la presse, les syndicats, ont fait apparaître des sortes de contre-pouvoirs dans le corps social, et je dirais, à titre d'hypothèse, pour situer en gros le problème aujourd'hui, que, un peu comme au >XVIIIe siècle on a réfléchi au problème de l'économie du pouvoir et à la manière de faire fonctionner la loi comme principe d'économie dans l'exercice du pouvoir, actuellement se dessine une réflexion sur le problème de la pluralité des pouvoirs, c'est-à-dire comment on peut obtenir un système de pouvoir cohérent, efficace, continu, obéissant aux intérêts fondamentaux de la classe dominante et faisant place, en intégrant dans ce système une pluralité de pouvoirs différents (différents du grand pouvoir central, différents les uns des autres et éventuellement opposés soit les uns aux autres, soit même au pouvoir central). C'est cette recherche d'une technologie à travers et par la différenciation de pouvoirs opposés, je crois que c'est cela qu'on est en train d'élaborer maintenant.

En Amérique, des gens qui ne sont pas tout à fait des juristes, ni des historiens, ni des politologues réfléchissent pas mal là-dessus et il me semble que ce livre "Liberté, libertés" s'inscrit dans ce contexte. C'est en ce sens qu'il est, je crois, significatif.

Il faut tenir compte du fait que le livre n'est pas un livre technique, ce n'est pas le programme commun. C'est un livre qui a été écrit en grande partie par des gens comme moi, c'est-à-dire qui ne connaissent pas grand chose au fond du problème bien qu'il y ait un certain nombre de techniciens qui y aient participé, mais le niveau de discours est assez allusif, rien de très précis. Mais il est significatif d'une certaine manière de poser les problèmes.

"Liberté, libertés" : démultiplication du rôle du magistrat.

Je laisse de côté ce qu'il peut y avoir dans ce livre qui concerne en gros l'élaboration et la transformation de la profession judiciaire, je ne sais pas ce que cela vaut et je ne sais pas trop bien où ça va, ce n'est pas à moi d'en juger. En revanche, ce qui m'a paru intéressant, c'est la manière dont on programme un certain mode de fonctionnement de ce que j'appellerais en général le judiciaire, et je crois que ce texte manifeste un certain nombre de choses.

On voit apparaître de nouvelles attributions de l'institution judiciaire quelquefois sur un point précis, quelquefois sur des problèmes beaucoup plus généraux :

- Par exemple, on attribue au juge, et à lui seul semble-t-il, en s'entourant d'un certain nombre d'avis, le pouvoir de décider d'un internement psychiatrique. C'est au juge et à lui seul de prendre cette décision.

- On donne également, mais sans indiquer par quels moyens, à l'institution judiciaire et au juge, droit et pouvoir de contrôler directement les activités de la police.

- On donne, par exemple aussi, un pouvoir beaucoup plus grand au juge quant aux expulsions sur lesquelles le ministre de l'Intérieur n'aurait pratiquement plus aucun rôle à jouer.

- Egalement, les tribunaux reçoivent le droit de transmettre à une Cour suprême les exceptions d'inconstitutionnalité qui pourraient être soulevées par un justiciable.

- Extension donc du rôle, du pouvoir de l'institution, mais ce n'est pas cela l'essentiel. Le plus intéressant me semble être le fait que la présence des magistrats est souhaitée dans des institutions nouvelles : par exemple, on prévoit un conseil national de la consommation qui a un président dont il est dit que ce sera un magistrat.

- Il y a également un conseil national des opérations de presse composé sur proposition d'un certain nombre de gens qui sont désignés par le Conseil d'Etat et par la Cour de cassation ; il y aura également d'autres organismes qui désigneront des membres, mais la magistrature désigne à peu près un tiers.

- Il doit y avoir également un conseil d'arbitrage de l'audiovisuel et le président de ce conseil, il est entendu que ce sera un magistrat.

Donc, présence de magistrats dans des organismes nouveaux, création également de fonctions judiciaires nouvelles : par exemple, on voit apparaître des magistrats contrôleurs qui auront pour fonction de surveiller, de juger la validité des écoutes ou des surveillances individuelles que l'on ne peut pas entièrement supprimer, semble-t-il, pour des raisons politiques non précisées. Donc, il y aura toujours un système d'écoutes et de surveillance, mais on fera un contrôle qui sera exercé par un magistrat.

Création multiple d'organismes à fonctions judiciaires : le conseil de la consommation, de l'audiovisuel, de la presse ; enfin une délégation aux libertés avec des inspecteurs et un délégué général aux libertés.

Je dis que ce sont des organismes de type judiciaire au moins dans la mesure où il s'agit pour tous ces organismes de régler les litiges après une série d'informations et de manière à prendre une décision en faveur de l'une des parties en cause.

Donc, tout au long du texte, on voit cette démultiplication du rôle du magistrat, du rôle de la fonction judiciaire et ceci à travers tout le corps social et en prenant appui sur des relais institutionnels divers, soit que les tribunaux eux-mêmes aient des fonctions accrues, soit au contraire que l'on crée des organismes à fonction judiciaire.

Une nouvelle image de la fonction judiciaire.

Démultiplication, éparpillement, essaimage du judiciaire, mais en même temps – je crois que c'est là le point sur lequel je voudrais surtout insister – une véritable mutation des fonctions judiciaires, sans préjuger encore une fois du maintien de l'institution judiciaire elle-même, mais on voit se dessiner une espèce d'image nouvelle du juge et de la fonction judiciaire qui porterait au fond sur tout autre chose et qui aurait des fonctions nouvelles.

En quoi consistent ces nouveautés ? D'abord en ce qu'il y a de nouveaux domaines d'intervention, la consommation par exemple, l'information également, mais ce n'est pas la première fois que l'on demande à l'institution judiciaire d'intervenir dans ces domaines-là. Après tout, les lois sur la presse ont été au >XIXe et encore maintenant quelque chose d'essentiel, le contrôle judiciaire du marché également.

Je crois que là il y a une différence qu'il faut bien comprendre. Dans le projet dont je parle, il s'agirait de contrôler non seulement le marché mais la consommation. En effet, un contrôle de marché cela comporte quoi ? Il s'agit dans le contrôle de marché de surveiller et de prendre des décisions quant à l'achat et la vente du produit, quant à la bonne foi du vendeur. Dans le projet dont je vous parle, il s'agit de prendre en charge quelque chose d'infiniment plus étendu : il s'agit de prendre en surveillance, sous contrôle, tout un domaine psychologique-économique fort complexe en lui-même et qui est celui de la consommation, dans laquelle il faut prendre en compte quoi ? la qualité des produits. Mais, par qualité des produits, il faut entendre non pas leur conformité avec ce qu'ils sont censés être, mais en même temps leur effet possible sur la santé, leur composition, le rapport entre le produit lui-même et les processus physiologiques, etc.

