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Frondes & jacqueries


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Puisqu'on voit le retour des frondes dans l'actualité, je me suis intéressé à ces mouvements de résistance à l'oppression fiscale qui ont jalonné l'histoire de France. Il est frappant d'observer que sur le fond rien n'a changé, aucun progrès n'a été réalisé vers des rapports plus civilisés entre l'Etat et ses sujets, que ce soit sur le plan de la lutte des classes, du corporatisme, de la dérive bureaucratique des finances publiques, de l'inventivité de l'administration fiscale.

Ce tableau confirme effectivement la thèse de Pareto selon laquelle la démocratie libérale n'est qu'un leurre, que la Révolution n'a fait que remplacer une élite par une autre, que les privilèges de la nouvelle noblesse d'Etat sont encore plus étendus que ceux de l'ancien régime, bref que l'histoire n'est qu'un cimetière d'oligarchies et un éternel recommencement. Mais ce processus n'est pas non plus une conception purement tragique et cyclique, puisque la société de castes figée que nous connaissons n'est pas une fatalité, à condition de lever les obstacles empêchant de fluidifier la circulation des élites et la rotation du pouvoir.

La Fronde naquit tout d'abord d'un mécontentement général. Celui-ci prenait sa source dans la crise économique et l'augmentation de la pression fiscale en vue de faire face aux dépenses de la guerre de Trente Ans. Les dépenses de l'État ont quintuplé entre 1600 et 1650, alors qu'elles avaient doublé entre 1515 et 1603. L'espoir d'un allègement des impôts, que la régente Anne d'Autriche avait fait naître après la mort de Louis XIII, se trouve vite déçu. En effet, le cardinal Mazarin demande au surintendant des finances Particelli d'Émery, d'élargir l'assiette de nombreux impôts. Ce dernier a cherché par tous les grands moyens à augmenter les recettes notamment par l'édit du Toisé (1644), la taxe des Aisés et l'édit du tarif (1646). L’objectif était d’étendre l’assiette fiscale parisienne afin de compenser le manque à gagner de la taille car les villes en étaient alors exemptées. L'opposition du Parlement obligea le ministre à revenir sur ces réformes ou à en réduire les effets.

En janvier 1648, sept nouveaux édits fiscaux sont soumis à enregistrement auprès du Parlement de Paris (lit de justice du 15 janvier 1648). En dépit de protestations, notamment de l’avocat général Omer Talon, le Parlement doit s’effacer. Toutefois, il est farouchement hostile à ces mesures qui touchent la plupart de ses membres qui, jusque-là, ne payaient pas ou peu d’impôts. En ce sens, la Fronde est un soulèvement des gens de bien, ne souhaitant pas payer d’impôts ou d’augmentation d’impôts. Les Parisiens suivent et soutiennent les parlementaires. Le mécontentement se généralise.

Une atteinte aux privilèges des officiers de robe

Outre l’aspect fiscal, la monarchie touche également aux privilèges de ces parlementaires. En effet, toujours dans un souci de trouver des fonds, elle multiplie la création des offices. Or, les gens du Parlement en ont pour la plupart acheté et sont opposés à de nouvelles créations car l’augmentation de l’offre fait baisser le cours du prix de l’office.

De plus, la monarchie rogne sur les revenus des officiers. Un office produit en effet des revenus (que l’on appelle des gages), et le pouvoir royal supprime pour quatre années tous les gages des officiers parlementaires (avril 1648). Par conséquent, tous les officiers de robe de toutes les cours souveraines (Parlements, Chambre des comptes, Cour des aides et Cour des monnaies) sont solidaires pour défendre leurs privilèges.

La taxe des Aisés est une pratique fiscale de l'Ancien Régime.

Les Aisés sont une catégorie de personnes supposées pouvoir supporter des impôts exceptionnels ou souscrire obligatoirement des rentes ou des emprunts de l'État, en raison de leur richesse. Ne touchant qu'une petite partie de la population, on espérait, outre un versement probable, la neutralité des autres contribuables, quelquefois pas mécontents de voir "faire payer les riches". On évitait ainsi le risque d'"émotions populaires". En 1644, le parlement de Paris, pourtant composé exclusivement d'Aisés, accepta de telles taxes à condition que ni ses membres ni les bourgeois de Paris ne soient mis à contribution.

Les taxes sur les Aisés furent particulièrement nombreuses sous les ministériats de Richelieu et de Mazarin pendant la guerre de Trente Ans.

L'édit du Toisé de janvier 1644, est un nouvel impôt foncier royal envisagé par Particelli pour faire face aux besoins financiers de la couronne destinés à soutenir la guerre de Trente Ans et celle engagée contre l'Espagne.

Il organise le toisage (calcul de la surface) des bâtiments construits dans les faubourgs de Paris malgré les interdictions de 1548, renouvelées en 1627 et 1633 sous contrainte de démolition ou de forte amende. Toutefois ces Édits royaux n'avaient jusqu'alors jamais été appliqués.

Les propriétaires de ces immeubles auraient dû payer un impôt de 50 sous par toise de surface bâtie (la toise vaut environ 2 mètres de long).

