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Les chinois, camaraderie et capitalisme


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 Fabry est de retour visiblement : 

 

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La guerre entre l'Inde et la Chine approche

Dans un billet publié il y a près d'un an, je traitais de la question de la probabilité d'une guerre devant advenir entre l'Inde et la Chine. J'y expliquais notamment quels facteurs pourraient pousser à cette guerre, sur lesquels je ne reviendrai pas.

Je veux juste livrer ici un point rapide qui me paraît d'autant plus nécessaire que les médias francophones ignorent largement le sujet de la crise actuelle entre la Chine et l'Inde, crise pourtant porteuse d'un risque de guerre inédit depuis le conflit sino-indien de 1962.

Je ne reprendrai pas les nombreux articles de presse anglophones qui m'ont permis de suivre l'affaire depuis plusieurs semaines, que les lecteurs trouveront recensés sur notre page Facebook La guerre de Xi. J'en livrerai simplement un résumé.

D'abord, il faut savoir que les raisons pour la Chine de chercher à s'affirmer face à l'Inde se sont faites plus pressantes ces dernières semaines, où l'on a appris presque simultanément que la croissance indienne dépassait désormais la croissance chinoise, dans le même temps que de nouveaux calculs laissaient penser que le dépassement démographique par l'Inde avait d'ores et déjà eu lieu cette année, alors que les précédentes estimations donnaient la date de 2022 pour le franchissement de ce cap. Plus que jamais, la Chine se trouve donc en passe de perdre son statut de star des pays émergeants, ce qui est de nature à créer dans ses élites un sentiment d'urgence : il faut se souvenir du bond que la Chine elle-même a connu en vingt ans pour imaginer à quelle vitesse l'Inde va désormais rattraper la puissance chinoise, sur tous les plans, et finir par la dépasser. Enfin, durant les derniers mois, l'on a assisté à un rapprochement spectaculaire de l'Inde et des Etats-Unis, en réaction à l'agressivité des ambitions chinoises dans la région, ce qui, en retour, attise l'inquiétude chinoise à l'idée que l'Inde devienne un redoutable allié de revers de l'Amérique. Et l'on sait que la peur de l'encerclement est à l'origine de nombreuses guerres.

C'est dans ce contexte que la crise du Sikkim, ou du plateau du Doklam, suivant les diverses appellations retenues, a éclaté. J'ai tenté de résumer la situation stratégique par les cartes ci-dessous.

 

CarteIndeChine

Il faut savoir que, si la frontière sino-indienne pose problème en plusieurs points, aucun point n'est plus crucial que la région du Sikkim : il s'agit du seul point de la frontière où l'Inde a l'avantage du terrain, et serait donc en mesure de lancer des offensives ou contre-offensives redoutables pour la Chine. Dans le même temps, la région ne se situe qu'à quelques dizaines de kilomètres du "Chicken's neck", le "cou de poulet" qui relie la plus grande partie du territoire indien aux provinces du Nord-Est, coincées entre la Chine, le Bangladesh et la Birmanie, et dont une partie, l'Arunachal Pradesh, est revendiqué par la Chine depuis de nombreuses décennies. Un renforcement de la puissance stratégique de la Chine dans la région non seulement affaiblirait considérablement la position stratégique générale de l'Inde en la privant d'un point fort, mais accroîtrait en outre énormément la menace chinoise sur le territoire indien, puisque si la Chine parvenait par un assaut brutal à atteindre et prendre le contrôle du "cou de poulet", les régions du Nord-Est tomberaient très facilement, avec une quasi-impossibilité pour l'Inde de les reprendre.

La région est donc stratégique dans les deux sens, défensif comme offensif, pour les deux pays.

Or, depuis plusieurs mois, et comme partout ailleurs le long de la frontière depuis plusieurs années, la Chine développe un réseau routier devant permettre d'amener facilement troupes et blindés sur la frontière. Cela provoque déjà la nervosité de l'Inde d'une manière générale, mais lorsque cela touche le Sikkim, cela tourne à la panique stratégique. Or, c'est exactement ce que fait la Chine sur le plateau du Doklam, et c'est l'origine de la crise : les Indiens ont parlé à ce sujet de "changement stratégique majeur", et sont prêts à tout pour l'éviter. C'est pourquoi ils ont envoyé des soldats pour interrompre les travaux conduits par les Chinois, en arguant notamment - je serais incapable de dire si l'argument est de bonne ou mauvaise foi - que l'endroit où la Chine construit sa route est le territoire du Bhoutan, et non de la Chine, le Bhoutan étant pratiquement un protectorat indien.