De même, la consommation comporte toute l'information qui est liée au produit, la vérité qui peut être connue sur le produit. Quand on achète un produit dans le champ de la consommation, on n'achète pas seulement un objet, on achète du savoir, on achète des idées, de l'information vraie ou fausse… C'est également cela qu'il s'agit de contrôler.

Il s'agit également quand on contrôle la consommation de contrôler les effets, y compris psychologiques, de la publicité, de jauger ce qui peut être non pas exactement vrai ou faux mais honnête ou malhonnête, nuisible ou favorable, bref, tout un immense domaine qui va de la physiologie de l'organisme jusqu'aux mécanismes psychologiques ou sociologiques de stimulation publicitaire.

La redéfinition du judiciable".

C'est tout cela maintenant qui doit être pris en charge, traversé par une instance de type judiciaire : la consommation entre dans le champ du judiciaire, la consommation devient du judiciable". Je dis judiciable car le justiciable étant celui qui a à rendre compte devant la justice, je dirais que le judiciable c'est le domaine d'objets qui peuvent entrer dans le champ de pertinence d'une action judiciaire.

Bon, la consommation devient du judiciable, l'information, c'est la même chose. Il y a bien des lois qui contrôlent la presse, c'et vrai, mais ce qui est prévu dans ce texte, c'est un contrôle beaucoup plus général que celui de la presse écrite ou parlée : il s'agit de prendre en considération tout un champ d'informations dont les variables ne sont pas définies.

Mais les organismes qui sont prévus dans ce texte, que vont-ils avoir à juger ? Par exemple, à propos des journaux, il y aurait un conseil des organismes de presse : ce conseil, il aura à statuer à la demande d'individus, de citoyens ou d'une association sur, par exemple, l'honnêteté de l'information donnée par un journal. Si un individu, un groupe estiment que les informations données n'ont pas été honnêtes, eh bien, il le fera intervenir et l'organisme en question aura le droit de rétablir une information honnête dans le journal.

On arrive donc à ceci : on a une institution de type judiciaire qui va statuer en vrai et en faux, et encore, avec les marges possibles du vrai et du faux.

De même, des organismes de ce genre auront à veiller à la représentation de la pluralité des opinions, ceci de deux manières : soit en veillant à ce qu'en effet les monopoles de presse ne viennent pas laminer tout un secteur de l'opinion dont on estime qu'il doit être effectivement représenté, soit, et là, ce serait un autre organisme qui interviendrait : celui de l'audiovisuel, le conseil national de l'audiovisuel, pour que, à la radio ou à la télévision (dont le monopole est maintenu selon ce texte), le monopole ne s'oppose pas à ce que la pluralité des opinions soit représentée, jugeant en même temps de celles qui doivent l'être, qui méritent de l'être, de celles qui sont assez importantes pour l'être.

De la même façon, ce sont des organismes de ce genre, ces deux organismes d'ailleurs pourraient soit dans les journaux dans le cadre du premier, soit pour la télévision, dans le cadre du second donner aux individus le droit de réponse, non pour ceux qui seront attaqués nommément, mais pour ceux qui voudront contre une opinion en faire valoir une autre. Donc, si vous voulez, on a là une intervention de type judiciaire qui est profondément différente de celle qui fonctionnait jusqu'à présent puisqu'il s'agira d'intervenir au niveau du vrai et du faux, de l'honnête et du malhonnête, de la pluralité des opinions, de la représentativité des opinions, du droit de dire non quand il est dit oui, de dire oui quand il est dit non.

On peut dire que l'information, comme la consommation, devient une espèce de judiciable dont le fonctionnement est nouveau.

On peut trouver un autre exemple, qui est important, c'est celui de la relation de l'administration et de l'administré. Là encore, c'est une bonne chose que la justice ait le droit de protéger les administrés contre les abus de droit venant de l'administration, mais là un certain nombre d'organismes sont prévus qui auront pour fonction de régler ces rapports plus subtils, plus fins entre l'administration et les administrés, en particulier au niveau du savoir, c'est-à-dire qu'il y aura des organismes qui imposeront aux administrations de dire un certain nombre de choses que jusqu'à présent elles considéraient comme cachées. Elles interviendront donc comme principe de détermination du public et du secret, de ce qui doit être vu et de ce qu'on est bien obligé de garder dans l'ombre, ce sera une certaine manière de rendre transparente l'administration, de veiller à ce que cette administration soit bien un service, c'est-à-dire que la puissance publique soit à la disposition des administrés.

Détermination d'un optimum fonctionnel pour le corps social.

Vous voyez qu'à travers ces quelques problèmes, ce n'est pas simplement l'extension de certaines questions déjà posées à l'appareil judiciaire qui sont prévues, c'est en fait toute une redéfinition des aires d'intervention du judiciaire, une nouvelle définition sociale et institutionnelle du judiciable. Or, ces nouvelles fonctions judiciaires liées au nouveau domaine du judiciable vont consister en quoi ? Bien sûr, il s'agira toujours d'établir le partage entre ce qui est licite et ce qui est puni. Et ce qui m'apparaît important, c'est que d'une part ce partage entre le licite et l'illicite va concerner tout un tas d'autres projets, d'autres partages ; ça va être par exemple le partage entre le vrai et le faux, entre le physiologiquement bon et le physiologiquement nuisible, ça va être également le partage entre ceux qu'il faut enfermer dans un hôpital psychiatrique et ceux qui peuvent aller librement, ce qui est politiquement pertinent pour l'information et ce qui n'a pas besoin de passer dans l'information, ça va être aussi la distinction entre l'information utile et l'information inutile. Et chacune de ces décisions aura pour objet finalement de définir non pas tellement ce qui est légal et ce qui est illégal, mais de définir un certain optimum ; quelle est finalement la quantité optimum d'informations diverses qui doivent être représentées dans la presse ; quelle est la quantité optimum d'informations honnêtes, donc quelle est également la quantité optimum d'informations malhonnêtes que l'on doit ou que l'on peut laisser passer à travers un système de presse ; quelle est la quantité optimum de savoir que l'administration doit délivrer et quelle est la quantité optimum de secret à laquelle elle aura droit. C'est donc cette détermination d'un optimum fonctionnel pour le corps social qui va être une des tâches fondamentales de la justice, beaucoup plus que la détermination de ce qui est licite ou illicite aux termes de la loi.

