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Cherche des critiques libérales sur le fascisme


Elardag

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Je me suis rendu compte que je connaissais, au final, très mal l'idéologie fasciste, ce que je devrais vu qu'on vit à une époque où l'anti-fascisme est largement répandu, mais à part rappeler que "le fascisme c'est mal" ces derniers n'ont jamais su fournir une synthèse claire et cohérente sur le sujet.

J'ai déjà pu lire La route de la servitude mais je suis sûr que le corpus libéral à ce sujet est largement plus vaste. Quels livres recommanderiez-vous à une néophyte comme moi ?

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Qu’entendez-vous par « fascisme » ? Les mouvement et régime politiques italiens ayant sévi de 1919 à 1945, ou, d’une manière générale, les régimes « dictatoriaux » voire « totalitaires » ? Il faut bien distinguer les deux, sous peine de sombrer dans un dramatique relativisme historique.

Le fascisme italien était un régime clairement dictatorial, mais un fossé immense le séparait (au moins jusqu’en 1940) des régimes nazi et soviétique. Ainsi, selon l’historien américain Stanley Payne, en-dehors de quelques assassinats perpétrés par les services secrets et des violences de rue, il n’y aurait eu en Italie fasciste que neuf exécutions politiques de 1923 à 1940. Rien à voir avec les millions d’assassinats gratuits commis à la même époque par l’Allemagne et (surtout) la Russie.

C’est pourquoi vous trouverez des libéraux pur beurre louant le fascisme (par exemple Mises, dans Liberalism), en tant que ce mouvement faisait barrage au communisme et constituait donc, dans les circonstances de l’époque, le moindre mal. Sur ce point, je pense que l’historien le plus intéressant est Ersnt Nolte (auteur, notamment, de La Guerre civile européenne.)

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Je ne trouve pas Nolte très pertinent sur la question, qui tend à bricoler une généalogie du fascisme comme anti-Lumières et dynamique de radicalisation de la contre-révolution (face à la révolution), ce qui lui pemet d'"oublier" ce que le fascisme doit à la modernité démocratique et à la technique (et au passage d'inventer des racines françaises au nazisme et au fascisme, ce qui relève de la désinformation et des présupposés idéologiques de l'auteur). Sinon Arendt, Talmon, Lefort, Gauchet, etc. Sur l'attitude des libéraux et des démocrates de l'époque concernant le fascisme, je trouve le dernier livre de M. Gauchet intéressant (sur la généalogie de la démocratie contemporaine) : il montre que contrairement au nazisme, le fascisme italien n'est pas une idéocratie, mais un régime qui a évolué en fonction des circonstances et des positions du Duce. Du coup, il y a eu plusieurs périodes dans le fascisme qui l'a vu oscillé entre régime autoritaire-libéral, état corporatiste et tentation totalitaire. Cela explique les positions des Churchill, Mises, Pareto ou Maurras.

S. Payne est plutôt bon sur la guerre d'Espagne et l'histoire de la phalange (le fascisme espagnol).

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Je ne trouve pas Nolte très pertinent sur la question, qui tend à bricoler une généalogie du fascisme comme anti-Lumières et dynamique de radicalisation de la contre-révolution (face à la révolution), ce qui lui pemet d'"oublier" ce que le fascisme doit à la modernité démocratique et à la technique (et au passage d'inventer des racines françaises au nazisme et au fascisme, ce qui relève de la désinformation et des présupposés idéologiques de l'auteur).

Cette description me fait plus penser à Zeev Sternhell qu'à Nolte.

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Je ne me souvenais pas que Nolte prêtait des racines françaises au nazisme et au fascisme (bien qu'en cherchant on puisse toujours en trouver et que cette influence soit assez évidente pour ce qui est du bolchevisme), mais ce que Nolte dit de la "dynamique de radicalisation de la contre-révolution" (ou de la "contre-barbarie") me semble personnellement très pertinent (quoique pas très original). Comme disait approximativement Nietzsche : choisis bien tes ennemis, tu finiras par leur ressembler.

Sinon, confirmez-vous les chiffres cités par Payne ?

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Cette description me fait plus penser à Zeev Sternhell qu'à Nolte.

Héhé, pas étonnant. Nolte a pas mal influencé Sternhell.