La Chine, naturellement, explique construire la route uniquement sur son propre territoire, et refuse d'entendre les craintes indiennes sur la rupture de l'équilibre stratégique. D'une manière qui rompt avec le mode habituel, depuis des décennies, de gestion des différents de frontière entre les deux pays, la Chine se montre absolument intransigeante et exige le retrait des troupes indiennes avant toute négociation. Les deux pays auraient considérablement renforcé leur dispositif militaire dans la région, portant les effectifs à environ 3000 soldats de chaque côté.

Il est peu douteux que la Chine a parfaitement conscience du caractère provoquant de la construction de cette route à usage notamment militaire, vue la situation stratégique dans la région. Et l'intransigeance chinoise, dont les médias officiels menacent de plus en plus fréquemment l'Inde de guerre, est certainement liée aux bénéfices que la Chine peut espérer tirer de cette confrontation : dans le "meilleur" des cas, l'Inde plie, retire ses troupes, et alors la Chine gagnera une position stratégique avantageuse en terminant la construction de sa route, et en accroissant son influence sur le Bhoutan, qui aura été de facto abandonné par l'Inde. La nouvelle situation stratégique, très favorable à la Chine, lui permettra alors de menacer plus facilement encore, à l'avenir, l'Inde, qui sera donc de son côté très affaiblie.

Inversement, si l'Inde refuse de se retirer, alors la Chine pourrait choisir une véritable confrontation militaire, en arguant de son bon droit -quoiqu'il soit contestable, comme toujours sur ce genre de matière - et infliger à l'Inde une correction qui, vu l'évolution de l'appareil militaire chinois, serait sans doute encore plus sévère que celle de 1962. La victoire dans une telle guerre renforcerait la situation stratégique chinoise et affaiblirait l'indienne dans un sens similaire à celui du scénario sans guerre, mais de façon encore plus appuyée. Et la Chine serait d'autant plus prompte à recourir à cette solution qu'elle peut croire à une guerre limitée, courte et victorieuse - sentiment qui est également à l'origine de nombre de guerres horribles, notamment, pour reprendre le parallèle que j'évoquais dans mon précédent billet sur la question, ainsi que dans mon dernier livre, celle déclenchée par le Japon contre la Chine en 1937. 

L'on se souviendra, notamment, que c'est également par un incident de frontière monté en épingle (et en partie monté de toutes pièces) que le Japon justifia cette nouvelle guerre - l'incident du Pont Marco Polo, et que cette entrée en guerre était la suite lointaine d'un premier conflit entre les deux puissances asiatiques en pleine modernisation, la Chine et le Japon, qui s'étaient déjà heurtées des décennies plus tôt, en 1894-1895, confrontation qui avait donné lieu à une première victoire japonaise, tout comme la confrontation de 1962 entre la Chine et l'Inde.

Je continue donc à penser, comme je le disais dans mon précédent billet, que l'Inde sera la Chine de la Chine, c'est-à-dire sera à la Chine ce que la Chine avait été au Japon durant la première moitié du XXe siècle. Et je pense que l'éclatement de ce conflit approche, et que la confrontation du Sikkim pourrait en être le point de départ, étant donné que la Chine pose des conditions de résolution qui sont pour l'heure inacceptable par l'Inde, pour les raisons stratégiques évoquées ci-dessus.

 

PS : Pour répondre à la question qui m'a été posée par mail par plusieurs lecteurs, ma récente inactivité sur mon blog est liée à une multitude de facteurs concomittants : naissance de mon premier enfant, activité professionnelle accrue, promotion de mon dernier livre, mais aussi le sentiment que j'ai pour l'heure dit l'essentiel de ce que j'avais à dire, notamment en matière de prévisions, sur ce blog et de manière plus détaillée dans mes livres, notamment le dernier. Je ne souhaite pas multiplier les redites, et attends donc que les choses avancent et que les premiers événements se réalisent avant d'envisager la suite de manière plus précise, un peu comme je le fais dans le présent billet.

Pour ce qui est du simple suivi de l'actualité sur les fronts européen et asiatique, je renvoie encore une fois les lecteurs curieux à nos pages, La guerre de Poutine et La guerre de Xi, où nous publions avec de brefs commentaires les articles de presse qui nous paraissent important, posant des jalons vers l'évolution de la situation que nous avons déjà anticipée.

Je profite enfin de ce billet pour rendre hommage à mon ami Jean-Philippe Bidault, qui nous a quittés il y a un peu plus d'un an, et avec lequel j'aurais adoré pouvoir aborder nombre de sujets d'actualité autour d'un verre.

