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Pour la Liberté, Dieu et le Roy


Invité

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Rafale, tu recherches un régime conforme à ton sens de l'esthétisme, c'est tout.

Tu as tout compris, je suis un peu comme mon ami libertarien américain sur NationStates, qui veut que le Sud fasse sécession une nouvelle fois.

Quoique ce soit beaucoup plus probable que le retour de la monarchie en France!

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Est-ce qu'il faut te rappeler que les libéraux du 18e siècle se sont justement battus contre la monarchie non démocratique et le despotsime "éclairé" ? Alors, faut être balèze pour soutenir qu'un tel régime serait la panacée libérale.

Et si tu crois un seul instant qu'un despote se soucie plus de l'agenda libéral que tout autre régime, c'est que tu fumes de la bonne.

Et si jamais il y eu des espaces de libertés sous l'Ancien Régime, ce ne fut pas grâce à la monarchie, mais malgré elle, à commencer par la concurrence de la noblesse.

La comparaison des taux d'imposition entre AR et démocraties "représentatives", plaide largement en faveur du premier, même dans sa forme féodale plutôt que parlementaire.

D'autre part n'importe quel gouvernement démocratique a aujourd'hui beaucoup plus de prérogatives et de pouvoir d'intrusion légiste dans la sphère privée que n'en avaient les monarques.

De toute façon la noblesse française a elle-même provoqué sa perte en succombant à la démagogie, à l'instar des élites actuelles.

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La comparaison des taux d'imposition entre AR et démocraties "représentatives", plaide largement en faveur du premier, même dans sa forme féodale plutôt que parlementaire.

D'autre part n'importe quel gouvernement démocratique a aujourd'hui beaucoup plus de prérogatives et de pouvoir d'intrusion légiste dans la sphère privée que n'en avaient les monarques.

Peut-être.

Et encore, il y a matière à discuter. Parce que comparer les taux d'imposition entre la France du 21e siècle et celle de l'Ancien régime revient à comparer les taux d'imposition entre la France et Haïti ; et on peut émettre l'hypothèse que la monarchie, si elle avait subsité jusqu'au 21e siècle, aurait également élevé très fortement les impôts. Par ailleurs, parler des seules prérogatives et intrusions du Roi pendant l'Ancien Régime, face à celles des démocraties modernes, en passant au bleu les prérogatives et les intrusions de la noblesse, de l'Église, des parlements, des corporations, etc., c'est vraiment réfléchir n'importe comment. Alors, pour ne prendre qu'un exemple, c'est vrai, le Roi de France n'édictait pas de Code du travail, mais les corporations, si.

Mais même si la monarchie d'Ancien Régime taxait moins et était moins intrusive, cet état de fait ne se faisait pas grâce à la bonté de la monarchie, mais malgré elle.

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La comparaison des taux d'imposition entre AR et démocraties "représentatives", plaide largement en faveur du premier, même dans sa forme féodale plutôt que parlementaire.

C'est loin d'être évident. Déjà, comme tu sais, l'impôt de l'ancien régime ne touchait que très peu les nobles et variait considérablement en fonction des catégories. De plus c'était un impôt par répartition en ce sens qu'on décidait en haut combien il fallait prendre et qu'on divisait et sous-divisait la collecte dans le territoire ce qui faisait que les uns ne payaient pas grand chose, et d'autres étaient accablés. Tou ceci tempère très largement la possibilité de comparer les taux.

Et puis il faut voir le côté positif des choses, l'impôt a contraint les gens à bénéficier de liquidités, ce qui a favorisé l'éclosion de l'économie de marché B)

D'autre part n'importe quel gouvernement démocratique a aujourd'hui beaucoup plus de prérogatives et de pouvoir d'intrusion légiste dans la sphère privée que n'en avaient les monarques.

Ce n'est pas tant dans la sphère privée que le pouvoir du monarque s'est étendu que dans la sphère publique.

De toute façon la noblesse française a elle-même provoqué sa perte en succombant à la démagogie, à l'instar des élites actuelles.

Que ne te réjouis-tu ? :mrgreen:

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La comparaison des taux d'imposition entre AR et démocraties "représentatives", plaide largement en faveur du premier, même dans sa forme féodale plutôt que parlementaire.

D'autre part n'importe quel gouvernement démocratique a aujourd'hui beaucoup plus de prérogatives et de pouvoir d'intrusion légiste dans la sphère privée que n'en avaient les monarques.

De toute façon la noblesse française a elle-même provoqué sa perte en succombant à la démagogie, à l'instar des élites actuelles.

L'augmentation de la sphère d'influence du pouvoir politique, quel qu'il soit, est lié à la prospérité générale. Quand les contribuables doivent se battre pour leur prochain repas, il n'y a pas beaucoup à prendre.

On peut raisonnablement supposer que les monarques de l'Ancien Régime auraient collectés beaucoup plus avec, d'une part, la prospérité relative des contribuable et d'autre part les moyens modernes de collecte (en incluant la monnaie, les moyens de transporter de l'argent et de l'information…).

Le pouvoir moderne a accès à plus de ressources qu'il peut collecter plus facilement : c'est l'orgie. Je ne crois pas que cela dépende du type de régime.

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La comparaison des taux d'imposition entre AR et démocraties "représentatives", plaide largement en faveur du premier, même dans sa forme féodale plutôt que parlementaire.