Et cette détermination des optimum, elle a pour objectif final quoi ? Eh bien, je crois, essentiellement de mettre en place et de faire fonctionner des mécanismes protecteurs, des mécanismes protecteurs qui entourent ce que l'on appelle en termes d'administration moderne des populations cibles, c'est-à-dire par exemple les vieillards, les émigrés, les détenus, les malades mentaux. Ce sera également des mécanismes protecteurs autour de ce que l'on pourrait appeler les comportements vulnérables, car nous en avons tous. Même si nous n'avons pas à être protégés en tant qu'individus ou en tant qu'espèce, nous avons des comportements qui, eux, doivent l'être parce qu'ils sont particulièrement vulnérables : en tant que consommateurs nous sommes vulnérables, il faut nous protéger comme tels ; en tant que récepteurs d'informations, lecteurs de journaux, observateurs de la télévision, nous avons à être protégés. Il s'agit donc, pour ces fonctions judiciaires nouvelles, de faire fonctionner ces mécanismes protecteurs autour des populations cibles et des comportements vulnérables. Et finalement, les instruments qui sont proposés à ces organismes nouveaux, les instruments par lesquels leurs décisions vont pouvoir prendre effet, quels sont-ils ? Ce qui est caractéristique, c'est que ces organismes prendront des décisions – et auront le pouvoir de les faire appliquer – qui ne seront pas de l'ordre de la sanction, de la punition au sens où le système pénal l'entend. Ce seront des sanctions d'un type relativement nouveau, puisque dans la plupart des cas les instruments qui seront donnés seront des instruments qui auront à jouer au niveau de l'information. C'est-à-dire, le délégué aux libertés, quand il s'apercevra qu'une entorse a été faite non simplement aux lois, mais d'une façon générale à cet optimum de liberté que l'on peut souhaiter pour les individus ou pour les groupes, comment est-ce qu'il interviendra ? Eh bien, il interviendra en faisant les rapports, en obtenant que ces rapports soient effectivement publiés dans la presse ou dans les organismes du monopole de l'Etat ; il publiera chaque année, un peu comme la Cour des comptes mais d'une manière qui sera plus lisible ou plus accessible au public, un livre de remontrances où on saura quelles ont été toutes les distorsions aux principes des libertés qui auront pu être pratiquées par les administrations ou par les organismes privés ; il y aura un système de blâme. Bref, un appel continu à l'opinion, c'est-à-dire que c'est à l'intérieur du système de l'information que les fonctions prises par ces organismes trouveront leur place.

http://1libertaire.f…Foucault36.html

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Je ne connais pas bien la pensée de Foucault, ou alors par l'intermédiaire de certains de ses élèves ou continuateurs, notamment P Dardot et C Laval, les deux chercheurs marxistes critiques de la "raison néolibérale" et de l'"Etat manager". Ce que tu en dis, et ce qu'en disent les interprètes que j'ai pu lire, me donne de bonnes raisons de lire au moins "Le gouvernement de soi et des autres". J'ai l'impression que loin d'infirmer les analyses de certains auteurs conservateurs ou libertariens, celles de Foucault tendraient plutôt à les confirmer.

Je pense notamment à la question du consentement abordé par des types comme Anthony de Jasay, Robert Nisbet ou Paul Gottfried. L'Etat fonde imaginairement son existence à partir d'une justification hédoniste (le but originel de l'Etat dans la pensée moderne est de réduire l'incertitude de la mort violente pour permettre aux individus de jouir de l'existence) qui a évolué après la révolution démocratique vers l'Etat providence jusqu'à l'Etat thérapeute et constructiviste d'aujourd'hui. Certains auteurs conservateurs (Gottfried, Nisbet, Francis qui sont aussi des libéraux) essaient de faire le lien entre cette évolution et la transformation de l'activité de gouvernement en bureaucratie managériale, c'est-à-dire, tout comme pour Foucault, assumant des liens de contrainte, de domination, de hiérarchie, mais intériorisés et acceptés, et cela au plus grand bénéfice de l'ordre politique en place.

Je viens de lire l'ouvrage passionnant de Paul Gottfried sur l'Etat managérial. Sa thèse consiste à remettre en question la mythologie progressiste américaine ("libérale") qui en fait la continuatrice du libéralisme classique et suppose d'ignorer les transformations sociales et économiques radicales qui en ont changé les significations. La rupture se fait pour lui au moment de la révolution industrielle, qui a bouleversé les rapports entre démocratie, libéralisme et administration publique (au profit de cette dernière). Depuis, le régime s'est transformé en expertocratie guidée par une idéologie progressiste qui est aussi celle des classes dominantes, et qui a réussi le tour de force d'imposer son mode de fonctionnement avec l'assentement actif des populations asservies.

Enfin, pour en finir avec Soral, je propose la lecture de ce que Castoriadis disait à propos de BHL en 1979, et qui à mon avis s'applique avec autant de force à cet énergumène aujourd'hui (après tout, ce n'est qu'une sorte de BHL d'extrême-droite). NB : Castoriadis, qui pourtant était plutôt pessimiste, se fait à la fin du texte un peu trop optimiste quant au cas BHL.

Cornelius Castoriadis, « L’industrie du vide » (Le Nouvel Observateur, 9 juillet 1979)

Il est regrettable que la lettre de Pierre Vidal-Naquet publiée dans Le Nouvel Observateur du 18 juin 1979 (p. 42) ait été amputée de quelques passages importants : « II suffit, en effet, de jeter un rapide coup d’œil sur ce livre pour s’apercevoir que, loin d’être un ouvrage majeur de philosophie politique, il fourmille littéralement d’erreurs grossières, d’à-peu-près, de citations fausses ou d’affirmations délirantes. Devant 1’énorme tapage publicitaire dont bénéficie ce livre, et indépendamment de toute ques-tion politique et notamment de la nécessaire lutte contre le totalitarisme, il importe de rétablir, dans les discussions intellectuelles, un minimum de probité […]. Qu’il s’agisse d’histoire biblique, d’histoire grecque ou d’histoire contemporaine, M. Bernard-Henri Lévy affiche, dans tous les domaines, la même consternante ignorance, la même stupéfiante outrecuidance, qu’on en juge : […]. »

Shmuel Trigano avait corroboré d’avance ce jugement, quant à l’histoire et l’exégèse bibliques, dans Le Monde (25 mai 1979). Il est simplement indécent de par-er à ce propos de « jeu de la cuistrerie » et de prétendre que l’on veut « censurer toute parole qui n’aurait point d’abord comparu au grand tribunal des agrégés », comme a le front de le faire quelqu’un qui occupe les médias presque autant que la « bande des quatre » et pour y produire un vide de la même qualité. Vidal-Naquet n’a pas demandé aux responsables des publications de « renforcer le contrôle sur la production des idées et leur circulation ». Il s’est dressé contre la honteuse dégradation de la fonction critique dans la France contemporaine. De cette dégradation, il est évident que les direc-teurs des publications sont aussi responsables – comme ils 1’étaient (et le restent) d’avoir, pendant des décennies, présenté ou laissé présenter comme « socialisme » et « révolution » le pouvoir totalitaire des Staline et des Mao. Mais peut-être que l’auteur, du haut de la nouvelle « éthique » qu’il veut enseigner au monde, nous dira-t-il, comme naguère les « philosophes du désir », que « la responsabilité est un concept de flic » ? Peut-être n’a-t-il qu’une notion carcérale et policière de la responsabilité ?

