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Sociologie, tout n'est pas à jeter


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il y a 2 minutes, ttoinou a dit :

@poney tu fais comment pour bosser sur ce sujet à distance ? (ou alors tu vas en Afrique des fois ?)

 

J'ai passé 15 mois en Afrique de l'ouest, principalement au Bénin, ces 4 dernières années.

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31 minutes ago, poney said:

Parce que ce n'est ni une prémisse ni un a priori, je n'en avais pas conscience en commençant. Mais au bout de 6 années à labourer cette terre, j'ai fini par réaliser que ces gens, ces esclaves et leurs descendants, ont été a peu près oublié de tout le monde pour un tas de raison dont je n'ai pas encore fini la généalogie idéologique, mais qui sont très multiples voir contradictoire. 

Je te suis plus là, tu veux dire que l'expérience t'as fais changer d'avis sur ce que tu considérais comme de l'esclavagisme ? Mon interrogation de base porte sur le statut juridique de l'esclavagisme. En gros ma question serait, quelle était ta définition de l'esclavagisme avant, est-ce que ce n'était pas une prémisse ? Quelle est-elle aujourd'hui et a-t-elle évolué au contact de l'expérience et si oui quels étaient tes critères avant l'expérience pour changer d'avis ? Sinon comment aurais-tu fais pour dire ça c'est de l'esclavage, si tu n'avais pas une définition avant de commencer ?

 

Par exemple si je devais m'imaginer à ta place. Pour moi avant d'aller en Afrique, l'esclavage c'est quand un type menace, violente un autre type pour le forcer à travailler pour lui et le menace de mort s'il s'échappe. Et un système esclavagiste c'est un système qui impose la volonté de l'esclavagiste par la loi et la fait respecte par des forces de l'ordre. Les punitions encourues par les fuyards sont dissuasives. C'est clair c'est net c'est carré, je suis prêt à classer ce que je vois sur le terrain en fonction de ce critère certe strict car je ne veux pas faire de misérabilisme et j'annonce ce parti pris dans ma méthode de classement. Je prends mon chapeau d'explorateur (je sais pas si t'as des costard en lin) et zou direction Cotonou. 

 J'arrive sur place et je vois que plein de gamins font du travail domestique sans faire partie de la famille, sont mal traités, mais personne ne les menace de mort et la police ne fait rien pour imposer quoi que ce soit. Et là je me dis mais c'est bien sûr, les enfants n'ont pas besoin d'avoir peur de la mort pour se soumettre, la menace de coup et de l'abandon suffit largement à les inciter à rester malgré les abus et les brimades, il faut que je retravaille ma méthode de classement car elle est simplement incomplète, car elle ignore comment les enfant réagissent face à la peur.

 

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il y a 11 minutes, Noob a dit :

Je te suis plus là, tu veux dire que l'expérience t'as fais changer d'avis sur ce que tu considérais comme de l'esclavagisme ? Mon interrogation de base porte sur le statut juridique de l'esclavagisme. En gros ma question serait, quelle était ta définition de l'esclavagisme avant, est-ce que ce n'était pas une prémisse ? Quelle est-elle aujourd'hui et a-t-elle évolué au contact de l'expérience et si oui quels étaient tes critères avant l'expérience pour changer d'avis ? Sinon comment aurais-tu fais pour dire ça c'est de l'esclavage, si tu n'avais pas une définition avant de commencer ?

 