Raoul : la comparaison entre Action Française, Nazisme et Fascisme est le fondement du livre qui l'a pour ainsi dire lancé, à savoir le premier tome du fascisme dans son époque (qui a été édité chez bouquin il y a quelques années). Sur les chiffres de Payne : je ne sais pas, je ne suis pas historien, et m'intéresse à la période en amateur seulement. :)

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Merci à tous, ça me fait déjà pas mal de livres.

Qu’entendez-vous par « fascisme » ? Les mouvement et régime politiques italiens ayant sévi de 1919 à 1945, ou, d’une manière générale, les régimes « dictatoriaux » voire « totalitaires » ? Il faut bien distinguer les deux, sous peine de sombrer dans un dramatique relativisme historique.

J'aurais du préciser, mais oui, je faisais surtout référence au fascisme italien.

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Raoul : la comparaison entre Action Française, Nazisme et Fascisme est le fondement du livre qui l'a pour ainsi dire lancé, à savoir le premier tome du fascisme dans son époque (qui a été édité chez bouquin il y a quelques années).

J’avais compris que vous disiez que Nolte avait abordé le thème des racines françaises dans La guerre civile. N'ayant pas lu Le fascisme dans son époque, je pouvais difficilement me rappeler que Nolte y avait traité ce sujet… Du reste, dans l’avant-propos à La guerre civile, Nolte, sans renier Le fascisme, dit que ses idées ont évolué/mûri entre-temps (mais je ne me rappelle plus sous quel rapport).

Sur les chiffres de Payne : je ne sais pas, je ne suis pas historien, et m'intéresse à la période en amateur seulement.

La question n’était pas tant de savoir si vous aviez des informations personnelles qui vous auraient permis d’avoir un avis direct sur la fiabilité des chiffres de Payne, mais si ces chiffres étaient en général admis par les autres historiens de la période que vous auriez pu lire. Toutefois, s’il se trouve sur ce forum quelque arrière-petit-fils d’un dignitaire fasciste ayant reçu des informations particulières par voie de tradition familiale, qu’il n’hésite pas à intervenir, ça m’intéresserait.

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J’avais compris que vous disiez que Nolte avait abordé le thème des racines françaises dans La guerre civile. N'ayant pas lu Le fascisme dans son époque, je pouvais difficilement me rappeler que Nolte y avait traité ce sujet… Du reste, dans l’avant-propos à La guerre civile, Nolte, sans renier Le fascisme, dit que ses idées ont évolué/mûri entre-temps (mais je ne me rappelle plus sous quel rapport).

Nolte n'est pas très clair sur le sujet : je me souviens d'avoir lu un entretien relativement récent dans un journal dans lequel il assumait totalement la position de ce premier ouvrage, ce que je peux comprendre, puisque c'est ce qui lui a assuré (en partie) sa notoriété. Je parle ici bien entendu de sa position concernant les racines françaises du totalitarisme. Il rapproche l'Action Française du nazisme pour expliquer l'antécédence de la France dans l'antimarxisme radical qui en est la matrice. La comparaison est totalement délirante, fondée pour ce qui est de l'AF et de Maurras sur de la littérature secondaire (il faut même des fautes dans certains des titres). L'ensemble jette un doute sur les intentions idéologiques de l'historien allemand (doute qui est d'ailleurs à l'origine de la "querelle des historiens" en Allemagne) et affaiblit d'ailleurs l'idée de "causal nexus" liant bolchévisme et nazisme (qui est au centre de la guerre civile il me semble).

Sur Payne : je ne suis pas assez spécialiste de l'Espagne en général et de la période en particulier pour en parler avec assurance.

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A mon sens c'est en effet en France qu'il faut chercher les racines du totalitarisme, non pas dans le courant anti-Lumières comme le suggèrent Nolte & Sternhell, mais au contraire au sein du mouvement des Lumières. La Révolution française préfigure la révolution bolchévique, laquelle sert aussi de modèle à la révolution nationale-socialiste. Sternhell livre une interprétation sans doute trop marquée à gauche, mais a tout de même le grand mérite d'insister sur la nature révolutionnaire du fascisme, en montrant que sa généalogie procède d'une révision anti-matérialiste du marxisme. Sur ce point précis son argumentaire est assez convainquant par rapport à l'historiographie dominante qui en faisait un mouvement d'essence conservatrice, notamment par l'analyse des mouvements fascistes français, très liés au syndicalisme révolutionnaire.