Dans la « République des Lettres », il y a – il y avait avant la montée des imposteurs – des mœurs, des règles et des standards. Si quelqu’un ne les respecte pas, c’est aux autres de le rappeler à l’ordre et de mettre en garde le public. Si cela n’est pas fait, on le sait de longue date, la démagogie incontrôlée conduit à la tyrannie. Elle engendre la destruction – qui progresse devant nos yeux – des normes et des comportements effectifs, publics sociaux que présuppose la recherche en commun de la vérité. Ce dont nous sommes tous responsables, en tant que sujets politiques précisément, ce n’est pas de la vérité intemporelle, transcendantale, des mathématiques ou de la psychanalyse ; si elle existe, celle-ci est soustraite à tout risque. Ce dont nous sommes responsables, c’est de la présence effective de cette vérité dans et pour la société où nous vivons. Et c’est elle que ruinent aussi bien le totalitarisme que l’imposture publicitaire. Ne pas se dresser contre l’imposture, ne pas la dénoncer, c’est se rendre coresponsable de son éventuelle victoire. Plus insidieuse, l’imposture publicitaire n’est pas, à la longue, moins dangereuse que l’imposture totalitaire. Par des moyens différents, l’une et l’autre détruisent l’existence d’un espace public de pensée, de confrontation, de critique réciproque. La distance entre les deux, du reste, n’est pas si grande, et les procédés utilisés sont souvent les mêmes. Dans la réponse de 1’auteur, on retrouve un bon échantillonnage des procédés de la fourberie stalinienne. Pris la main dans le sac, le voleur crie au voleur. Ayant falsifié l’Ancien Testament, il accuse Vidal-Naquet de falsification à ce même propos, et à ce même propos il se refalsifie lui-même (prétendant qu’il n’a pas écrit ce qu’il a écrit et renvoyant à d’autres pages qui n’ont rien à voir). On retrouve aussi les mêmes procédés d’intimidation : voyez-vous, désormais, relever les erreurs et les falsifications d’un auteur relève de la « délation », du « rapport de police », du « caporalisme savant » et des tâches de « procureur ». (Ainsi, Marchais engueule les journalistes : « Messieurs, vous ne savez pas ce qu’est la démocratie. »)

Ce qui importe n’est pas, évidemment, le cas de la personne, mais la question générale que Vidal-Naquet posait à la fin de sa lettre et que je reformulerai ainsi : sous quelles conditions sociologiques et anthropologiques, dans un pays de vieille et grande culture, un « auteur » peut-il se permettre d’écrire n’importe quoi, la « critique » le porter aux nues, le public le suivre docilement – et ceux qui dévoilent l’imposture, sans nullement être réduits au silence ou emprisonnés, n’avoir aucun écho effectif ?

Question qui n’est qu’un aspect d’une autre, beaucoup plus vaste : la décomposition et la crise de la société et de la culture contemporaines. Et, bien entendu aussi, de la crise de la démocratie. Car la démocratie n’est possible que là où il y a un ethos démocratique : responsabilité, pudeur, franchise (parrésia), contrôle réciproque et conscience aiguë de ce que les enjeux publics sont aussi nos enjeux personnels à chacun. Et, sans un tel ethos, il ne peut pas y avoir non plus de « République des Lettres » mais seulement des pseudo-vérités administrées par l’État, par le clergé (monothéiste ou non), par les médias.

Ce processus de destruction accélérée de l’espace public de pensée et de montée de l’imposture exigerait une longue analyse. Ici, je ne peux qu’indiquer et décrire briève-ment quelques-unes de ses conditions de possibilité.

La première concerne les « auteurs » eux-mêmes. Il leur faut être privés du sentiment de responsabilité et de pudeur. La pudeur est, évidemment, vertu sociale et politique : sans pudeur, pas de démocratie. (Dans les Lois, Platon voyait très correctement que la démocratie athénienne avait fait des merveilles aussi longtemps que la pudeur, aidôs, y régnait.) En ces matières, l’absence de pudeur est ipso facto mépris d’autrui et du public. Il faut, en effet, un fantastique mépris de son propre métier, de la vérité certes aussi mais tout autant des lecteurs, pour inventer des faits et des citations. Il faut ce mépris du public au carré pour faire mine, lorsque ces bourdes sont relevées, de retourner l’accusation d’ignorance contre celui qui les a signalées. Et il faut une impudeur sans pareille – ou plutôt que les communistes et les fascistes nous avaient déjà exhibée – pour désigner comme « intellectuel probablement antitotalitaire » (souligné par moi ; le style de l’insinuation, qui pourrait être rétractée si les choses tournaient mal, pue L’Humanité à mille kilomètres) Pierre Vidal-Naquet, qui s’est toujours trouvé, depuis plus de vingt ans, à la première ligne des dénonciateurs du totalitarisme et a combattu la guerre d’Algérie et la torture à une époque où cela, loin de rapporter de confortables droits d’auteur, comportait des risques réels.

Mais des individus richement pourvus de ces absences de qualités ont existé de tout temps. Généralement, ils faisaient fortune dans d’autres trafics, non dans celui des « idées ». Une autre évolution a été nécessaire, celle précisément qui a fait des « idées » un objet de trafic, des marchandises consommables une saison et que l’on jette (oublie) avec le prochain changement de mode. Cela n’a rien à voir avec une « démocratisation de la culture » pas plus que l’expansion de la télévision ne signifie « démocratisation de l’information », mais très précisément, une désinformation uni-formément orientée et administrée.

