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Contre-histoire du libéralisme (Domenico Losurdo)


Messages recommandés

Les réflexions libérales dépassent le cadre historique dans lequel elles ont été élaborées.

 

Quand la DDHC dit "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits", le fait de savoir que les femmes en étaient exclues à l'époque est un point de détail qui ne remet pas en cause la force du concept.  

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Bonjour à tous,

Je suis nouveau sur ce forum et je viens de m'inscrire en particulier pour recueillir votre avis sur un ouvrage du professeur italien Domenico Losurdo intitulé "Contre-histoire du libéralisme". Ce livre, qui ne date pas d'hier, a fait l'objet d'une recension jubilatoire dans Slate (http://m.slate.fr/story/97761/esclavagisme-racisme-massacres-autre-visage-liberalisme) il y a quelques jours. Le "pitch" est le suivant : bien que grands promoteurs de la liberté individuelle, les auteurs libéraux (on parle de Tocqueville, Locke et d'autres) ont surtout été les serviteurs d'un système politico-économique reposant sur l'esclavage, la colonisation et l'oppression des masses ; d'où leur apparente justification de ces systèmes, à rebours de leur amour de la liberté.

Cet article m'a passablement énervé notamment parce qu'il présente Tocqueville comme un parfait raciste du XIXe s., alors qu'en tant que député il s'est clairement exprimé contre l'esclavage des Noirs (rapport sur l'abolition présenté en 1839).

Bref, votre avis sur la question m'intéresserait beaucoup ! Merci d'avance,

Clerkenwell

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C'est un authentique stalinien. Je veux dire, quand il a présenté son livre sur France Culture, les auditeurs commentant l'émission lui ont reproché de ne pas être honnête et d'être trop à gauche (et pour être trop à gauche pour France Culture, il faut vraiment se lever de bonne heure).

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Je reposte les messages du topic "Arte : Capitalisme".
 

Bien sur, mais si on ne réécrit pas l'histoire, on comprend que l'esclavagisme précède le libéralisme et que c'est le second qui a fait disparaître le premier. Si Locke n'avait écrit que sur l'esclavage, il ne serait évidemment pas resté dans les mémoires. Ça aurait été un bouquin parmi tant d'autres sur pourquoi on peut esclavager.

 

C'est vrai. Cependant, on ne retiens généralement pas de Locke la défense de l'esclavage qui était du business as usual mais ce qui a été au contraire en rupture. Si Locke n'avait été QUE esclavagiste, ce serait sûrement un inconnu. De toute façon, même au LvMI, je n'ai jamais vu de libéraux accepter l'ensemble des textes comme des évangiles. D'ailleurs, on parle bien de libéralisme, pas de Lockeisme (alors qu'on parle par exemple de marxisme ou gramcisme).


C'est aussi qu'on poste une projection contemporaine du libéralisme sur un truc alors en pleine construction. Je bosse en ce moment sur le libéralisme français du XIX, et à l'époque les libéraux étaient largement partisan d'une école publique généralisée et du monopole universitaire, ce qui est bizarre vis à vis d'aujourd'hui. Et c'est d'ailleurs pour ça que des gars comme ferry peuvent être qualifié de libéraux.


On peut donc être libéral et se tromper sans pour autant que cela remette en cause toute la pensée libérale. Curieusement, certains socialistes convoquent de nos jours Adam Smith pour dire des choses tels que : "Il défendait l'État." On a par exemple publié un livre intitulé Vive l'État et signé du nom d'Adam Smith, qui est une sélection d'extraits où Smith attribue un rôle à l'État. L'idée étant d'opposer le libéralisme du XVIIIe siècle à celui d'aujourd'hui. Or Adam Smith était un libéral qui a apporté des choses à ce courant de pensée, mais a aussi fait des erreurs (que n'avait d'ailleurs pas fait certains libéraux qui l'ont précédés tels que Turgot ou Condillac) que d'autres libéraux après lui ont corrigés. L'argument d'autorité ne suffit pas : Adam Smith (ou Montesquieu, ou n'importe qui) peuvent bien avoir dit ceci ou cela, la question est de savoir si les idées sont bonnes ou pas, s'il faut les corriger ou les conserver. D'ailleurs les libéraux ne se sont pas privés de se critiquer : Bastiat par exemple, n'a pas de mots assez durs envers certaines idées de Montesquieu, tout en reconnaissant que c'est un grand penseur. Rothbard critiquait Hayek sur certains points, Hayek critiquait Friedman, etc, etc.

Mais en filigrane, quand on renvoie à ce qu'aurait dit Smith ou Montesquieu sur tel point, il y a cette idée que le libéralisme pourrait se réduire à un seul penseur qui aurait tout dit, tout expliqué et qu'il ne resterait plus qu'à suivre à la lettre, comme on continue encore à le faire avec Marx. Il faudrait pour ça imaginer effectivement des hommes qui ne se trompent jamais en aucun point. Chercher l'individu qui détient la théorie définitive qui explique tout et qui résout tout me semble aussi stérile que de chercher la pierre philosophale. Pourtant quand on cherche sincèrement la vérité, une telle espérance se comprend. On poursuis le phoénix, la théorie parfaite, et à la première théorie qui nous paraît avoir tout expliqué, on s'y soumet. C'est ce que Revel appelait le "besoin d'idéologie", qui nous soulage de l'exercice de la pensée (il n'y a qu'à suivre le maître).