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A mon sens c'est en effet en France qu'il faut chercher les racines du totalitarisme, non pas dans le courant anti-Lumières comme le suggèrent Nolte & Sternhell, mais au contraire au sein du mouvement des Lumières. La Révolution française préfigure la révolution bolchévique, laquelle sert aussi de modèle à la révolution nationale-socialiste. Sternhell livre une interprétation sans doute trop marquée à gauche, mais a tout de même le grand mérite le mérite d'insister sur la nature révolutionnaire du fascisme, en montrant que sa généalogie procède d'une révision anti-matérialiste du marxisme. Sur ce point précis son argumentaire est assez convainquant par rapport à l'historiographie dominante qui en faisait un mouvement d'essence conservatrice, notamment par l'analyse des mouvements fascistes français, très liés au syndicalisme révolutionnaire.

Je ne suis pas totalement d'accord, d'abord pour des raisons de méthodes : Sternhell comme Nolte emploie une méthode totalement téléologique et a-historique. Ils reconstituent le fascisme en piochant dans des éléments dans les cultures politiques et idéologiques qui leur semblent se rapprocher du fascisme et du nazisme tel qu'ils ont réellement. A ce jeu là, il est possible de faire remonter le totalitarisme à Sparte (comme le faisait le fasciste authentique Maurice Bardèche) ou aux barbares se dressant contre l'Empire romain (comme l'a fait Collingwood dans le "nouveau Léviathan), et cela en fonction des inclinations idéologiques de l'historien qui prétend saisir le phénomène. Sternhell, comme Nolte avant lui, fait du fascisme et du nazisme essentiellement un mouvement réactionnaire hostile aux Lumières "franco-kantiennes", ce qui me semble être une erreur et une simplification grossière.

Au jeu des généalogies idéologiques, le totalitarisme est autant un produit des Lumières que des "anti-Lumières", de la révolution française que de la réaction romantique anti-universaliste qui l'a suivi, de la massification de la société comme de la nostalgie de l'autorité communale perdue. Je ne cherche pas à diluer le problème, mais à montrer que la spécificité de ces idéologies (et des sociétés qui leur correspondent), c'est la persistance de mentalités religieuses anciennes, dans le cadre d'une société modernisée (massification et émergence de l'administration contemporaine) et au sein de nation en crise.

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L'ensemble jette un doute sur les intentions idéologiques de l'historien allemand (doute qui est d'ailleurs à l'origine de la "querelle des historiens" en Allemagne) et affaiblit d'ailleurs l'idée de "causal nexus" liant bolchévisme et nazisme (qui est au centre de la guerre civile il me semble).

L'historikerstreit, c'était surtout parce que Nolte remettait en cause l'idée déjà vielle du loup solitaire nazi et qu'il mettait l'URSS à l'équivalent, à l'époque ou la moitié de l'Allemagne en faisait encore partie. L'un des grands jouteurs de cette période, c'était Habermas, un bon gros gaucho qui devait apprécier moyen moyen qu'on lui explique que Coco et Nazi c'est pareil. D'ailleurs, il l'accusait de vouloir effacer l'ardoise, ce que Nolte n'a jamais fait (à ma connaissance du moins).

Je pense comme Nolte qu'il y a un noeud causal entre Nazi et Bolchévique, la peur du Rouge, c'était pas rien. Par contre, je suis doute un peu la théorie "camp d'extermination juif en réponse aux Goulag", l'antisémitisme n'avait pas besoin de l'URSS pour finir par péter un câble complet.

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L'historikerstreit, c'était surtout parce que Nolte remettait en cause l'idée déjà vielle du loup solitaire nazi et qu'il mettait l'URSS à l'équivalent, à l'époque ou la moitié de l'Allemagne en faisait encore partie. L'un des grands jouteurs de cette période, c'était Habermas, un bon gros gaucho qui devait apprécier moyen moyen qu'on lui explique que Coco et Nazi c'est pareil. D'ailleurs, il l'accusait de vouloir effacer l'ardoise, ce que Nolte n'a jamais fait (à ma connaissance du moins).

Je pense comme Nolte qu'il y a un noeud causal entre Nazi et Bolchévique, la peur du Rouge, c'était pas rien. Par contre, je suis doute un peu la théorie "camp d'extermination juif en réponse aux Goulag", l'antisémitisme n'avait pas besoin de l'URSS pour finir par péter un câble complet.