Que l’industrie des médias fasse son profit comme elle peut, c’est, dans le système institué, logique : son affaire, c’est les affaires. Qu’elle trouve des scribes sans scrupule pour jouer ce jeu n’est pas étonnant non plus. Mais tout cela a encore une autre condition de possibilité : l’attitude du public. Les « auteurs » et leurs promoteurs fabriquent et vendent de la camelote. Mais le public l’achète – et n’y voit que de la camelote, des fast-foods. Loin de fournir un motif de consolation, cela traduit une dégradation catastrophique, et qui risque de devenir irréversible, de la relation du public à 1’écrit. Plus les gens lisent, moins ils lisent. Ils lisent les livres qu’on leur présente comme « philosophiques » comme ils lisent les romans policiers. En un sens, certes, ils n’ont pas tort. Mais, en un autre sens, ils désapprennent à lire, à réfléchir, à critiquer. Ils se mettent simplement au courant, comme l’écrivait L’Obs il y a quelques semaines, du « débat le plus chic de la saison ».

Derrière cela, des facteurs historiquement lourds. Corruption des mécanismes mentaux par cinquante ans de mystification totalitaire : des gens qui ont si longtemps accepté l’idée que la terreur stalinienne représentait la forme la plus avancée de la démocratie n’ont pas besoin de grandes contorsions intellectuelles pour avaler l’affirmation que la démocratie athénienne (ou l’autogestion) équivaut au totalitarisme. Mais aussi la crise de l’époque, l’esprit du temps. Minable époque, qui, dans son impuissance à créer ou à reconnaître le nouveau, en est déduite à toujours resucer, remastiquer, recracher, revomir une tradition qu’elle n’est même pas capable de vraiment connaître et de vraiment faire vivre.

Il faut enfin aussi – à la fois condition et résultat de cette évolution – l’altération et la dégradation essentielle de la fonction traditionnelle de la critique. Il faut que la critique cesse d’être critique et devienne, plus ou moins, partie de l’industrie promotionnelle et publicitaire.

Il ne s’agit pas ici de la critique de l’art, qui pose d’autres questions ; ni de la critique dans les domaines des sciences exactes, ou des disciplines spécialisées, où jusqu’ici la communauté des chercheurs a su imposer 1’ethos scientifique. Dans ces domaines, du reste, les mystifications sont rares aussi pour une bonne raison : trafiquer les coutumes des Bamilékés ou les décimales de la constante de Planck ne rapporte rien.

Mais trafiquer les idées générales – à l’intersection des « sciences humaines », de la philosophie et de la pensée politique – commence à rapporter beaucoup, notamment en France. Et c’est ici que la fonction de la critique pouvait et devait être importante, non pas parce qu’elle est facile, mais précisément parce qu’elle est difficile. Devant un au-teur qui prétend parler de la totalité de l’histoire humaine et des questions qu’elle soulève, qui et comment peut distinguer s’il s’agit d’un nouveau Platon, Aristote, Montesquieu, Rousseau, Hegel, Marx, Tocqueville – ou d’un faux-monnayeur ?

Que l’on ne vienne pas me dire que c’est aux lecteurs de juger : c’est évident, et futile. Ni que j’invite la critique à fonctionner comme censure, à faire écran entre les auteurs et le public. Ce serait d’une insigne hypocrisie. Car la critique contemporaine accomplit massivement déjà cette fonction de censure : elle enterre sous le silence tout ce qui n’est pas à la mode et tout ce qui est difficile. Parmi ses plus beaux fleurons de honte, par exemple : elle ne mentionne, fugitivement, Lévinas que depuis que celui-ci, pillé-haché menu, a été utilisé dans la macédoine-Lévy. Et elle impose, pour autant que cela dépend d’elle, les « produits ». À croire les critiques français, on n’a produit dans ce pays depuis trente ans que des chefs-d’oeuvre ; et rien qui soit mauvais ou critiquable. Il y a belle lurette que je n’ai vu un critique critiquer vraiment un auteur. (Je ne parle pas des cas où la critique est obligée de se faire 1’écho de polémiques entre auteurs ; ni des critiques « politiquement » orientées.) Tout ce qui est publié – tout ce dont on parle – est merveilleux. Le résultat serait-il différent s’il y avait une censure préalable et si les critiques écrivaient sur ordre ? L’asservissement commercial-publicitaire ne diffère pas tellement, de ce point de vue, de l’asservissement totalitaire.

Il y a des standards formels de rigueur, de métier, dont la critique doit exiger le respect, et informer le lecteur si tel n’est pas le cas. Il y a un compte rendu du contenu des ouvrages, aussi honnête et fidèle que possible, à faire (pourquoi le Times Literary Supplement ou la New York Review of Books peuvent-ils le faire et les critiques français non ?). Et il y a un jugement sur le fond que le critique doit risquer et qu’il risque quoi qu’il fasse. Quoi qu’ils fassent, les critiques français qui ont porté aux nues toutes ces années les vedettes successives de l’idéologie française resteront à jamais devant l’histoire avec leur bonnet d’âne.

Le respect des standards formels de rigueur n’est pas une question « formelle ». Le critique doit me dire si l’auteur invente des faits et des citations, soit gratuitement, ce qui crée une présomption d’ignorance et d’irresponsabilité, soit pour les besoins de sa cause, ce qui crée une présomption de malhonnêteté intellectuelle. Faire cela, ce n’est pas être un cuistre, mais faire son travail. Ne pas le faire, c’est abuser son public et voler son salaire. Le critique est chargé d’une fonction publique, sociale et démocratique, de contrôle et d’éducation. Vous êtes libre d’écrire et de publier n’importe quoi ; mais si vous plagiez Saint-John Perse, sachez que cela sera dit haut et fort. Fonction d’éducation des futurs auteurs et des lecteurs, d’autant plus vitale aujourd’hui que l’éducation scolaire et universitaire se dégrade constamment.

Pour deux raisons, le respect de ces standards est important. D’abord parce qu’il montre si l’auteur est capable ou pas de se soumettre à certaines lois, de s’autodiscipliner, sans contrainte matérielle ou extérieure. Aucune nécessité logique, ici : dans l’abstrait, on peut concevoir qu’un auteur génial maltraite au possible les faits et les citations. Mais, par un de ces mystères de la vie de l’esprit – visiblement impénétrables pour les génies-Darty –, on n’en connaît guère d’exemple. Il se trouve que les grands créateurs ont toujours aussi été des artisans acharnés. Que Michel-Ange allait surveiller lui-même l’extraction de ses marbres dans les carrières. Que, lorsqu’un savant archéologue a voulu dénoncer des « inexactitudes » dans Salammbô – roman, non pas ouvrage historique –, Flaubert a pu lui démontrer qu’il connais¬sait l’archéologie punique et romaine mieux que lui.

