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Crise, principe de précaution, réglementation


Bastiat

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Très intéressante émission (audio).

Émission proposée par : Elodie Courtejoie

Référence : PAG935

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Date de mise en ligne : 3 juillet 2011

(moyenne de 4,6 pour un total de 5 votes)

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Laurent Degos vient de quitter la Haute Autorité de Santé. Désormais plus libre de ses mouvements, il a publié un manifeste [1] pour prévenir au mieux les crises sanitaires.

Notre invité distingue quatre domaines où des crises liées à la santé peuvent être observées :

- Le médicament. « Ici, je ne fais pas tant référence à la pharmacovigilance, précise Laurent Degos. Je remarque surtout que les compagnies pharmaceutiques s’adressent à des niches de populations. Ceci présente un double intérêt : les événements indésirables graves sont moins visibles et les médicaments sont vendus beaucoup plus chers… ». Le risque de crise est prégnant entre l’assurance maladie et le prix des traitements à rembourser.

- L’hôpital. Tous les pays ont réduit leurs dépenses liées à l’hôpital au profit de la médecine de proximité. « Ici le risque de crise s’entend entre le rendement accru de l’activité de l’hôpital et la baisse du nombre de personnel ».

- L’innovation. « Elle est coincée par le principe de précaution, la sécurité ».

- Le patient. Si l’hôpital ne fonctionne plus, que l’innovation est en panne et que les médicaments sont de plus en plus chers, il devient difficile d’être soigné correctement. « Le parcours de soin est devenu le parcours du combattant. Il y a donc une vraie réforme à faire » explique Laurent Degos.

« Pendant un temps, nous avons construit notre système de santé autour du médecin qui avait le savoir, puis autour de la santé publique. Aujourd’hui il faut le construire autour du patient ».

Innovation, principe de précaution et éthique

C’est un constat : après chaque crise, une agence ouvre ses portes : agence pour la sécurité des produits de santé, pour la sécurité alimentaire, pour la veille sanitaire, pour la politique médicale, pour la sécurité de l’environnement… « Cette solution est prise le plus souvent par les décideurs gouvernementaux par crainte d’une réaction sociale ou politique » écrit Laurent Degos dans son ouvrage. Et il précise au cours de l’émission que « toutes ces agences auraient besoin d’être regroupées en trois grands domaines que sont la sécurité, la pratique et la prévention ».

Mais pour lui, ce n’est pas tellement en termes de sécurité qu’il faut raisonner, mais plutôt en termes d’éthique. « La population est-elle prête à courir des risques pour de grandes innovations apportant dans le futur un grand bienfait ? Prenez l’exemple des greffes d’organes : elles étaient dangereuses au début. Aujourd’hui elles sont communes et sans danger. Même chose pour la transfusion sanguine qui est devenue aujourd’hui en France l’acte le plus sûr ». La situation se renouvelle actuellement pour les débuts de la thérapie génique, de la thérapie cellulaire. « Là encore, que cela soit permis ou interdit, nous sommes plutôt dans des questions d’ordre éthique. Or aujourd’hui, ce sont les agences de sécurité qui prennent les décisions » remarque Laurent Degos.

Mais alors que penser de la loi sur la bioéthique passée récemment en France, interdisant la recherche sur les cellules souches, sauf dérogation ? La recherche se fera-t-elle à terme sur dérogation ? « C’est un choix de société, répond l’hématologue. Cela permet de suivre au mieux ce qui se passe. Si jamais un accident arrivait, on pourrait toujours informer la population que les recherches étaient initialement interdites. Ceci permet d’éviter les scandales du type Médiator qui remettent en cause toute l’organisation.(ndlr : émission enregistrée avant la décision prise par le ministre de la santé de revoir tout le système de pharmacovigilance suite à l’affaire du Médiator). Pour ma part, je suis entre deux eaux… »

L’hôpital : quelques fausses bonnes idées

Parmi les idées émises pour traiter au mieux les dysfonctionnements de l’hôpital, celle de rédiger « une déclaration obligatoire de tous les événements indésirables graves survenus au sein d’un établissement de santé » a été retenue en Grande-Bretagne.