Sur place, il n'y a plus d'esclaves, il y a des descendants, mon boulot c'est de faire une analyse diachronique intergénérationelle. Pour avoir une opinion sur ce qu'est l'esclavage, je ne pense qu'il faille y être confronté. C'est en lisant les débats que je m'y suis forgé une opinion (c'est notamment Alain Testart qui m'a le plus convaincu). L'approche juridique est nécéssaire parce qu'elle permet de prendre en compte toutes les formes d'esclavages et d'éliminer les formes de dominations qui se ressemblent dans les faits mais pas dans le regard porté dessus. Si tu te contente de dire "vendre un humain" c'est de l'esclavage, alors le père de famille romain qui vendait son fils était esclavagiste. Or, l'esclavage existait à Rome et les pater familias n'étaient pas considérés comme des esclavagistes, pas plus que leurs enfants étaient considérés comme des esclaves. Ca veut dire que la société romaine de l'époque ne considérait pas le critère "vente" comme pertinent ou suffisant. J'ai donné l'exemple des mariages forcés, on peut en prendre d'autres. En afrique rurale, il n'existait pas de différence de conditions de vie entre un paysan pauvre et son esclave. On peut faire le lien avec l'époque médiévale : tout le travail de Marc Bloch montre qu'on était incapable de distinguer le serf du paysan libre sur base des occupations et du style de vie, d'ailleurs, les gens ne savaient plus eux meme qui était quoi parce qu'ils vivaient dans les memes conditions. Il fallait aller voir les vieux registres pour savoir (et la nouvelle une fois arrivée, soulevait des problèmes puisque souvent cétait pour payer un impot spécifique). Bref, les conditions de vie ne permettent pas de dire précisement ce qu'est un esclave. C'est pour ça que l'approche juridique est plus pertinente, parce qu'elle répond à la question du statut des individus au sein d'une société donnée et non pas leurs actes (sinon, en quoi les ouvriers des usines mal traités par les contremaitres ne sont-ils pas des esclaves ?).

 

Ce qui nous mène à : 

 

il y a 11 minutes, Noob a dit :

Par exemple si je devais m'imaginer à ta place. Pour moi avant d'aller en Afrique, l'esclavage c'est quand un type menace, violente un autre type pour le forcer à travailler pour lui et le menace de mort s'il s'échappe. Et un système esclavagiste c'est un système qui impose la volonté de l'esclavagiste par la loi et la fait respecte par des forces de l'ordre. Les punitions encourues par les fuyards sont dissuasives. C'est clair c'est net c'est carré, je suis prêt à classer ce que je vois sur le terrain en fonction de ce critère certe strict car je ne veux pas faire de misérabilisme et j'annonce ce parti pris dans ma méthode de classement. Je prends mon chapeau d'explorateur (je sais pas si t'as des costard en lin) et zou direction Cotonou. 

 J'arrive sur place et je vois que plein de gamins font du travail domestique sans faire partie de la famille, sont mal traités, mais personne ne les menace de mort et la police ne fait rien pour imposer quoi que ce soit. Et là je me dis mais c'est bien sûr, les enfants n'ont pas besoin d'avoir peur de la mort pour se soumettre, la menace de coup et de l'abandon suffit largement à les inciter à rester malgré les abus et les brimades, il faut que je retravaille ma méthode de classement car elle est simplement incomplète, car elle ignore comment les enfant réagissent face à la peur.

 

(alors pour l'anecdote, je m'habille comme les locaux, non je ne montrerai pas de photos)

 

Y a de ça (menace, contrainte) et très curieusement, il y a aussi des formes de servitudes volontaires et/ou acceptées. L'écart est grand entre l'esclave de somme qui finira par mourir probablement de fatigue et d'harassement, et l'esclave de luxe auprès du roi, qui pouvait s'enrichir et était craint de beaucoup de nobles libres.
Évidemment, la première catégorie est plus nombreuses. Et n'oublions pas les femmes qui étaient capturées, épousées et qui devenaient des "machines" à faire des enfants (des "enfants gratuits" comme j'ai pu l'entendre, parce que pas de dot à payer). Une question qui je n'ai pas fini de me poser, c'est celle des révoltes d'esclaves, elles ont existé mais n'ont jamais été étudiée dans le contexte africain (pas comme Haiti par exemple). Quand je dis rien, c'est rien. Mais par exemple, le colonialisme a totalement échouer à émanciper les esclaves, on pourrait penser que beaucoup seraient rentrer chez eux mais dans les faits, ça n'a concerné qu'un très petit nombre. ET quand tu interroges leurs descendants, la réponse est toujours la même : c'était devenu chez nous. Ca peut paraitre curieux d'avoir préféré une existence de servage sous l'époque colonialisme plutôt que rentrer d'ou on venait, mais ce fut ça. On développe vite des attaches, surtout s'il y a descendance en jeu.