Mais aussi parce qu’il n’y a pas d’abîme séparant le « formel » et le « substantiel ». Si les critiques avaient tiqué sur le désormais célèbre auteur Hali-baba-carnasse, ils auraient facilement découvert, de fil en aiguille, que 1’« auteur » tire son « érudition éblouissante » du Bailly (excellent dictionnaire pour les terminales des lycées, mais pas pour une enquête sur la culture grecque) et que les âneries qu’il raconte sur l’absence de « conscience » en Grèce tombent déjà devant cette phrase de Ménandre : « Pour les mortels, la conscience est dieu. » S’ils avaient tiqué devant la « mise à mort du Dieu » par Robespierre, ils auraient peut-être plus facilement vu ce qui est gros comme une maison : que 1’« auteur » falsifie les faits pour lier athéisme et Terreur, et brouiller l’évidence historique massive montrant que les « monothéismes » ont été, infiniment plus que les autres croyances, sources de guerres saintes, d’extermination des allodoxes, complices des pouvoirs les plus oppressifs ; et qu’ils ont, dans deux cas et demi sur trois, explicitement réclamé ou essayé d’imposer la confusion du religieux et du politique.

Si la critique continue à abdiquer sa fonction, les autres intellectuels et écrivains auront le devoir de la remplacer. Cette tâche devient maintenant une tâche éthique et politique. Que cette camelote doive passer de mode, c’est certain : elle est, comme tous les produits contemporains, à obsolescence incorporée. Mais le système dans et par lequel il y a ces camelotes doit être combattu dans chacune de ses manifestations. Nous avons à lutter pour la préservation d’un authentique espace public de pensée contre les pouvoirs de l’État, mais aussi contre le bluff, la démagogie et la prostitution de l’esprit."

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Je ne connais pas bien la pensée de Foucault, ou alors par l'intermédiaire de certains de ses élèves ou continuateurs, notamment P Dardot et C Laval, les deux chercheurs marxistes critiques de la "raison néolibérale" et de l'"Etat manager". Ce que tu en dis, et ce qu'en disent les interprètes que j'ai pu lire, me donne de bonnes raisons de lire au moins "Le gouvernement de soi et des autres". J'ai l'impression que loin d'infirmer les analyses de certains auteurs conservateurs ou libertariens, celles de Foucault tendraient plutôt à les confirmer.

Je pense notamment à la question du consentement abordé par des types comme Anthony de Jasay, Robert Nisbet ou Paul Gottfried. L'Etat fonde imaginairement son existence à partir d'une justification hédoniste (le but originel de l'Etat dans la pensée moderne est de réduire l'incertitude de la mort violente pour permettre aux individus de jouir de l'existence) qui a évolué après la révolution démocratique vers l'Etat providence jusqu'à l'Etat thérapeute et constructiviste d'aujourd'hui. Certains auteurs conservateurs (Gottfried, Nisbet, Francis qui sont aussi des libéraux) essaient de faire le lien entre cette évolution et la transformation de l'activité de gouvernement en bureaucratie managériale, c'est-à-dire, tout comme pour Foucault, assumant des liens de contrainte, de domination, de hiérarchie, mais intériorisés et acceptés, et cela au plus grand bénéfice de l'ordre politique en place.

Etat thérapeute et thanatocrate à l'occasion. On retrouve en effet une connexion dans les intuitions, mais je trouve Foucault bien plus fin que la plupart des auteurs libertariens qui restent tributaires du paradigme Hobbésien. Son approche anatomique et microphysique du pouvoir a ceci de fascinante que sa méthode procède par repérage quasi clinique des ruptures. Toutefois il établit que contrairement aux croyances inhérentes au libéralisme, cette gouvernance thérapeutique des conduites ne prolifère pas en collectivisant les activités économiques, mais plutôt par une administration douce, de plus en plus individualisante et quadrillée des comportements qui produit de la sujétion, modifie la séparation du vrai et du faux, et donc notre rapport à l'éthique. On observe par exemple que la vérité historique est davantage pilotée par un désir de pénal, par une envie d'inspecter la conformité des opinions d'autrui en y recherchant l'élément phobique. La croissance des biopouvoirs marche donc avec le processus d'atomisation d'une population d'individus demandeurs de droits spécifiques. Foucault montre que l'apparition de la biopolitique a entre autres permis de résoudre les problèmes des révoltes fiscales et des milices d'autodéfense en diminuant les coûts de la coercition, en créant les conditions d'une servitude volontaire.

«le pouvoir politique, tel qu'il s'exerçait dans le corps social, était un pouvoir très discontinu », trop de choses lui échappaient (la plupart des choses en réalité : des activités de contrebande, des délits, etc.) : les mailles étaient trop grandes. D'où une première préoccupation : réduire la taille de celles-ci. Comment « …passer d'un pouvoir lacunaire, global, à un pouvoir continu, atomique et individualisant : que chacun, que chaque individu en lui-même, dans son corps, dans ses gestes, puisse être contrôlé, à la place des contrôles globaux et de masse » ?

Je viens de lire l'ouvrage passionnant de Paul Gottfried sur l'Etat managérial. Sa thèse consiste à remettre en question la mythologie progressiste américaine ("libérale") qui en fait la continuatrice du libéralisme classique et suppose d'ignorer les transformations sociales et économiques radicales qui en ont changé les significations. La rupture se fait pour lui au moment de la révolution industrielle, qui a bouleversé les rapports entre démocratie, libéralisme et administration publique (au profit de cette dernière). Depuis, le régime s'est transformé en expertocratie guidée par une idéologie progressiste qui est aussi celle des classes dominantes, et qui a réussi le tour de force d'imposer son mode de fonctionnement avec l'assentement actif des populations asservies.

L'administration douce des conduites est-elle en rupture avec la démocratie libérale? C'est une bonne question, dans la mesure où le libéralisme via son versant utilitariste, a tout de même introduit l'idée d'un Etat-veilleur et d'une gouvernance dédiée à la maximisation du bonheur social. Avec la biopolitique et l'expertocratie, le pouvoir ne vient plus d'une volonté souveraine, centralisée et coercitive, mais d'un encadrement normatif, décentralisé, indirect et médiatisé par des séries d'appareils et dispositifs de contrôle qui ont leur propre logique. Ces technologies de sujétion n'agissent pas directement sur un territoire, mais visent à conformer les individus à un environnement prescriptif. L'action des biopouvoirs s'exerce donc sur le milieu des individus, leur éducation, leur alimentation, leur système de santé, leur sexualité, leurs appareils de communication et leurs moyens de circulation, en doublant les institutions par des codes progressivement intériorisés par les sujets.

