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Marxisme et postmodernisme : les aventures de la superstructure


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5 hours ago, Anton_K said:

Pas forcément, d’ailleurs c’est à mon avis une affirmation plus fréquente chez des gens qui veulent défendre l’idée que la connaissance n’est pas socialement construite, parce que si elle l’était, elle ne serait pas vraie. D’ailleurs c’est précisément à cette affirmation par Pluckrose et certains de ses followers que je répondais. C’est une affirmation qui est plus rare chez les postmodernes (pour l’instant je n’ai pas pu l’isoler dans des textes de référence), dont le travail consiste plus à déplacer l’objet du discours, de la justification des normes vers leur construction sociale. Peut-être sentent ils qu’au fond ce sont des questions indépendantes même si certains utilisent, implicitement, ce changement de focalisation pour susciter un scepticisme. C’est une autre question à laquelle je consacrerai aussi un article. Toujours est-il que l’affirmation dont on parle là, je la tiens pour un préjugé des deux « camps ».

Dans ce cas effectivement le problème venait du contexte et de la motivation qui étaient tout sauf clairs. Mais je vois que c'est explicité depuis.

 

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Mais moi je lui montre que le fait qu’il ait montré qu’elle est socialement construite n’oblige logiquement personne à ne plus « y croire ».

À noter que si son point de départ est qu'il n'y a pas de norme objective alors il est déjà convaincu par définition que rien ne peut obliger "logiquement" personne à croire  quoi que ce soit. Les croyances sont adoptées pour des raisons morales ou esthétiques sans lien avec une supposée réalité. À la limite il peut essayer de dégoûter quelqu'un de son opinion.

C'est un strawman qu'on peut faire vivre étonnamment longtemps, un peu comme le solipsiste.

 

2 hours ago, poney said:

Foudforfought à ce sujet

 

http://journals.openedition.org/lhomme/29548

Intéressant !

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Je n'ai pas de textes post-modernes "de référence" qui induirait un relativisme par culturalisme interposé qui me viennent à l'esprit, mais lorsqu'on lit ces auteurs le relativisme se cache à peine. Bouveresse a bien noté que Foucault détruisait la différence entre "discours vrai" et "discours tenu pour vrai".

 

« Certes, si on se place au niveau d'une proposition, à l'intérieur d'un discours, le partage entre le vrai et le faux n'est ni arbitraire, ni modifiable, ni institutionnel, ni violent. Mais si on se place à une autre échelle, si on pose la question de savoir quelle a été, quelle est constamment, à travers nos discours, cette volonté de vérité qui a traversé tant de siècles de notre histoire, ou quel est, dans sa forme très générale, le type de partage qui régit notre volonté de savoir, alors c'est peut-être quelque chose comme un système d'exclusion (système historique, modifiable, institutionnellement contraignant) qu'on voit se dessiner.

Partage historiquement constitué à coup sûr. Car, chez les poètes grecs du VIème siècle encore, le discours vrai - au sens fort et valorisé du mot - le discours vrai pour lequel on avait respect et terreur, celui auquel il fallait bien se soumettre, parce qu'il régnait, c'était le discours prononcé par qui de droit et selon le rituel requis ; c'était le discours qui disait la justice et attribuait à chacun sa part ; c'était le discours qui, prophétisant l'avenir, non seulement annonçait ce qui allait se passer, mais contribuait à sa réalisation, emportait avec soi l'adhésion des hommes et se tramait ainsi avec le destin. Or voilà qu'un siècle plus tard la vérité la plus haute ne résidait plus déjà dans ce qu'était le discours ou dans ce qu'il faisait, elle résidait en ce qu'il disait: un jour est venu où la vérité s'est déplacée de l'acte ritualisé, efficace, et juste, d'énonciation, vers l'énoncé lui-même: vers son sens, sa forme, son objet, son rapport à sa référence. Entre Hésiode et Platon un certain partage s'est établi, séparant le discours vrai et le discours faux ; partage nouveau puisque désormais le discours vrai n'est plus le discours précieux et désirable, puisque ce n'est plus le discours lié à l'exercice du pouvoir. Le sophiste est chassé. 
»

-Michel Foucault, L’ordre du discours, Leçon inaugurale au Collège De France, 1971.

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Retrouve plutôt dans tes archives les messages où l'on t'a montré que tu comprenais mal cette citation de Foucault.

Enfin ça m'étonnerait que tu retiennes tes leçons. (vu que tu te contentes toujours de citations et de littérature secondaire voire tertiaire, 'untel a dit que unautre a dit que')

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Pour ceux que ça intéresserait : archive complète de la revue "Radical Philosophy" qui regroupe pas mal de formes courtes de figures tutélaires PoMo. Pour se faire une culture rapide préalable à l'entrée dans le débat ça peut être pas mal.

 

Sinon mon article a donné lieu à des discussions pas inintéressantes. Ce qui est marrant c'est que je ne fais que répéter toujours la même chose, déjà écrite explicitement dans le papier pour répondre aux incompréhensions. Et finalement l'interlocuteur converge vers la bonne interprétation. Comme quoi le papier n'est probablement pas illisible, mais est sûrement contre-intuitif, ou en tout cas il faut du temps pour inhiber les préjugés et les logiques de camps et les réflexes intellectuels qui se manifestent dans le débat sur le postmodernisme.

 

edit : bon, en toute honnêteté, j'ai aussi été amené à utiliser ce feedback pour clarifier un peu le papier. :icon_volatilize:

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Je note qu'à peu près tout le monde a bloqué sur le même point que moi :mrgreen:

À mon avis le message passerait mieux si la problématique, la portée, les parti-pris et les conclusions étaient explicités clairement en quelques lignes pour éviter aux gens de tâtonner dans le noir. N'en déplaise à @Neomatix.

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  • 1 month later...

J'ai fini de lire Gender Trouble de J. Butler la semaine dernière et je me suis lancé dans La Vie de Laboratoire de B. Latour, après avoir notamment discuté avec l'auteur de cet article (vous identifierez aisément mon pseudonyme), qui m'a fait d'ailleurs une réponse particulièrement bête. Nous parlerons de Gender Trouble une autre fois si ça vous intéresse mais plus j'avance dans le bouquin de Latour et plus je regarde, en parallèle, ce qu'on en dit (cf lien), ainsi que des interviews du bonhomme, je me rends compte à quel point la critique areo-quilettienne (incarnée ici par un Brice Couturier qui ne sait manifestement pas de quoi il parle) du post-modernisme est pauvre.

 

Je ne dis pas que le projet et les thèses post-modernistes sont en général bien formulés. En fait, lisant Latour, je me trouve très très indisposé par la manière dont il pose la problématique à laquelle sa sociologie des sciences doit répondre, et je le vois osciller entre différentes options méthodologiques assez différentes. Mais je me rends compte que la réponse des "tenants de la modernité" est à chaque fois à côté de la plaque. Après, c'est peut-être que je ne lis pas les bonnes discussions du post-modernisme ; je vais tenter le bouquin de P. Boghossian Fear of Knowledge quand j'aurai fini La Vie de Laboratoire.

