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Libéralisme comme technologie de gouvernement ?


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Bonsoir à tous,

Voici la question sur laquelle j'aimerais connaître votre avis: Peut-on parler de «libéralisme» pour quelque chose qui se donne essentiellement comme une technologie de gouvernement dont la liberté n'est pas la finalité essentielle?

Quelque chose dans quoi la liberté peut apparaître non comme la fin mais comme le moyen, et donc quelque chose dans quoi la place de la liberté est fragile, presque accidentelle, subordonnée au fait qu'elle apparaît comme un moyen efficace.

Par exemple:

Dans quelle mesure l'ordolibéralisme est-il vraiment un libéralisme?

Dans quelle mesure la physiocratie est-elle vraiment un libéralisme?

Quelle est la pertinence de cette parole de Michel Foucault à propos de la physiocratie (entre autres): «[…] c'est bien un naturalisme […]. Mais je crois, cependant, qu'on peut employer le mot de libéralisme dans la mesure où la liberté est tout de même au cœur de cette pratique[1] ou des problèmes qui sont posés à cette pratique.»? C'est moi qui souligne et j'ajoute: [1] la liberté au cœur d'une pratique en tant que moyen.

Il en va de la définition du libéralisme, je dirais naïvement: soit une définition faible qui se satisfait que la doctrine ou même la technologie gouvernementale intègre la liberté dans son essence, fût-ce en tant que moyen préférable seulement parce qu'il est le plus efficace, soit une définition forte qui, pour commencer, veut qu'on fasse de la liberté une fin si ce n'est la fin, un absolu (et admettra peut-être des compromis mais restera fondée là dessus).

Il me semble, pour finir, que l'ambiance du forum est plutôt du côté de la définition forte. Mais, avec une définition forte, qui garderons-nous comme libéraux?

Bien à vous.

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Il en va de la définition du libéralisme, je dirais naïvement: soit une définition faible qui se satisfait que la doctrine ou même la technologie gouvernementale intègre la liberté dans son essence, fût-ce en tant que moyen préférable seulement parce qu'il est le plus efficace,

On appelle ça le libéralisme utilitariste.

soit une définition forte qui, pour commencer, veut qu'on fasse de la liberté une fin si ce n'est la fin, un absolu (et admettra peut-être des compromis mais restera fondée là dessus).

Libéralisme de droit naturel.

Il me semble, pour finir, que l'ambiance du forum est plutôt du côté de la définition forte. Mais, avec une définition forte, qui garderons-nous comme libéraux?

Je pige pas l'utilité de déterminer qui on qualifie de libéraux ou pas. On est pas tout à fait un clergé.

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D'abord, à moins que j'aie mal compris il me semble que "technique" serait un terme plus adapté que "technologie".

Ensuite je ne sais pas si ça répond à la question mais le but du libéralisme est moins la liberté en soi que permettre à chacun de poursuivre au mieux ses propres fins (et pas celles décrétées par un gouvernement quelconque).

Les utilitaristes justifieront ça en disant que l'ordre spontané est plus efficace que la planification (et ils auront raison), les autres en disant que même si ce n'était pas le cas il est plus moral de laisser les gens tranquilles (et ils auront raison aussi).

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Je ne comprends pas la question…

Comment fixer une finalité autre que la liberté de chacun sans dénaturer (dégénérer) la liberté de chacun?

Par exemple, si tu es un monarque, que tu ton enrichissement est proportionnel à l'enrichissement global de ton peuple, que tu te dis que leur laisser un certain espace de liberté pour faire du commerce serait le plus efficace pour maximiser l'enrichissement de tes sujets et donc le tien, et que tu mets en place dans ce but un espace conséquent de liberté, est-ce que ça fait de toi un libéral?

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Par exemple, si tu es un monarque, que tu ton enrichissement est proportionnel à l'enrichissement global de ton peuple, que tu te dis que leur laisser un certain espace de liberté pour faire du commerce serait le plus efficace pour maximiser l'enrichissement de tes sujets et donc le tien, et que tu mets en place dans ce but un espace conséquent de liberté, est-ce que ça fait de toi un libéral?

Non puisque tu fais de l'élevage. Le but du monarque est d'exploiter le travail des autres et pour cela il instaurera des frontières (des clôtures), un état civil (des tatouages), des règles fiscales (traire les vaches ou saillis pour les taureaux) et une récupération du capital (l'abatoire).

Le problème est toujours le même. Il est admis que la fin justifie les moyens (Le monarque laisse un espace conséquent de liberté) mais on oublie que les moyens déterminent la fin (Enfermer une vache dans un enclos pour permettre de la traire diminue considérablement l'espace de liberté). Plus tu trait, plus tu es contraint de réduire l'enclos => Si tu laisse un enclos trop grand, l'effort n'en vaux plus la chandelle… Tu passes ton temps à courrir après les vaches.

