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Hayek était-il utilitariste ?


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Evidemment, la liberté est la valeur centrale du libéralisme, je ne pense pas que je t'apprenne quelque chose ?

Je n'ai pas parlé de valeur centrale, mais de valeur ultime. Bien des libéraux ne considèrent pas que la liberté est la valeur ultime. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas de Mises par exemple, en tout cas ce n'était certainement pas le cas d'Ayn Rand, ni de Bastiat qui écrivait : « il serait puéril d'adhérer à la liberté, non parce qu'elle est la vraie condition de l'ordre et du bonheur social, mais par un platonique amour pour la liberté elle-même, abstraction faite des résultats qu'il est dans sa nature de produire ». Approuves-tu cette phrase ? (Et penses-tu que c'était ce que croyait aussi Hayek ?)

 

C'est hors sujet cela dit, Hayek n'est pas utilitariste ou bien c'est à toi de démontrer le contraire.

Je ne défends pas cette opinion, je pose des questions pour essayer de savoir si c'était le cas. On ne peut pas décréter autoritairement que c'est comme ça et qu'il ne faut pas chercher à comprendre.

 

L'adéquation entre le but visé et le but atteint.

Pourquoi il est bon que les individus atteignent leurs buts ? Ou pourquoi les individus ont-ils des buts ?

 

On peut le fonder sur les deux.

Mais la question est : Hayek était-il utilitariste ?

 

Si on a une approche utilitariste oui.

Tu as dit que la vertu de l'ordre spontané était de ne pas sacrifier un bien certain pour un hypothétique mieux. Si le "bien" est le bonheur des individus (Est-ce le cas ?) le but ultime est toujours l'optimisation du bonheur, non ?

  • Yea 1
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De toute façon J'ai tendance à penser que cette question utilitariste ou non est stupide passé un certain point, ça finit par être une question à la "ou commence le cercle"

  • Yea 1
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La phrase de Bastiat est simplement du bon sens, on ne peut pas adhérer raisonnablement à une valeur ou un principe indépendamment des effets de l'application de cette valeur / principe (désolé pour POE).

 

Puisque toute cause englobe ses effets, c'est bien l'observation des conséquences qui nous dit ce qu'était le principe posé au départ.

  • Yea 1
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...

Je ne défends pas cette opinion, je pose des questions pour essayer de savoir si c'était le cas. On ne peut pas décréter autoritairement que c'est comme ça et qu'il ne faut pas chercher à comprendre.

...

Je ne décrète rien de tel, je n'ai pas l'autorité pour le faire, mais du peu de connaissances que j'ai, Hayek n'est pas classé avec les libéraux utilitaristes, et lui même ne me semble pas s'être réclamé d'eux. Donc, si tu dis qu'Hayek est utilitariste, c'est à toi de le démontrer.

  • Yea 1
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Je n'ai pas parlé de valeur centrale, mais de valeur ultime. Bien des libéraux ne considèrent pas que la liberté est la valeur ultime. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas de Mises par exemple, en tout cas ce n'était certainement pas le cas d'Ayn Rand, ni de Bastiat qui écrivait : « il serait puéril d'adhérer à la liberté, non parce qu'elle est la vraie condition de l'ordre et du bonheur social, mais par un platonique amour pour la liberté elle-même, abstraction faite des résultats qu'il est dans sa nature de produire ». Approuves-tu cette phrase ? (Et penses-tu que c'était ce que croyait aussi Hayek ?)

 

Très bien, dans ce cas, pour Mises, pour Bastiat, pour Ayn Rand, quelle était la valeur ultime ?

  • Yea 1
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Je ne décrète rien de tel, je n'ai pas l'autorité pour le faire, mais du peu de connaissances que j'ai, Hayek n'est pas classé avec les libéraux utilitaristes, et lui même ne me semble pas s'être réclamé d'eux. Donc, si tu dis qu'Hayek est utilitariste, c'est à toi de le démontrer.