 

Une des manières assez compréhensibles et pop dont Latour présente sa contribution, c'est comme un essai de faire une description des institutions scientifiques modernes, qui ne soit pas tributaire des notions utilisées par ces institutions pour se légitimer elles mêmes. Remarquez au passage comme on est très bien disposé à adopter cette perspective quand Bueno de Mesquita le fait pour les régimes politiques, avec brio d'ailleurs. Une des conséquences de ce changement de point de vue est que la réflexion sur l'adhésion à la modernité devient moins une discussion sur la valeur accordée à la vérité que la question du choix de pratiques scientifiques et institutionnelles particulières. Or, il me semble que rien n'empêche, même après avoir adopté l'approche critique de la production de la science moderne, de reformuler le modernisme comme un choix des institutions modernes, au nom des valeurs modernes elles mêmes. En plus, on peut utiliser l'effort critique lui même pour filtrer les pratiques et aspects de l'insitutions en fonction de critères modernes, puisque du point de vue de la motivation à faire un travail critique approfondi, le post-modernisme a quand même pas mal apporté. Au fond, le seul effort supplémentaire que la critique de la modernité demande au moderne, c'est cette distinction dans la description des institutions entre leur justification et leur fonctionnement. Comme dirait Latour lui même dans l'interview : on n'est pas morts, on a enfin une description réaliste de ce à quoi on tient. C'est à dire les institutions elles mêmes, pas leurs justifications. Maintenant il faut reconnaître qu'on y tient et les revendiquer.

 

Je pense que la question n'est même pas vraiment celle de l'atteinte à l'absolu, l'universalité ou même la supériorité de la modernité occidentale. Ce pour la raison que les jugements moraux anti-modernes que l'on peut trouver dans la littérature critique ne sont en général même pas justifiés par la méthodologie explicite des auteurs (c'est là qu'en général le marxisme ou l'écologisme entrent en jeu). Je suis de plus en plus convaincu que la question du "relativisme" du post-modernisme est un appeau à demi-habiles auquel il s'agit de ne pas répondre si on prétend au sérieux.

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il y a 27 minutes, Anton_K a dit :

J'ai fini de lire Gender Trouble de J. Butler la semaine dernière et je me suis lancé dans La Vie de Laboratoire de B. Latour, après avoir notamment discuté avec l'auteur de cet article (vous identifierez aisément mon pseudonyme), qui m'a fait d'ailleurs une réponse particulièrement bête. Nous parlerons de Gender Trouble une autre fois si ça vous intéresse mais plus j'avance dans le bouquin de Latour et plus je regarde, en parallèle, ce qu'on en dit (cf lien), ainsi que des interviews du bonhomme, je me rends compte à quel point la critique quiletto-areoienne (incarnée par un Brice Couturier qui ne sait évidemment pas de quoi il parle) du post-modernisme est pauvre.

 

Je ne dis pas que le projet et les thèses post-modernistes sont en général bien formulés. En fait, lisant Latour, je me trouve très très indisposé par la manière dont il pose la problématique à laquelle sa sociologie des sciences doit répondre, et je le vois osciller entre différentes options méthodologiques assez différentes. Mais je me rends compte que la réponse des "tenants de la modernité" est à chaque fois à côté de la plaque. Après, c'est peut-être que je ne lis pas les bonnes discussions du post-modernisme ; je vais tenter le bouquin de P. Boghossian Fear of Knowledge quand j'aurai fini La Vie de Laboratoire.

 

Une des manières assez compréhensibles et pop dont Latour présente sa contribution, c'est comme un essai de faire une description des institutions scientifiques modernes, qui ne soit pas tributaire des notions utilisées par ces institutions pour se légitimer elles mêmes. Remarquez au passage comme on est très bien disposé à adopter cette perspective quand Bueno de Mesquita le fait pour les régimes politiques, avec brio d'ailleurs. Une des conséquences de ce changement de point de vue est que la réflexion sur l'adhésion à la modernité devient moins une discussion sur la valeur accordée à la vérité que la question du choix de pratiques scientifiques et institutionnelles particulières. Or, il me semble que rien n'empêche, même après avoir adopté l'approche critique de la production de la science moderne, de reformuler le modernisme comme un choix des institutions modernes, au nom des valeurs modernes elles mêmes. En plus, on peut utiliser l'effort critique lui même pour filtrer les pratiques et aspects de l'insitutions en fonction de critères modernes, puisque du point de vue de la motivation à faire un travail critique approfondi, le post-modernisme a quand même pas mal apporté. Au fond, le seul effort supplémentaire que la critique de la modernité demande au moderne, c'est cette distinction dans la description des institutions entre leur justification et leur fonctionnement. Comme dirait Latour lui même dans l'interview : on n'est pas morts, on a enfin une description réaliste de ce à quoi on tient. C'est à dire les institutions elles mêmes, pas leurs justifications. Maintenant il faut reconnaître qu'on y tient et les revendiquer.

 

Je pense que la question n'est même pas vraiment celle de l'atteinte à l'absolu, l'universalité ou même la supériorité de la modernité occidentale. Parce que les jugements moraux anti-modernes que l'on peut trouver dans la littérature critique ne sont en général même pas justifiées par la méthodologie explicite des auteurs (c'est là qu'en général le marxisme ou l'écologisme entrent en jeu). Je suis de plus en plus convaincu que la question du "relativisme" du post-modernisme est un appeau à demi-habiles auquel il s'agit de ne pas répondre si on prétend au sérieux.


Tu peux peut-être essayer The social construction of What de Ian Hacking, je ne l'ai pas lu mais mon prof me l'a conseillé quand j'ai abordé la question de la sociologie des sciences. C'est de la philosophie analytique, et Hacking a une vraie connaissance scientifique.

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5 hours ago, Anton_K said:

Une des manières assez compréhensibles et pop dont Latour présente sa contribution, c'est comme un essai de faire une description des institutions scientifiques modernes, qui ne soit pas tributaire des notions utilisées par ces institutions pour se légitimer elles mêmes.

Je comprends l'approche qui peut donner lieu à des réflexions anthropologiques intéressantes, mais je ne vois pas du tout en quoi ça peut aboutir à du normatif, en particulier à une "réflexion sur l'adhésion à la modernité" ou à une position épistémologique (à part si ça concerne l'épistémologie de l'anthropologue lui-même).

 

Bref je ne comprends pas en quoi ça pourrait constituer une critique. En particulier je pourrais même aller jusqu'à dire que tout ça :

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Une des conséquences de ce changement de point de vue est que la réflexion sur l'adhésion à la modernité devient moins une discussion sur la valeur accordée à la vérité que la question du choix de pratiques scientifiques et institutionnelles particulières. Or, il me semble que rien n'empêche, même après avoir adopté l'approche critique de la production de la science moderne, de reformuler le modernisme comme un choix des institutions modernes, au nom des valeurs modernes elles mêmes. En plus, on peut utiliser l'effort critique lui même pour filtrer les pratiques et aspects de l'insitutions en fonction de critères modernes, puisque du point de vue de la motivation à faire un travail critique approfondi, le post-modernisme a quand même pas mal apporté. Au fond, le seul effort supplémentaire que la critique de la modernité demande au moderne, c'est cette distinction dans la description des institutions entre leur justification et leur fonctionnement. Comme dirait Latour lui même dans l'interview : on n'est pas morts, on a enfin une description réaliste de ce à quoi on tient. C'est à dire les institutions elles mêmes, pas leurs justifications. Maintenant il faut reconnaître qu'on y tient et les revendiquer.

relève également de "l'appeau à semi-habiles" hors sujet par rapport au travail de recherche effectué. Le gars qui va étudier une tribu paumée au fin fond de l'Amazonie ne va certainement pas le faire pour savoir si les croyances de cette tribu sont correctes ou pas ou si on doit y adhérer, c'est absurde. Dans la mesure où le post-modernisme se veut une étude similaire d'institutions modernes, il ne peut pas être en même temps une critique de ces institutions ou de la modernité.