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Bon. Nous sommes dans un topic "philosophie et métaphysique", Soral et ses histoires à la noix, c'est plutôt un sujet "taverne". Si certains cherchent à connaître la pensée libertaire et la critique qu'elle adresse au capitalisme, il ferait mieux d'écouter ce qu'en dit par exemple Cornélius Castoriadis : http://www.youtube.c…h?v=-CnuORRAdDE et plus précisément sur le libéralisme
[/url][/url][/url] (désolé, le son est dégueulasse et Castoriadis n'est pas un ex pubard comme Soral). Il a tort, mais on a toujours à apprendre des erreurs des grands philosophes.

C'est vrai que Castoriadis est un philosophe intéressant. J'ai lu l'an dernier une petite partie de son bouquin sur l'Institution imaginaire de la société (1975). Ce livre est compliqué mais sa distinction entre autonomie et hétéronomie m'avait séduite. J'ai lu aussi un article dans un de ses livres publiés plus tard dont je ne me souviens pas le nom. Dans cet article, il écrit des choses très intéressantes sur la différence entre jugement de fait et jugement de valeur, en évoquant notamment Aristote.

Bien que je n'ai pas creusé davantage la pensée de Castoriadis, de prime abord, je dirais que la différence entre lui et la majorité des libéraux, c'est que lui met l'accent sur l'autonomie au sens collectif, démocratique, du terme (raison pour laquelle il me fait penser un peu à Buchanan, toute proportion gardée) alors que les libéraux mettent l'accent davantage sur la liberté individuelle. La démocratie collective passe au second plan, la liberté nécessite une société décentralisée, pas une décision autonome collective.

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Gottfried ne parle pas de rupture avec la démocratie, et je suis enclin à le suivre en m'aidant de ce que disent Tocqueville, Casto, Lefort et Gauchet de l'influence de l'égalité des conditions sur l'ensemble de l'organisation sociale,culturelle et institutionnelle des pays qu'elle modèle. Le régime actuel est une forme originale (première dans l'histoire) de régime mixte entre démocratie "classique" (par le biais de l'élection populaire), libéralisme (enfin le libéralisme du 19ème, celui qui défend la représentation et le rechtsstaat) et administration publique.

A la différence du régime mixte d'Aristote et Cicéron, j'ai l'impression que le gouvernement représentatif est un régime dynamique qui évolue en fonction de son sous bassement économique : la grande transformation de la révolution industrielle a attribué aux trois éléments du régime des fonctions qui n'ont cessé d''évoluer jusqu'à ce que s'installe une claire hiérarchisation en faveur de l'administration (l'élément commun à la représentation et à l'administration publique) et au détriment de l'élément démocratique et populaire (pour le meilleur et pour le pire). C'est aussi cette transformation qui a conditionné le triomphe du libéralisme utilitariste (et de toutes les idéologies "prospéristes", c'est-à-dire qui font de la prospérité matérielle la première finalité de l'organisation politique et sociale).

Pourquoi ? Parce que la pente naturelle de la démocratie est à l'égalité des conditions, la recherche par ses citoyens de la prospérité matérielle au détriment des autres biens qu'elle est censée charriée, ce qui a pour effet et l'individualisme (la multitude des "petites sociétés privées" dont parle Tocqueville) et la concentration du pouvoir politique (le despotisme à venir). Chacun s'occupe de ses affaires et le pouvoir politique est accepté à partir du moment ou il est perçu comme une autorité régulatrice du social. Gottfried consacre d'ailleurs une partie de son livre à montrer que la croissance de la sphère politique s'est légitimée par un discours pseudo-scientifique. A la fin du 19ème, les représentants des Etats (élus et administrateurs) se présentent comme des experts, parlent le langage de l'objectivité pour justifier leurs choix politiques (de Comte à Saint Simon en passant par Constant, Dewey ou Croly). Ce n'est pas un hasard : le langage de l'Etat universel qui administre par delà les intérêts particuliers est seul langage acceptable pour des gouvernés qui s'imaginent être déliés des rapports de pouvoir anciens.

Sur le coût de la coercition, c'est assez marrant : de Jasay en parle, et en cela, il ne fait que reprendre explicitement ce qu'en dit Bertrand de Jouvenel dans "Du pouvoir". Décidément, il y a vraiment des convergences intéressantes.

Ce qui me gêne dans ce que tu présentes de la pensée de Foucault (mais là encore, j'avance avec prudence, tu connais ça mieux que moi), c'est que dans l'idée de décentralisation du pouvoir, il y a minoration de son unité et de sa nécessaire partition : le pouvoir est sans doute diffus et intériorisé par tous les acteurs, ce qui le décentre par rapport aux lieux de pouvoirs traditionnels (l'Etat, l'armée, la police), mais il suppose toujours des gouvernants et des gouvernés (partition), et la monopolisation de sa signification par ceux qui le détienne effectivement (monopolisation). En termes plus classiquement marxistes, il y a antagonisme au sein de la société, et détention exclusive de la légitimité par le groupe social qui détient le pouvoir qui en impose les mots et les modes aux groupes sociaux dominés (ce qui n'est pas forcément un antagonisme de classes, puisque pour de Jasay ou Hoppe, curieusement en accord avec les ex trotskistes Casto, Lefort, mais aussi Burnham, la classe qui vit de l'Etat n'est ni l'instrument de la bourgeoisie, ni celui des classes populaires : il impose son propre agenda). L'objection que je fais à ce que tu présentes de Foucault ne s'adresse pas aux disciples que j'ai cité plus haut (Dardot/ Laval) qui eux désignent l'élément unifiant du pouvoir par le discours sur la "rationalité néolibérale" (qui n'a pas grand chose à voir avec le libéralisme classique, ils sont les premiers à le reconnaître). Pour eux, c'est le nouveau discours commun qui fait autorité et qui masque les rapports de domination contemporains. Et je pense qu'ils ont raison (même si là encore, j'insiste, le néolibéralisme n'est ni le libéralisme classique, ni le libertarianisme, et leur analyse converge avec celle d'auteurs libéraux et conservateurs).