Ce projet suscite des troubles urbains et le parlement de Paris obtient l'exemption pour ses membres, pour les avocats, les procureurs, les notaires et les officiers de l'Université. Le gouvernement doit y renoncer en 1645 après une nouvelle et vaine tentative.

L'Édit du tarif (septembre-décembre 1646) est un texte législatif français concernant la fiscalité de l'Ancien Régime.

Le mot tarif est polysémique au XVIIe siècle. Il fait ici référence aux villes tarifées, c'est-à-dire celles qui avaient obtenu le droit de lever des droits d'entrée (le tarif) sur les marchandises (voir octroi).

Particelli d'Emery fait relever le tarif par arrêt du Conseil (septembre 1646). Il est enregistré par la Cour des aides le 15 décembre suivant. Cet édit est source d'une violente contestation des élites de robe parisiennes. En effet, le texte prévoit de grever d'une redevance toutes les marchandises entrant dans Paris tant par les portes de la ville que par la Seine. L'édit rassemble d'anciennes taxes déjà perçues mais éparses et y assujettit des produits qui, jusque là, n'étaient pas soumis à la fiscalité. Étant donné que gens de robe et bourgeois de Paris consomment et vendent la production de leurs terres situées en dehors de la ville, ils se trouvent directement touchés par cette mesure et s'opposent donc au projet.

C'est dans ces conditions que l'arrêt est enregistré en décembre. La Cour des aides tente de négocier l'enregistrement de l'édit en réclamant un privilège de franchise pour les bourgeois de Paris sur les produits de "leurs terres, vignes et vergers". Le Parlement considère que la monarchie usurpe ses prérogatives et refuse l'enregistrement de l'édit. Il ne sera donc jamais appliqué.

Cet épisode est aussi à l'origine d'une tension entre les membres du Parlement et ceux de la Cour des aides que la monarchie, au demeurant, tentera d'exploiter pendant la Fronde.

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J'ai bien tout lu les extraits proposés par free jazz, mais je me pose une question : je n'arrive pas à esquisser un schéma de fonctionnement. Par exemple :

- étape 1 : l'Etat revient d'une crise budgétaire, petit à petit

- étape 2 : la situation budgétaire se stabilise

- étape 3 : retour de la paresse, de la gabegie, des taxes sur les Aisés, etc.

- étape 4 : une crise à nouveau, retour à l'étape 1

Ce ne sont que des mots au hasard dans mon exemple ci-dessus, mais je pense qu'on peut élaborer des modèles de scénarios non?

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Le récit de la Fronde ( sans doute celle du Parlement …) que donne Free jazz dans une citation sans source est plus qu'approximatif.

Pour comprendre cette affaire, mieux vaut lire les textes de l'époque ( Retz bien sûr, mais aussi Gourville ou madame de Motteville , je pourrais en citer une dizaine d'autres ) et l'on comprendra que plus qu'une affaire de sous , c'est une lutte des parlementaires pour usurper partie du pouvoir royal.

Il n'y a pas toujours à tout évènement des causes économiques , comme le croient les marxistes.

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Il n'y a pas toujours à tout évènement des causes économiques , comme le croient les marxistes.

Hop hop hop, attention, je ne vois pas de causes économiques à tout, je ne faisais que produire un exemple. Si tu écris qu'une grosse partie des problèmes qui ont produit La Fronde comprend les intérêts des parlementaires contre Untel ou Untel, c'est exactement ce genre de choses dont j'aimera savoir si ce sont des invariants, plus ou moins décisifs dans la situation.

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On peut aller très loin dans l'étude des révoltes antifiscalistes qui ont jalonné la période moderne jusqu'à la fin du 19eme. J'ai déjà cité ici deux études que j'ai lu sur le sujet, et que je conseille fortement : il y a "La rébellion française" de Jean Nicolas http://mcv.revues.org/171. Moins long et plus synthétique : Yves Marie Bercé, Croquants et nu pieds (ce dernier est vraiment excellent).

Sinon, Rothbard évoque avec sympathie la fronde et les jacques dans son economics thought before Adam Smith sous l'angle de la révolte antifiscaliste http://mises.org/books/histofthought1.pdf

Rien que pour ça, même les plus rétifs aux écrits de Rothbard devraient faire chapeau bas.

Sinon, je me souviens d'un excellent dossier dans Offensive libertaire sur le sujet

http://offensive.samizdat.net/spip.php?rubrique42

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Il y a eu deux Frondes. La première est celle des parlementaires qui ont voulu, lors de la régence d'Anne d'Autriche, se mettre à contrôler la Monarchie (alors qu'ils étaient officiers héréditaires et non élus). Cette Fronde nait lors d'une passe difficile en France: Régence (donc pouvoir faible), crise économique et guerre de Trente Ans. À cette révolte a succéder la Fronde des Princes surtout lancée par le Grand Condé qui se considérait comme mal récompensé pour ses services. Il y a eu une multitude de facteurs et au final le pouvoir royal l'emportera ce qui permettra à la France de connaître une grande paix politique et intérieure jusqu'à la révolution française. D'une certaine manière c'est le dernier épisode avant de voir naître un État moderne qui assure les fonctions régaliennes.