Bis repetita : je ne dis pas qu'Hayek est utilitariste, je pose des questions pour comprendre. Je n'ai rien à démontrer, je n'ai aucune position, j'essaye de savoir et de comprendre. Tu dis qu'il n'est pas classé avec les utilitaristes, or cela n'est pas toujours vrai. Dans "Les grands courants du libéralisme", Alain Laurent classe Hayek parmi les utilitaristes avec Smith et Mises. Il a peut-être tort, mais pourquoi le fait-il ? (Un accès de folie ?) Il y a bien une raison, même erronée.

 

Très bien, dans ce cas, pour Mises, pour Bastiat, pour Ayn Rand, quelle était la valeur ultime ?

Je ne vois pas l'intérêt de la question, le topic étant sur Hayek. Pour Rand la valeur ultime est l'accomplissement de son propre bonheur, pour Bastiat c'est le bonheur, et pour Mises je ne sais pas exactement, il faudrait que je recherche mais comme il était utilitariste (pour lui il n'y a pas le moindre doute) ça doit être aussi quelque chose comme ça.

 

Tant de posts parce que Gio confond utilitarisme et conséquentialisme... :(

Pas du tout. Néanmoins l'utilitarisme est une forme de conséquentialisme. C'est ce que dit Wikipedia en tout cas, et je l'ai toujours compris ainsi.

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Pas du tout. Néanmoins l'utilitarisme est une forme de conséquentialisme. C'est ce que dit Wikipedia en tout cas, et je l'ai toujours compris ainsi.

C'est vrai, une forme très particulière de conséquentialisme. Si Hayek est peut-être conséquentialiste (c'est sujet à débat), il n'est en rien utilitariste, parce qu'il ne partage en rien les prémices bien particulières des utilitaristes vet qui les distinguent des autres conséquentialistes.
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il n'est en rien utilitariste, parce qu'il ne partage en rien les prémices bien particulières des utilitaristes

Quelles sont ces prémisses ?

 

Tant de posts parce que Gio confond utilitarisme et conséquentialisme... :(

Et j'ajoute que je crois que certains confondent utilitarisme avec interventionnisme, auquel cas comment Mises pourrait être utilitariste ? (Et il l'est.)
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Quelles sont ces prémisses ?

Il existe une quantité appelée utilité.

Cette quantité mesure le bonheur humain ; et le bonheur n'est autre que le bien-être.

Cette quantité est mesurable de manière cardinale (et non seulement ordinale).

Cette quantité est agrégeable entre les différents individus d'un groupe ou d'une société.

Cette quantité doit être maximisée, et elle est la seule à devoir être maximisée.

Enfin, en gros.

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Cette quantité est mesurable de manière cardinale (et non seulement ordinale).

 

C'est quand même un objet de débat chez les utilitaristes qui est pertinent pour comprendre la position de Mises par rapport à l'arithmétique en sciences économiques... mais bon, c'est vrai que pour faire la plupart des trucs que les utilitaristes font en pratique, par exemple en science de la décision il faut la cardinalité.

 

Par ailleurs il me semblait que sur le non-utilitarisme de Hayek on avait plus ou moins atteint un accord

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Il existe une quantité appelée utilité.

Cette quantité mesure le bonheur humain ; et le bonheur n'est autre que le bien-être.

Cette quantité est mesurable de manière cardinale (et non seulement ordinale).

Cette quantité est agrégeable entre les différents individus d'un groupe ou d'une société.

Cette quantité doit être maximisée, et elle est la seule à devoir être maximisée.

Enfin, en gros.

Est-ce que cela correspond à ce que pense Ludwig von Mises ?
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Franchement je pense pas. Mais si je peux te donner un conseil gio, auquel je pense en te voyant dire "il est utilitariste" : ne te fixe pas trop sur les termes, il est rare, même dans une littérature donnée, qu'un terme reflète vraiment une seule définition.

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Quelles sont ces prémisses ?

 

Et j'ajoute que je crois que certains confondent utilitarisme avec interventionnisme, auquel cas comment Mises pourrait être utilitariste ? (Et il l'est.)

 

Mises utilitariste ? Il faut poser la question mais je crois clairement que non. 

La théorie la valeur subjective marginale n'a rien d'utilitariste, et il n'y a pas bien être global à viser. 