Moui, a l'heure actuelle des vrai monarchies il n'y en a pas beaucoup pour comparer aux démocraties, a part l’Arabie saoudite le Qatar et 2-3 autres.

On pourrait regarder il y a un siècle quand il y en avait plus, et je ne suis pas sur qu'on y était plus libre qu'aux USA de l’époque.

L'ancien régime je ne sais pas a quelle démocratie de son époque on pourrait le comparer ?

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Petite remarque en passant : la défense de Hoppe n'est pas une comparaison historique entre l'époque présente et celle de l'Ancien régime, mais une suite de raisonnements purement théoriques. Sa démonstration n'est donc pas invalidée (ni validée par ailleurs) par l'expérience historique de la Monarchie (qui reste comme plusieurs personnes l'ont rappelé, assez dépendante d'une économie et d'un imaginaire social-historique désormais disparus).

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C'est loin d'être évident. Déjà, comme tu sais, l'impôt de l'ancien régime ne touchait que très peu les nobles et variait considérablement en fonction des catégories.

J'avais précisé même dans sa forme féodale, tout ceci est assez bien étudié, notamment par les travaux de Jean Tulard, Pierre Chaunu et d'autres moins connus. Je passe sur les inventions pures comme le droit de cuissage dont nul n'a jamais trouvé trace dans le droit positif français. Par ailleurs les révoltes fiscales de provinces entières furent fréquentes durant l'ancien régime, ce qui montre qu'elles étaient beaucoup moins assujetties et mises en coupe réglées que par la tentaculaire administration centralo-jacobine.

Si je souscris à l'argument que tu évoquais, à savoir que c'est la monarchie qui a commencé la centralisation fiscale et législative du pays avec ses surintendants et ses receveurs généraux, j'en nuancerai la portée, car la fiscalité est restée modérée jusqu'à la révolution - son taux toute taxes confondues ne dépassant pas celui d'une flat tax -, et la création de l'impôt sur le revenu est une spécificité des démocraties, comme tout ce qui touche à l'accroissement de la redistribution.

Que ne te réjouis-tu ?

Yes i do.

Le pouvoir moderne a accès à plus de ressources qu'il peut collecter plus facilement : c'est l'orgie. Je ne crois pas que cela dépende du type de régime.

Je doute que le progrès technique soit le facteur prépondérant dans le consentement à l'impôt, dans lequel il faut plutôt considérer l'évolution des mentalités vers une plus grande passivité, encore que dans l'hybris actuel de taxes, échapper à l'impôt redeviendra peut-être un acte de résistance, comme en Grèce.

Moui, a l'heure actuelle des vrai monarchies il n'y en a pas beaucoup pour comparer aux démocraties, a part l’Arabie saoudite le Qatar et 2-3 autres.

On pourrait regarder il y a un siècle quand il y en avait plus, et je ne suis pas sur qu'on y était plus libre qu'aux USA de l’époque.

Et les taux d'imposition y sont effectivement parmi les plus bas du monde. Pour qu'on ne me reproche pas encore de faire l'apologie du régime saoudien, j'y ajouterai en Europe, parmi celles encore au pouvoir, Monaco et le Liechtenstein.

Petite remarque en passant : la défense de Hoppe n'est pas une comparaison historique entre l'époque présente et celle de l'Ancien régime, mais une suite de raisonnements purement théoriques. Sa démonstration n'est donc pas invalidée (ni validée par ailleurs) par l'expérience historique de la Monarchie (qui reste comme plusieurs personnes l'ont rappelé, assez dépendante d'une économie et d'un imaginaire social-historique désormais disparus).

C'est le gros problème de HHH et des axiomatiques en général: ils parlent de fictions qui n'ont jamais existé et construisent des chimères.

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J'avais précisé même dans sa forme féodale, tout ceci est assez bien étudié, notamment par les travaux de Jean Tulard, Pierre Chaunu et d'autres moins connus. Je passe sur les inventions pures comme le droit de cuissage dont nul n'a jamais trouvé trace dans le droit positif français. Par ailleurs les révoltes fiscales de provinces entières furent fréquentes durant l'ancien régime, ce qui montre qu'elles étaient beaucoup moins assujetties et mises en coupe réglées que par la tentaculaire administration centralo-jacobine.

Si je souscris à l'argument que tu évoquais, à savoir que c'est la monarchie qui a commencé la centralisation fiscale et législative du pays avec ses surintendants et ses receveurs généraux, j'en nuancerai la portée, car la fiscalité est restée modérée jusqu'à la révolution - son taux toute taxes confondues ne dépassant pas celui d'une flat tax -, et la création de l'impôt sur le revenu est une spécificité des démocraties, comme tout ce qui touche à l'accroissement de la redistribution.

euh je ne trouve pas cela logique. S'il y a des révoltes, des jacqueries, c'est bien parce qu'il y a des impôts trop difficilement soutenables. Et puis on a oublié l'inflation : les rois ne se gênaient pas trop pour la pratiquer, cette inflation étant un impôt déguisé. Et puis il y avait les péages intérieurs et d'autres impôts révolus auxquels nous ne pensons pas.