 

Pourquoi ces enfants ne sont pas des esclaves pour moi ? Tout simplement parce que la pratique est illégale et non reconnue comme telle. Ce sont deux choses : l'esclavage en tant que système ne peut pas exister sans l'Etat (la théorie de Testart c'est d'ailleurs que l'esclavage est la base de la naissance de l'Etat), et l'esclavage en tant que pratique peut exister sans l'Etat, tu prends quelqu'un en douce et tu le garde chez toi, on en voit souvent dans la presse, mais ces gens seront considéré par tout le monde comme des esclaves. Or au Bénin, les gens qui considèrent les vidomégons comme des esclaves sont très rares, la plupart des gens trouvent ça normal et se lamentent des dérives, mais pas du système a proprement parler.

 

(quel HS magnifique)

 

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1 hour ago, poney said:

Je pense que la discipline la moins touchée par ce problème en sc humaine est l'histoire, parce qu'il est plus facile de collecter des faits, mais dès qu'on veut interpreter ou saisir le sens, les meme problème arrivent. D'ailleurs, c'est l'avis d'un grand sociologue come Bernard Lahire qui exhorte les sociologues à s'inspirer des méthodes plus rigoureuse des historiens.

 

Ah bon? 

L'histoire me semble pourtant la discipline la plus faible épistémologiquement (faits uniques non reproductibles, données parcellaires et irrécupérables etc...). Enfin l'herbe est souvent plus verte ailleurs.

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il y a 4 minutes, Fagotto a dit :

 

Ah bon? 

L'histoire me semble pourtant la discipline la plus faible épistémologiquement (faits uniques non reproductibles, données parcellaires et irrécupérables etc...). Enfin l'herbe est souvent plus verte ailleurs.

 

Tout le monde peut aller dans les archives pour reproduire les études sur archives, pour les données parcellaires, c'est effectivement là que l'interpretation joue.

 

Mais je connais beaucoup de sociologues qui lorgnent sur les méthodes des historiens que l'inverse est rare (quoi qu'il existe des historiens qui font des enquetes de terrain, notamment en Afrique).

 

Pour se rendre compte du phénomène, il suffit de regarder les titres.

Un historien va écrire quelque chose comme :  "La vie quotidienne dans l'Andalousie médiévale entre 1080 et 1210 selon les archives du monastère machin chose" quand un sociologue va écrire "la reproduction sociale".

 

Éventuellement sur le même sujet...

 

Tu vois rien qu'au titre quelle discipline, à mon sens, est plus solide épistémologiquement que l'autre :)

  • Yea 2
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1 minute ago, poney said:


Un historien va écrire quelque chose comme :  "La vie quotidienne dans l'Andalousie médiévale entre 1080 et 1210 selon les archives du monastère machin chose" quand un sociologue va écrire "la reproduction sociale".

 

Éventuellement sur le même sujet...

 

Tu vois rien qu'au titre quelle discipline, à mon sens, est plus solide épistémologiquement que l'autre :)

 

Non mais ça c'est un choix du chercheur, un sociologue pourrait très bien faire une simple étude détaillée en soi au même niveau que l'historien, en mieux même je pense car il aurait plus d'infos.

S'il ne le fait pas ce n'est pas un problème intrinsèque à la disciplien, mais parce que les mecs se croient investit d'une mission et d'un savoir particulier (je résume hein...), c'est leur problème pas celui de leur objet d'étude.

En y pensant celà dit c'est Paul Veyne qui disait que les sociologues ne sont que des historiens du présent (il raconte avoir envoyer un article sur le sujet à Bourdieu, qui ne lui a jamais répondu...)

 

"— Si vous avez le malheur caractériel d’être complètement seul, vous n’arrivez pas à prévoir, et vous ignorez les réactions d’autrui… En voici un exemple: un jour éclate dans ma tête, en 1969, une idée saisissante, que la sociologie est une idée confuse, parce que c’est ou bien de l’histoire contemporaine qui n’avoue pas son nom, ou bien de la théorie philosophique ou anthropologique qui s’ignore, ou bien du roman à la Jean Baudrillard et autres successeurs qui s’ignorent du satirique Juvénal… J’en fais donc un article pour Diogène, intitulé «Contestation de la sociologie». Je me dis alors que je vais envoyer ça à Bourdieu et que ça va le passionner: en tant que sociologue, il allait dévorer un tel sujet! Je l’envoie à Bourdieu, et je n’ai pas de réponse. Passeron vient ensuite me voir et me demande: «Serait-ce par naïveté que tu as envoyé un tel article à Bourdieu?» Oui, c’était par naïveté!"