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Il y a 18 heures, Lancelot a dit :

Je comprends l'approche qui peut donner lieu à des réflexions anthropologiques intéressantes, mais je ne vois pas du tout en quoi ça peut aboutir à du normatif, en particulier à une "réflexion sur l'adhésion à la modernité" ou à une position épistémologique (à part si ça concerne l'épistémologie de l'anthropologue lui-même).

 

Bref je ne comprends pas en quoi ça pourrait constituer une critique. En particulier je pourrais même aller jusqu'à dire que tout ça :

relève également de "l'appeau à semi-habiles" hors sujet par rapport au travail de recherche effectué. Le gars qui va étudier une tribu paumée au fin fond de l'Amazonie ne va certainement pas le faire pour savoir si les croyances de cette tribu sont correctes ou pas ou si on doit y adhérer, c'est absurde. Dans la mesure où le post-modernisme se veut une étude similaire d'institutions modernes, il ne peut pas être en même temps une critique de ces institutions ou de la modernité.


Je ne vois pas vraiment la contradiction, tout les débats autour de l'école du Public Choice ou de la Nouvelle économie politique permettent de voir l'état tel qu'il se fait plutôt que tel qu'il se présente et cela à de nombreuses implications en politique. Peut-être pas pour un libéral dont l'adhésion repose sur des valeurs, mais pour l'ensemble de ceux qui pensait que l'état agissait pour << l'intérêt général >>. Le post-modernisme produit la même réflexion mais sur la science, on l'examine telle qu'elle se fait et non pas de la façon dont elle se présente. Ça a de nombreuses implications sur la façon dont on décide de faire de la science.

Je vois les critiques du post-modernisme comme celle qu'a vécu Thomas Kuhn notamment celle qui porte sur son supposé relativisme. On préfère faire l'autruche plutôt que d'accepter qu'en effet, il y a un gap gigantesque entre la façon dont on fait de la science et la façon dont elle se rêve - même si aujourd'hui une idée pareille n'est plus aussi révolutionnaire.

Je pense que si l'on peut critiquer le post-modernisme, c'est moins pour ses conclusions qui ne sont pas inédites (et j'oserais même dire acceptables) mais plutôt sur la façon de les présenter (les scientifiques inconscients par exemple) et de s'en servir politiquement. Ce n'est pas parce que la science est construite socialement que l'on ne peut pas préférer telle ou telle épistémologie - au contraire, on est libre de les choisir. Cela ne veut pas dire non plus que l'on ne peut pas objectiver des résultats scientifiques, il faut juste une institutions qui fonctionne bien. Bourdieu a fait une bonne critique de Laboratory Life de Latour sur ces points là, ça doit se trouver.

@Anton_K Si tu t'intéresses à Latour en ce moment, mon prof m'a prévenu de bien distinguer deux périodes chez lui. La première qui est une critique de << l'aveuglement >> des modernes et la seconde qui tourne au mysticisme (la théorie Gaïa). Dans ses interviews, il tient plutôt un discours proche du second Latour, qui croit aveuglement les résultats du GIEC alors même qu'il conteste la production scientifique. C'est dire le décalage cognitif. Je serais content si tu pouvais faire un résumer de ce que tu trouves chez lui :) 

PS : Je viens de finir, Contre la méthode de Paul Feyerabend et ça me semble être une position libérale compatible (si on assume que la science ne doit pas être financer par les deniers publics) tout en étant post-moderne en science, il conçoit un peu la science anarchiste comme un ordre spontané, les recherches les plus utiles (dans tous les sens du terme) finissent par dominer les autres.

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29 minutes ago, RayRhacer said:

Je ne vois pas vraiment la contradiction, tout les débats autour de l'école du Public Choice ou de la Nouvelle économie politique permettent de voir l'état tel qu'il se fait plutôt que tel qu'il se présente et cela à de nombreuses implications en politique. Peut-être pas pour un libéral dont l'adhésion repose sur des valeurs, mais pour l'ensemble de ceux qui pensait que l'état agissait pour << l'intérêt général >>. Le post-modernisme produit la même réflexion mais sur la science, on l'examine telle qu'elle se fait et non pas de la façon dont elle se présente. Ça a de nombreuses implications sur la façon dont on décide de faire de la science.

Les "implications" en question relèvent de l'extrapolation et pas de la conséquence nécessaire de ce genre de travaux. Déjà ce n'est pas rien de réaliser ça.

 

Ensuite rien n'empêche de poser des jugements si on a quelque chose de précis à tester (manque de bol dire ça c'est déjà adhérer à l'épistémologie moderne). J'ai en tête par exemple le théorème d'Arrow : l'hypothèse est posée que le résultat d'une élection selon tel système de vote reflète les préférences des électeurs, et on montre que ce n'est pas le cas. On peut alors proposer un autre système qui respecterait mieux ce but. Quel serait l'équivalent (non trivial) d'un tel raisonnement pour la science moderne ?

 

29 minutes ago, RayRhacer said:

Je vois les critiques du post-modernisme comme celle qu'a vécu Thomas Kuhn notamment celle qui porte sur son supposé relativisme. On préfère faire l'autruche plutôt que d'accepter qu'en effet, il y a un gap gigantesque entre la façon dont on fait de la science et la façon dont elle se rêve - même si aujourd'hui une idée pareille n'est plus aussi révolutionnaire.

La vision de Kuhn n'est pas tant un relativisme qu'un évolutionnisme au sens darwinien, c'est-à-dire non téléologique, des théories scientifiques. C'est ça réellement son originalité. Or il se trouve qu'il force largement le trait sur des points comme l'irréductibilité entre les paradigmes ou l'absence de progrès de la connaissance qui sont essentiels pour soutenir cette position. Eh oui, quoi qu'ils en pensent les post-modernes produisent eux-aussi des théories et peuvent eux-aussi faire l'objet de critique :mrgreen:

 

29 minutes ago, RayRhacer said:

Ce n'est pas parce que la science est construite socialement que l'on ne peut pas préférer telle ou telle épistémologie - au contraire, on est libre de les choisir. Cela ne veut pas dire non plus que l'on ne peut pas objectiver des résultats scientifiques, il faut juste une institutions qui fonctionne bien. Bourdieu a fait une bonne critique de Laboratory Life de Latour sur ces points là, ça doit se trouver.

Ça se mord la queue. Si on définit une institution "qui fonctionne bien" comme une institution qui produit les meilleurs résultats scientifiques, alors on est obligé de se référer à une épistémologie pour définir ce qu'est un bon résultat, et la meilleure institution sera celle qui respectera le mieux cette épistémologie. Retour à la case moderne.

 

29 minutes ago, RayRhacer said:

Feyerabend

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19 hours ago, Lancelot said:

Je comprends l'approche qui peut donner lieu à des réflexions anthropologiques intéressantes, mais je ne vois pas du tout en quoi ça peut aboutir à du normatif, en particulier à une "réflexion sur l'adhésion à la modernité" ou à une position épistémologique (à part si ça concerne l'épistémologie de l'anthropologue lui-même).

 

Pour ce que je comprends il ne s'agit pas de produire du normatif, mais simplement du descriptif, et dans le langage du sociologue (vu que c'est de la sociologie) plutôt que dans le langage de l'épistémologue. Alors après il y a des difficultés propres à l'anthropologie et la sociologie sur ce qu'est le langage de l'anthropologue/sociologue et à quel point il doit reprendre les termes de ceux qu'il étudie... Mais ce sont des débats que je trouve confus chez les sociologues et anthropologues et sur lesquels j'ai l'impression d'avoir une idée assez claire dont je parlerai à l'occasion - tout ça pour dire que la nuance est possible mais je ne la trouve pas ultimement pertinente.