C'est d'ailleurs la monopolisation de cette doxa, ce caractère hétéronome des institutions au sens de Casto (ou cette plus classiquement cette aliénation) qui se fait sentir quand certains remettent en cause l'idéologie dominante (et cela même si elle est acceptée avec enthousiasme par la plupart de ceux qu'elle domine). Comme tu le dis, la remettre en question n'entraîne pas la discussion mais la pénalisation. Ceux qui ne partagent pas les sacro-saints principes du régime en place sont traités comme des criminels, des débiles ou des malades mentaux. DSK en violant (peut-être) cette femme de chambre s'est comporté en "libéral", comme disait l'autre à la télé : être libéral n'est pas un sujet de discussion, c'est une pathologie. On ne discute pas avec un sociopathe.

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Ce qui me gêne dans ce que tu présentes de la pensée de Foucault (mais là encore, j'avance avec prudence, tu connais ça mieux que moi), c'est que dans l'idée de décentralisation du pouvoir, il y a minoration de son unité et de sa nécessaire partition : le pouvoir est sans doute diffus et intériorisé par tous les acteurs, ce qui le décentre par rapport aux lieux de pouvoirs traditionnels (l'Etat, l'armée, la police), mais il suppose toujours des gouvernants et des gouvernés (partition), et la monopolisation de sa signification par ceux qui le détienne effectivement (monopolisation). En termes plus classiquement marxistes, il y a antagonisme au sein de la société, et détention exclusive de la légitimité par le groupe social qui détient le pouvoir qui en impose les mots et les modes aux groupes sociaux dominés (ce qui n'est pas forcément un antagonisme de classes, puisque pour de Jasay ou Hoppe, curieusement en accord avec les ex trotskistes Casto, Lefort, mais aussi Burnham, la classe qui vit de l'Etat n'est ni l'instrument de la bourgeoisie, ni celui des classes populaires : il impose son propre agenda). L'objection que je fais à ce que tu présentes de Foucault ne s'adresse pas aux disciples que j'ai cité plus haut (Dardot/ Laval) qui eux désignent l'élément unifiant du pouvoir par le discours sur la "rationalité néolibérale" (qui n'a pas grand chose à voir avec le libéralisme classique, ils sont les premiers à le reconnaître). Pour eux, c'est le nouveau discours commun qui fait autorité et qui masque les rapports de domination contemporains. Et je pense qu'ils ont raison (même si là encore, j'insiste, le néolibéralisme n'est ni le libéralisme classique, ni le libertarianisme, et leur analyse converge avec celle d'auteurs libéraux et conservateurs).

Cela nous renvoie à la distinction classique entre puissance (potentia) et pouvoir (potestas) chez Hobbes & Spinoza.

Foucault dit que la pensée libérale, captive du modèle de l'imperium et du Leviathan, exagère l'importance de la potentia et sous-estime l'influence de la potestas sur les individus, d'où sa tendance un peu simpliste à identifier l'intervention économique de l'Etat avec un fascisme omniprésent et à négliger les procédures de sujétion normatives de l'ingéniérie sociale.

Je souscris à cette idée que le libéralisme, tributaire d'un naturalisme naïf, a tendance à évacuer la problématique des pouvoirs économiques et médiatiques, ainsi que le rôle des rapports de forces dans le droit, ou la dualité structurante entre élites et dominés, exposée par Pareto, Tarde, Le Bon etc.

D'autre part son analyse met en évidence le rôle complémentaire que joue la société civile par rapport au gouvernement : principe au nom duquel celui-ci tend à s'auto-limiter, mais cible également d'une intervention gouvernementale permanente, pour produire, augmenter les droits subjectifs et garantir les conditions propices au fonctionnement du marché. La société civile, loin de s'opposer à l'Etat, serait donc un vecteur de la technologie néo-libérale de gouvernement.

Foucault propose une lecture du pouvoir en termes de rapports de sujétions multiples, d'ampleur microsociologique et structurant les activités des hommes en société. Ainsi le pouvoir n'est pas localisé en un centre (Assemblée nationale, conseils d'administration, grandes firmes…), mais se définit au contraire par son équivocité et sa démultiplication. Cette lecture rejoint celles du conatus individuel chez Spinoza et de la volonté de puissance chez Nietzsche.

Comme chez Deleuze c'est une sorte de courant qui traverse et connecte l'ensemble des éléments du corps social. Il reconnaît volontiers l'importance des institutions étatiques comme outils de normalisation des conduites privées, mais il observe que le pouvoir les déborde largement.

Enfin, Foucault montre que le pouvoir est lié au savoir, à un certain paradigme technique : la gouvernance est toujours articulée sur une science et la science produit de la technologie. Dans La Volonté de savoir (1976), il précise cette théorie en attribuant quatre caractéristiques au pouvoir :

- Le pouvoir est immanent : il n'est pas unifié par le haut, mais s'exerce dans des « foyers locaux » (rapports entre expert et citoyen, médecin et malade, éducateur et enfant…).

- Le pouvoir varie en permanence : les rapports de sujétion sont soumis à des changements qui ne peuvent être compris par l'analyse institutionnelle classique.

- Le pouvoir s'inscrit dans un double contrôle : malgré son caractère microphysique, il obéit également à un paradigme rationnel global qui permet de caractériser une société à une époque donnée.

- Le pouvoir est indissociable du savoir : tout lieu d'exercice du pouvoir implique un processus de formation du savoir, sur le vivant, la démographie, le sexe, la criminalité etc. Mais de façon symétrique, tout savoir établi autorise l'exercice d'une technocratie. Ainsi la production administrative de savoirs (démographie, sociologie, génétique, criminologie, sexologie, management, psychologie…) sont des moyens de connaître la population pour mieux la gouverner.

Ce point permet aussi de comprendre pourquoi les sociologues sont autant liés à la propagande gouvernementale.

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Je me demande l'intérêt de mettre une vidéo de Soral sur Libéraux.org !

J'ai hésité avec un extrait de "plus belle la vie".

C'est surtout qu'il admet avoir parlé jusqu'à présent d'un concept qu'il n'a jamais vraiment compris.

C'est ça qui me facine, c'est un exemple typique de type qui ne comprend RIEN au libéralisme, mais quand il explique sa nouvelle découverte, on est toujours surpris de l’ampleur du gouffre.

Résulta quand un interlocuteur à vraisemblablement de grosses faiblesse, je deviens de plus en plus dur dans mes réponse, plutôt que conciliant.

Il récite aussi du Michea qui est souvent cité de la droite à la gauche anti-libérale, qui ne dit pas que des conneries mais est un analphabète économique complet, ça n'aide pas, mais pour un prof de philo c'est excusable.

+ 1 arrêtez de nous pomper l'air avec Soral. Ou alors proposez des philosophes fascisants dignes de ce nom, c'est pas ça qui manque.

Oui mais il ne laissent pas de vidéo sur Youtube.

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