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OK, OK.

On dit tout cela, mais pour le moment je n'ai pas vu d'analyse, de production de modèles. A quoi ça rime toute cette Histoire si on ne peut pas en sortir des modèles, au minimum explicatifs, si ce n'est prospectifs?

Le passé doit servir à préparer l'avenir, sans cela, on n'a que des histoires de bonnes femmes à se raconter au coin du feu, les épopées de Kevin Ier, ou de Mohammed le Puissant, ou je ne sais quoi. Tout cela n'est à mes yeux que du vent, des belles histoires au coin du feu.

Alors : que peut-on conclure en terme de modèles du passé?

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Rien.

Ce ne sont que des "histoires des bonne femme" : non il n'y a pas de modèle prospectif à tirer de l'histoire.

Les historiens ne s'intéressent qu'au vent mon pauvre Chitah.

Les événements sont liés à des contextes spécifiques.

Pour un historien, il y a énormément de différences entre le nazisme et le fascisme, qui sont contemporains et présentent aux yeux du profane des caractéristiques communes. Et notre époque est bien différente de l'entre deux guerres.

Alors, les frondes ou jacqueries qui renvoient à des sociétés sans aucun rapport avec la nôtre !

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Il est bien plus facile de faire des hommes des choses sans consistances si on les prives de leur identités. Or l'Histoire est la premier fondement de cette identité, qu'elle soit individuelle ou collective. Dans 1984 Orwell le montre très bien avec son héro chargé d'adapter l'Histoire à la ligne officielle et son incapacité à savoir ce qu'il y avant l'Ère Ford.

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Rien.

Ce ne sont que des "histoires des bonne femme" : non il n'y a pas de modèle prospectif à tirer de l'histoire.

Les historiens ne s'intéressent qu'au vent mon pauvre Chitah.

Les événements sont liés à des contextes spécifiques.

Pour un historien, il y a énormément de différences entre le nazisme et le fascisme, qui sont contemporains et présentent aux yeux du profane des caractéristiques communes. Et notre époque est bien différente de l'entre deux guerres.

Alors, les frondes ou jacqueries qui renvoient à des sociétés sans aucun rapport avec la nôtre !

Je sais bien tout ça, mais je suis sûr qu'il y a moyen de trouver des invariants quand même.

J'espère que je ne t'ai pas vexé hein. :blushing:

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Rien.

Ce ne sont que des "histoires des bonne femme" : non il n'y a pas de modèle prospectif à tirer de l'histoire.

Les historiens ne s'intéressent qu'au vent mon pauvre Chitah.

Les événements sont liés à des contextes spécifiques.

Pour un historien, il y a énormément de différences entre le nazisme et le fascisme, qui sont contemporains et présentent aux yeux du profane des caractéristiques communes. Et notre époque est bien différente de l'entre deux guerres.

Alors, les frondes ou jacqueries qui renvoient à des sociétés sans aucun rapport avec la nôtre !

Eh bien figure toi que l'orthographe correcte c'est : histoire de bonne fame.

Je savoure cet instant qui ne reviendra jamais dans ma vie.

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Alors : que peut-on conclure en terme de modèles du passé?
En reprenant la classique organisation de l'histoire en terme de continuités et de discontinuités (est-elle pertinente, c'est un autre sujet) il serait possible de remarquer que le vrai miracle de l'histoire du royaume de France c'est que malgré les Frondes et les jacqueries, le poids de l'état ne va cesser d'aller en augmentant, avec en sus sa capacité à faire rentrer l'impôt. Que le sujet de la révolution Française ne sera d'ailleurs pas le poids de l'impôt mais plutôt le problème de l'inégalité devant celui-ci.

On évitera ensuite pour organiser notre révolution libérale, de nommer des généraux Corse à la tête de nos armées.

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On dit tout cela, mais pour le moment je n'ai pas vu d'analyse, de production de modèles. A quoi ça rime toute cette Histoire si on ne peut pas en sortir des modèles, au minimum explicatifs, si ce n'est prospectifs ?

C'est une question de division du travail verticale dans la recherche. Certaines disciplines sont plus axées sur la description et la classification, et fournissent éventuellement de la matière à d'autres qui sont plus théoriques. La science appliquée est une troisième catégorie.

Dans le cas de l'Histoire, c'est pas forcément une bonne idée de chercher à en tirer des lois, et l'application est une mauvaise idée pour la plupart des sciences sociales (typiquement ça donne de l'interventionnisme, par exemple en économie).

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Dans 1984 Orwell le montre très bien avec son héro chargé d'adapter l'Histoire à la ligne officielle et son incapacité à savoir ce qu'il y avant l'Ère Ford.

L'Ere Ford, c'est dans Le Meilleur des Mondes. Dans 1984, Winston Smith réécrit l'histoire à chaque décision du gouvernement.