Même la politique est soumise aux règles de la productivité (ou principe de la moindre action en physique quantique).

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Ah, tiens, pour moi, c'est plutôt l'inverse. La prospérité est plutôt une externalité extrêmement positive d'un régime libre. Enfin c'est une question qui traverse toute l'histoire du libéralisme, ça.

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Fondamentalement l'être humain cherche davantage la prospérité. La condition étant une certaine stabilité de la société.

Donc la liberté n'est pas une fin.

Ce n'est pas non plus un moyen parmi d'autres, c'est la condition sine qua non et unique pour parvenir à stabiliser une société et favoriser la prospérité de chacun.

Un politicard ou un syndicaliste individuellement sont dans une situation de prospérité, mais au détriment de la masse, par conséquent on ne peut pas parler de situation de stabilité générale. Dans une société libre personne n'a de privilèges et tout le monde a des opportunités.

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Seulement la prospérité peut très bien être obtenue en dehors d'un système purement capitaliste. L'utilitarisme par exemple donne au politique toute latitude pour redistribuer ce que le marché a créé afin d'égaliser les conditions et rendre les conditions d'existence des citoyens qu'il soumet plus vivables. Donc la prospérité ok, mais pas à n'importe quel prix.

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Seulement la prospérité peut très bien être obtenue en dehors d'un système purement capitaliste. L'utilitarisme par exemple donne au politique toute latitude pour redistribuer ce que le marché a créé afin d'égaliser les conditions et rendre les conditions d'existence des citoyens qu'il soumet plus vivables. Donc la prospérité ok, mais pas à n'importe quel prix.

Oui tout à fait, c'est ce que j'explique maladroitement. La prospérité ça signifie la prospérité pour chacun ou du moins que chacun ait la possibilité d'y parvenir. Or les politiques qui consistent à favoriser certains groupes désavantagent d'autres groupes nécessairement, chose que ne fait pas le marché.

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Seulement la prospérité peut très bien être obtenue en dehors d'un système purement capitaliste. L'utilitarisme par exemple donne au politique toute latitude pour redistribuer ce que le marché a créé afin d'égaliser les conditions et rendre les conditions d'existence des citoyens qu'il soumet plus vivables. Donc la prospérité ok, mais pas à n'importe quel prix.

Seulement dans l'hypothese ou la prosperité est une mesure réalisable et que son unité est aggregable.

Or ce n'est pas le cas.

Dans l'hypothese irréaliste ou les préférences individuelles n'éxisteraient pas et ou il y avait des "préférences aggregées" mesurables et prédictibles, le communisme marcherait.

C'est juste avec les humains que ça ne marche pas :D

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Pour Mill, c'est tout à fait possible et mesurable : il s'agit de prospérité matérielle, donc de transfert de pognon. Le raisonnement est simple (et fleure bon le keynésienisme dans sa version la plus mainstream) : la liberté individuelle, c'est le pouvoir de faire le plus de choix possibles. En transférant une partie de la richesse des plus riches vers les plus pauvres, on augmente la possibilité de choisir pour les plus pauvres sans trop pénaliser les riches, et on répartit équitablement prospérité et liberté. Donc, toujours pour Mill, possibilité de comparaison entre les utilités individuelles, de les agréger et de répondre à la demande de prospérité.

Quelle plaie ces utilitaristes. :/

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;) oki

Et quand je dis que la liberté est la condition sine qua non et unique pour parvenir à stabiliser une société et favoriser la prospérité de chacun, il faudrait aussi savoir pourquoi. Peut-être justement parce qu'il est dans la nature de l'homme d'être libre. Bon OK je retombe un peu sur mes pattes de jusnaturaliste et c'est brouillon, mais la question reste intéressante.

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Pour Mill, c'est tout à fait possible et mesurable : il s'agit de prospérité matérielle, donc de transfert de pognon. Le raisonnement est simple (et fleure bon le keynésienisme dans sa version la plus mainstream) : la liberté individuelle, c'est le pouvoir de faire le plus de choix possibles. En transférant une partie de la richesse des plus riches vers les plus pauvres, on augmente la possibilité de choisir pour les plus pauvres sans trop pénaliser les riches, et on répartit équitablement prospérité et liberté. Donc, toujours pour Mill, possibilité de comparaison entre les utilités individuelles, de les agréger et de répondre à la demande de prospérité.