Pour jeter le discrédit sur le libéralisme, un antilibéral pourrait souligner le fait que dans sa Lettre sur la tolérance, Locke accepte l'interdiction de l'athéisme. Alors, Locke (et par suite le libéralisme) inquisiteur ? Ce serait oublier le fait que ce texte sur la liberté de conscience constitue dans l'ensemble un progrès décisif dans un cadre historique donné.

(...)

"Il n'y a rien dans les principes du libéralisme qui permette d'en faire un dogme immuable ; il n'y a pas de règles stables, fixées une fois pour toutes. Il y a un principe fondamental : à savoir que dans la conduite de nos affaires nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées, et recourir le moins possible à la coercition."
Hayek

La pensée libérale ne se réduit pas un penseur en particulier qui aurait tout dit une fois pour toute. Le libéralisme ne se réduit ni à Locke, ni à Montesquieu, ni à Smith, ni à Bastiat, ni à Mises, ni à Milton Friedman, ni à Revel, ni à Rothbard, ni à Aron, ni à Rand, ni à Tocqueville, ni à...et encore moins à tel ou tel sympathisant. La pensée libérale c'est tout cela à la fois, et ce sera d'autres penseurs dans l'avenir. Le libéralisme n'est pas un dogme figé (même si évidemment chacun défend sa chapelle et cela se comprend), c'est un groupement de théories qui peuvent comporter des différences, mais qui avaient toutes pour point commun : la limite, autant que possible, du pouvoir de l'État.

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On a déjà évoqué ce livre à plusieurs reprises sur ce forum, pourquoi est-ce qu'on en reparle maintenant ? Ou plutôt pourquoi est-ce que Slate fait maintenant un article sur cet ouvrage ?

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Merci Corned beef pour ces passages éclairants.

C'est vrai qu'on assiste à un exercice assez classique de "reductio ad racistum". Comme si la coïncidence chronologique (ou chez un même auteur) de deux thèses était une preuve suffisante de leur cohérence et de leur nécessité mutuelle...

@h16 : "Lobsurdo", c'est beau !

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Si cela n'a aucun sens d'affirmer qu'un philosophe qui aujourd'hui se dirait aristotélicien serait nécessairement pro-esclavage, alors cela a encore moins de sens d'accuser le libéralisme d'être pour l'esclavage et la colonisation.

 

Pour que la thèse de Lobsurdo ait un sens, il faudrait :
 
  1. Que les libéraux contemporains soient par exemple favorables à l'esclavage comme l'était Locke ou à la colonisation comme l'était Tocqueville.
  2. Qu'il n'y ait aucun penseur libéral majeur qui, historiquement, n'ait été opposé au racisme, à l'esclavage et à la colonisation.
  3. Qu'il n'y ait aucun penseur socialiste qui, historiquement, ait été favorable au racisme, à l'esclavage ou à la colonisation.

Je vous laisse répondre à ces 3 questions.

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@gio : Effectivement le bouquin a déjà dû susciter ce genre de discussion ici. Mais j'ignore complètement pourquoi Slate a décidé de publier un article à ce sujet...

Parce que c'est un journal de merde,

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On a déjà évoqué ce livre à plusieurs reprises sur ce forum, pourquoi est-ce qu'on en reparle maintenant ? Ou plutôt pourquoi est-ce que Slate fait maintenant un article sur cet ouvrage ?

 

Beaucoup d'articles publiés dans les journaux procèdent d'une initiative individuelle, pas d'une commande hiérarchique. C'est peut-être entièrement fortuit. Le journaliste est tombé sur le bouquin, il l'a lu en le trouvant politiquement incorrect, il a proposé un article à son rédacteur en chef qui l'a validé.

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Bin oui mais c'est pas d'actualité.

Mais je crois que la réponse, c'est que c'est à cause de l'émission de France Culture d'il y a quelques semaines, ils font un cycle sur le libéralisme et ils ont commencés par ça. (J'ai pas encore écouté la 2e émission, apparemment c'est sur les "nouveaux économistes" comme on les appelait dans les années 70-80 : Pascal Salin, Henri Lepage, Jacques Garello, Florin Aftalion...)

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Si Locke n'est pas libéral, alors qui est le premier libéral ? Rothbard ?

 

Lao Tseu bien entendu. Rothbard fait le tour des "libéraux" et des "socialistes" dans son histoire de la pensée.

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C'est tout a fait étonnant de , comme Locke, baser sa philosophie politique sur la propriété de soi même et de commercer des esclaves. Je me demande si a l'époque les préjugés racistes n'étaient pas validés par l'église.

Dès fois je me demande ce qui dans le comportement d'un libéral d'aujourd'hui pourrait choquer les libéraux de demain.

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C'est tout a fait étonnant de , comme Locke, baser sa philosophie politique sur la propriété de soi même et de commercer des esclaves. Je me demande si a l'époque les préjugés racistes n'étaient pas validés par l'église.

Dès fois je me demande ce qui dans le comportement d'un libéral d'aujourd'hui pourrait choquer les libéraux de demain.

L'antispecisme ? Sinon je ne suis pas sur que Locke soit un des tenants de la propriété de soi.

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Sinon je ne suis pas sur que Locke soit un des tenants de la propriété de soi.

Si, précisément. Dans ses Two Treatises, on trouve notamment "every man has a Property in his own Person" comme formule centrale.
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C'est un authentique stalinien. Je veux dire, quand il a présenté son livre sur France Culture, les auditeurs commentant l'émission lui ont reproché de ne pas être honnête et d'être trop à gauche (et pour être trop à gauche pour France Culture, il faut vraiment se lever de bonne heure).

 

Ou bien s'appeler Brice Couturier.

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