Oui, l'idée chère à Nolte est de dire que le nazisme n'est qu'un moment dans le raidissement anti-marxiste et la modernisation des contre-Lumières, et que ce moment débute en France notamment avec l'Action Française, ce qui le porte à dépeindre ce dernier comme un mouvement proto nazi et essentiellement fondé sur l'antimarxisme, ce qui est étrangement un contresens que n'ont jamais fait les historiens sur ladite ligue (sauf bien entendu ces messieurs de scpo qui ont quand même bien participé à la promotion des sternhelleries en France). En effet, il n'y a pratiquement rien sur la peur du rouge dans ce mouvement, qui ne se construit pas du tout sur le modèle de l'organisation bolchévique et la lutte des classes (ou des races).

Cette idée d'émulation entre cocos et fafs est très intéressante jusqu'à un certain point (expliquer l'adhésion des plus tièdes au régime), celui de la singularité du racisme nazi et de sa dimension exterminationniste. Il est difficile de déceler des sources extérieures à la révolution conservatrice allemande ici. Il a existé des mesureurs de crânes célèbres en France (Gobineau), mais le mythe de la race et du sang sont des choses plus liées à l'idéologie anti-Lumières proprement allemandes.

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Je ne sais pas si AF était ouvertement dans un mode "peur du rouge", mais un mouvement royaliste, anti sémite et anti révolutionnaire se retrouve complètement à l'opposé du Bolchévisme.

Il me semble que au tournant du 19ème et du 20ème, c'est bien en France qu'on trouvait les anti-sémites les plus durs et les plus ouvertement (l'affaire Dreyfus en étant peut-être le climax à cette époque), non ?

Pour l'Allemagne, j'ai quelques souvenirs, certes un peu flou, de quelques lectures de Norbert Elias et de la naissance de la Kultur comme réaction bourgeoise à la noblesse francisée et la Civilization. Beaucoup d'auteurs (je ne me souviens pas si Elias également) y ont vu le creuset du Nazisme.

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A propos de nazisme, est-ce que quelqu'un aurait lu The Wages of Destruction - The Making & Breaking of The Nazi Economy, par Adam Tooze ? Personnellement, j'ai commis l'erreur de lire cet ouvrage avant d'avoir acquis des connaissances suffisamment solides en économie bancaire et monétaire.

En effet, une des thèses de l'auteur est que l'Allemagne aurait souffert d'une pénurie chronique de liquidités étrangères et que cette pénurie l'aurait conduite, elle, l'Allemagne, à agresser les Etats voisins afin de s'emparer de leurs réserves de changes, ou, plus modestement, à lancer de manière prématurée ses agressions.

L'idée était que l'Allemagne, pays industriel mais dépourvu de matières premières, aurait été "étranglée" économiquement, en conséquence de la "pénurie" de devises étrangères, car elle n'aurait plus pu se procurer les matières premières nécessitées pour alimenter son industrie.

Ce qui me dérange, dans cette thèse, c'est que la "disette" de devises étrangères est présentée comme une caractéristique structurelle de l'économie allemande, alors que, en toute logique économique, elle avait dû être créée de toute pièce par les contrôles de change instaurés par l'Allemagne. Bref, l'Allemagne n'était pas étranglée, elle s'étranglait.

Comme, à l'époque où j'avais lu cet ouvrage, mon attention n'avait pas été attirée sur cet aspect-là des choses, je ne me souviens plus si l'auteur fournit des explications à cet égard.

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Je ne sais pas si AF était ouvertement dans un mode "peur du rouge", mais un mouvement royaliste, anti sémite et anti révolutionnaire se retrouve complètement à l'opposé du Bolchévisme.

Il me semble que au tournant du 19ème et du 20ème, c'est bien en France qu'on trouvait les anti-sémite les plus dur et le plus ouvertement (l'affaire Dreyfus en étant peut-être le climax à cette époque), non ?

Pour l'Allemagne, j'ai quelques souvenirs, certes un peu flou, de quelques lectures de Norbert Elias et de la naissance de la Kultur comme réaction bourgeoise à la noblesse francisée et la Civilization. Beaucoup d'auteurs (je ne me souviens pas si Elias également) y ont vu le creuset du Nazisme.