Par ailleurs j'ai lu récemment que l'Etat de l'AR connaissait déjà des comptes obérés par des dettes et qu'il commettait défaut ou levait des emprunts forcés qu'il ne remboursait pas vraiment, ou alors en distribuant des hochets ou de vrais privilèges. En 1788, le service de la dette correspond à 50% des dépenses de l'Etat et à peu près à 60% des recettes !

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euh je ne trouve pas cela logique. S'il y a des révoltes, des jacqueries, c'est bien parce qu'il y a des impôts trop difficilement soutenables.

Non, parce que le consentement à l'impôt était faible. C'est d'ailleurs un point que Soulève Turgot dans un de ses mémoires alors qu'il était intendant général.

Et puis on a oublié l'inflation : les rois ne se gênaient pas trop pour la pratiquer, cette inflation étant un impôt déguisé. Et puis il y avait les péages intérieurs et d'autres impôts révolus auxquels nous ne pensons pas.

Pour ma part, je suis favorable à la multiplication des péages intérieurs, qui sont un bon moyen de gérer l'espace public en diminuant le coût des externalités négatives.

Par ailleurs j'ai lu récemment que l'Etat de l'AR connaissait déjà des comptes obérés par des dettes et qu'il commettait défaut ou levait des emprunts forcés qu'il ne remboursait pas vraiment, ou alors en distribuant des hochets ou de vrais privilèges. En 1788, le service de la dette correspond à 50% des dépenses de l'Etat et à peu près à 60% des recettes !

Oui, c'est une supériorité à mon sens des habitudes monarchiques : lorsque le roi est endetté et les caisses vides, il y a une banqueroute et on repart sur des bases saines, alors qu'en démocratie où le gouvernement fait valoir qu'il n'y a pas de distinction entre les finances de l'Etat et celles des citoyens, il multiplie les cavaleries sauvages et sauvetages ruineux avec l'argent du contribuable, en faisant croire que l'endettement est le cours normal de la conduite des affaires et même nécessaire pour stimuler la croissance.

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Et les taux d'imposition y sont effectivement parmi les plus bas du monde. Pour qu'on ne me reproche pas encore de faire l'apologie du régime saoudien, j'y ajouterai en Europe, parmi celles encore au pouvoir, Monaco et le Liechtenstein.

Monaco et le Liechtenstein, tu aurais aussi bien pu choisir l'Andorre ou les Bahamas qui sont des démocraties (quoique une sorte de monarchie aussi dans le cas de l’Andorre, avec Sarkozy comme prince …)

Et les impôts en Arabie saoudite ne sont bas que si on les compare a ceux des pays occidentaux.

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Un auteur que Astynoos doit connaître disait que la monarchie, c'est l'anarchie +1.

Et dont j'apprécie assez les sorties de ce genre ! :) Le régionalisme de Maurras fût salutaire sur sa pensée, c'est ce qui lui faisait prôner une décentralisation maximale et qui par moment le faisait tendre vers une sorte d'anarcho-royalisme avec un pouvoir royal fort et des localités d'essence pratiquement anarchique (l'autorité en haut, les libertés en bas, toussa). Dommage qu'il se soit enfermé dans les délires nationalistes et positivistes, mais l'époque troublée qu'il a vécue a malheureusement fait du mal à de très nombreux intellectuels.

Est-ce qu'il faut te rappeler que les libéraux du 18e siècle se sont justement battus contre la monarchie non démocratique et le despotisme "éclairé" ?

Pas tant que ça, les physiocrates étaient partisans du despotisme légal par exemple, et même s'ils étaient plus des proto-libéraux que des libéraux au sens strict, je ne pense pas qu'on puisse les négliger pour autant. L'idéal du monarque éclairé est assez prégnant jusque chez Voltaire. Mais peut-être suis-je trop franco-centré (désolé, c'est très français ça :mrgreen:), et que les choses étaient différentes en Angleterre par exemple.

C'est le gros problème de HHH et des axiomatiques en général: ils parlent de fictions qui n'ont jamais existé et construisent des chimères.

Je dirais plutôt que HHH, en bon misesien, se garde bien de citer des chiffres dont il est difficile de discerner la cause (Mises a souvent pointé du doigt le danger de faire parler les chiffres historiques), comme l'a rappelé Apollon. Si on peut lui reprocher de verser dans l'axiomatique délirante, c'est plutôt dans sa théorie de la propriété que dans sa théorie de la monarchie.

Sinon pour les bouquins, il y a aussi Pierre Gaxotte (mais on va me dire que c'est biaisé :mrgreen:) et pour les pressés, j'ai trouvé le QSJ de Bluche, Rials et Tulard de très bonne facture, avec en bonus une très bonne digression sur la théorie du droit naturel depuis la seconde scolastique qui intéressera sûrement beaucoup de monde ici.

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Pas tant que ça, les physiocrates étaient partisans du despotisme légal par exemple, et même s'ils étaient plus des proto-libéraux que des libéraux au sens strict, je ne pense pas qu'on puisse les négliger pour autant. L'idéal du monarque éclairé est assez prégnant jusque chez Voltaire. Mais peut-être suis-je trop franco-centré (désolé, c'est très français ça :mrgreen:), et que les choses étaient différentes en Angleterre par exemple.

Mais le despotisme légal est tout autre chose que le despotisme éclairé. Il y a du avoir des fils là-dessus.