Quelle plaie ces utilitaristes. :/

Le problème n'est pas tant d'avoir une morale utilitariste que de plier la réalité aux besoins de sa théorie utilitariste, on peut tout à fait etre utilitariste et réaliser que l'utilitarisme n'est pas fonctionnel par ignorance indépassable des préférences des individus.

L'énorme avantage de l'observation de la relativité de la valeur (qui pour le coup est une observation factuelle répétable par tous), c'est que ça marche aussi bien qu'on soit déontologiste ou utilitariste.

J'exclu volontairement les morales de la vertu, car celles-ci sont internes et individuelles par essence et leur pouvoir prescriptif n'est pas politique au sens moderne (eg: ce ne sont pas des théorisations de l'équité).

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Le problème n'est pas tant d'avoir une morale utilitariste que de plier la réalité aux besoins de sa théorie utilitariste, on peut tout à fait etre utilitariste et réaliser que l'utilitarisme n'est pas fonctionnel par ignorance indépassable des préférences des individus.

L'énorme avantage de l'observation de la relativité de la valeur (qui pour le coup est une observation factuelle répétable par tous), c'est que ça marche aussi bien qu'on soit déontologiste ou utilitariste.

J'exclu volontairement les morales de la vertu, car celles-ci sont internes et individuelles par essence et leur pouvoir prescriptif n'est pas politique au sens moderne (eg: ce ne sont pas des théorisations de l'équité).

Le problème de l'utilitarisme, en morale comme ailleurs, c'est que ça marche pas (si on est utilitariste et qu'on s'aperçoit que l'utilitarisme n'est pas fonctionnel bicause of la subjectivité des préférences, on a plutôt intérêt à passer à autre chose :) )

Plus sérieusement, oui, le problème de l'utilitarisme en politique, c'est d'abord la question de l'objectivité des préférences : une politique publique pour favoriser la liberté des plus pauvres suppose qu'on puisse connaître les préférences des individus qu'elle cherche à pousser. Ces préférences ne peuvent être objectivement repérées qu'en termes de pognon (de rétribution matérielle, que ce soit argent ou biens publics), ce qui fait de tous les individus des hédonistes matérialistes. Seulement qui fixe le contenu de ces préférences objectives, sinon le législateur ou le politique ? Cela fait dire à de Jasay que les seules préférences révélées par l'utilitarisme sont celles des pouvoirs publics et non des consommateurs de politiques publiques. La politique utilitariste dans le domaine équivaut à subventionner et perpétuer certains modes de vie au détriment d'autres.

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Cela fait dire à de Jasay que les seules préférences révélées par l'utilitarisme sont celles des pouvoirs publics et non des consommateurs de politiques publiques. La politique utilitariste dans le domaine équivaut à subventionner et perpétuer certains modes de vie au détriment d'autres.

Voila, au mieux, si la démocratie fonctionne (ce qui est déjà un pré requis fort et ambitieux), la politique utilitariste équivaut a subventionner économiquement le mode de vie de la majorité au détriments des minorités, ce qui est non seulement délicat a présenter comme une situation "équitable", mais confonds fatalement les moyens (la subvention) et les fins (la préservation du mode de vue): un mode de vie ne se perpétue pas par le pognon, au contraire.

Donc même en prenant la contrainte suivante :

  • La fonction d’utilité à maximiser n’est pas celle de l’utilité générale mais celle l’utilité de la majorité déterminée par voie démocratique.

On se retrouve a observer dans la pratique de l’action politique que la redistribution n’est pas un bon moyen pour faire croitre cette fonction d’utilité, le but n’est pas atteint, au contraire, la subvention détruit précisément ce qu’elle était sensé préserver.

Ce qui est bien avec les utilitaristes, c'est que si tu les pousse a bout, tu te rends vite compte que la majorité ne l'est pas vraiment, la croissance de la fonction d'utilité ils s'en foutent, c'est une fin bidon pour pousser certains moyens.

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La perversité du mécanisme démocratique est qu'en fait, la redistribution ne favorise pas tous les modes de vie, mais ceux les plus adaptés aux modes d'allocation via la redistribution. En d'autres termes, non seulement il y a appauvrissement généralisé (puisque les transferts non volontaires font perdre de la valeur aux biens), mais transfert aux classes les plus dépendantes de l'intervention d'état. Il y a appauvrissement généralisé et subvention croissante des plus pauvres et des moins productifs.

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Ah, tiens, pour moi, c'est plutôt l'inverse. La prospérité est plutôt une externalité extrêmement positive d'un régime libre. Enfin c'est une question qui traverse toute l'histoire du libéralisme, ça.

C'est même dans ma signature depuis un bout de temps.

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