 

 

 

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il y a 12 minutes, Fagotto a dit :

 

Non mais ça c'est un choix du chercheur, un sociologue pourrait très bien faire une simple étude détaillée en soi au même niveau que l'historien, en mieux même je pense car il aurait plus d'infos.

S'il ne le fait pas ce n'est pas un problème intrinsèque à la disciplien, mais parce que les mecs se croient investit d'une mission et d'un savoir particulier (je résume hein...), c'est leur problème pas celui de leur objet d'étude.

 

Oui, tu as raison, c'est pour ça que des sociologues exhortent leurs confrères à s'inspirer de l'histoire, ce n'est pas, en effet, quelque chose d'intrinsèque aux disciplines.

L'histoire à l'avantage de l'age sur la sociologie, elle a déjà fait ses maladies de jeunesse (l'histoire grandiloquante du 19ième et du récit national un peu bidon dans le sillage de l'Etat Nation, c'est un autre exemple de corruption de la science par la politique et c''était, quelque part, une malade de jeunesse de l'histoire, qui n'existe plus aujourd'hui).

 

Citation

En y pensant celà dit c'est Paul Veyne qui disait que les sociologues ne sont que des historiens du présent (il raconte avoir envoyer un article sur le sujet à Bourdieu, qui ne lui a jamais répondu...)

 

"— Si vous avez le malheur caractériel d’être complètement seul, vous n’arrivez pas à prévoir, et vous ignorez les réactions d’autrui… En voici un exemple: un jour éclate dans ma tête, en 1969, une idée saisissante, que la sociologie est une idée confuse, parce que c’est ou bien de l’histoire contemporaine qui n’avoue pas son nom, ou bien de la théorie philosophique ou anthropologique qui s’ignore, ou bien du roman à la Jean Baudrillard et autres successeurs qui s’ignorent du satirique Juvénal… J’en fais donc un article pour Diogène, intitulé «Contestation de la sociologie». Je me dis alors que je vais envoyer ça à Bourdieu et que ça va le passionner: en tant que sociologue, il allait dévorer un tel sujet! Je l’envoie à Bourdieu, et je n’ai pas de réponse. Passeron vient ensuite me voir et me demande: «Serait-ce par naïveté que tu as envoyé un tel article à Bourdieu?» Oui, c’était par naïveté!"

 

J'aime beaucoup Paul Veyne, ce n'est sans doute pas un hasard, et je ne suis pas surpris de la réponse de Bourdieu (enfin, de sa non réponse).
Je pense personnellement qu'on peut considérer que histoire et sociologie ont beaucoup en commun. Je crois qu'un des plus beaux textes de sociologie que j'ai lu est "Montaillou, village occitan". Toute la partie de Leroy Ladurie sur la transmission des textes hérétiques au sein des familles et des communautés est de la pure sociologie, et de la belle sociologie. Et quelque part, le travail de bourdieu sur les paysan ou sur le mariage kabyle n'est pas foncièrement éloigné de celui d'un historien.

 

Après, les chasses gardées...

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Il y a 4 heures, poney a dit :

c'est à dire l'idée que, armés de leur savoir, les sociologues et autres pouvaient résoudre les problèmes qu'ils analysaient : la pauvreté des classes populaire, la situation coloniale et j'en passe.

ça me fait penser au trading.

C'est une chose de détecter un biais statistique

... c'en est une toute autre d'exploiter le biais détecté.

 

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Y a de ça, mais pour autant que je puisse en juger, il y a surtout l'idée qu'une petite élite éclairée peut amener le peuple à la raison et changer le cours du monde.

Quelque part, c'est le même mécanisme qui à poussé à la colonisation et qui pousse maintenant à l'écriture inclusive.