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Je m'intéressais à titre personnel aux révoltes antifiscalistes pour une raison bien particulière, à savoir déconstruire la trame narrative nationale ressasser régulièrement (notamment sur ce forum) à propos de ce pays. A croire certains, l'histoire de France est un long fleuve tranquille qui, de l'Etat royal en passant par la révolution française jusqu'à aujourd'hui devait mener nécessairement au socialisme. On invoque en général les mannes de Tocqueville, on bricole autour du colbertisme et du socialisme municipale, des écrits de Claude Nicolet et consorts une histoire illibérale qui est à l'origine de ce mal libéral français qui est la haine de soi, et de ce mal socialiste qui est le contentement de soi.

Expliquer qu'il y a eu des résistances à l'impôt, à la centralisation politique, au pouvoir royal puis républicain, que le jacobinisme révolutionnaire ne peut se penser non plus sans les résistances de la société civile ou rappeler que l'Etat social qui est en train de mourir sous nos yeux n'a que 50 ans (et n'est ni la conséquence logique, ni la continuité historique des autres régimes politiques français) me semblent autant de raisons de ne pas désespérer. Comme dirait l'autre, le désespoir en politique est une sottise absolue.

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Eh bien figure toi que l'orthographe correcte c'est : histoire de bonne fame.

Je savoure cet instant qui ne reviendra jamais dans ma vie.

Mais je citais (de façon d'ailleurs incorrecte c'est cela qu'il aurait fallu pointer, un des problèmes des messages qu'on tape rapidement) Chitah d'où les guillements.

Mais c'est comme la bonne chère, c'est une question de réputation.

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On dit tout cela, mais pour le moment je n'ai pas vu d'analyse, de production de modèles. A quoi ça rime toute cette Histoire si on ne peut pas en sortir des modèles, au minimum explicatifs, si ce n'est prospectifs?

Le passé doit servir à préparer l'avenir, sans cela, on n'a que des histoires de bonnes femmes à se raconter au coin du feu, les épopées de Kevin Ier, ou de Mohammed le Puissant, ou je ne sais quoi. Tout cela n'est à mes yeux que du vent, des belles histoires au coin du feu.

Alors : que peut-on conclure en terme de modèles du passé?

Le post de F.mas, fort pertinent, permet d'évacuer la question de l'historicisme, qui ne nous intéresse pas ici. Comme énoncé dans l'introduction du topic, je pars du constat qu'il n'existe pas de sens de l'histoire, ni de progrès moral vers une fin rationnelle, que celle-ci soit réputée libérale ou socialiste. Pour éclairer le présent à la lumière du passé, il faut distinguer ce qui change et ce qui ne change pas.

Ce qui change, c'est le contexte, or le contexte est l'affaire des historiens, commençons donc pas évacuer le flux contingent des événements, les motivations psychologiques prêtées aux acteurs ainsi que les appréciations idéologiques rétrospectives.

Ce qui ne change pas, ce sont les types de régimes, la nature humaine, les instincts, les comportements logiques. Une fois qu'on a écarté les questions historiographiques, il faut isoler les faits sociaux réguliers, puis analyser la logique à l'oeuvre dans le processus de dégénérescence institutionnelle des régimes, théorisé par Aristote, Machiavel, Tocqueville, en montrant les facteurs de corruption internes des gouvernements qui provoquent les mouvements de révolte et de sédition. Or à mon sens le meilleur modèle, parce qu'il correspond le mieux aux faits, est celui de Pareto, selon lequel tout régime qui s'oppose à la circulation des élites se sclérose et tombe en décadence, dont la corruption et la prédation fiscale sont des symptômes évidents, de même que l'accroissement de la tolérance envers les criminels et l'augmentation de la défiance envers les honnêtes gens, la prolifération des démagogues et des ploutocrates.

Les analyses des deux derniers chapitres du Traité portent sur la stabilité et la variabilité des sociétés, les cycles de mutuelle dépendance des phénomènes sociaux, l’emploi dans l’histoire de la force et de la ruse, les diverses proportions des résidus de la I ère classe (l’instinct des combinaisons) et ceux de la II ème classe (la persistance des agrégats) chez les gouvernants et les gouvernés. La comparaison (§ 2225) du cycle belliqueux et du cycle industriel, est suivie de celle (§ 2232 et suiv.) des rentiers et des spéculateurs (les R « enracinés » et les S « déracinés »). Avec ces deux dernières catégories auxquelles Sparte et Athènes dans l’Antiquité, la Prusse de Bismarck et la France de la fête impériale dans l’Europe contemporaine donnent leur contenu, on est, selon Pareto, en mesure d’expliquer de manière satisfaisante les phénomènes sociaux. Ecartant les sentiments de l’observateur, entendant s’en tenir « exclusivement aux faits », il recourt toujours massivement à l’histoire.

L’étude des modifications des sentiments, singulièrement au sein des classes dirigeantes, a conduit Pareto à construire une sorte de modèle du changement social centré sur le devenir des élites. Montage d’événements historiques et de faits directement observés, un premier scénario est proposé dans un important article publié en 1900, « Un’applicazione di teorie sociologiche ». « Trois grandes classes de faits » sont associées :

« Un intensità crescente del sentimento religiose » ;

« il decadere del antica aristocrazia » ;

« il sorgere di una nuova aristocrazia ».

