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Eloge Du Consentement


Punu

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Je ne vois ce que vient faire le libéralisme dans l'affaire, mais bon…

Eloge du consentement, par Sandra Laugier. Pas encore disponible chez Amazon.

C'est à Stanley Cavell - dont Sandra Laugier, spécialiste de la philosophie américaine, est la traductrice en français - que l'on doit la redécouverte de la pensée d'Emerson (1803-1882) et de Thoreau (1817-1862), deux auteurs oubliés par les Américains eux-mêmes. Leur perfectionnisme moral repose sur le refus du conformisme et l'exigence d'être soi, ou ce qu'Emerson appelle la «confiance en soi» (self-reliance), entendue non comme un sentiment de supériorité mais comme l'exhortation à oser penser par soi-même. Cette confiance en soi, indissociable d'un certain scepticisme - doute sur soi et conscience de la fragilité du lien qui nous unit aux autres -, a une signification politique: ramener la démocratie à son principe, à savoir la participation librement consentie à une communauté, à laquelle je peux à tout moment refuser le droit de parler en mon nom. Mon consentement, sauf à cesser d'être soi, ne saurait être donné une fois pour toutes et implique la possibilité du dissentiment. Lorsque Emerson et Thoreau dénoncent, au sujet, de l'esclavage la corruption des principes de la Constitution et appellent à la désobéissance civile, ils refusent de faire allégeance à un Etat qu'ils ne reconnaissent plus comme le leur, comme le font aujourd'hui les opposants à la guerre en Irak qui refusent que l'on parle en leur nom («Not in our name»). Reprise par Cavell, qui y voit une alternative au présupposé - commun au libéralisme et au communautarisme - selon lequel «si je suis là, je suis forcément d'accord», la revendication emersonienne d'un individualisme radical invite ainsi à réinventer la démocratie.

L'œuvre d'Emerson est revenue sur la scène philosophique américaine grâce aux ouvrages de Stanley Cavell : Cavell, qui consacra ses premiers livres à Wittgenstein et Austin, s'est ensuite donné pour tâche de faire réentendre la voix d'Emerson en philosophie. Un tel projet n'est pas seulement historique, il est aussi théorique, et politique : il s'agit de réhabiliter une pensée de la démocratie étouffée par le conformisme libéral qui s'est instauré au XXe siècle aux Etats-Unis. Ce qui pour Emerson définit la démocratie, c'est la confiance en soi, comme refus de la conformité, la capacité qu'a chacun de juger du bien et de refuser un pouvoir qui ne respecte pas ses propres principes. Quand Emerson embrasse la cause abolitionniste, il dénonce la corruption des principes de la Constitution. Il fait même appel à la désobéissance civile. La confiance en soi est bien une position politique, revendiquant l'autonomie du sujet. C'est ce thème que Cavell reprend chez Emerson, et qu'il propose comme alternative à la pensée politique de John Rawls. Elle est à même d'ébranler aussi bien le libéralisme moderne que le communautarisme. Cavell avance, avec Emerson, un individualisme radical qui n'est pas une revendication égoïste mais un appel à un nouvel homme ordinaire, celui de la démocratie : c'est là toute l'actualité politique d'Emerson.

"Le débat sur les intellectuels réactionnaires est un symptôme : pas seulement celui du virage à droite de la classe intellectuelle (???), qui est à peu près évident, mais de la disparition de la figure de l'intellectuel critique. La question n'est certainement pas de distribuer les bons et les mauvais points, et de dire qui est ou n'est pas réac. Elle est plutôt de savoir qu'est-ce qu'un intellectuel ? - quelle est la nature de son autorité, de sa responsabilité -, question qui paraît peut-être ringarde et dépassée, mais qui est au fond non résolue, et à reformuler, aujourd'hui que beaucoup d'intellectuels voudraient conserver l'aura de l'intellectuel critique sans la critique. " Il s'agit bien ici de répondre au livre de Daniel Lindenberg, ou plus exactement de poursuivre le débat qu'il a suscité autour de la place et du rôle de l'intellectuel dans la société, dont la tentation première aujourd'hui est moins d'être réactionnaire que conformiste. C'est en convoquant la philosophie américaine que Sandra Laugier nous invite ici à oser la question de la voix de l'intellectuel, de son statut et de son autorité : de quel droit parler au nom de tous ? Loin d'un débat passionné mais peu fertile, il est grand temps que l'intellectuel se pense lui-même.
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"la participation librement consentie à une communauté, à laquelle je peux à tout moment refuser le droit de parler en mon nom. Mon consentement, sauf à cesser d'être soi, ne saurait être donné une fois pour toutes et implique la possibilité du dissentiment"

Moi ça me semble libéral ça..

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