 

J'exagère un peu et je ne dis pas que les pro inclusifs auraient été en leur temps des colons, c'est sans doute plus compliqué, mais le ressort de pensée est semblable : une élite éclairée pour guider le peuple dans le bon chemin.

 

C'est quelque chose auxquels sont imperméables les libéraux par essence, mais pas l'étatisme au sens large.

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Imperméable je ne dirais pas. Le despotisme éclairé a quelques atomes crochus avec le liberalisme (que ce soit un autocrate ou la version neo-liberale/nudge) et l'élite a un rôle à jouer. Les liberaux seront plus sceptiques sur ses capacités (à l'élite) quand les gauchistes/SJW/bonapartistes/whatever vont les prendre pour des prophètes et la parole du prophète c'est la parole de Dieu et tout ce que fait Dieu est juste et bon. Meme quand il crame des millions de gens.

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En effet

à l’instant, Fagotto a dit :

C'est d'ailleurs un reproche fait à Bourdieu par des gens (de gauche) comme Rancière ou Latour, l'élite éclairé guidant le peuple inculte (qui n'a même pas conscience de sa domination). Cela dit déjà un peu ambigüe dans le marxisme.

 

Il y a ce passage que je déteste chez Bourdieu dans le film "la sociologie est un sport de combat" ou s'adressant à une foule de jeune de cité, il leur dit "je connais mieux votre vie que vous", ou quelque chose comme ça

 

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4 hours ago, ttoinou said:

On peut plus troller tranquillement :P .

La remarque était intéressante cependant parce qu'elle illustre mon propos : la linguistique est peu idéologisée, Chomsky peut faire de la linguistique tout en étant un militant politique en gardant les deux domaines séparés. De la même manière qu'Einstein pouvait faire de la physique tout en ayant des opinions politiques à la con. Par contre dans les disciplines idéologisées c'est impossible, l'acte scientifique et l'acte politique sont confondus ("je vais étudier l'oppression patriarcale et la culture du viol lol"). Et c'est nul pour plein de raisons qu'on pourrait passer un livre entier à décliner.

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Je confirme l'exemple de Lancelot.

Les théories de Chomsky étaient/sont (?) enseignées dans les cours de base sur les grammaires/compilateurs etc en cursus informatique. C'est du boulot purement scientifique/mathématique.

 

Je suis tombé sur le cul quand j'ai appris les opinions politiques du personnage.

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Il y a 11 heures, Flashy a dit :

Mais comment faire lorsque l'objet de ton étude est, par essence (si j'ose dire) politique ?

 

Définir "politique" :D

 



(d'ailleurs j'ai commencé un ouvrage absolument génial sur le sujet:

L-eence-du-politique.jpg

)

 

Aron a pas mal écrit sur le problème de l'objectivité en sciences sociales, et fait traduire une partie de ce que Weber en disait. En gros l’objectivité totale est comme le dit @poney impossible, ne serait-ce parce que tes affinités politiques peuvent influencer, consciemment ou non, tes choix méthodologiques et partis pris théoriques (ou tout simplement limiter ce que tu trouves vraisemblables, dicibles, etc.). Mais il y a une différence entre souligner cette limite (et essayer de contrer ces effets pour viser une objectivité toujours plus grande), et nier que la science soit possible ou soutenir qu'il n'y a aucune différence entre elle et l'essai politique du premier journaleux ou militant venu.

 

Par ailleurs les infractions non-subtiles à la scientificité sont faciles à observer dès qu'un auteur emploie des jugements de valeurs / moraux. Certains vont jusqu'à le revendiquer -je ne parle pas de Lordon qui verse dans la provocation en associant en loucédé la neutralité axiologique a une norme bourgeoise, mais par exemple un historien comme Ian Kershaw écrit qu'on ne peut pas écrire sur le nazisme sans exprimer une aversion morale -ce qui en dit à mon sens plus sur lui-même que sur ce que peut ou ne peut pas la science.

 

Après je reconnais que c'est difficile de parler parler exemple d'histoire de l'art sans émettre ici ou là des appréciations esthétiques (fussent-elles dissimulées sous une supériorité "technique").