C'est la notion de l'utilité "subjective" liée comme je l'ai déjà fait remarquer, à la liberté du choix individuel,

qui n'est pas conséquentialiste. Elle décide subjectivement de la valeur (or contre fer) sans optimiser globalement.

Mises va même jusqu'à réfuter Mill ! 

Mises refuse la valeur objective, bref, je ne vois pas du tout comment vous pouvez le dire utilitariste. 

Je maintiens donc, à moins que vous ne m'expliquiez pourquoi ce n'est pas le cas (et par écrit, plutôt que par vidéo),

que l'utilitarisme est "interventionniste" au moins dans un certain sens, car il référence un bien global. 

  • Nay 1
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L'utilitarisme limité à la définition Rinceventienne est en effet très loin du libéralisme (et de Hayek et Mises), et tout blotti au chaud avec le communisme traditionnel.

 

La limite n'est effectivement pas entre utilitariste et déontologiste, mais entre ceux qui additionnent des choux et des carottes et ceux qui refusent le raccourci mental de ramener un vecteur fluctuant et éparse de préférences marginales, dont la mesure est littéralement impossible (la vitesse de fluctuation des éléments étant plus rapide que la vitesse de mesure expérimentale d'un seul élément) à un simple groupe ayant des proprietés d'additivité et d'ordre total.

 

Hayek est-il utilitariste ? Je n'en sais rien, il utilise une argumentation conséquencialiste donc on peut défendre ce point de vue, mais d'un autre coté, il est bien conscient des limites théoriques de l'utilitarisme et le rejette explicitement pour les raisons sus-citées.

 

Hayek adore dire qu'il est ce qu'il n'est pas et vice-et versa, parce qu'il ne se positionne pas dans l'absolu de l'histoire, mais dans le contexte politique de son époque.

 

Ses déclarations sont à contextualiser historiquement, que ça soit son utilitarisme ou son "non conservatisme", il faut l'étudier dans son époque, dans la façon de penser de son époque, qui était de fait bien plus idéaliste et constructiviste que la notre et ou ses adversaires comme la plupart de ses lecteurs avaient l'utilitarisme comme base de pensée.

 

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Tu as lu L'Action Humaine ?

 

Wertfrei qu'il te dit :devil:

 

De fait, Human Action est à 90% wertfrei et a 10% politique et clairement pas wertfrei du tout, mais que veut tu, des fois les gens, faut leur expliquer les choses dans des termes qui sont à leur portée :P

 

Encore une fois, il faut se replacer dans l'ambiance idéologique de l'époque, l'utilitarisme coulait de source, c'était la doxa universelle commune à tous les politiques, et Mises comme Hayek ont beau s'en défendre, ils s'adressent avant tout à des animaux politiques, pas à des économistes détachés des contingences de la politique et vivant dans une tour d'ivoire wertfrei illusoire, dans la caverne, il ne faut jamais oublier que tout le monde est dedans, y'en a qui sont un peu moins aveugles que d'autres, mais personne n'est illuminé.

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Mises est conséquentialiste mais sans doute pas utilitariste. Il critique sèchement Mill et nulle part ne parle de la « maximisation de l’utilité » comme quelque chose de souhaitable. Ou alors ça recoupe sa définition de l’action, et par conséquent cela n’a aucune importance politique :

« L'activité rationnelle, et par suite la seule susceptible d'une étude rationnelle, ne connaît qu'un seul but : le plaisir le plus parfait de l'individu agissant, qui veut atteindre le plaisir et éviter la peine. »

« Étant donné que l'action n'a pas en soi sa propre fin, qu'elle est bien plutôt un moyen au service de fins déterminées, on ne peut porter sur elle un jugement de valeur, la considérer comme bonne ou mauvaise que par rapport à ses conséquences. L'action est jugée en fonction de la place qu'elle occupe dans le système des causes et des effets. »

« La philosophie a longtemps discuté au sujet de la nature du bien suprême. La philosophie moderne a tranché ce débat. L'eudémonisme est aujourd'hui hors de contestation. Tous les arguments que les philosophes ont pu produire contre lui, de Kant à Hegel, n'ont pas réussi à séparer à la longue les concepts de moralité et de bonheur. »
-Ludwig von Mises, Le Socialisme.