 

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Vraiment intéressant mais petit bémol pour ma part : je ne pense pas que la croissance indienne (7.9% en décembre) et la croissance chinoise (6.5% sur l'année) puissent être une raison des tensions car la Chine cherche à stabiliser son économie, sa croissance et cela passe par une croissance durable mais moins élevée. L'Inde est dans une situation qu'a connue la Chine. 

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Le 19/07/2017 à 11:39, Jukebox a dit :

Vraiment intéressant mais petit bémol pour ma part : je ne pense pas que la croissance indienne (7.9% en décembre) et la croissance chinoise (6.5% sur l'année) puissent être une raison des tensions car la Chine cherche à stabiliser son économie, sa croissance et cela passe par une croissance durable mais moins élevée. L'Inde est dans une situation qu'a connue la Chine. 

 

Guy Sorman parle du "Lièvre et la tortue" pour décrire la Chine et  l'Inde.

 

Personnellement, je me demande bien qui sortira vainqueur d'une guerre de type indo-pakistanaise de 1999.

 

L'Inde n'a pas encore ses Rafale.

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il y a 54 minutes, Zmaj a dit :

Personnellement, je me demande bien qui sortira vainqueur d'une guerre de type indo-pakistanaise de 1999.

 

Selon le général Eric de la Maisonneuve, l'armée chinoise est "nulle". En ce sens qu'elle n'est pas aguerrie, qu'elle manque de cadres, etc. Il rappelle aussi que les dépenses militaires annuelles des U.S.A sont 7 fois plus importantes.

 

Après, contre un pays comme l'Inde, je ne sais pas.

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3 hours ago, Zmaj said:

 

 

 

Personnellement, je me demande bien qui sortira vainqueur d'une guerre de type indo-pakistanaise de 1999.

 

Celui qui lance ses nukes le premier?

 

Parce que 2 pays possédant les nukes où le nationalisme est très important, j'attends de voir celui qui va reconnaitre sa défaite sans les utiliser.

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Il y a 15 heures, Marlenus a dit :

Celui qui lance ses nukes le premier?

 

Parce que 2 pays possédant les nukes où le nationalisme est très important, j'attends de voir celui qui va reconnaitre sa défaite sans les utiliser.

 

L'Inde et le Pakistan avait fait expérience avec leurs joujou nucléaires en 1998-1999 tout en restant dans le conventionnel.

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Hmmmrf... Quel impact aurait sur l'économie chinoise (et mondiale) une guerre contre l'inde...? Au minimum assez énorme je suppose. Si la chine veut stabiliser son économie c'est peut être pas la meilleure idée...

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il y a 18 minutes, Alchimi a dit :

Hmmmrf... Quel impact aurait sur l'économie chinoise (et mondiale) une guerre contre l'inde...? Au minimum assez énorme je suppose. Si la chine veut stabiliser son économie c'est peut être pas la meilleure idée...

 

Effectivement. Les chinois ne sont pas assez bêtes pour faire ça.

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il y a 35 minutes, Wheat a dit :

 

Effectivement. Les chinois ne sont pas assez bêtes pour faire ça.

 

Juste à espérer qu'ils n'y aura pas de petit malins qui seraient capable de déclarer la guerre à l'Inde juste pour pratiquer la théorie de la vitre brisée à très grande échelle. Faire la guerre à l'Inde pour voir ses cités rasés par la bombe atomique et ensuite prendre plusieurs années pour les reconstruire.  

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il y a 2 minutes, Stephdumas a dit :

 

Juste à espérer qu'ils n'y aura pas de petit malins qui seraient capable de déclarer la guerre à l'Inde juste pour pratiquer la théorie de la vitre brisée à très grande échelle. Faire la guerre à l'Inde pour voir ses cités rasés par la bombe atomique et ensuite prendre plusieurs années pour les reconstruire.  

 

Oui enfin là c'est un peu extrême quand même comme relance keynésienne.

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il y a 11 minutes, Stephdumas a dit :

Juste à espérer qu'ils n'y aura pas de petit malins qui seraient capable de déclarer la guerre à l'Inde juste pour pratiquer la théorie de la vitre brisée à très grande échelle.

 

Le motif d'une vague d'impérialisme chinois serait à mon avis plutôt la peur de la caste communiste au pouvoir de perdre le contrôle. C'est une technique vieille comme le monde: la guerre permet au gouvernement d'étouffer les contestations en invoquant l'union nationale et le risque d'une extinction collective. Et si en plus on peut envoyer les "éléments provocateurs" en première lire, c'est parfait. Sinon, on les traitera d'éléments "anti-patriotes" et "acquis à l'étranger", et on jouera sur les instincts xénophobes pour justifier emprisonnements, déportations, assassinats de masse.