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Il y a 7 heures, poney a dit :

Un historien va écrire quelque chose comme :  "La vie quotidienne dans l'Andalousie médiévale entre 1080 et 1210 selon les archives du monastère machin chose" quand un sociologue va écrire "la reproduction sociale".

 

Tu vois rien qu'au titre quelle discipline, à mon sens, est plus solide épistémologiquement que l'autre :)

 

Perso je ne suis qu'au début de mes études d'Histoire, mais la question "que s'est-il passé ?" me semble beaucoup moins difficile que "comment la société marche ?"

 

Et en même temps je ne voudrais pas donner l'impression qu'Histoire et Sociologie sont deux sciences nettement distinctes, une explication hypothétique totale de "que s'est-il passé ?" résoudrait vraisemblablement le problème de savoir "comment la société marche ?" (même si Castoriadis ne serait pas de cet avis).

 

PS: ça fait un moment que je me dis que je devrais lire B. Lahire, il faut commencer par quoi ? ;)

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-L'homme pluriel

-Qu'est-ce que la sociologie

 

 

Pour revenir sur la distinction socio/histoire, je pense que les deux disciplines répondent à ces deux questions.

Mais différemment.

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Il y a 8 heures, poney a dit :

 

La méthodologie elle sert à dresser des barrières pour empêcher l'invasion des sentiments personnels dans le travail, mais honnêtement je ne vois pas comment elle pourrait les supprimer proprement. Comme je le disais, on a tous en tant qu'Humain une grille de lecture du monde, c'est pas un truc que tu peux laisser tomber en commençant à faire de la recherche, ça t'accompagne. On peut le maitriser mais pas l'annihiler.
Je pense que la discipline la moins touchée par ce problème en sc humaine est l'histoire, parce qu'il est plus facile de collecter des faits, mais dès qu'on veut interpreter ou saisir le sens, les meme problème arrivent. D'ailleurs, c'est l'avis d'un grand sociologue come Bernard Lahire qui exhorte les sociologues à s'inspirer des méthodes plus rigoureuse des historiens.

 

Je pense aussi que l'histoire a trois grandes chances:

- être une discipline purement empirique au sens où l'Histoire ne s'intéresse, par définition, qu'à des faits. On ne peut pas tenter de passer par la méthode hypothetico-deductive ou inductive en histoire.

- que l'Histoire en tant que discipline (je ne rangerais pas l'Histoire dans la catégorie science) c'est d'abord et avant tout une Méthode et une Méthodologie critique éprouvée et raffinée sur le long terme (je rappelle que De Ré Diplomatica date de plus de trois siècles et c'est déjà très abouti pour ce que je me souviens). C'est un domaine d'étude où ce qu'on fait (la "science") et comment on le fait (la méthode) sont fortement confondus (au passage, c'est pour ça que je pense que le terme "discipline" est vraiment le bon: parce que ça met l'accent sur une pratique rigoureuse et codifiée (et dans cette expression, chaque terme est d'égale importance et central)). 

- que l'Histoire est non-theorisable. Peu importe ce qu'on découvre en histoire, c'est toujours valable seulement et uniquement pour ce que l'on a travaillé et c'est tout. Du coup, c'est pas ce qu'il y a de plus pratique pour faire des grilles de lecture qu'on pourra utiliser politiquement ensuite. Il n'y a pas de "modèle" explicatif. Surtout qu'on a un mot magique en histoire contre ça qui s'appelle "anachronisme".

 

Tout cela (focus sur la méthode, absence de théorisation, matériel 100% empirique) fait aussi que l'Histoire, peut-être plus que d'autres disciplines, supporte souvent très bien la contradiction et, paradoxalement, elle est une discipline où on digére très bien le fait de ne pas savoir et d'en être réduit à des hypothèses plus ou moins probables.

 

Enfin voilà l'impression que j'ai, je sais pas ce que t'en penses @poney

 

 

Il y a 7 heures, Fagotto a dit :

 

Ah bon? 

L'histoire me semble pourtant la discipline la plus faible épistémologiquement (faits uniques non reproductibles, données parcellaires et irrécupérables etc...). Enfin l'herbe est souvent plus verte ailleurs.