 

L'idée donc, est de trouver un langage du sociologue pour décrire la production scientifique, qui produise du descriptif et ne soit pas exactement le même que celui de l'épistémologue. Note par ailleurs, que même quand on ne fait pas du normatif mais du descriptif, on peut faire du descriptif, combiné à du normatif venu de quelqu'un qui a sa propre normativité, peut informer le choix. L'exemple typique est celui de l'identification de l'erreur ou de la mauvaise pratique : l'epistémologue peut lire le rapport d'un sociologue sur la manière dont on travaille dans la laboratoire, et comprendre que ce que rapporte le sociologue implique que des erreurs peuvent avoir été faites au regard de la norme épistémique (cf. mon article sur la question). Par contre le projet de Latour va plus loin : il remarque que les normes épistémiques sont implémentées par des institutions qui assurent que la norme est respectée en imposant des conditions techniques et sociales à l'exercice des sciences. Ces conditions peuvent être décrites par le sociologue. Il remarque par ailleurs que bien souvent, le discours épistémologique s'attache à améliorer et promouvoir la norme, mais il s'intéresse moins à la manière dont cette norme est implémentée. Ce qu'il propose, c'est que plutôt que de promouvoir la norme, qui risque toujours de ne pas correspondre à la pratique, il vaut mieux promouvoir la pratique, et les institutions qui implémentent les normes.

 

On voit le retournement de perspective mais ce retournement pose deux questions. La première c'est de savoir, s'il y a quelque chose de normativement pertinent dans la pratique qui n'est pas déjà décrit par la norme, outre les cas d'erreur qui sont contraires à la norme. Il prétend clairement que oui, c'est-à-dire qu'en étudiant la pratique, on va trouver des habitudes qui contribuent en un sens aux succès et aux échecs de la science, mais qui ne sont pas pris en compte par l'épistémologie normative. La question c'est, comment, si ces habitudes ne sont pas prises en compte par, ou descriptibles dans le langage de l'épistémologie normative, peut-on savoir si elles contribuent aux succès et aux échecs de la science.

 

Je vois plusieurs manières de répondre à la question. Il y a une version classique dans laquelle, de la même manière qu'on peut comprendre ce qui, descriptivement, a tendance à favoriser ce que la norme épistémique définit comme erreur, on pourrait étudier ce qui a tendance à favoriser la bonne pratique, au sens restreint de l'évitement de l'erreur. Mais à ce stade c'est toujours une norme, a priori de la sociologie des sciences, qui définit la bonne pratique. On pourrait ensuite étendre un peu cette approche en admettant que notre méthodologie a priori nous permet de parler de la robustesse ou de la qualité d'un résultat, et on pourrait chercher dans le rapport du sociologue à identifier les conditions matérielles et sociales qui ont tendance à amener à des résultats plus robustes ou de meilleure qualité. Enfin il y a une lecture moins classique dans laquelle on accepterait que le rapport du sociologue (ou de l'historien) des sciences permettrait d'identifier, dans la pratique effective (ou passée), de nouveaux éléments normativement pertinents, auquel on n'aurait pas encore pensé, que la méthodologie a priori aurait ignoré, mais dont on pourrait reconnaître en les voyant qu'ils participent à la bonne pratique. Je précise qu'à mon avis il faudrait alors reformuler, la méthodologie pour que celle-ci continue à constituer une justification a priori de la pratique scientifique - ne vous inquiétez pas, je ne suis pas devenu un pragmatique.

 

C'est une perspective qui me séduit assez dans la mesure où je trouve, comme Latour, que l'histoire et de la philosophie des sciences à la Kuhn, qui font de la révolution scientifique une refondation des sciences, ont tendance à ignorer les manières de raisonner, ou de pratiquer les sciences en général, qui subsistent d'un paradigme à l'autre, et dont il me semble raisonnable de considérer que ce sont celles qui sont le véritable moteur du développement des sciences, qui survivent aux nouvelles expériences, habitudes et nouvelles expériences auquel le reste de l'édifice théorique s'adapte a posteriori, donnant l'impression d'une refondation. Or ces manières des raisonner et de pratiquer étaient clairement implémentées dans des institutions qui, nous seulement ont subsisté dans la plupart de leurs aspects à travers les révolutions scientifiques, mais ont en fait permis l'émergence de ceux qui ont fait des découvertes importantes. Il est vrai que l'histoire des sciences, jusqu'à une époque récente (et ayant étudié pas mal le cas de Galilée je peux vous confirmer que Latour ne dit pas bétises à ce sujet) avait tendance à ignorer cet aspect pour faire du découvreur celui qui renoue avec la véritable vertu épistémique contre l'institution sclérosée.

 

J'avoue que c'est une réflexion qui est toujours en développement de mon côté donc je ne sais pas à quel point je suis convaincant, ni même si je me convains moi même, pour le coup... :D

 

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Bref je ne comprends pas en quoi ça pourrait constituer une critique. En particulier je pourrais même aller jusqu'à dire que tout ça :

relève également de "l'appeau à semi-habiles" hors sujet par rapport au travail de recherche effectué. Le gars qui va étudier une tribu paumée au fin fond de l'Amazonie ne va certainement pas le faire pour savoir si les croyances de cette tribu sont correctes ou pas ou si on doit y adhérer, c'est absurde. Dans la mesure où le post-modernisme se veut une étude similaire d'institutions modernes, il ne peut pas être en même temps une critique de ces institutions ou de la modernité.

 

Je ne suis pas si certain qu'il y ait une contradiction, je ne suis pas certain de comprendre ce que tu veux dire dans ta dernière phrase mais il me semble que j'y ai peut-être déjà répondu.

 

Après, lisant Latour, je trouve aussi des articles dont certains aspects sont difficiles à défendre :D, soit qu'on n'arrive pas à distinguer le sérieux et la provocation, soit que la réflexion soit trop peu précise pour qu'on soit certain que les différentes affirmations contribuent à la même thèse.

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23 minutes ago, Lancelot said:

Ensuite rien n'empêche de poser des jugements si on a quelque chose de précis à tester (manque de bol dire ça c'est déjà adhérer à l'épistémologie moderne). J'ai en tête par exemple le théorème d'Arrow : l'hypothèse est posée que le résultat d'une élection selon tel système de vote reflète les préférences des électeurs, et on montre que ce n'est pas le cas. On peut alors proposer un autre système qui respecterait mieux ce but. Quel serait l'équivalent (non trivial) d'un tel raisonnement pour la science moderne ?

 

En fait rien ne suggère que pour réviser l'épistémologie à partir d'énoncé descriptifs il faille "ne pas adhérer à l'épistémologie moderne", d'une certaine manière c'est une histoire de complétude. Il distinguer ce qui constitue le coeur de principes vraiment importants et accepter que des enrichissement sont possibles et que certains aspects sont révisables. J'ai pas mal parlé de ça dans la fin de mon dernier papier. Sinon, tu parles du théorème d'impossibilité d'Arrow? Si oui, je ne suis pas sûr de voir ce que tu veux dire, d'autant que ce n'est pas ce que dit ce théorème....

 

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La vision de Kuhn n'est pas tant un relativisme qu'un évolutionnisme au sens darwinien, c'est-à-dire non téléologique, des théories scientifiques. C'est ça réellement son originalité. Or il se trouve qu'il force largement le trait sur des points comme l'irréductibilité entre les paradigmes ou l'absence de progrès de la connaissance qui sont essentiels pour soutenir cette position. Eh oui, quoi qu'ils en pensent les post-modernes produisent eux-aussi des théories et peuvent eux-aussi faire l'objet de critique :mrgreen:

 

Je ne sais pas si beaucoup de post-modernes sérieux se pensent à l'abri de la critique, en tout cas il me semble que ça fait partie des tartes à la crêmes sur le sujet qui ne permettent pas de faire un bon audit de cette littérature.