Je dirais plutôt que HHH, en bon misesien, se garde bien de citer des chiffres dont il est difficile de discerner la cause (Mises a souvent pointé du doigt le danger de faire parler les chiffres historiques), comme l'a rappelé Apollon. Si on peut lui reprocher de verser dans l'axiomatique délirante, c'est plutôt dans sa théorie de la propriété que dans sa théorie de la monarchie.

Franchement HHH est-il miséen ? Au niveau de la doctrine économique il y a de la ressemblance mais pour le reste…

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Mais le despotisme légal est tout autre chose que le despotisme éclairé. Il y a du avoir des fils là-dessus.

Certes, mais nulle trace d'opposition à la monarchie et encore moins de démocratie dans tout cela.

Franchement HHH est-il miséen ? Au niveau de la doctrine économique il y a de la ressemblance mais pour le reste…

Dans son épistémologie, je dirais oui, clairement. Après, comme Rothbard, il applique le raisonnement économique de Mises à l'éthique, ce qui est je pense une erreur, Mises désapprouvait Rothbard sur ce point d'ailleurs.

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C'est loin d'être évident. Déjà, comme tu sais, l'impôt de l'ancien régime ne touchait que très peu les nobles et variait considérablement en fonction des catégories. De plus c'était un impôt par répartition en ce sens qu'on décidait en haut combien il fallait prendre et qu'on divisait et sous-divisait la collecte dans le territoire ce qui faisait que les uns ne payaient pas grand chose, et d'autres étaient accablés. Tou ceci tempère très largement la possibilité de comparer les taux.

Une étude d'ensemble du système fiscal de l'Ancien Régime et de ses insuffisances se trouve dans ce livre absolument passionnant (et recommandé chaudement et à de nombreuses reprises par le regretté Pierre Chaunu, c'est dire) :

la Monarchie (qui reste comme plusieurs personnes l'ont rappelé, assez dépendante d'une économie et d'un imaginaire social-historique désormais disparus).

Voilà. La légitimité royale a disparu dans le néant, et elle ne réapparaitra pas spontanément. On peut s'en féliciter ou s'en affliger, mais on doit faire avec.

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Je dirais plutôt que HHH, en bon misesien, se garde bien de citer des chiffres dont il est difficile de discerner la cause (Mises a souvent pointé du doigt le danger de faire parler les chiffres historiques), comme l'a rappelé Apollon. Si on peut lui reprocher de verser dans l'axiomatique délirante, c'est plutôt dans sa théorie de la propriété que dans sa théorie de la monarchie.

Mises est kantien et ne rejette donc pas totalement la raison pratique…ses livres sont d'ailleurs pleins de leçons historiques et empiriques, bien qu'il s'en défende.

Sinon l'argument pas insensé de Hoppe contre la démocratie et en faveur de la monarchie tient à la préférence temporelle : un monarque élu ou non est installé dans la durée, lié à un héritage passé, il cherchera donc à éviter la ruine du royaume et préférera une gestion financière prudente de bon père de famille, une attitude modérée envers ses sujets. Tandis que le politicien démocratique aux vues court-termistes, élu pour une brève période, aura tendance à sacrifier l'avenir au présent en augmentant la redistribution de revenus fictifs pour séduire sa clientèle, punir les autres, creusant d'énormes dettes publiques et ne se sentant pas engagé par la ruine future qu'il aura provoqué.

Sinon pour les bouquins, il y a aussi Pierre Gaxotte (mais on va me dire que c'est biaisé :mrgreen:) et pour les pressés, j'ai trouvé le QSJ de Bluche, Rials et Tulard de très bonne facture, avec en bonus une très bonne digression sur la théorie du droit naturel depuis la seconde scolastique qui intéressera sûrement beaucoup de monde ici.

J'aime beaucoup Tulard, un esprit remarquable de sagacité et d'humour. Ecouter sa réponse à la communiste de salon Clémentine Autain, à partir de 13 mins :

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Voilà. La légitimité royale a disparu dans le néant, et elle ne réapparaitra pas spontanément. On peut s'en féliciter ou s'en affliger, mais on doit faire avec.

La légitimité monarchique n'a pas disparu, on est en plein dedans, mais rapportée à un régime mixte cumulant les défauts de la république, de la monarchie et de la démocratie, confinant à l'immobilisme.

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La légitimité monarchique n'a pas disparu, on est en plein dedans, mais rapportée à un régime mixte cumulant les défauts de la république, de la monarchie et de la démocratie, confinant à l'immobilisme.

En disant "royale", j'entendais davantage "dynastique". Plus aucune dynastie n'a de légitimité pour régner en France, et ce n'est pas demain qu'elles en auront à nouveau.

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Une étude d'ensemble du système fiscal de l'Ancien Régime et de ses insuffisances se trouve dans ce livre absolument passionnant (et recommandé chaudement et à de nombreuses reprises par le regretté Pierre Chaunu, c'est dire) :

+1, il est dans ma wish-liste depuis un bail. D'ailleurs pourquoi Aftalion n'intervient pas davantage dans les médias ?

Certes, mais nulle trace d'opposition à la monarchie et encore moins de démocratie dans tout cela.

Mon explication est que la monarchie est pour ces auteurs un donné et qu'il importait d'y ajouter (ou augmenter) la loi.