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L'idée que le ressort de l'activité humaine est toujours quelque gêne, que son but est toujours d'écarter cette gêne autant qu'il est possible, autrement dit de faire en sorte que l'homme agissant s'en trouve plus heureux, telle est l'essence des doctrines de l'eudémonisme et de l'hédonisme. L'ataraxie épicurienne est cet état de parfait bonheur et contentement auquel toute activité humaine tend sans jamais l'atteindre entièrement. En regard de l'ampleur extrême de cette notion, il importe assez peu que nombre de représentants de cette philosophie aient méconnu le caractère purement formel des notions de douleur et de plaisir, et leur aient donné un sens matériel et charnel. Les écoles théologiques, mystiques et autres fondées sur une éthique hétéronome n'ont pas ébranlé le fondement essentiel de l'épicurisme, car elles n'ont pu lui opposer d'autre objection que d'avoir négligé les plaisirs dits « plus élevés » et « plus nobles ». Il est vrai que les écrits de beaucoup de champions antérieurs de l'eudémonisme, de l'hédonisme et de l'utilitarisme prêtent le flanc à de fausses interprétations sur quelques points. Mais le langage des philosophes modernes, et plus encore celui des économistes modernes, est si précis et si explicite qu'aucune méprise ne peut se produire.

[...]

L'on n'accroît pas l'intelligibilité des problèmes fondamentaux de l'action humaine par les méthodes de la sociologie des instincts. Cette école classifie les divers objectifs concrets de l'activité humaine et assigne pour mobile à chacune de ces classes un instinct particulier. L'homme apparaît comme un être poussé par divers instincts et dispositions innés. Il est supposé acquis que cette explication démolit une fois pour toutes les odieuses doctrines de l'économie et de l'éthique utilitariste. Néanmoins Feuerbach a déjà noté justement que tout instinct est un instinct de bonheur. La méthode de la psychologie des instincts et de la sociologie des instincts consiste en une classification arbitraire des buts immédiats de l'action, chacun se trouvant hypostasié. Alors que la praxéologie dit que le but d'une action est d'écarter une certaine gêne, la psychologie des instincts dit que c'est la satisfaction d'une exigence instinctive.

[...]

En ce sens, nous parlons du subjectivisme de la science générale de l'activité humaine. Elle prend pour données les fins ultimes choisies par l'homme agissant, elle est entièrement neutre à leur égard, elle s'abstient de porter aucun jugement de valeur. Le seul critère qu'elle applique est de savoir si oui ou non les moyens adoptés sont propres à conduire aux fins visées. Si l'eudémonisme dit bonheur, si l'utilitarisme et l'économie parlent d'utilité, nous devons entendre ces termes d'une façon subjectiviste, c'est-à-dire comme cela que vise l'homme agissant parce qu'à ses yeux cela est désirable. C'est dans ce formalisme que consiste le progrès du sens moderne de l'eudémonisme, de l'hédonisme et de l'utilitarisme, par opposition à leur signification matérielle antérieure ; et de même le progrès de la théorie subjectiviste moderne de la valeur, par opposition à la théorie objectiviste de la valeur telle que l'exposa la théorie classique de l'économie politique.

[...]

En développant sa doctrine de l'idéologie, Marx vise exclusivement l'économie et la philosophie sociale de l'utilitarisme. Sa seule intention était de détruire la réputation d'enseignements économiques qu'il était impuissant à réfuter par la voie de la logique et du raisonnement systématique.

[...]