La thèse de Nolte c'est surtout que le nazisme se définit essentiellement par rapport au marxisme et à l'organisation bolchévique (il en reprend presque parodiquement les thèmes et l'organisation interne). Il n'y a pas le même phénomène de mimétisme avec l'AF, malgré effectivement son aspect anti-révolutionnaire et antisémite. Avant guerre, c'est essentiellement un mouvement réactionnaire qui s'appuie sociologiquement sur les restes de l'Ancien régime, et qui désigne comme ennemi à abattre non pas le communisme international mais la république et le parlementarisme. Il y a d'ailleurs très peu d'écrits de Maurras sur le marxisme (il détestait l'Allemagne, l'Allemand et la plupart de ses auteurs).

L'antisémitisme maurrassien est beaucoup moins radical que celui allemand, j'y vois principalement un retour du refoulé de l'antisémitisme chrétien, et il se définit d'abord comme un antisémitisme politique (par opposition à celui racial des Allemands) : il s'agit essentiellement de les discriminer, pas de les tuer. En plus, il varie selon l'opportunité (quand l'af tente de se rapprocher de Gringoire), les personnes (Maurras saluant la mémoire de Pierre David) et se confond rapidement avec la détestation des allemands (cf tout Daudet). Sans vouloir racheter l'AF à tout prix, il y a quelque chose de moins sérieux (de plus latin ?) dans leur antisémitisme qui l'empêche d'être aussi radical que celui allemand. D'ailleurs les rares fascistes racialistes français l'avaient bien compris (Gohier, Rebatet).

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Petite question HS : à quel point l'usage de "nazis" est commode pour ne pas avoir à prononcer National-Socialiste ? Je veux dire au-delà de l'aspect pratique cela permet de ne pas trop relever qu'ils font partie des moutons noirs de la famille socialiste.

"Nazi" était avant tout un sobriquet destiné à ridiculiser les nationaux-socialistes. Mais il est fort possible que l'intention de ceux qui l'ont diffusé ait également été de camoufler quelque peu la nature profondément socialiste du régime hitlérien.

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La thèse de Nolte c'est surtout que le nazisme se définit essentiellement par rapport au marxisme et à l'organisation bolchévique (il en reprend presque parodiquement les thèmes et l'organisation interne). Il n'y a pas le même phénomène de mimétisme avec l'AF, malgré effectivement son aspect anti-révolutionnaire et antisémite. Avant guerre, c'est essentiellement un mouvement réactionnaire qui s'appuie sociologiquement sur les restes de l'Ancien régime, et qui désigne comme ennemi à abattre non pas le communisme international mais la république et le parlementarisme. Il y a d'ailleurs très peu d'écrits de Maurras sur le marxisme (il détestait l'Allemagne, l'Allemand et la plupart de ses auteurs).

L'antisémitisme maurrassien est beaucoup moins radical que celui allemand, j'y vois principalement un retour du refoulé de l'antisémitisme chrétien, et il se définit d'abord comme un antisémitisme politique (par opposition à celui racial des Allemands) : il s'agit essentiellement de les discriminer, pas de les tuer. En plus, il varie selon l'opportunité (quand l'af tente de se rapprocher de Gringoire), les personnes (Maurras saluant la mémoire de Pierre David) et se confond rapidement avec la détestation des allemands (cf tout Daudet). Sans vouloir racheter l'AF à tout prix, il y a quelque chose de moins sérieux (de plus latin ?) dans leur antisémitisme qui l'empêche d'être aussi radical que celui allemand. D'ailleurs les rares fascistes racialistes français l'avaient bien compris (Gohier, Rebatet).

Interessant, je ne savais pas tout ça.

Ca donne l'envie de creuser un jour.

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Il me semble que au tournant du 19ème et du 20ème, c'est bien en France qu'on trouvait les anti-sémites les plus durs et les plus ouvertement (l'affaire Dreyfus en étant peut-être le climax à cette époque), non ?