 

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Ça se mord la queue. Si on définit une institution "qui fonctionne bien" comme une institution qui produit les meilleurs résultats scientifiques, alors on est obligé de se référer à une épistémologie pour définir ce qu'est un bon résultat, et la meilleure institution sera celle qui respectera le mieux cette épistémologie. Retour à la case moderne.

 

Bon je vois qu'on en vient au même problème et que c'est une question importante, cf mon post précédent à partir de "Je vois plusieurs manières de répondre à la question... "

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L'abandon de la quête de la vérité comme dépourvue de sens, l'adhésion pleine et entière au relativisme historique le plus complet (avec une discussion intéressante de Kuhn dans Philosophy... qui explique la victoire de la révolution copernicienne sur le paradigme ptolémaique en termes de purs rapports de force, fascinant!), l'esquisse d'une ''''théorie'''' narrative de l'identité et l'invention de l'ironisme

 

https://en.wiktionary.org/wiki/ironism

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39 minutes ago, F. mas said:

L'abandon de la quête de la vérité comme dépourvue de sens, l'adhésion pleine et entière au relativisme historique le plus complet

 

D'accord, j'avais bien cru comprendre en regardant une conférence de Boghossian, qui fut son élève, et qui parlait de sa discussions avec Rorty, que l'idée centrale était de substituer, en très gros, l'impératif de la poursuite de la vérité à celui de la solidarité et du maintient d'une communication avec les autres systèmes de croyances. Même si chez Latour ou encore chez Lyotard on trouve des petites remarques de ce style, je crois qu'aucun de ces deux auteurs ne revendique cette position. Et chez Latour on trouve même la revendication inverse : une adhésion à la modernité et un rejet du relativisme, en revanche il tient à redéfinir la modernité dont il fait la promotion comme un ensemble d'institutions, dont il dit que leur fonctionnement (et donc notamment leur bon fonctionnement) n'est en fait pas bien compris par l'épistémologie moderne qui est sensée les justifier.

 

Je pense qu'il est assez important de distinguer : la manière de penser critique, l'adhésion à une norme quelle qu'elle soit, et la subordination de la norme épistémique à d'autres normes (pragmatique, politique, etc). A mon avis il s'agit d'attitudes qui viennent en package dans le post-modernisme mais qui sont en fait logiquement indépendantes, et quand on étudie bien les penseurs dits "post-modernes" on trouve pas mal de combinaisons de ces trois aspects et de variation dans chacun des aspects.

 

Quote

(avec une discussion intéressante de Kuhn dans Philosophy... qui explique la victoire de la révolution copernicienne sur le paradigme ptolémaique en termes de purs rapports de force, fascinant!), l'esquisse d'une ''''théorie'''' narrative de l'identité et l'invention de l'ironisme

 

https://en.wiktionary.org/wiki/ironism

 

J'irai voir à l'occasion, merci.

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1 hour ago, Anton_K said:

Pour ce que je comprends il ne s'agit pas de produire du normatif, mais simplement du descriptif

Ce que je disais c'est que si un gars veut faire un travail descriptif, ce qui est tout à fait intéressant en soi, pas de soucis, il faut s'y tenir. Ce qui relève du normatif (typiquement une critique de ce qui est décrit) sera alors au mieux un commentaire fait en tant que "civil" et pas en tant que chercheur dans le cadre d'une étude rigoureuse. J'insiste sur ce point parce que de toute évidence il y a une confusion, savamment entretenue ou pas.

 

1 hour ago, Anton_K said:

Note par ailleurs, que même quand on ne fait pas du normatif mais du descriptif, on peut faire du descriptif, combiné à du normatif venu de quelqu'un qui a sa propre normativité, peut informer le choix.

Oui c'est ce que j'appelle parler en tant que civil.

 

1 hour ago, Anton_K said:

L'exemple typique est celui de l'identification de l'erreur ou de la mauvaise pratique : l'epistémologue peut lire le rapport d'un sociologue sur la manière dont on travaille dans la laboratoire, et comprendre que ce que rapporte le sociologue implique que des erreurs peuvent avoir été faites au regard de la norme épistémique (cf. mon article sur la question).

Là pour le coup c'est un peu différent : on confronte objectivement une norme à des potentielles contradictions. C'est un projet qui peut exister à condition d'être mené correctement (avec des objectifs clairs et précis, des hypothèses falsifiables, une méthodologie rigoureuse...). On transforme la question normative en problème technique en quelque sorte. Typiquement "critiquer la modernité" à mon avis ne rentre pas dans ce cadre. Ce n'est pas un problème bien posé et ça n'aboutira sans doute qu'à du charabia.

 

1 hour ago, Anton_K said:

La question c'est, comment, si ces habitudes ne sont pas prises en compte par, ou descriptibles dans le langage de l'épistémologie normative, peut-on savoir si elles contribuent aux succès et aux échecs de la science.

En effet on a posé la même question en se croisant.

 

1 hour ago, Anton_K said:

Je vois plusieurs manières de répondre à la question. Il y a une version classique dans laquelle, de la même manière qu'on peut comprendre ce qui, descriptivement, a tendance à favoriser ce que la norme épistémique définit comme erreur, on pourrait étudier ce qui a tendance à favoriser la bonne pratique, au sens restreint de l'évitement de l'erreur. Mais à ce stade c'est toujours une norme, a priori de la sociologie des sciences, qui définit la bonne pratique. On pourrait ensuite étendre un peu cette approche en admettant que notre méthodologie a priori nous permet de parler de la robustesse ou de la qualité d'un résultat, et on pourrait chercher dans le rapport du sociologue à identifier les conditions matérielles et sociales qui ont tendance à amener à des résultats plus robustes ou de meilleure qualité. Enfin il y a une lecture moins classique dans laquelle on accepterait que le rapport du sociologue (ou de l'historien) des sciences permettrait d'identifier, dans la pratique effective (ou passée), de nouveaux éléments normativement pertinents, auquel on n'aurait pas encore pensé, que la méthodologie a priori aurait ignoré, mais dont on pourrait reconnaître en les voyant qu'ils participent à la bonne pratique. Je précise qu'à mon avis il faudrait alors reformuler, la méthodologie pour que celle-ci continue à constituer une justification a priori de la pratique scientifique - ne vous inquiétez pas, je ne suis pas devenu un pragmatique.

Au final c'est déjà un peu comme ça que sont dégagés historiquement les principes épistémologiques. Si on systématise on arrive à une sorte de science épistémologique (qui est plus ou moins le contraire de ce que voudrait un gars comme Feyerabend, qui est une impossibilité pour Kuhn et je ne me prononcerai pas par ignorance pour Latour).

 

1 hour ago, Anton_K said:

Il est vrai que l'histoire des sciences, jusqu'à une époque récente (et ayant étudié pas mal le cas de Galilée je peux vous confirmer que Latour ne dit pas bétises à ce sujet) avait tendance à ignorer cet aspect pour faire du découvreur celui qui renoue avec la véritable vertu épistémique contre l'institution sclérosée.

Oui enfin c'est une image d’Épinal ça, au même titre que le post-moderne relativiste.