Le rôle historique de la théorie de la division du travail telle que l'élabora l'économie politique en Grande-Bretagne depuis Hume jusqu'à Ricardo consista à démolir complètement toutes les doctrines métaphysiques concernant l'origine et le mécanisme de la coopération sociale. Elle réalisa la complète émancipation spirituelle, morale et intellectuelle de l'humanité amorcée par la philosophie épicurienne. Elle substitua une moralité rationnelle autonome à l'éthique hétéronome et intuitionniste des temps anciens. Le droit et la légalité, le code moral et les institutions sociales ne sont plus désormais révérés comme d'insondables décrets du Ciel. Leur origine est humaine, et le seul critère qu'il faille leur appliquer est celui de leur adéquation au meilleur bien-être humain. L'économiste utilitariste ne dit pas : Fiat justitia, pereat mundus. Il dit : Fiat justitia, ne pereat mundus. Il ne demande pas à l'homme de renoncer à son bien-être au profit de la société. Il lui recommande de reconnaître ce que sont ses intérêts bien compris. A ses yeux la magnificence de Dieu ne se manifeste pas par des interventions affairées dans les occupations diverses des princes et politiciens, mais en ce qu'il dote ses créatures de raison et d'impulsion à la poursuite du bonheur.

[...]

Le problème essentiel de toutes les variantes de philosophie sociale universaliste, collectiviste et holistique, réside en ceci : A quel signe reconnaîtrai-je le vrai Droit, l'authentique messager de la parole de Dieu, et l'autorité légitime ? Car beaucoup prétendent que la Providence les a envoyés, mais chacun de ces prophètes prêche un autre évangile. Pour le fidèle croyant il ne peut y avoir aucun doute ; il est pleinement confiant d'avoir épousé la seule vraie doctrine. Mais c'est précisément la fermeté de telles convictions qui rend les antagonismes insolubles. Chaque parti est résolu à faire prévaloir ses propres conceptions. Mais comme l'argumentation logique ne peut décider entre diverses croyances opposées, il ne reste pour régler de telles disputes que le conflit armé. Les doctrines sociales non rationalistes non utilitaristes et non libérales doivent engendrer conflits armés et guerres civiles jusqu'à ce que l'un des adversaires soit anéanti ou soumis. L'histoire des grandes religions mondiales est un répertoire de batailles et de guerres, comme l'histoire contemporaine des pseudo-religions que sont le socialisme, la statolâtrie et le nationalisme.

[...]

Maints économistes, parmi lesquels Adam Smith et Bastiat, croyaient en Dieu. En conséquence, ils admirèrent dans les faits qu'ils avaient découverts le soin providentiel du « Grand Directeur de la Nature ». Les critiques athées leur reprochent cette attitude. Mais ces critiques ne se rendent pas compte que se moquer de la référence à la « main invisible » n'affaiblit nullement les enseignements essentiels de la philosophie sociale rationaliste et utilitariste. Il faut comprendre que l'alternative est celle-ci : ou bien l'association est un processus humain parce qu'elle sert le mieux les buts des individus concernés, et que les individus eux-mêmes sont capables de voir les avantages qu'ils tirent de leur consentement aux règles de vie qu'implique la coopération sociale. Ou bien un être supérieur enjoint aux hommes rétifs de se soumettre à la loi et aux autorités sociales. Il importe peu que cet être suprême soit appelé Dieu, l'Esprit du Monde, la Destinée, Wotan ou les Forces productives matérielles ; et peu importe le titre que l'on confère à ses porte-parole, les dictateurs.

[...]

L'idée de tolérance envers les vues divergentes d'autrui ne pouvait prendre racine qu'à partir du moment où les doctrines libérales eurent brisé le maléfice de l'universalisme. Sous l'éclairage de la philosophie utilitariste, la société et l'État n'apparaissent plus comme des institutions pour le maintien d'un ordre du monde qui, pour des considérations cachées à l'esprit des hommes, plait à la Divinité bien qu'il heurte manifestement les intérêts temporels de beaucoup, voire de l'immense majorité des vivants d'aujourd'hui.

[...]

La doctrine sociale libérale, fondée sur les enseignements de l'éthique utilitariste et de l'économie, voit le problème de la relation entre gouvernement et gouvernés sous un angle qui n'est pas celui de l'universalisme et du collectivisme.

[...]

Il est courant de qualifier ces préoccupations de matérialistes, d'accuser le libéralisme d'un prétendu matérialisme grossier négligeant les aspirations « plus élevées » et « plus nobles » de l'humanité. L'homme ne vit pas seulement de pain, disent les critiques ; et ils blâment la médiocrité et le méprisable terre à terre de la philosophie utilitariste. Mais ces diatribes passionnées portent à faux, parce qu'elles déforment gravement les thèses du libéralisme.