Il y a aussi eu de grosses poussées de prurit antisémite chez nos cousins Germains. Les émeutes Hep-Hep, c'est chez les Teutons. Les délires anti-Juifs des plus grands philosophes aussi, comme Hegel (dont on n'imagine juste pas l'influence intellectuelle qu'il a pu avoir sur toute une génération) ou Frege pour parler de la période qui t'intéresse. Et si les lois faisant des Juifs de Berlin des citoyens de seconde zone (eux-mêmes répartis en six classes différentes) n'ont été abolies qu'en 1870, ce n'est pas un hasard non plus, c'est bien que le terreau était fertile. Un peu plus loin encore, quiconque a connu la Vienne d'avant l'Anschluss pouvait témoigner qu'il n'y avait guère dans cette ville deux sortes d'individus : les Juifs, et les antisémites, au point où Karl Lueger, farouchement antisémite, a été maire de Vienne une bonne douzaine d'années. L'idée était dans l'air, comme on peut le dire d'un virus.

A propos de nazisme, est-ce que quelqu'un aurait lu The Wages of Destruction - The Making & Breaking of The Nazi Economy, par Adam Tooze ? Personnellement, j'ai commis l'erreur de lire cet ouvrage avant d'avoir acquis des connaissances suffisamment solides en économie bancaire et monétaire.

En effet, une des thèses de l'auteur est que l'Allemagne aurait souffert d'une pénurie chronique de liquidités étrangères et que cette pénurie l'aurait conduite, elle, l'Allemagne, à agresser les Etats voisins afin de s'emparer de leurs réserves de changes, ou, plus modestement, à lancer de manière prématurée ses agressions.

L'idée était que l'Allemagne, pays industriel mais dépourvu de matières premières, aurait été "étranglée" économiquement, en conséquence de la "pénurie" de devises étrangères, car elle n'aurait plus pu se procurer les matières premières nécessitées pour alimenter son industrie.

Ce qui me dérange, dans cette thèse, c'est que la "disette" de devises étrangères est présentée comme une caractéristique structurelle de l'économie allemande, alors que, en toute logique économique, elle avait dû être créée de toute pièce par les contrôles de change instaurés par l'Allemagne. Bref, l'Allemagne n'était pas étranglée, elle s'étranglait.

Comme, à l'époque où j'avais lu cet ouvrage, mon attention n'avait pas été attirée sur cet aspect-là des choses, je ne me souviens plus si l'auteur fournit des explications à cet égard.

Ca fait partie des livres que je dois lire. De mon côté, j'ai lu "Comment Hitler a acheté les Allemands", de Götz Aly (titre original : Hitlers Volkstaat), qui explique en effet que les Nazis avaient un besoin de financement monstrueux à cause à le fois des dépenses militaires et de l'Etat-Providence qu'ils mettaient en place. Si Aly ne va pas jusqu'à affirmer que la pénurie d'or (c'est-à-dire de monnaie réelle échangeable avec l'extérieur) a causé la guerre, il montre très clairement qu'à chaque fois que les Nazis mettaient vainquaient un pays, ils faisaient main basse sur ses réserves d'or (celles de la banque centrale, mais aussi celles des Juifs) et le soumettait à des taux de change forcé très désavantageux pour le perdant, spoliant à la fois la monnaie et les marchandises contre du papier.

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Il y a aussi eu de grosses poussées de prurit antisémite chez nos cousins Germains. Les émeutes Hep-Hep, c'est chez les Teutons. Les délires anti-Juifs des plus grands philosophes aussi, comme Hegel (dont on n'imagine juste pas l'influence intellectuelle qu'il a pu avoir sur toute une génération) ou Frege pour parler de la période qui t'intéresse. Et si les lois faisant des Juifs de Berlin des citoyens de seconde zone (eux-mêmes répartis en six classes différentes) n'ont été abolies qu'en 1870, ce n'est pas un hasard non plus, c'est bien que le terreau était fertile. Un peu plus loin encore, quiconque a connu la Vienne d'avant l'Anschluss pouvait témoigner qu'il n'y avait guère dans cette ville deux sortes d'individus : les Juifs, et les antisémites, au point où Karl Lueger, farouchement antisémite, a été maire de Vienne une bonne douzaine d'années. L'idée était dans l'air, comme on peut le dire d'un virus.

Hou, j'avais complètement zappé ce côté sombre chez Hegel, pourtant en te lisant je me suis souvenu de certains passages dans mes cours de philo.

Par contre, je ne connaissais pas les Hep-Hep, mais j'aurais du me douter que des pogroms avaient aussi existés dans cette région là.