Dans son épistémologie, je dirais oui, clairement. Après, comme Rothbard, il applique le raisonnement économique de Mises à l'éthique, ce qui est je pense une erreur, Mises désapprouvait Rothbard sur ce point d'ailleurs.

Intéressant.

Sinon l'argument pas insensé de Hoppe contre la démocratie et en faveur de la monarchie tient à la préférence temporelle : un monarque élu ou non est installé dans la durée, lié à un héritage passé, il cherchera donc à éviter la ruine du royaume et préférera une gestion financière de bon père de famille. Tandis que le politicien démocratique aux vues court-termistes, élu pour une brève période, aura tendance à sacrifier l'avenir au présent en augmentant la redistribution de revenus fictifs pour séduire sa clientèle, creusant d'énormes dettes publiques et ne se sentant pas engagé par la ruine future qu'il aura provoqué.

Sauf que ça ne correspond pas à la réalité : les hommes politiques qui parviennent à la tête de l'Etat ne sont pas des parvenus ex nihilo, ce sont des personnes intégrées tout à la fois dans une élite, une tradition politique républicaine et une doctrine (ou une idéologie) assumant les responsabilités gouvernementales, tous ces mécanismes permettant l'expression de politiques avec vues de long terme - ce qu'on appelle le sens de l'Etat. Ces hommes diront toujours que les caisses sont vides mais ce qu'on peut interpréter comme de l'impéritie doit aussi s'interpréter comme la volonté de ne pas céder aux clientèles.

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Sauf que ça ne correspond pas à la réalité : les hommes politiques qui parviennent à la tête de l'Etat ne sont pas des parvenus ex nihilo, ce sont des personnes intégrées tout à la fois dans une élite, une tradition politique républicaine et une doctrine (ou une idéologie) assumant les responsabilités gouvernementales, tous ces mécanismes permettant l'expression de politiques avec vues de long terme - ce qu'on appelle le sens de l'Etat. Ces hommes diront toujours que les caisses sont vides mais ce qu'on peut interpréter comme de l'impéritie doit aussi s'interpréter comme la volonté de ne pas céder aux clientèles.

Où sont ces grands commis dotés d'un sens de l'Etat? Certainement pas ceux des grands corps, trop formatés par des réflexes étriqués de fonctionnaires pour percevoir l'intérêt général. L'Etat étant une grande fiction, on voit mal comment il pourrait conférer à une classe de serviteurs dévoués une telle disposition désintéressée. En revanche on voit bien l'accumulation de promesses dispendieuses en période électorale.

Au fond l'argument de la préférence temporelle repose sur l'exercice de la vertu: quelle sorte de régime est le plus propice à la diffusion de la prudence et de la modération envers les citoyens? Or il ne peut s'agir de la démocratie représentative, trop vulnérable à l'hybris économique, au conflit d'intérêts et peu encline à modérer l'appétit de ses gouvernants pour dilapider l'héritage de la nation, assommer les citoyens par des taxes nouvelles ou des réglementations épuisantes.

D'autre part on pourrait montrer avec Pareto que la démocratie représentative est un leurre qui dissimule la concentration du pouvoir en sclérosant la circulation des élites.

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Au fond l'argument de la préférence temporelle repose sur l'exercice de la vertu: quelle sorte de régime est le plus propice à la diffusion de la prudence et de la modération envers la citoyens? Or il ne peut s'agir de la démocratie représentative, trop vulnérable à l'hybris économique, au conflit d'intérêts et peu encline à modérer l'appétit de ses gouvernants pour dilapider l'héritage de la nation, assommer les citoyens par des taxes nouvelles ou des réglementations épuisantes.

Cependant, Aristote met en garde la démocratie contre deux dérives en particulier :

– la démocratie populaire qui signifie l’accaparation du pouvoir par les pauvres et l’oppression des riches. Ici, il ne faut jamais perdre de vue le principe républicain : tout pouvoir doit s’exercer au service de l’intérêt général.

– la démagogie, qui vient donner l’illusion au peuple qu’il gouverne : pour substituer la souveraineté des décrets à celle des lois, les démagogues attribuent toutes les affaires au peuple ; car leur propre puissance ne peut qu’y gagner. Ils ont l’air de laisser à la foule la décision ; mais en réalité ayant capté la confiance de la multitude ce sont eux qui gouvernent sous le couvert de la volonté populaire.

http://la-philosophi…platon-aristote

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Sauf que ça ne correspond pas à la réalité : les hommes politiques qui parviennent à la tête de l'Etat ne sont pas des parvenus ex nihilo, ce sont des personnes intégrées tout à la fois dans une élite, une tradition politique républicaine et une doctrine (ou une idéologie) assumant les responsabilités gouvernementales, tous ces mécanismes permettant l'expression de politiques avec vues de long terme - ce qu'on appelle le sens de l'Etat. Ces hommes diront toujours que les caisses sont vides mais ce qu'on peut interpréter comme de l'impéritie doit aussi s'interpréter comme la volonté de ne pas céder aux clientèles.

Je trouve que tu as un peu tendance à idéaliser l'ethos politique. Partir de la vertu réelle ou supposée de nos dirigeants pour sauver nos institutions politiques (une préférence pour le "bien commun" avant de partir d'une préférence pour soit-même) me paraît être un pari plus hasardeux que de miser sur leur grande rapacité, ou plus prosaïquement leurs intérêts bien compris. Mais je pourrais revenir sur ce point.