[...]

Mais les thèses de la philosophie utilitariste et de l'économie classique n'ont absolument rien à voir avec la doctrine du droit naturel. Pour elles le seul point qui compte est l'utilité sociale. Elles recommandent un gouvernement populaire, la propriété privée, la tolérance et la liberté non parce que cela est naturel et juste, mais parce que cela est bénéfique. Le cœur de la philosophie de Ricardo est la démonstration que la coopération sociale et la division du travail entre d'une part les hommes qui sont à tous égards plus doués et efficaces, et d'autre part les hommes qui sont à tous égards moins doués et efficaces profitent à la fois à l'un et l'autre groupe. Bentham, l'extrémiste, clamait : « Droits naturels, c'est un non-sens pur et simple ; droits naturels et imprescriptibles, un non-sens rhétorique ». Pour lui, « le seul objet du gouvernement devrait être le plus grand bonheur du plus grand nombre possible de membres de la communauté ». En conséquence, en explorant ce qui doit être de droit, il ne se soucie pas d'idées préconçues concernant les plans et intentions de Dieu ou de la nature, pour toujours cachés aux hommes mortels ; il s'efforce de découvrir ce qui sert le mieux le développement du bien-être et du bonheur humains. Malthus montra que la nature, en limitant les moyens d'existence, n'accorde pas à quelque être vivant que ce soit un droit d'exister, et qu'en suivant aveuglément l'impulsion naturelle à proliférer, l'homme ne se serait jamais hissé au-dessus du niveau de famine. Il affermait que la civilisation humaine et le bien-être ne pouvaient se développer que dans la mesure où l'homme apprenait à juguler ses appétits sexuels par la maîtrise morale. Les utilitaristes ne combattent pas le gouvernement arbitraire et les privilèges parce qu'ils sont contraires à la loi naturelle mais parce qu'ils sont nuisibles à la prospérité. Ils recommandent l'égalité devant la loi civile, non parce que les hommes sont égaux, mais parce qu'une telle politique est avantageuse pour le bien commun. En rejetant les notions illusoires de loi naturelle et d'égalité humaine, la biologie moderne n'a fait que répéter ce que les chefs de file utilitaristes du libéralisme et de la démocratie avaient enseigné d'une manière beaucoup plus persuasive. Il est évident qu'aucune doctrine biologique ne saurait jamais invalider ce que la philosophie utilitariste dit au sujet de l'utilité sociale du gouvernement démocratique, de la propriété privée, de la liberté, et de l'égalité devant la loi.

[...]

La prépondérance actuelle de doctrines approuvant la désintégration sociale et les conflits de violence n'est pas le résultat d'une prétendue adaptation de la philosophie sociale aux acquisitions de la biologie, mais du rejet presque universel de la philosophie utilitariste et de la théorie économique.

[...]

La philosophie libérale attaquait le système traditionnel des castes parce que son maintien était incompatible avec le fonctionnement de l'économie de marché. Elle prônait l'abolition des privilèges parce qu'elle souhaitait lâcher la bride aux hommes qui avaient le talent de produire au meilleur compte possible la plus grande abondance de produits de la meilleure qualité. Dans cet aspect négatif de leur programme, les utilitaristes et les économistes se trouvaient d'accord avec les idées de ceux qui attaquaient les statuts et privilèges au nom d'un prétendu droit naturel et de la théorie de l'égalité de tous les hommes. Ces deux groupes étaient unanimes pour soutenir le principe de l'égalité de tous devant la loi. Mais cette unanimité n'extirpait pas l'opposition fondamentale entre les deux courants de pensée.

[...]

Les philosophes du XVIIIe siècle auxquels les idées utilitaristes étaient étrangères pouvaient encore parler d'une supériorité de la Chine ou de l'Islam quant à la situation sociale. A vrai dire, ils savaient très peu de choses sur la structure sociale du monde oriental. Ce qu'ils trouvaient digne de louange dans les vagues informations dont ils disposaient, c'était l'absence d'aristocratie héréditaire et de grands domaines ruraux. Dans leur imagination, ces peuples avaient mieux réussi à établir l'égalité que leur propre nation.