Un dispositif qui semble à priori aller dans le bon sens ?… « Pas vraiment » nous dit Laurent Degos : « En très peu de temps, les Anglais ont été dépassés par des millions de déclarations impossibles à traiter. Résultat : ils n’ont rien fait du tout et ont signé l’arrêt du fonctionnement de cette agence… »

Les faits divers dans les médias relatent parallèlement de plus en plus d’erreurs de manipulation de la part d’infirmiers et de médecins. « On pense que c’est le dernier maillon qui est coupable. Mais pour qu’il y ait de grosses erreurs comme de trop fortes injections par exemple, ça souligne surtout de nombreux dysfonctionnements en amont » fait remarquer Laurent Degos.

Pour notre invité, mettre la main sur un coupable ne résout pas le problème ; un phénomène d’autant plus accentué par les procès basant l’indemnisation sur la base de la culpabilité. « On devrait indemniser la victime quel que soit l’accident. Ensuite deux voies seraient à explorer systématiquement : chercher le responsable mais aussi et surtout rechercher les causes ».

Autre idée qui ne se révèle pas glorieuse selon Laurent Degos : la mise en place de procédures et protocoles pour tous les gestes, tout acte, toute communication médicale, à la manière de l’aviation civile. « Or nous avons à faire à des hommes qui sont très variables. Nous avons bien sûr besoin de procédures pour entrer en salle d’opération, poser un cathéter, mais à d’autres moments, mieux vaut être en éveil de l’inattendu pour prévenir ce qui va arriver ». La solution se trouverait donc dans un mélange des deux.

La prévention : quand la population n’y croit pas. Exemple de la grippe H1N1

Pour Laurent Degos, trois axes doivent être menés de front pour contrer les potentielles crises sanitaires à venir : la sécurité, la pratique et la prévention. Or, l’exemple du vaccin préventif contre la grippe H1N1 est un contre-exemple cuisant. L’État s’est lancé dans la prévention à grande échelle, mais la population n’a pas suivi… Laurent Degos rectifie : « Le vaccin a toujours été considéré comme quelque chose de potentiellement dangereux, alors qu’il ne l’est pas. La grippe ne s’étant pas déclarée, tout le monde s’est demandé pourquoi tout ce remue-ménage pour rien ! Et pourtant, heureusement qu’il existe toute cette machinerie face à une potentielle épidémie. Maintenant, il ne faudrait pas que cet événement crée de la méfiance contre les vaccins ».

Laurent Degos, correspondant de l'Académie de sciences

Laurent Degos, correspondant de l’Académie de sciences

© Canal Académie

Laurent Degos est hématologue, professeur à l’université Paris Diderot – Paris VII, il a dirigé le service clinique des maladies du sang de l’hôpital Saint-Louis, l’Institut universitaire d’hématologie et l’école doctorale de biologie et biotechnologies. Il a mis en place la Haute autorité de santé (HAS) de 2005 à 2010 et est correspondant de l’Académie des sciences.

En savoir plus :

- Laurent Degos sur Canal Académie

- Laurent Degos, correspondant de l’Académie des sciences

Laurent Degos, Sortir des crises, éditions Le Pommier, 2011
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Je trouve ce monsieur un peu gonflé. Il participe à la mise en place d'usines à gaz comme l'HAS puis vient dénoncer ces dérives…

A propos de la check-list au bloc opératoire:

-voilà à quoi elle ressemble: ici

-la checklist est utilisée depuis quelques mois, imposée par la HAS,

-cette checklist est unique pour toutes les spécialités chirurgicales, quel que soit le type d'intervention dont elle est parfois inadaptée. Le "time-out" est un temps particulièrement crétin quand l'intervention est une intervention de routine sans difficulté particulière et bien réglée dont l'opérateur a une grande habitude; ce temps de la checklist est rarement fait en réalité.

-Cette liste ne fait que formalisée par écrit ce qui a toujours été fait simplement autrefois à l'oral. Sa seule utilité réelle est donc d'établir une traçabilité administrative. Elle ne change strictement rien à la sécurité du patient. Elle ne l'améliore pas. L'équipe continue à faire ce qu'elle a toujours fait à l'oral mais maintenant , ces différentes étapes de l'intervention sont formalisées administrativement.

Au total, cette checklist est simplement une décharge de responsabilité de l'administration de santé, de la HAS sur les intervenants en bout de chaîne (médecins et infirmières). La HAS dit en substance: "Nous, nous avons bien fait notre métier d'administratif en établissant une checklist; tout incident de bloc n'est donc pas de notre responsabilité; voyez donc avec ceux qui ont signé le papier engageant leur responsabilité". Dans cette interview, Monsieur Degos prétend exactement le contraire en justifiant l'existence et l'utilité des autorités administratives de santé.