Je reconnais que Hoppe est pessimiste, mais c'est un pessimisme à mon avis assez raisonnable, surtout au regard de ce qui est appelé "vertueux" en politique (pour estimer que la pire situation politique possible soit celle démocratique, il faut poser que tous les individus, politiciens comme citoyens, se comportent uniquement en maximiseurs d'utilité. Il faut donc que toute contrainte métalégales -genre morale- n'existe plus ou soit ravalée à un rang de préférence inférieur à celui du pognon ou du pouvoir. On revient à la Virtus machiavélienne). Maintenant, ce genre de choses ne se démontre pas, il ne fait que se justifier.

Rincevent : que le système fiscal de l'Ancien régime soit totalement inefficace, qu'il ait fallu des siècles pour qu'il se rationalise et s'uniformise et cela en dépit de la société civile, c'est ça qui fait son charme, non ? ;) Sur la question, qui est vraiment passionnante, j'ajouterais trois livres (je crois en avoir déjà parlé sur un autre fil) : L'assassinat d'Henri IV de Roland Mousnier (sur la modernisation du pouvoir royal à partir du 17e, et principalement de sa léislation et de son outil fiscal), La rébellion française de Jean Nicolas (qui est une mine d'or sur la question de la résistance à l'impôt concernant la même période) et enfin Croquants et Nus pieds : les soulèvements paysans du 17e au 19e siècle de Yves Marie Bercé (qui est moins long et plus synthétique que le Nicolas).

FJ : pas mal la vid : une remarque en passant, O Maulin est un anar de droite pas du tout hostile au point de vue libertarien.

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Rincevent : que le système fiscal de l'Ancien régime soit totalement inefficace, qu'il ait fallu des siècles pour qu'il se rationalise et s'uniformise et cela en dépit de la société civile, c'est ça qui fait son charme, non ? ;)

Je ne crois pas : par "inefficace", j'entendais "qui maximise les vexations de la plupart des contribuables pour un même produit donné".

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Peut-être.

Et encore, il y a matière à discuter. Parce que comparer les taux d'imposition entre la France du 21e siècle et celle de l'Ancien régime revient à comparer les taux d'imposition entre la France et Haïti ; et on peut émettre l'hypothèse que la monarchie, si elle avait subsité jusqu'au 21e siècle, aurait également élevé très fortement les impôts. Par ailleurs, parler des seules prérogatives et intrusions du Roi pendant l'Ancien Régime, face à celles des démocraties modernes, en passant au bleu les prérogatives et les intrusions de la noblesse, de l'Église, des parlements, des corporations, etc., c'est vraiment réfléchir n'importe comment. Alors, pour ne prendre qu'un exemple, c'est vrai, le Roi de France n'édictait pas de Code du travail, mais les corporations, si.

Mais même si la monarchie d'Ancien Régime taxait moins et était moins intrusive, cet état de fait ne se faisait pas grâce à la bonté de la monarchie, mais malgré elle.

Et surtout, je ne sais pas si ça a été dit, mais à l'époque, le roi contrôlait mal (certe, de mieux en mieux au fil du temps) le territoire de son royaume, en particulier le royaume de France qui était le plus grand en Occident. Il lui était impossible d'imposer et de pouvoir récolter l'impôt de manière similaire à Paris comme en Lozère. Certe au fil du temps, le roi a su mettre des intendants localement pour représenter son pouvoir, mais ce n'est arrivé que tard, la république a été l'aboutissement de ce long processus de centralisation qui commence plusieurs siècles auparavant. Ainsi, à l'époque beaucoup d'impôts ou de taxes étaient locales, contrairement à aujourd'hui où la relation s'est inversée. Peut-être que s'il régnait aujourd'hui, un monarque en France imposerait autant, mais j'en doute, les exemples de Monaco ou du liechtenstein sont tout à fait intéressants à cet égard.

Pour avoir une meilleure idée, il faudrait comparer monarchie et démocratie en France dans une même époque, par exemple comparer les taux d'imposition entre la monarchie de juillet, la restauration ou le second empire avec la première, seconde et troisième république.

Pour ma part, je suis d'accord avec l'argument de la supériorité de la monarchie par rapport à la démocratie, mais ça c'est la théorie, un monarque n'a plus de légitimité aujourd'hui. Je préfère un pays stable avec le risque que suppose la démocratie qu'un pays en proie à une révolution permanente mais avec une monarchie plus libérale.

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Un monarque ou un dictateur ne peut se maintenir au pouvoir qu'en bouclant l'opposition, bref une monarchie non-démocratique et éclairée (c'est-à-dire seul au pouvoir mais concédant des libertés importantes à ses opposants) est condamnée à mourir.

Voilà.

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Hoppe estime que parmi les régimes politiques, la monarchie est le moins attentatoire à la propriété, car il rend le pouvoir indisponible. Puisque celui-ci est monopolisé par une dynastie, la tentation du marchandage démocratique (et du nivellement par la redistribution qui en découle) est absente. De plus, contrairement au personnel démocratique, l'intérêt du monarque est d'accroitre la richesse de ses sujets plutôt que de les faire raquer le plus rapidement possible parce qu'ils sont la source de ses revenus mais aussi ceux de ses enfants (et petits enfants, etc.). En contraste, la perspective du politicien démocrate s'arrête là où s'éteint son mandat. Lui à tout intérêt à promettre de transférer aux riches vers les pauvres pour se faire élire, d'endetter à mort le pays et à refiler le bébé à ses successeurs, etc.