[...]

Sous un certain angle du moins, les actuels propagandistes de l'État-Providence marquent un progrès par rapport aux courants plus anciens de socialistes et de réformistes. Ils ne mettent plus l'accent sur un concept de justice sociale, avec les exigences duquel les hommes devraient s'accommoder, si désastreuses qu'en puissent être les conséquences. Ils se rallient au point de vue utilitariste. Ils ne s'opposent pas au principe selon lequel le seul critère pour apprécier les systèmes sociaux est leur aptitude à atteindre les objectifs que se proposent les hommes lorsqu'ils agissent.

[...]

Les objections que l'on a coutume d'opposer au rationalisme des économistes classiques et des penseurs utilitaristes sont sans force.

[...]

C'est contre cette substitution d'une éthique autonome, rationaliste et volontariste, aux doctrines hétéronomes tant de l'intuitionnisme que des commandements révélés, que la coalition de toutes les écoles antilibérales et des dogmatismes dirige ses plus furieuses attaques. Tous ceux-là reprochent à la philosophie utilitariste l'impitoyable austérité de sa description et de son analyse de la nature humaine et des ressorts ultimes de l'agir humain. Il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit à la réfutation de ces critiques : elle est présentée à chaque page de ce livre.

Qu'est ce qu'il te faut de plus pour considérer que Mises est utilitariste ?

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Qu'est ce qu'il te faut de plus pour considérer que Mises est utilitariste ?

Le problème, c’est qu’il se réclame (et utilise comme interchangeables), trois choses distinctes : l'eudémonisme, l'hédonisme, l'utilitarisme.

C’est peu comme si on mettait dans le même panier épicuriens, stoïciens, Sade et Bentham.

 

Et puis quand il crédite l’économie politique d’avoir fait en sorte que : « Le droit et la légalité, le code moral et les institutions sociales ne sont plus désormais révérés comme d'insondables décrets du Ciel. », c’est inexact, c’était déjà le cas dans la démocratie grecque, et plus généralement dans ce que Castoriadis a appelé le projet d’autonomie.

 

Le passage où il parle de Bentham et refuse le droit naturel est intéressant parce qu’il acte que la valeur ultime n’est pas la liberté, mais le « plus grand bonheur du plus grand nombre possible de membres de la communauté ». Une idée qui m’évoque irrésistiblement les mises en garde d’Arendt sur cette approche :

 

« L'homme du XXème siècle s'est émancipé par rapport à la nature exactement comme l'homme du XVIIIème siècle s'était émancipé par rapport à l'histoire. L'histoire et la nature nous sont également devenues étrangères, étrangères en ce sens que l'essence de l'homme ne peut plus être appréhendée dans les termes de l'une ou l'autre de ces catégories. Par ailleurs, l'humanité, qui n'était pour le XVIIIème siècle, selon la terminologie kantienne, qu'une idée régulatrice, est aujourd'hui devenue un fait irréfutable. Cette situation nouvelle, dans laquelle l' "humanité" remplit effectivement le rôle autrefois attribué à la nature ou à l'histoire, voudrait dire dans ce contexte que c'est l'humanité elle-même qui devrait garantir le droit d'avoir des droits, ou le droit de tout individu d'appartenir à l'humanité. Il n'est absolument pas certain que ce soit possible. Car, contrairement aux louables tentatives humanitaires qui réclament de nouvelles déclarations des droits de l'homme émanant de la instances internationales, il faudrait imaginer que cette idée transcende le domaine actuel du droit international qui fonctionne encore dans les termes des conventions et de traités mutuels entre États souverains ; et, pour le moment, un monde qui serait au-dessus des nations n'existe pas. Qui plus est, ce dilemme ne serait en aucun cas éliminé par un "gouvernement mondial". Ce gouvernement mondial est certes de l'ordre du possible, mais il est permis de douter qu'il serait dans la réalité très différent de la version proposée par les organisations d'inspiration idéaliste. Les crimes perpétré contre les droits de l'homme, et qui sont devenus la spécialité des régimes totalitaires, peuvent toujours être justifiés en affirmant que le droit équivaut à bon ou utile pour le tout et non pour ses parties. (La devise hitlérienne "Le droit est ce qui est bon pour le peuple allemand" n'est que la vulgarisation d'une conception de la loi qu'on peut retrouver partout et qui, dans la pratique, demeurera sans effet aussi longtemps que les vieilles traditions encore en vigueur constitutionnellement l'en empêcheront). Une conception de la loi qui identifie le droit à ce qui est bon pour quelque chose -pour l'individu, la famille, le peuple ou le plus grand nombre- devient inévitable dès lors que les valeurs absolues et transcendantes de la religion ou de la loi de nature ont perdu leur autorité. Or, le problème n'est pas pour autant résolu si l'unité à laquelle s'applique le "bon pour" est aussi vaste que le genre humain lui-même. Car il est tout à fait concevable, et même du domaine des possibilités pratiques de la politique, qu'un beau jour une humanité hautement organisé et mécanisée en arrive à conclure le plus démocratiquement du monde -c'est-à-dire à la majorité- que l'humanité en tant que tout aurait avantage à liquider certaines de ses parties. »