 

Je pense que c'est la science la plus mal définie du point de vue théorie (mais on a quand même une énorme littérature épistémologique dessus, et surtout l'historiographie épistémologique,  ce qui est quand même le summum du méta quand on y pense) mais en pratique ça m'a l'air d'être une discipline très stable. 

 

Il y a 6 heures, poney a dit :

 

Oui, tu as raison, c'est pour ça que des sociologues exhortent leurs confrères à s'inspirer de l'histoire, ce n'est pas, en effet, quelque chose d'intrinsèque aux disciplines.

L'histoire à l'avantage de l'age sur la sociologie, elle a déjà fait ses maladies de jeunesse (l'histoire grandiloquante du 19ième et du récit national un peu bidon dans le sillage de l'Etat Nation, c'est un autre exemple de corruption de la science par la politique et c''était, quelque part, une malade de jeunesse de l'histoire, qui n'existe plus aujourd'hui).

Ça doit jouer pas mal mais le souci c'est de savoir quand la purge viendra. En histoire on a la chance que la discipline ait perdu ses dents de lait avant la fonctionnarisation de la profession et l'enclenchement du mode "shadock academics" où on écrit pour écrire.

  • Yea 1
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il y a 17 minutes, poney a dit :

-Qu'est-ce que la sociologie

 

Celui-là je trouve pas, tu dois confondre: https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Lahire#Publications

 

Sinon il est de gauche le Lahire (such a surprise), il donne des entretiens dans L'Humanité :D Il faudrait faire une sociologie des engagements politiques des chercheurs en sciences sociales :D

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Il y a 1 heure, Johnathan R. Razorback a dit :

Après je reconnais que c'est difficile de parler parler exemple d'histoire de l'art sans émettre ici ou là des appréciations esthétiques (fussent-elles dissimulées sous une supériorité "technique").

 

C'est pourtant possible.

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Avoir une opinion n'est pas anti scientifique.

 

Sinon Noname, je suis à peu près d'accord sauf que je considère l'histoire comme ou une science.

D'ailleurs il existe des débats théorique. La micro historia à fait débat. Pour son approche et sa théorie. Les causes de la ww1 aussi. La chute de Rome aussi. 

Pour des raisons de faits et d'approches.

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Il y a 9 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Perso je ne suis qu'au début de mes études d'Histoire, mais la question "que s'est-il passé ?" me semble beaucoup moins difficile que "comment la société marche ?"

ça me semble plutôt une apparence, due au fait que (à cause du temps passé et de la poussière) les explications, y compris les plus farfelues, sont tout bonnement plus difficiles à réfuter.

Je peux proposer comme explication de la venue de Jésus une dépose en soucoupe volante, avec qqs extraits des évangiles pour appuyer le scénario ... c'est difficile à démonter avec des arguments basés sur ce qu'on sait de l'histoire.

 

L'histoire c'est quand même largement de la rationalisation (ockhamienne) a posteriori, écrite par les vainqueurs (leurs descendants, leur tribu) et si possible en accord avec la doxa du moment.

 

Quand on voit par exemple combien de fois les interprétations scientifiques et consensuelles ont zigzagué sur les gaulois, les néanderthaliens etc, c'est juste fou.

 

 

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Il y a 17 heures, poney a dit :

(l'histoire grandiloquante du 19ième et du récit national un peu bidon dans le sillage de l'Etat Nation, c'est un autre exemple de corruption de la science par la politique et c''était, quelque part, une malade de jeunesse de l'histoire, qui n'existe plus aujourd'hui)

... ça me semble bien optimiste et plutôt démenti par les faits.

L'histoire (officielle) a systématiquement défense de contrarier la doxa du moment et même de la supporter quitte à grossir démesurément certaines périodes et en passer d'autres complètement à la trappe.

On peut prendre comme exemple l'histoire de l'esclavage. L'histoire de l'esclavage qui circule entre historiens sérieux (0.01% de la population) est peut-être sérieuse. Mais l'histoire de l'esclavage enseignée par l'EN, écrite dans les manuels scolaires et jetée en pâture à la population depuis 30 ans est juste complètement biaisée (pour se mettre en harmonie avec les considérations "morales" de l'époque).

 

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