Ces trois moments successifs sont illustrés au moyen d’exemples empruntés à l’histoire des XVIII è et XIX è siècles. La période ascendante de la crise religieuse est celle où se développent les sentiments humanitaires, le mysticisme social, la pitié mal ordonnée. L’élite au pouvoir est contaminée par ces bons sentiments ; elle doute de son bon droit, s’interroge sur sa légitimité et réagit maladroitement : son joug s’appesantit dans le même temps où elle n’a plus la force de le maintenir. Cependant, une nouvelle élite est en gestation dans les entrailles de la vieille société. Son avènement est facilité par l’ancienne aristocratie qui prend la tête de la contestation de l’ordre établi ; à la fin du XIX è siècle, c’est la bourgeoisie qui fournit ses chefs au mouvement socialiste.

Dans le Manuel (chap. II, § 85), Pareto note que ce processus, au niveau des sentiments moraux, est marqué par une augmentation générale de la « pitié morbide », d’une bienveillance accrue envers les malfaiteurs et d’une indifférence croissante aux malheurs des honnêtes gens ; qu’il s’accompagne d’un accroissement de la richesse publique permettant toutes sortes de gaspillages comme le financement des bons sentiments, de la décadence des élites bourgeoises, d’une « plus grande participation des classes pauvres au gouvernement », enfin d’un état de paix ininterrompu. Ce processus est engagé dans les classes intellectuellement supérieures. Le rôle des élites culturelles est donc déterminant. Toutes les entreprises de conciliation sont le fait des intellectuels des hautes classes qui agissent inconsidérément. Ils introduisent dans la sphère des croyances le principe de relativité ; ils dénoncent les « vaines superstitions » dont la fonction sociale leur échappe, et, en affaiblissant la religion, ils désagrègent le complexe de sentiments moraux, patriotiques, altruistes qui est au cœur de la totalité sociale. Finalement, les membres des classes supérieures raisonnent mal ; ils communiquent leur scepticisme à l’ensemble de la collectivité ; ils distendent les liens sociaux, altèrent les sentiments moraux qui traditionnellement consolident leur pouvoir tout en le modérant, et s’imaginent à tort être en mesure de conserver leur position en invoquant la solidarité.

Un second scénario est ensuite introduit (chap. II, § 87) et longuement exposé (§ 102 et suiv.). Tous les phénomènes qui jusque-là ont été présentés « sont en relation avec la décadence de la bourgeoisie. Cette décadence n’est qu’un cas particulier d’un fait beaucoup plus général, celui de la circulation des élites ». Que la société est hiérarchiquement organisée, que c’est « toujours une élite qui gouverne, que « la forme de la courbe de la répartition varie peu » : ce sont là des évidences que l’on ne veut pas voir ; on masque la division de la société en partie aristocratique et partie vulgaire, en élite et masse ; on proclame l’universalité du, principe égalitaire, et Pareto, à cet égard, relève que « l’idée subjective d’égalité des hommes est un fait d’une grande importance, et qui agit puissamment pour déterminer les changements que subit la société ».

Dans ce nouveau scénario, les rôles sont ainsi distribués A-–= ceux qui résistent ; A-– = les humanitaires ; B-– = la nouvelle aristocratie ; B-– = « la foule vulgaire » ; C = une fraction de la société qui se range tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Pour renverser les A-–, les B-– recourent à la fiction égalitaire. « Supposez, écrit Pareto (§ 106), que la nouvelle élite affichât clairement et simplement ses intentions, qui sont de supplanter l’ancienne élite ; personne ne viendrait à son aide, elle serait vaincue avant d’avoir livré bataille. Au contraire, elle a l’air de ne rien demander pour elle (…). Elle affirme qu’elle fait la guerre uniquement pour obtenir l’égalité entre les A et les B en général. Grâce à cette fiction, elle conquiert (…) la bienveillante neutralité des C et la faveur de la partie dégénérée de l’ancienne élite ». La fiction en question répond cependant à une nécessité historique. Pareto, en effet, observe très subtilement que « si dans les sociétés modernes, cette égalité a remplacé les statuts personnels des sociétés anciennes, c’est peut-être parce que les maux produits par l’égalité sont moindres que ceux provoqués par la contradiction en laquelle les statuts personnels se trouvent avec le sentiment d’égalité qui existe chez les modernes ».

Le problème se pose donc en ces termes : comment avec l’apparence de l’égalité, maintenir l’hétérogénéité et la hiérarchie sociales indispensables au bon fonctionnement de la société ? Autrement dit, comment une domination peut-elle être consolidée ? Sans doute, par l’exploitation de la néophobie, du misonéisme et de l’ignorance des classes inférieures. Cependant, « quand une couche sociale a compris que les classes élevées veulent simplement l’exploiter, celles-ci descendent plus bas pour trouver d’autres partisans ; mais il est évident qu’il arrivera un jour où on ne pourra plus continuer ainsi parce que la matière première manquera » (§ 121). De toute façon, deux facteurs, d’ailleurs associés, concourent à rendre l’équilibre social instable : l’accumulation dans les couches supérieures d’éléments inférieurs, et dans les couches inférieures d’éléments supérieurs ; l’augmentation de la richesses sociale qui provoque « un changement des mœurs et de la morale, des sentiments, de la littérature, de l’art » (Manuel, § 54)