Les capétiens sont restés au pouvoir sans discontinuer de 987 à 1792 et durant toute cette période la préoccupation de la grande majorité de la population était de savoir comment elle se procurerait son prochain repas. Donc on peut savoir gré à Hoppe de s'appuyer davantage sur des raisonnements que sur la réalité. :mrgreen:

L'endettement permanent de la monarchie confirme que ce mode de gouvernement n'incite pas à avoir la vue particulièrement longue.

L'intérêt d'un monarque est de conserver son pouvoir et de le transmettre à ses descendants mais il n'est pas forcément utile pour cela de favoriser la prospérité de la population. En pratique, la monarchie s'est appuyée sur une caste de privilégiés qui représentait 1 à 2 % de la population à la fin de l'AR. Or les privilèges d'une telle caste sont difficilement compatibles avec des règles et des institutions favorables au développement d'une part, ces privilèges paraitront d'autant plus chers à ceux à qui ils sont donnés que les conditions d'existence sont généralement défavorables, d'autre part.

Je relisais Lucien Leuwenn ce week-end. Dans ce roman, les légitimistes de province étaient convaincus que l'instruction du peuple (comme le partage des héritages) était un grand danger. Faut-il y voir seulement la caricature qu'un libéral (au sens de l'époque) faisait de ses adversaires politiques ?

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Les capétiens sont restés au pouvoir sans discontinuer de 987 à 1792 et durant toute cette période la préoccupation de la grande majorité de la population était de savoir comment elle se procurerait son prochain repas. Donc on peut savoir gré à Hoppe de s'appuyer davantage sur des raisonnements que sur la réalité. :mrgreen:

L'endettement permanent de la monarchie confirme que ce mode de gouvernement n'incite pas à avoir la vue particulièrement longue.

L'intérêt d'un monarque est de conserver son pouvoir et de le transmettre à ses descendants mais il n'est pas forcément utile pour cela de favoriser la prospérité de la population. En pratique, la monarchie s'est appuyée sur une caste de privilégiés qui représentait 1 à 2 % de la population à la fin de l'AR. Or les privilèges d'une telle caste sont difficilement compatibles avec des règles et des institutions favorables au développement d'une part, ces privilèges paraitront d'autant plus chers à ceux à qui ils sont donnés que les conditions d'existence sont généralement défavorables, d'autre part.

Je relisais Lucien Leuwenn ce week-end. Dans ce roman, les légitimistes de province étaient convaincus que l'instruction du peuple (comme le partage des héritages) était un grand danger. Faut-il y voir seulement la caricature qu'un libéral (au sens de l'époque) faisait de ses adversaires politiques ?

Encore une fois, au risque de me répéter, Hoppe ne fait pas oeuvre d'historien, il ne prétend donc pas justifier la monarchie passée, qui appartient à une période de l'histoire qui ne repose pas sur l'organisation économique et sociale souhaitée par les libéraux.

Quand Aristote écrit la politique, il fait la même chose : il se fiche bien de l'histoire, et cherche à décrire et évaluer les différents régimes politiques naturellement. Personne n'est venu lui dire que la monarchie qu'il classait parmi les régimes droits à partir du moment où le plus vertueux des hommes la dirigeait c'était du pipo parce que la Monarchie de Cyrus ne marchait pas comme ça. Personne n'a eu la prétention à redire sur ce qui doit être au nom de ce qui est, en d'autres termes.

Sur le court termisme de la monarchie, un seul remède : histoire de deux peuples, de Jacques Bainville, sur la relation franco-allemande, et cela depuis les premiers capétiens jusqu'à la première guerre mondiale. Vous serez surpris :)

Sur l'ère capétienne : vous décrivez là l'économie malthusienne pré-industrielle dans son ensemble, monarchies, potentats et républiques comprises : blâmez la division du travail, pas le monarque.

Les castes privilégiées que vous posez comme les deux piliers de l'AR sont exemptées d'impôts. Problème : c'est de ça que se repaît les institutions politiques (l'impôt direct par excellence jusqu' à la révolution française, c'est la taille). Il est donc assez facile d'en déduire pourquoi en théorie le monarque à tout intérêt à enrichir ses sujets.

Sur Lucien Leuwenn : oui et non. Oui parce que l'auteur semble ignorer le rôle de l'Eglise dans l'alphabétisation du pays avant la révolution française, et non parce que c'est tout à fait possible dans la bouche de légitimistes de province. Ou même de Paris.

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  • 4 weeks later...

Philippe Raynaud livre un excellent panorama (comme souvent), en partant de Taine, de la critique libérale de la démocratie, et en la démarquant de la contre-révolution.