 

1 hour ago, Anton_K said:

En fait rien ne suggère que pour réviser l'épistémologie à partir d'énoncé descriptifs il faille "ne pas adhérer à l'épistémologie moderne", d'une certaine manière c'est une histoire de complétude. Il distinguer ce qui constitue le coeur de principes vraiment importants et accepter que des enrichissement sont possibles et que certains aspects sont révisables.

J'ai déjà développé sur l'histoire du normatif et du descriptif.

Pour l'adhésion ça illustre qu'on ne peut pas proposer un regard extérieur à la modernité, ni même à la science, au mieux le regard d'une science sur une autre. Effectivement on peut travailler à la marge mais pas au cœur sauf à abandonner l'idée de raconter quelque chose de vrai et d'objectif.

 

1 hour ago, Anton_K said:

Je ne sais pas si beaucoup de post-modernes sérieux se pensent à l'abri de la critique, en tout cas il me semble que ça fait partie des tartes à la crêmes sur le sujet qui ne permettent pas de faire un bon audit de cette littérature.

Les post-modernes ne sont pas les derniers à balancer des tartes à la crème donc on peut bien rigoler un peu aussi.

 

16 minutes ago, F. mas said:

L'abandon de la quête de la vérité comme dépourvue de sens, l'adhésion pleine et entière au relativisme historique le plus complet (avec une discussion intéressante de Kuhn dans Philosophy... qui explique la victoire de la révolution copernicienne sur le paradigme ptolémaique en termes de purs rapports de force, fascinant!), l'esquisse d'une ''''théorie'''' narrative de l'identité et l'invention de l'ironisme

Ça promet :mrgreen:

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Rorty, avec John Mackie et Richard Joyce, fait partie de la petite équipe de relativistes nihilistes historicistes que j'apprécie bcp. Même si au fond je pense qu'ils ont tort et que c'est un peu une posture d'universitaires qui s'amusent (mais intelligemment).

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14 hours ago, Lancelot said:

Pour l'adhésion ça illustre qu'on ne peut pas proposer un regard extérieur à la modernité, ni même à la science, au mieux le regard d'une science sur une autre.

 

Je suis d'accord avec ça, et au fond je pense que c'est une des illusions de la quête du décentrement anthropologique. Les anthropologues sont perpetuellement à la recherche d'un équilibre entre ce qu'ils appellent posture 'étique' : l'anthropologie impose les catégories d'une théorie anthropologique prexistante à la matière humaine qu'il observe, et d'où vient la garantie d'objectivité, et la posture 'émique' : l'anthropologue décrit le phénomène culturel dans le langage du sujet de ce phénomène culturel. Comme le dit Latour au début de La Vie de Laboratoire, il court le risque de "going native" et que ce qu'il dise ne constitue pas un savoir utile aux autres anthropologues. Clairement dans cette posture 'émique', ce qui est recherché, c'est le regard extérieur, et dans la critique de la modernité, ce qui est recherché c'est un regard extérieur sur la modernité. Mais évidemment, ce regard extérieur reste objectiviste, simplement au lieu d'être de l'anthropologie, cela devient de la culturologie (néologisme personnel), c'est à dire le rapport encyclopédique de que les individus de tel ou tel groupe disent et "disent qu'ils croient".

 

Au fond ce qui caractérise l'approche scientifique, qu'elle soit anthropologique au sens objectiviste ou culturologique c'est que dans chacun de ces deux cas, comme dans les sciences naturelles et formelles, on ne peut pas dire n'importe quoi. On ne peut pas faire des rapports différents, qu'ils soient anthropologiques ou culturologiques ou autres, et s'attendre à ce qu'ils soient acceptables au même degré, qu'ils aient "la même valeur".

 

Je ne sais pas si on peut dire que c'est une quête strictement moderne, mais l'attitude scientifique, l'attitude caractéristique de la recherche du vrai, c'est d'affirmer que le discours porte sur une "chose" qui n'est pas le discours, et que de cette chose, on ne peut pas dire n'importe quoi, et que si possible on doit se mettre en condition de ne pouvoir dire qu'une seule chose, la chose exacte.

 

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Effectivement on peut travailler à la marge mais pas au cœur sauf à abandonner l'idée de raconter quelque chose de vrai et d'objectif.

 

Puisque je suis lancé je vais vous dire ce que je pense.

 

A mon avis cette discipline de discours décrit plus fondamentalement ce qu'est l'attitude moderne et même plus généralement scientifique, que ne l'ont fait les théories de la vérité successives, car cette exigence de ne pas s'autoriser à dire n'importe quoi court dans la culture occidentale au moins depuis les grecs, et à mon avis c'est cette même fonction que remplissent non seulement les habitudes de pensée scientifiques, mais aussi les institutions de recherche et d'enseignement.

 

Toujours à mon avis et moins formellement, ce qui s'est passé, c'est que certains humains ont commencé à essayer d'utiliser le langage pour parler de l'erreur : pour faire des prédictions et rapporter la différence avec la prédiction. L'idée de vérité et de chose en soi ne sont peut-être qu'un produit dérivé de cette manière d'utiliser le discours. Evidemment après Popper ce n'est pas difficile de noter qu'il y a une différence entre le critère de falsification, c'est à dire le test de l'erreur, et l'atteinte au vrai : ce n'est pas parce qu'on arrive à se rendre compte qu'on dit le faux qu'il y a une vérité unique que l'on puisse prononcer quant à un état de fait donné.

 

Mais cette idée que si l'on peut se tromper, alors on doit chercher à dire la seule chose qu'on peut dire sans se tromper, joue au moins un rôle motivationnel important, et elle a aussi un autre produit dérivé très intéressant pour faire de meilleures prédictions : la recherche de systèmes de discours toujours plus contraignants (que ce soit par le développement de la logique, ou le raffinement des modèles structurels, notamment les objets et opérations mathématiques), faisant des prédictions toujours moins équivoques. Bref là encore, réflexion personnelle toujours en développement, mais comme ça vous voyez où je vais avec mes lectures étranges : en dessous et à travers les théories de la vérité et les paradigmes scientifiques successifs, il y a une continuité culturelle et institutionnelle de la discipline discursive, qui à mon avis est le vrai génie de notre civilisation. Et si nos théories de la vérité ne disent pas tout de la manière dont ce génie se développe, alors une étude descriptive des institutions scientifiques qui produisent ces bons résultats ne me semble pas vaine (comment exactement elle doit intéragir logiquement avec la norme courante, cela se discute).

 

Finalement, je vous poserai la question suivante : que l'on choisisse de croire en une théorie de la vérité, ou que l'on choisisse de s'engager dans ces institutions disciplinaires, l'un de ces choix a-t-il un coût métaphysique clairement plus important que l'autre ? L'un est-il plus arbitraire que l'autre ?

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J'ai lu (un peu) Mackie, je ne le classerais pas dans les post-modernes. D'abord parce que le scepticisme moral ne vient pas "après" la modernité, il existe déjà dans l'Antiquité. Ensuite parce que Mackie est capable de s'exprimer clairement (style analytique si vous voulez, quoi que personne ne sache définir en quoi cette philosophie consiste).

 

On reconnaît le post-modernisme a ceci:

 

-Politiquement: un désenchantement / abandon du marxisme (mais rarement de l'anticapitalisme), qui tonne un ton pessimiste (d'où la critique du progrès / de son idéologie, qui peut mener à des formes d'écologisme et/ou de romantisme).