Le recueil intitulé Mythes et idéologies présente un bon échantillon des « faits » qui attestent l’effectivité du processus ainsi balisé. Les articles d’ ‘histoire immédiate’ qu’il contient manifestent un pessimisme constant quant au destin des élites gouvernantes des sociétés libérales européennes. L’évolution des unes et des autres est pensée en termes de décadence. « Une expérience sociale » (1900) relève la montée en puissance des partis extrêmes en France, où la bourgeoisie leur ouvre le chemin. A Waldeck-Rousseau, le ‘La Fayette de la bourgeoisie contemporaine’ est promis le sort de son modèle : devenu inutile, on s’en débarrassera bientôt, le lion socialiste dévorera l’homme qui vit dans l’illusion de l’avoir dompté. « L’élection de M. Jaurès » (1903) donne lieu à un commentaire ironique sur les bons bourgeois, amis de la défense républicaine, qui pensent entraver, en endormant toute résistance, la marche inexorable du socialisme. La bourgeoisie décadente est encore prise à partie dans « Socialistes transigeants et socialistes intransigeants » (1903), où il est question du programme de Saint-Mandé et de la politique de Millerand.

Pour Pareto, les jeux sont faits, sauf en Angleterre et peut-être en Suisse ; pour le reste de l’Europe, le triomphe du socialisme pourrait n’être qu’une question de temps. C’est ce qu’il écrit dans ses « Lettres à M. Brelay » (1897) où il estime que le grand tort du parti de la liberté économique a été de ne pas être un parti politique. La science pure est une chose, mais il faut agir, d’une façon qu’il précisera, en 1920, dans sa « Réponse à René Johannet » : pour la politique, il faut des hommes pratiques, des empiriques instruits ; il est surtout nécessaire que ceux-ci se bornent à faire usage des sentiments existants, sans avoir la prétention d’en créer de nouveaux. Dans le même article, il relève que les hommes politiques ignorent presque toujours les effets lointains des mesures qu’ils prennent; il en sera ainsi tant que les sciences sociales ne seront pas plus avancées.

Quant au destin de la société bourgeoise, le pessimisme de Pareto éclate dans « La marée socialiste » (1899). Partout, il voit grandir le rôle d’un Etat - Providence qui prétend régenter toute la vie des individus. Ainsi s’installe un socialisme d’Etat dont il dit fort estimer les auteurs : au moins eux savent ce qu’ils veulent, tandis que les élites bourgeoises ferment délibérément les yeux sur les dangers qui les guettent ; aux partis radicaux, elles multiplient les concessions qui n’ont pour résultat, écrit-il dans « Concessions ou résistance » (1904), que d’en augmenter la force et de les encourager à formuler de nouvelles demandes. Aussi bien sont-elles en train de se suicider, en se grisant des mots solidarité, justice et progrès social. Comme « il ne faut pas oublier que tout pays est gouverné par une élite, et que c’est principalement la composition de cette élite qui compte pour fixer les grandes lignes de l’évolution d’un pays » (« Richesse stable et richesse instable », 1909), c’est finalement à la distinction des « Rentiers et spéculateurs » (1911) qu’est rapportée la stratégie politique qui fait confiance à la ruse et renonce à l’usage de la force.

Les changements politiques qui affectent la société moderne sont encore examinés dans le dernier ouvrage publié par Pareto, La transformation de la démocratie. Parmi les transformations fondamentales enregistrées figure, outre « l’affaiblissement de la souveraineté centrale et le renforcement des facteurs anarchiques », la « progression rapide du cycle de la ploutocratie démagogique ». Sur fond de tensions qui s’aiguisent entre capitalistes et travailleurs, privilégiés de l’oligarchie et partisans de la démocratie, s’opère un transfert de la force des classes supérieures aux classes inférieures. Ce phénomène est à mettre en relation avec le mouvement ondulatoire de la société en partie commandé par l’opposition, dans les élites sociales, « entre l’aptitude à recourir à la force et le désir d’obtenir le consentement des masses ». Il est, comme précédemment rattaché à la distribution des deux premières classes de résidus.

Sur la France, mais aussi l’Allemagne et l’Italie, Pareto a multiplié les constats alarmistes. Ces constats sont nourris d’événements et de « faits » qui ponctuent l’histoire de ces pays au cours du XIX è siècle. C’est la société européenne presque toute entière qui paraît à l’auteur de Faits et théories (1920) être entrée dans une période de décadence. Les bourgeois conquérants ont cédé la place à une bourgeoisie d’héritiers. Au monde de Balzac dont l’œuvre déroule l’épopée des premiers a succédé celui de Bourget où s’est confortablement installée la seconde. C’est une conception euphorique de la société et de l’avenir que la bourgeoisie au pouvoir a pensé faire partager par ceux qui voulaient la déposséder, et avec laquelle elle s’est montrée toute prête à pactiser.