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Si Aly ne va pas jusqu'à affirmer que la pénurie d'or (c'est-à-dire de monnaie réelle échangeable avec l'extérieur) a causé la guerre, il montre très clairement qu'à chaque fois que les Nazis mettaient vainquaient un pays, ils faisaient main basse sur ses réserves d'or (celles de la banque centrale, mais aussi celles des Juifs) et le soumettait à des taux de change forcé très désavantageux pour le perdant, spoliant à la fois la monnaie et les marchandises contre du papier.

C'est amusant que vous parliez des réserves d'or des Juifs, parce que, justement, selon Adam Tooze, la politique raciale du régime nazi avait été entravée, au moins au début (quand le régime était encore relativement modéré), par des problèmes de réserve de change :

Apart from the trade boycott, however, there was a far more direct contradiction between Nazi anti-Semitic policy and the constraint imposed by the balance of payments. In so far as the anti-Semitism of Hitler’s regime had a coherent objective in the 1930s, it was the removal of Jews from German soil. In this respect it was fairly “successful” in 1933, with 37,000 German Jews driven out of the country by the violence of the seizure of power. The “problem” was that emigrants, unless they were very desperate, would move in large numbers only if they were permitted to take at least some of their possessions with them. German Jews were no different in this respect than any other migrant population. The Reichsbank was required by its statutes to provide migrants with the foreign currency needed to meet visa requirements abroad. But if prosperous Jewish families had emigrated en masse from Germany in 1933 and 1934, the effects on the Reichsbank’s foreign currency reserves would have been disastrous. […] From 1934 onwards the lack of foreign exchange was to become the central obstacle to a coherent policy of forced emigration. (p74-75)
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C'est amusant que vous parliez des réserves d'or des Juifs, parce que, justement, selon Adam Tooze, la politique raciale du régime nazi avait été entravée, au moins au début (quand le régime était encore relativement modéré), par des problèmes de réserve de change :

La solution a été vite trouvée : les Juifs pouvaient partir du pays en laissant tous leurs actifs réels dans le pays, que l'Etat échangeait contre des bouts de papier censés être des reconnaissances de dettes de l'Etat (était-ce des RKK-Scheine ?), mais (1) qui n'avaient de valeur que celle que les Nazis décrétaient, et (2) dont le montant nominal était grossièrement sous-évalué face à la quantité d'actifs réels qu'ils laissaient derrière eux.

Tiens, je me demande maintenant si ces fameux billets (échangeables à la seule Reichskreditkasse, d'où leur nom) n'expliqueraient pas le commerce souvent reproché entre l'Organisation sioniste et l'Etat nazi : une bonne partie des Juifs allemands fuyant en Terre promise arrivait avec comme principale forme de richesse ces bouts de papier. Le proto-Etat se propose alors de les échanger contre de la monnaie locale, permettant aux immigrés de s'installer sur place, mais se retrouve avec sur les bras des quantités importantes de papiers boches. Ils contactent les Nazis et obtiennent d'échanger ces papiers contre, par exemple, du matériel agricole négocié à un tarif avantageux pour les industriels allemands. Au final, les Nazis sont gagnants sur tous les plans.

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La solution a été vite trouvée : les Juifs pouvaient partir du pays en laissant tous leurs actifs réels dans le pays, que l'Etat échangeait contre des bouts de papier censés être des reconnaissances de dettes de l'Etat (était-ce des RKK-Scheine ?), mais (1) qui n'avaient de valeur que celle que les Nazis décrétaient, et (2) dont le montant nominal était grossièrement sous-évalué face à la quantité d'actifs réels qu'ils laissaient derrière eux.

Tiens, je me demande maintenant si ces fameux billets n'expliqueraient pas le commerce souvent reproché entre l'Organisation sioniste et l'Etat nazi : une bonne partie des Juifs allemands fuyant en Terre promise arrivait avec comme principale forme de richesse ces bouts de papier. Le proto-Etat se propose alors de les échanger contre de la monnaie locale, permettant aux immigrés de s'installer sur place, mais se retrouve avec sur les bras des quantités importantes de papiers boches. Ils contactent les Nazis et obtiennent d'échanger ces papiers contre, par exemple, du matériel agricole négocié à un tarif avantageux pour les industriels allemands. Au final, les Nazis sont gagnants sur tous les plans.

L'accord Haavara : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_Haavara.

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