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il y a 30 minutes, Stephdumas a dit :

 

Juste à espérer qu'ils n'y aura pas de petit malins qui seraient capable de déclarer la guerre à l'Inde juste pour pratiquer la théorie de la vitre brisée à très grande échelle. Faire la guerre à l'Inde pour voir ses cités rasés par la bombe atomique et ensuite prendre plusieurs années pour les reconstruire.  

 

Je doute que beaucoup de pays soidnt assez cons pour ça. Des délires de ce genre là, on en a vu souvent théorisés par des intellectuels dans leurs cabinets, rarement dans la doctrine d'un état. 

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il y a une heure, NoName a dit :

Je doute que beaucoup de pays soidnt assez cons pour ça. Des délires de ce genre là, on en a vu souvent théorisés par des intellectuels dans leurs cabinets, rarement dans la doctrine d'un état. 

Paul Krugman, anyone ? ;)

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La guerre est une horreur, mais en même temps c'est un environnement paradisiaque pour les constructivistes.

Et ce ne sont pas les pays qui décident in fine de se faire la guerre, ce sont les gouvernements.

La guerre, c'est vraiment un apanage de l'état. (et c'est logique puisque l'état est l'implémentation absolue de la violence).

 

https://uplib.fr/wiki/Guerre

 

  • If men want to oppose war, it is *statism* that they must oppose ~ Ayn Rand, Capitalism, the Unknown Ideal p. 42
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Il y a 1 heure, NoName a dit :

 

Je doute que beaucoup de pays soidnt assez cons pour ça. Des délires de ce genre là, on en a vu souvent théorisés par des intellectuels dans leurs cabinets, rarement dans la doctrine d'un état. 

 

 Hum, disons que personne n'a envie d'être l'agresseur car c'est pas cool. Mais tous espèrent peut-être secrètement qu'un autre fasse la faute. 

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Il y a 2 heures, Vincent Andrès a dit :

Et ce ne sont pas les pays qui décident in fine de se faire la guerre, ce sont les gouvernements.

 

On pourrait presque dire que le pluriel à gouvernements est de trop, vu que, comme disait Freund, il suffit que l'ennemi vous désigne pour que vous ayez un ennemi, etc.

 

(Je dis presque, parce qu'il n'y a guerre que là où deux parties combattent ; si les uns se rendent immédiatement ou se laisse massacrer, il y a annexion ou massacres, mais non pas guerre).

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il y a une heure, Mathieu_D a dit :

Tous les voisins de la Chine réarment, même l'Australie.

 

Il y a un vrai risque d'aventures militaires.

 

 

On compare l'Asie d'aujourd'hui avec l'Europe d'il y a un peu plus d'un siècle avec la nouvelle puissance mercantiliste, continentale et hégémonique (Chine contre Allemagne hier) et l'ancienne puissance maritime rattrapée (Japon aujourd'hui et Grande-Bretagne hier).

 

A noter qu'en 1913, le PIB de l'Allemagne aurait dépassé celui de la GB.

 

Autre spécificité, le Japon était le pays haï pour son suprémacisme par ses voisins, mais la Chine commence à le supplanter.

 

Pour la Mer de Chine du Sud, on leur demande ce qu'ils veulent et les gars prennent un crayon et englobent tout ne laissant rien aux Philippins et Vietnamiens.

 

A noter qu'en plus de la Corée du Sud et du Japon, ils ont le Vietnam, l'Inde, peut-être les Philippines, Taïwan contre eux.

 

Aussi la Chine aurait "mangé son riz blanc", ils ont eu les gains de productivité faciles, maintenant ils devront passer le stade pays à revenus intermédiaires et créer des marques pour ne plus être un sous-traitant, créer un label de qualité Made in Chin, protéger leur propriété intellectuelle et passer par pertes et profits tous les investissements "Eléphants blancs" qui traînent ici et là.

 

Voir l'Inde arriérée rattraper la Chine (déjà démographiquement) petit à petit blesserait l'orgueil chinois à mon humble avis d'autant plus que la Chine va vieillir très vite à ce rythme grâce à la politique de l'enfant unique.

 

Puis bon 120 mecs pour 100 filles, il y a 20 mecs de trop.

 

Solution, tôt ou tard il faudra s'en débarrasser.

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