Ainsi, « Les aristocraties ne durent pas. Quelles qu’en soient les causes, il est incontestable qu’après un certain temps elles disparaissent. L’histoire est un cimetière d’aristocraties » (Traité, § 2053). A cette conception de l’histoire, — ancienne, moderne et contemporaine — comme registre où sont consignées la naissance et la mort des élites successivement dominantes, s’ajoute une pensée de leur décadence. Celle-ci ne tient pas seulement à une régression numérique des aristocraties, contrastant avec l’accroissement de la population des Etats européens ; elle s’explique aussi qualitativement « en ce sens que l’énergie y diminue ». Dans Les Systèmes socialistes (1902-1903), Pareto notait déjà que « Toute élite qui n’est pas prête à livrer bataille pour défendre ses positions est en pleine décadence, il ne lui reste plus qu’à laisser sa place à une autre élite ayant les qualités viriles qui lui manquent » (p. 40).

De la diminution de l’énergie dans les élites dirigeantes résultent les débordements sociaux. A la question posée sur l’origine des révolutions « Ont-elles lieu plus facilement quand les classes pauvres souffrent la misère, ou quand elles jouissent de l’aisance ? » (Manuel, Chap. VII, § 83), Pareto a répondu en citant Tocqueville : les révolutions naissent d’une réduction des écarts sociaux, et d’abord d’un desserrement des contraintes économiques. Pour l’auteur du Traité de sociologie générale « Les révolutions se produisent parce que soit à cause du ralentissement de la circulation des élites, soit pour une autre cause, des éléments de qualité inférieure s’accumulent dans les couches supérieures ; ces éléments ne possèdent plus les résidus capables de les maintenir au pouvoir, et ils évitent de faire usage de la force » (§ 2057).

http://www.asmp.fr/t...2005/valade.htm

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Le post de f.mas, fort pertinent, permet d'évacuer la question de l'historicisme, qui ne nous intéresse pas ici. Comme énoncé dans l'introduction du topic, je pars du constat qu'il n'existe pas de sens de l'histoire, ni de progrès moral vers une fin rationnelle, que celle-ci soit réputée libérale ou socialiste. Pour éclairer le présent à la lumière du passé, il faut distinguer ce qui change et ce qui ne change pas.

Ce qui change, c'est le contexte, or le contexte est l'affaire des historiens, commençons donc pas évacuer le flux contingent des événements, les motivations psychologiques prêtées aux acteurs ainsi que les appréciations idéologiques rétrospectives.

Ce qui ne change pas, ce sont les types de régimes, la nature humaine, les instincts, les comportements logiques. Une fois qu'on a écarté les questions historiographiques, il faut isoler les faits sociaux réguliers, puis analyser la logique à l'oeuvre dans le processus de dégénérescence institutionnelle des régimes, théorisé par Aristote, Machiavel, Tocqueville, en montrant les facteurs de corruption internes des gouvernements qui provoquent les mouvement de révolte et de sédition. Or à mon sens le meilleur modèle, parce qu'il correspond le mieux aux faits, est celui de Pareto, selon lequel tout régime qui s'oppose à la circulation des élites se sclérose et tombe en décadence, dont la corruption et la prédation fiscale sont des symptômes évidents, de même que l'accroissement de la tolérance envers les criminels et l'augmentation de la défiance envers les honnêtes gens, la prolifération des démagogues et des ploutocrates.

http://www.asmp.fr/t...2005/valade.htm

Ce post commence très mal (je n'ai jamais parlé de fin de l'histoire, de progrès moral, ou de je ne sais quoi. Mais par la suite tu exposes exactement ce que je posais comme question, avec plus de mots.

Quand un homo sapiens met une baffe à un autre homo sapiens, ce dernier très souvent réplique et en colle une à l'agresseur. C'est ce genre de schémas que je cherche à observer et mettre en évidence. Après, que la baffe soit issue d'une dispute commerciale, familiale, amoureuse, qu'elle soit raciste, gratuite, ou je ne sais quoi ne m'intéresse pas à ce stade.

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Ce post commence très mal (je n'ai jamais parlé de fin de l'histoire, de progrès moral, ou de je ne sais quoi. Mais par la suite tu exposes exactement ce que je posais comme question, avec plus de mots.

Quand un homo sapiens met une baffe à un autre homo sapiens, ce dernier très souvent réplique et en colle une à l'agresseur. C'est ce genre de schémas que je cherche à observer et mettre en évidence. Après, que la baffe soit issue d'une dispute commerciale, familiale, amoureuse, qu'elle soit raciste, gratuite, ou je ne sais quoi ne m'intéresse pas à ce stade.

Ton questionnement, ta démarche me semble plus relever de la psychologie des comportements, des sociétés et des foules, et finalement, ne concerne que de loin les historiens même si un certain nombre d'entre eux ont esquissé des schémas théorisant les événements de l'histoire.

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Ce post commence très mal (je n'ai jamais parlé de fin de l'histoire, de progrès moral, ou de je ne sais quoi. Mais par la suite tu exposes exactement ce que je posais comme question, avec plus de mots.