 

-Intellectuellement: le post-moderne se veut "après" les grands récits, mais il a lui aussi un récit ou du moins un tronc commun avec ses pairs, à savoir précisément l'affirmation de la fin / faillite de la modernité et de ses concepts (s'agissant du rapport à la vérité, le post-moderne ne voulant pas revenir à des conceptions antiques ou imprégnés de théologie, il peut facilement insinuer que la vérité n'existe pas / plus. Je mets le charabia de Baudrillard là-dedans). Par ex chez Foucault: "pour Foucault, c'est justement de ces notions classiques (totalité, continuité, causalité) que l'analyse "généalogique" ou "archéologique" doit se déprendre." (Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, 2000).

Voir aussi la critique de la notion d'identité, qui débouche volontiers sur un constructivisme / anti-essentialisme radical, parfois adossé à un imperium linguistique ("le réel n'est qu'une construction discursive", etc. Allusion récurrente aux jeux de langage wittgensteinniens).

 

-Stylistiquement: c'est difficile de donner une caractérisation objective mais le style post-moderne me semble avoir pour traits saillants l’obscurité, le jargon, le manque de rigueur (absence de définition), des jugements péremptoires sans argumentations, des tournures alambiquées qui rendent difficile de déterminer si l'auteur croit à ce qu'il dit ou non, le goût des métaphores / jeux de mots / provocations, l'usage de citations / mentions d'auteurs / d’œuvres sans utilité manifeste pour la progression du raisonnement (name-dropping) ou de manière allusive / cryptique -parfois accompagné de grandiloquence verbale au regard des résultats de la recherche (je pense à Agamben par exemple) ; inversement, pas de recours aux textes critiqués, empêchant de confronter directement ce qui est dit d'un auteur par rapport à ce qu'il a écrit.

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2 hours ago, F. mas said:

Ah sinon, dans ton enquête, @Anton_K tu devrais jeter un oeil sur impostures intellectuelles, de Alan Sokal et Jean Bricmont. Ils consacrent d'ailleurs quelques pages à Latour (et à Kuhn aussi).

 

Bien noté !

 

En attendant j'ai lu rapidement ce papier qui me semble assez correct quant à l'existence de deux postures chez de nombreux "post-modernes", dont Latour, une radicale ("le monde externe lui-même est créé par les négociations entre scientifiques") et une inoffensive et avec laquelle on ne peut être que d'accord (le succès d'une théorie peut être expliqué en partie par des déterminants sociaux). Dans l'article sur la momie de Ramses, on trouve une tentative philosophique de supporter une version de cette posture radicale, tentative qui à mon avis échoue dans une certaine confusion. Au fond on peut se demander si cette radicalité ne prend pas entièrement place dans la tentative d'un discours sur "ce qui est vraiment réel", discours dont on pourrait peut-être faire l'économie, sans ignorer totalement ce qui ne relève pas de tentatives de telles affirmations radicales.

 

Quote

Mais la principale tactique de Latour, lorsqu'il présente sa vision de la sociologie des sciences, est de vider celle-ci de son contenu en se repliant sur des platitudes dont personne ne doute. L'histoire sociale des sciences "propose de l'activité scientifique une vision enfin réaliste" et "se passionne pour les liens innombrables entre les objets des sciences et ceux de la culture" -- qui pourrait ne pas applaudir? Mais où est la rupture, tant vantée, avec la sociologie traditionnelle des sciences, à la Merton? Cette tactique cache tout ce qui est radical, original et surtout faux dans la "nouvelle" sociologie des sciences: à savoir, que l'on peut (et doit) expliquer l'histoire des sciences sans tenir compte de la vérité ou fausseté des théories scientifiques.

 

Je ne suis pas certain que le débat sur l'intéraction correcte entre l'épistémologie et la sociologie des sciences puisse être balayé en disant que l'épistémologie aurait déjà tiré tout ce qu'elle pouvait tirer de la "bonne" sociologie des sciences. Parfois on dit, comme @Lancelot le proposait initialement, qu'il n'y a peut-être rien à en tirer, parce qu'au fond, l'epistémologie produit tout le normatif, et l'étude des institutions ne produit que du descriptif, et donc, comme on le sait, ça ne communique pas. Cette position est respectable et sûre, elle n'est pas nuisible. Je me demande simplement si on ne peut pas faire un peu mieux.

 

Ensuite, je ne sais pas s'il est si évident qu'on peut rejeter comme "fausse" la conception de l'explication de l'histoire des sciences attribuée à Latour dans la citation. Ici il y a une difficulté qui est rencontrée aussi par Latour et je trouve, mal résolue par lui. Il n'arrive pas à choisir entre un partage des tâches, entre l'épistémologie et la sociologie dans la description du fonctionnement des institutions scientifiques, partage des tâches qui serait défini "en extension" : quand les scientifiques font "quelque chose de scientifique", le sociologue l'explique par la théorie épistémologique, quand ils font "quelque chose de social", il l'explique par sa théorie sociologique, et un autre partage des tâches, dans lequel le sociologue décrirait dans son propre langage tout le processus scientifique, et tout le débat entre scientifiques. Or dans le deuxième cas, qui me semble être la manière correcte de procéder, il ne me semble pas du tout que le sociologue puisse se permettre d'attribuer à la théorie, vue comme un objet de la société, la propriété de "vraie" ou de fausse". Soit il se borne à rapporter les croyances des sociologues à ce sujet, soit il trouve un moyen de redéfinir dans son langage tout le processus, qu'il va décrire objectivement, en bon scientifique, d'expérimentation, correspondant à la reconnaissance comme vraie ou fausse d'une théorie par les scientifiques. Je pense que c'est ça que les sociologues pourraient appeler la "construction sociale" du savoir scientifique (provisions d'usage, cf. mon article, cela n'implique pas que la théorie de soit pas vraie ou qu'il n'existe pas une réalité dehors blabla).

 

Je ne crois pas faire de l'esbrouffe en proposant que cette distinction est substantielle, puisqu'il s'agit de déterminer le contenu de la sociologie des sciences (à moins qu'on considère que la sociologie des sciences est tout entière de l'esbrouffe). J'en déduis donc que Sokal n'est pas assez rigoureux dans sa critique, du moins dans ce papier. Après, si j'arrive vraiment mieux que Latour à produire cette distinction (et il faut dire que d'après ma propre appréciation, Latour est beaucoup plus confus que je ne le suis :icon_volatilize:), alors je ne peux pas lui prêter et considérer que la critique de Sokal était injuste. Donc rendez-vous quand j'aurai lu le bouquin. :)

 

 

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Oui, il faut lire le chapitre consacré à la crise de l'épistémologie depuis Popper, qui est clair, intéressant et convaincant. Je viens de le relire, il fait la généalogie de la critique de l'épistémologie classique (à la Popper, qui est aussi fautive par que la science ne peut pas être uniquement formalisée à l'aune de la falsification) initiée par Kuhn, Feyerabend (mais aussi Quine) et qu'on retrouve dans le 'programme fort' de la sociologie des sciences (dont Latour est l'avatar français). Refaire le chemin a rebours me semble être une bonne méthode pour comprendre ce qui peut coincer aujourd'hui dans cet ensemble de programmes universitaires.

 

Il y a un passage sur Latour qui me semble intéressant, mais qui à mon avis sous estime la dimension politique, au sens de rapport de pouvoirs au sein de l'institution universitaire, de l'ensemble de ces programmes de recherches qui se développent et cherchent à s'autonomiser (c'est sans doute mon côté marxiste qui parle). Dans la méthode de sociologie des sciences de Latour rapportée par S et B, l'une des règles citée dans la tribune du monde, estime que comme le règlement d'une controverse est la cause de la représentation de la nature et non sa conséquence, on ne doit jamais avoir recours à l'issue finale -la nature-pour expliquer pourquoi et comment ladite controverse a été réglée.