1789 en détestation

En France, la contre-Révolution a développé un imaginaire hostile à l'ensemble du monde moderne depuis la Réforme, mais elle s'est avant tout définie par le rejet total de la Révolution - cet événement "miraculeusement mauvais" dont le seul mérite fut de punir la France pour son action au service des Lumières. On comprend donc pourquoi l'ouvrage de Taine sur Les Origines de la France contemporaine, opportunément réédité dans la collection "Bouquins", a pu être loué par un héritier proclamé de la contre-Révolution comme Charles Maurras. Exaspéré par l'instabilité française et effrayé par la Commune de Paris, Taine ne se contente pas de dénoncer la Terreur. Il attaque les principes de 1789 - droits de l'homme et souveraineté du peuple - dont il fait l'origine de tous les débordements ultérieurs. En cela, il rompt avec les précédents historiens libéraux qui, de Mme de Staël à Tocqueville, ont tous reconnu une certaine grandeur à 1789.

L'oeuvre de Taine était d'autant plus précieuse que son auteur venait de la "gauche" et que, comme l'a remarqué Maurras, cela pouvait lui donner auprès de la "France moderne" le crédit que beaucoup refusaient à d'autres auteurs hostiles à 1789 comme Bonald, Maistre ou même le plus modéré Le Play. De là à faire de Taine un héritier direct de la contre-Révolution et un précurseur de l'Action française, il y a néanmoins un pas qu'il serait hasardeux de franchir.

Eloge de l'Angleterre

Il y a certes dans Les Origines, outre l'idée de la continuité fondamentale entre 1793 et 1789, un thème qui évoque les lieux communs de la contre-Révolution : c'est la critique, héritée d'Edmund Burke (1729-1797), du goût des révolutionnaires français pour l'"abstraction", qui les aurait conduits à croire que la société peut être transformée par le règne de la "raison" dès lors qu'on a rompu avec les "préjugés". Mais ce thème, que l'on trouve en fait chez presque tous les critiques de la Révolution, même libéraux, n'est pas à proprement parler contre-révolutionnaire. Chez Taine, il est inséparable de l'éloge, contre la France absolutiste et révolutionnaire, de l'Angleterre libérale, qui a su tout réformer sans abandonner son "ancienne Constitution", et où la liberté politique, qui s'accommode des privilèges et des préjugés, est en fait "le fruit de l'inégalité consentie et du désordre toléré" (Mona Ozouf).

Hormis cela, qui le place en fait dans le camp des libéraux conservateurs, Taine n'a pas grand-chose de commun avec les prophètes de la contre-Révolution. S'il reconnaît le talent de Joseph de Maistre, il voit surtout en celui-ci le défenseur du pape et de l'Eglise catholique, dont la puissance et la fermeture d'esprit sont pour lui une des causes majeures du malheur français, là où l'Angleterre a su se donner une forme de religion compatible avec la liberté de l'individu et l'esprit scientifique. En fait, si on veut lui trouver des prédécesseurs, c'est sans doute de Tocqueville que Taine est le plus proche ; il retrouve, sans le citer, quelques-uns de ses thèmes majeurs, de la continuité entre la centralisation monarchique et l'Etat républicain à la crise de légitimité des ordres privilégiés devenus inutiles, en passant par la peinture acerbe du monde des "philosophes", que l'absence de liberté politique pousse naturellement au rationalisme abstrait.

Eloigné de la contre-Révolution catholique, Taine ne l'est pas moins de l'Action française, qui se veut l'héritière de la France de Louis XIV, là où, pour lui, la monarchie absolue se trouvait au point de départ du processus dont la Révolution fut le résultat fatal. Maurras faisait du "romantisme", d'origine protestante et d'ailleurs étrangère, la matrice de l'esprit révolutionnaire ; or celui-ci est pour Taine le fruit naturel de l'esprit "classique", qui a inculqué aux Français le rationalisme abstrait et leur a ainsi fermé la voie de la science expérimentale tout en les coupant de leurs traditions. De là, une appréciation très différente des causes de la fin de l'Ancien Régime, qui va de pair avec des projets politiques opposés dans leurs buts (Taine ne cherche pas à rétablir la monarchie française, mais souhaite sans trop y croire un régime parlementaire à l'anglaise) et dans leurs moyens (Maurras reproche au "déterminisme" de Taine de sous-estimer les possibilités de l'action volontaire).

Si hostile qu'il soit à la Révolution et, pour finir, à la "gauche", Taine est donc étranger à l'extrême droite comme à la tradition contre-révolutionnaire. Il appartient à la lignée des libéraux conservateurs que leur malheur politique amène finalement à refuser en bloc l'essentiel de la culture politique française, comme si l'histoire de France était tout entière une erreur, et auxquels la gauche dénie toute respectabilité, comme si leur exclusion était la condition pour que la Révolution continue.

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LES ORIGINES DE LA FRANCE CONTEMPORAINE d'Hippolyte Taine. Robert Laffont, "Bouquins", 1 708 p., 35 €.

Philippe Raynaud, philosophe

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  • 11 months later...

Petite info au passage, je viens d'acheter la version ebook Des Origines .. en français sur amazon.com pour 3$ et des brouettes :

http://www.amazon.com/gp/product/B005BTRFIK/ref=kinw_myk_ro_title

Pour ceux qui ont leur compte associé à un compte amazon.fr

http://www.amazon.fr/origines-France-contemporaine-tomes-ebook/dp/B005BTRFIK/ref=sr_1_14?s=digital-text&ie=UTF8&qid=1353172939&sr=1-14

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