Ce n'était pas dirigé contre toi, mais contre ce que F.mas appelle les trames narratives un peu simplistes. Le début expose les prémisses du raisonnement. Ensuite tu voulais un modèle? J'en donne un réaliste, à partir d'Aristote, Machiavel et surtout Pareto. Prends le temps de le décomposer en lisant le texte qui suit, en observant le problème des séditions selon l'analyse de la corruption du pouvoir et de la circulation des élites.

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Je m'intéressais à titre personnel aux révoltes antifiscalistes pour une raison bien particulière, à savoir déconstruire la trame narrative nationale ressasser régulièrement (notamment sur ce forum) à propos de ce pays.

Merci pour les articles que tu as postés, en particulier les actes du colloques de Jean Nicolas sur les rebellions françaises. De mon côté j'ai trouvé un chapitre intéressant de Jacques Bainville sur la Fronde.

On retrouve dans la Fronde les éléments ordinaires dont les révolutions se composent. L'effort et la fatigue de la

guerre de Trente Ans y entrèrent pour une part. Richelieu avait demandé beaucoup au pays et tout ce qui avait été

contenu sous sa main de fer se libéra sous Mazarin. Il se fit une alliance des grands qu'il avait contraints à la

discipline nationale, et de la bourgeoisie qui avait souffert dans ses intérêts d'argent. Pour une autre part, et non la

moindre, il y eut le jansénisme, cette Réforme sans schisme, qu'on a pu appeler « la Fronde religieuse ». Les

pamphlets contre Mazarin et les polémiques avec les jésuites, les « mazarinades » et les Provinciales (bien que

légèrement postérieures) partent du même esprit. Un admirateur de la Fronde l'a appelée « la guerre des honnêtes

gens contre les malhonnêtes gens ». Si elle avait réussi, on lui aurait certainement reconnu les caractères intellectuels

et moraux d'une révolution véritable.

Lorsque les troubles éclatèrent, au commencement de 1648, l'année du traité de Westphalie, le gouvernement était

depuis plusieurs mois en conflit avec le Parlement qui déclarait illégales quelques taxes nouvelles. La raison du

mécontentement était toujours la même : la guerre, l'action extérieure, l'achèvement du territoire coûtaient cher. Le

Trésor était vide. Il fallait emprunter, imposer, quelquefois « retrancher un quartier » de la rente, ce que les bourgeois

prenaient mal comme on s'en douterait si la satire de Boileau ne l'avait dit. Mazarin, tout aux grandes affaires

européennes, laissait les finances et la fiscalité au surintendant. Lorsque les choses se gâtaient, il se flattait de les

arranger par des moyens subtils. Il eut le tort, quand le Parlement adressa au pouvoir ses premières remontrances, de

ne pas voir qu'il s'agissait de quelque chose de plus sérieux que les cabales d'Importants dont il était venu à bout au

début de la régence. La résistance du Parlement faisait partie d'un rnouvement politique. On demandait des réformes.

On parlait de liberté. Surtout on en voulait à l'administration laissée par Richelieu, à ces intendants qu'il avait créés et

qui accroissaient l'autorité du pouvoir central. Les hauts magistrats recevaient des encouragements de tous les côtés.

Les concessions par lesquelles Mazarin crut les apaiser furent donc inutiles. Le Parlement s'enhardit, et bien qu'il

n'eût que le nom de commun avec celui de Londres, l'exemple de la révolution anglaise ne fut pas sans échauffer les

imaginations. En somme le Parlement de Paris, le plus souvent soutenu par ceux des provinces, prétendait agir

comme une assemblée souveraine et, au nom des antiques institutions et libertés du royaume, limiter l'autorité de la

monarchie, singulièrement renforcée sous la dictature de Richelieu. Les Parlements deviennent dès ce moment-là ce

qu'ils seront encore bien plus au dix-huitième siècle : un centre de résistance au pouvoir et d'opposition aux

réformes, d'agitation et de réaction à la fois, un obstacle à la marche de l'État. (…)

Au milieu de cet immense gâchis, la détresse devint extrême. Les rentiers qui avaient commencé la Fronde eurent à

s'en repentir, les premiers. On n'est surpris que d'une chose, c'est que, dans cette confusion, la France ne se soit pas

dissoute. Ce qui sauva encore la monarchie, ce fut l'absence d'une idée commune chez les séditieux. Une assemblée

de la noblesse réclama les états généraux, selon l'usage des temps de calamités. Elle prétendit, invoquant toujours les

anciennes traditions féodales que nous avons vues renaître sous la Ligue, rendre au second ordre un droit de contrôle

sur le pouvoir. Ce langage, bien qu'il fût accompagné de formules libérales, inquiéta le Parlement qui se réservait ce

rôle pour lui-même et se souvenait des états de 1614, de l'affaire de la Paulette et de la rancune des gens d'épée

contre les gens de robe. L'échec de la nouvelle Fronde était en germe dans ce conflit.

http://333.dyndns-we...ranceChap12.pdf

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Mais je citais (de façon d'ailleurs incorrecte c'est cela qu'il aurait fallu pointer, un des problèmes des messages qu'on tape rapidement) Chitah d'où les guillements.

Mais c'est comme la bonne chère, c'est une question de réputation.

Caramba, encore raté.

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