 

S et B remarquent à juste titre que le glissement entre représentation de la nature et nature est problématique, et que si on remplace le terme 'nature' dans la seconde partie de la proposition, la phrase devient un truisme (ce n'est pas uniquement en prenant la nature comme étalon que les controverses scientifiques sont résolues), et qu'au contraire, si on prend au sérieux le mot nature dans la seconde partie de la phrase, alors l'assertion devient bizarre : le monde est créé par le règlement des controverses scientifiques (il y a un développement sur cet appel à la nature critiqué par Latour dans les pages suivantes).

 

Ici se loge une ambiguïté assez pratique du point de vue purement institutionnel, une sorte de strawman qui légitime l'entreprise sociologique dans le domaine des sciences : si le recours à la nature est une facilité ou une illusion (cet appel n'existe pas vraiment dans la pratique des sciences, peut être dans les représentations ordinaires de la science, mais ce n'est pas l'enjeu), il est possible de soutenir -c'est l’ambiguïté de la déclaration- que ce sont les rapports de forces entre chercheurs qui jouent le rôle d'arbitre entre leur résolution. Les sociologues des sciences se trouvent donc tout à fait légitimes à étudier et juger d'activités scientifiques qu'ils ne comprennent pas (ou plus précisément, ils peuvent faire l'économie d'une véritable compétence sur le sujet scientifique étudié en rabattant sa production sur sa 'construction sociale'). Je cite S et B : 'Latour dit que si c'est la nature qui règle les controverses, le rôle du sociologue est secondaire, mais que, si ce n'est pas le cas, le sociologue peut comprendre 'tout ce qu'il y a a comprendre dans les technosciences'. 

 

Si on prend cette dernière assertion comme vraie, alors le sociologue est légitime à construire des programmes entiers sur des sujets qu'il ne maîtrise pas, ou qu'il peut réduire à cette assertion bizarre sur le monde comme créé par des controverses scientifiques. Il ne s'agit pas ici de faire un procès à la sociologie des sciences en général : je pense qu'on peut trouver ce même genre de démarche 'radicale' dans d'autres disciplines (en particulier en philosophie et plus généralement en sciences sociales mais pas que), qui me semble être une sorte à la fois d'impérialisme et de clôture disciplinaires largement auto-référentielles.

 

Il y a une réflexion à mener sur le rapport entre l’ambiguïté des 'textes fondateurs' du postmodernisme et leur extension au monde institutionnel universitaire. Pour prendre un autre exemple, puisque qu'on a évoqué Butler, ce qui est problématique, en dehors des écrits, c'est sa réception : ses écrits sur la performativité (qui reprennent en les triturant pour les rendre inintelligibles ceux d'Austin) ont légitimé la création des performative studies. La vulgarisation des Latour, Kuhn, etc ont légitimé aussi des champs entiers de recherches relativement clos sur eux-mêmes dans des centaines d'universités (les cultural studies).

 

Sinon, on dit du mal de Butler, mais je viens de relire un passage sur Luce Irigaray et sa critique féministe de la mécanique des fluides, c'est assez drôle. 

 

 

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29 minutes ago, F. mas said:

Sinon, on dit du mal de Butler, mais je viens de relire un passage sur Luce Irigaray et sa critique féministe de la mécanique des fluides, c'est assez drôle.

 

Gender Trouble consiste en une succession de commentaires plus ou moins critiques de Wittig, Irigaray, Kristeva, Lacan et Foucault. Non seulement ces critiques sont assez intriquées et difficiles à suivre, mais à la sortie du bouquin il n'est pas facile de résumer les propositions faites par Butler elle même en réponse à ses auteurs. Il y a bien un dernier chapitre sensé les reprendre mais il semble très consensuel et sage étant donnée la radicalité de certaines réponses qu'elle fait à des auteurs déjà très radicaux dans les chapitres précédents. En tout cas si tu as des questions assez précises, comme j'ai un souvenir frais du bouquin et pas mal de notes je peux te répondre, par contre je peux pas me risquer à tenter de résumer tout ce bazar.

 

Je précise que ce fut une lecture assez intéressante parce que Butler reprenant Foucault de manière moins fine, elle rend visible certains présupposés de la méthode foucaldienne sur lesquels j'ai de bons angles d'attaque. J'ai envie de mettre cette lecture à profit en écrivant une réponse/complément à un article déjà pas mal de Ramus sur les différences biologiques entre les sexes, mais je pense qu'avant ça je retournerai vérifier qu'elle ne trahit pas trop Foucault (mais ce n'est pas mon impression, en la lisant je la voyais plutôt valider toutes mes impressions sur les présupposés contestables dans beaucoup d'arguments foucaldiens).

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Sur Latour je connais surtout son livre "Nous n'avons jamais été modernes" qui se livre à une critique de la modernité sur le point des distinctions fondamentales qu'elle a essayé de mettre en place (savant vs politique, nature vs culture par ex.), montrant que ces distinctions 1/ne sont plus opérationnelles à notre 'époque' 2/n'ont jamais vraiment été respecté de toute façon, mais en rejetant tout autant le réactionnaire (Heidegger par ex.) et le post-moderne (dans sa définition?) et proposant sa propre voie (ses histoires de réseaux et tout, sans doute la partie plus discutable, mais au moins c'est constructif). 

C'est un livre plus programmatique voire un peu pamphlétaire que "technique" (pas de discussion épistémologique précise). Il est écrit de manière parfois lapidaire et du coup sans doute attaquable dans ses raisonnements, mais c'est une lecture interessante je trouve. pr contre sa période Gaia actuelle a l'air bien pauvre.

 

A noter aussi sa fameuse tribune contre Bourdieu:

 

http://homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/Slatour.html

 

 

 

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Il y a 1 heure, F. mas a dit :

on dit du mal de Butler.

 

Non sans raison. Après, je veux bien qu'il y ait une hiérarchie interne dans le non-sens féminisme. Mais dans ce cas le féminisme marxiste me paraît moins délirant que le féminisme radical (ne serait-ce que par le côté contradictoire de ce dernier, avec son horizon de dissolution de la femme même):

 

« Arrive-t-il aux militant-e-s qui se réclament de la Queer Theory de se demander à qui s’adresse une proposition comme celle-ci : « En guise de stratégie pour dénaturaliser et resignifier les catégories relatives au corps, je décrirai et proposerai un ensemble de pratiques parodiques fondées sur une théorie performative des actes de genre, des pratiques qui sèment le trouble dans les catégories de corps, de sexe, de genre et de sexualité, et qui amorcent un processus subversif de resignification et de prolifération du sens débordant du cadre strictement binaire » [Butler, Trouble dans le genre, p.56] – non seulement en ce qui concerne le programme et les finalités attendues de son hypothétique réalisation mais en termes de niveau de langue et de soucis (quotidiens) : aux mères de famille des militant-e-s issu-e-s des classes populaires ? » (Ce que le tournant postmoderne a fait au féminisme, éditorial collectif de Revue Agone, n°43 « Comment le genre trouble la classe », 18/06/2010).

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4 minutes ago, Johnathan R. Razorback said:

Non sans raison. Après, je veux bien qu'il y ait une hiérarchie interne dans le non-sens féminisme. Mais dans ce cas le féminisme marxiste me paraît moins délirant que le féminisme radical

 

A mon avis c'est une erreur de considérer Butler comme une féministe. Tout Gender Trouble constitue une réaction queer contre les féminismes, marxistes et existentialistes entre autres. Mais enfin c'est dans le passage que tu cites.

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