Voilà en quoi, ici par l'exemple de la checklist, ce monsieur qui participe à l'hyperadministration de la santé puis vient la critiquer, se fout donc un peu de la gueule du monde.

La santé est de plus en plus administrée. Nous sommes entrés dans une phase hyperbolique où la vitesse à laquelle la santé devient administrée devient très grande. Les effets s'en font déjà ressentir. Seul un diplomé sur 10 sortant de la fac s'installe en "libéral" (pour autant qu'on puisse encore utilisé ce type de qualificatif en parlant de la médecine non salariée). Et il a encore des administrateurs de la HAS ou des ARS qui se demandent pourquoi.

LAISSEZ FAIRE

Encore une chose. Les administrations de contrôle (de santé ou autres) n'ont d'autre but que de justifier par leurs actions, leur propre existence et leur utilité. C'est tout. Le monde marche très bien sans elles et il n'y a qu'elles qui ont du mal à accepter cette vérité.

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Invité jabial

Hahaha, c'est le cas dans toutes les professions régulés. Le régulateur ne veut pas savoir le résultat (pourcentage de maladies nosocomiales par exemple) ; la seule chose qui l'intéresse, c'est qu'on a bien employé les moyens qu'il impose.

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Ne mélangez pas tout. Le fait que la santé soit administrée est une chose, l'usage de check-list en est une autre.

C'est assez peu dans la mentalité "latine" mais bien plus dans la mentalité anglo-saxonne.

La check-list me semble très utile dans tous les cas où il est nécessaire de vérifier un certain nombre d'items dans un temps limité. Par exemple, je pense que les urgences médicales pourraient en bénéficier ce qui permettrait sans doute de ralentir les délais d'attente, et les durée de prise en charge tout en garantissant un niveau de sécurité optimal.

Ensuite, on peut déplorer l'administration de la santé, mais il n'est pas certain qu'une privatisation en l'état la fasse diminuer dès lors qu'il existe une relation de dépendance entre le prescripteur des soins et l'assureur.

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Ne mélangez pas tout. Le fait que la santé soit administrée est une chose, l'usage de check-list en est une autre.

C'est assez peu dans la mentalité "latine" mais bien plus dans la mentalité anglo-saxonne.

La check-list me semble très utile dans tous les cas où il est nécessaire de vérifier un certain nombre d'items dans un temps limité. Par exemple, je pense que les urgences médicales pourraient en bénéficier ce qui permettrait sans doute de ralentir les délais d'attente, et les durée de prise en charge tout en garantissant un niveau de sécurité optimal.

Je serais curieux de savoir si les pilotes d'avion signent la checklist après l'avoir effectuée.

Pour la HAS, l’interêt n'est pas la checklist mais les signatures qui sont posées dessus. Il ne s'agit pas d'une vérification utile mais d'une traçabilité administrative. La question n'est pas de savoir si les vérifications sont toutes faites (elles étaient faites avant l'instauration de cette checklist par toute équipe sérieuse) mais bien de savoir s'il y a un intérêt à tracer cette information.

Nous sommes entrain de passer gentiment de l'importance du patient à l'importance du papier, des croix au bon endroit, à l'importance de la traçabilité. Bientôt en cas d'incident, l'administration vous répondra: "ce n'est pas possible, il n'y a aucun problème, toutes les croix sont au bon endroit"

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Je serais curieux de savoir si les pilotes d'avion signent la checklist après l'avoir effectuée.

Je pense que c'est le cas, ou tout du moins qu'elle constitue un aspect important en cas d'accident.

Pour la HAS, l’interêt n'est pas la checklist mais les signatures qui sont posées dessus. Il ne s'agit pas d'une vérification utile mais d'une traçabilité administrative. La question n'est pas de savoir si les vérifications sont toutes faites (elles étaient faites avant l'instauration de cette checklist par toute équipe sérieuse) mais bien de savoir s'il y a un intérêt à tracer cette information.

Nous sommes entrain de passer gentiment de l'importance du patient à l'importance du papier, des croix au bon endroit, à l'importance de la traçabilité. Bientôt en cas d'incident, l'administration vous répondra: "ce n'est pas possible, il n'y a aucun problème, toutes les croix sont au bon endroit"

Plutôt d'accord là dessus.

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