-Hannah Arendt, L'Impérialisme, deuxième partie des Origines du Totalitarisme (1951). Gallimard, coll. Quarto, 2002, p.601-602.

 

Ok, Mises est utilitariste. Tu as réussis à me le rendre plus inquiétant qu'avant. Et pourtant j'étais content de trouver chez lui une justification du libéralisme ne passant pas par le droit naturel.

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...a fortiori depuis qu'elle est fondée sur la valeur utilité.
 
Mises distingue libéralisme, économie et utilitarisme, mais tend à les ranger sous la même bannière car d'après lui, ils aboutissent tous les trois à la même conclusion, en gros. C'est un peu pareil pour l'hédonisme et l'eudémonisme.

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Moi, j'aurais bien aimé qu'un type savant comme F Mas nous éclaire de sa lanterne ou de son lumignon, pour l'instant il brille par son absence, ce qui signifie soit qu'on dit des conneries trop grosses, soit qu'on ne pose pas le problème correctement.

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Il faut voir également que dans ce type de discussion, avoir une position nuencée et 'humaine' équivaut visiblement à pisser dans un violon, il est semble-il impératif de dire "Mais non voyons, jamais des gens aussi importants ne se seraient laissés pieger dans une telle contradiction !" ou "Evidemment qu'ils étaient utilitaristes, d'ailleurs ils avaient raison" :P

 

Je crois que vous ne réalisez pas la distance considérable qui nous sépare des années 30 à 50, à quel point le coco moyen actuel est bien plus individualiste qu'il y à 50 ans, à quel point il est bien plus individualiste que l'immense majorité des gens d'il y à 50 ans, à quel point l'utilitarisme bete et méchant tel que décrit par Rincevent semblait couler de source, tout autant voir plus que le racisme était une évidence.

 

J'ai l'impression de rappeler des évidences, mais à la fin de la seconde guerre mondiale, ce n'était pas la victoire du monde libre façe aux méchants collectivistes, ça c'est une fable américaine inventée posterieurement au début de la guerre froide, c'était des économies de guerres contre d'autres économies de guerre, planifiées tout autant voir plus chez les gagnants que chez les vaincus, si c'était une victoire d'une idéologie sur une autre, c'était la victoire de l'internationalisme contre le nationalisme, pas du libéralisme contre les totalitarismes.

 

(Et je voudrait pas enfoncer le clou, mais Von Mises, Hayek, c'est un peu des noms à consonnence germanique hein :P)

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Est-ce que cela correspond à ce que pense Ludwig von Mises ?

Non. Mises considère l'utilité comme ordinale mais non cardinale d'une part, et d'autre part comme non comparable entre individus (et donc non agrégable). C'est donc dur de le considérer comme utilitariste sans déformer le sens du mot aux limites de son élasticité.

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