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Éthique et tac


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il y a 45 minutes, Lancelot a dit :

1): D'un point de vue pratique ça se traduit par des choses telles que la notion de "bon père de famille" ou les raisonnements du type "what would Jesus do?". C'est intéressant parce que ça dénote un processus fondamentalement social : pour savoir quelle est la meilleure action j'imagine que la situation arrive à quelqu'un d'autre pour m'en extraire et c'est cette simulation qui me donne accès aux représentations éthiques. Par ailleurs ça se rapproche énormément de ma théorie sur la nature de l'objectivité.

 

2): Ni l'un ni l'autre quoi ? Je pense qu'il y a incompréhension sur ce que j'appelle un énoncé physique.

 

3): Il faut expliquer ça aux naturalistes, c'est eux qui veulent passer outre la distinction faits-valeurs.

 

1): Ce sont déjà des démarches plus raisonnables, qui évoquent la méthode de nombre de philosophes grecs pour résoudre les problèmes moraux, à savoir: qu'est-ce que le sage ferait ? ("le sage" étant une idée plus ou moins fictive d'un être humain aussi parfait que possible). C'est déjà moins aberrant qu'un observateur idéal omniscient... Mais ça reste une manière bizarre de raisonner, en ce sens que les problèmes moraux surviennent avant tout en première personne ("que dois-je faire ?" comme dirait Kant) ; se demander ce qui serait le mieux pour autrui n'est pertinent que dans la mesure où la situation à l'origine du questionnement moral est suffisamment universalisable (ce qui n'est peut-être pas le cas de tous les problèmes moraux, mais au moins d'un grand nombre, en cela @neuneu2k se trompe, je pense, en écartant l'universalisme).

 

2): je voulais dire: aucun des deux types de naturalisme moral ne me semble réductible à une physique. Parce que dire que la moralité se réduit à un fait naturel (ou non-naturel) n'empêche pas de produire une éthique normative. Mais je veux bien que tu éclaircisses ta définition d'énoncé physique.

 

3): Tout dépend, en fait, de ce qu'on veut dire par "passer outre la distinction". Faits et valeurs pourraient être distincts de manière non-absolue, comme un sous-ensemble dans une classe de choses. Les valeurs pourraient être un certain type de faits (par exemple d'idées, ou si on admet le physicalisme en philosophie de l'esprit, un certain type d'état mental), sans pour autant qu'il n'y ait aucune différence entre faits et valeurs (parce que tous les faits ne sont pas des valeurs).

 

Si les valeurs sont des faits (et qu'est-ce qu'elles pourraient être d'autres, ontologiquement parlant ?*), la question de l'origine de leur normativité surgit aussitôt, et c'est là qu'un eudémonisme téléologique me paraît incontournable. Le caractère bon ou mauvais de la valeur dépend alors de son efficience à remplir une finalité pré-existante.

 

*Certains pourraient dire: une relation (par exemple entre un contenu mental et un fait physique extérieur). Mais ça présupposerait que les relations ne sont pas des faits, ce qui n'est pas évident.

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On 28/08/2017 at 7:39 PM, Johnathan R. Razorback said:

Ce sont déjà des démarches plus raisonnables, qui évoquent la méthode de nombre de philosophes grecs pour résoudre les problèmes moraux, à savoir: qu'est-ce que le sage ferait ? ("le sage" étant une idée plus ou moins fictive d'un être humain aussi parfait que possible). C'est déjà moins aberrant qu'un observateur idéal omniscient...

"Observateur idéal" c'est la traduction de "sage" en jargon moderne : quelqu'un qui réagit de la meilleure manière concevable. C'est sûr que si on commence à trop formaliser ça devient absurde mais j'aime l'intuition qu'on ne peut avoir accès à la dimension morale d'une situation (et c'est bien le problème que visent ces théories méta-éthiques) qu'en la considérant sous un cadre empathique, en se représentant comment on jugerait un autre dans cette situation. A contrario un jugement esthétique peut se concevoir de manière purement solipsiste, je peux aimer ou ne pas aimer quelque chose sans avoir de notion du rapport des autres humains à cette chose (pour prendre un exemple bourrin, un nouveau-né est attiré par les forts contrastes visuels mais il n'est pas en mesure de faire des choix moraux).

 

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Mais ça reste une manière bizarre de raisonner, en ce sens que les problèmes moraux surviennent avant tout en première personne ("que dois-je faire ?" comme dirait Kant) ; se demander ce qui serait le mieux pour autrui n'est pertinent que dans la mesure où la situation à l'origine du questionnement moral est suffisamment universalisable (ce qui n'est peut-être pas le cas de tous les problèmes moraux, mais au moins d'un grand nombre, en cela @neuneu2k se trompe, je pense, en écartant l'universalisme).

On peut se demander "que ferait Jésus à ma place ?" pour éviter la difficulté. Mais du coup c'est vrai que les histoires d'omniscience sont abusées ou mal formulées (il ne faut pas être omniscient pour être moral). Je limiterais plutôt ça à une connaissance de la situation égale à celui qui y est confronté, avec comme option de chercher des renseignements complémentaires.

 

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je voulais dire: aucun des deux types de naturalisme moral ne me semble réductible à une physique. Parce que dire que la moralité se réduit à un fait naturel (ou non-naturel) n'empêche pas de produire une éthique normative. Mais je veux bien que tu éclaircisses ta définition d'énoncé physique.

Les énoncés physiques dans ma problématique sont en gros ceux qu'on peut vérifier par la démarche scientifique (observation empirique, raisonnement logique...) : "la Lune est plus petite que le Soleil" ou "la vache est un mammifère". Si on considère que les énoncés éthiques se réduisent à cette classe, alors on ne produit pas tant une éthique normative au sens classique qu'une science éthique avec des réponses objectivement mesurables à tous les problèmes moraux. C'est ce que prétendent les utilitaristes par exemple il me semble.

 

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Tout dépend, en fait, de ce qu'on veut dire par "passer outre la distinction". Faits et valeurs pourraient être distincts de manière non-absolue, comme un sous-ensemble dans une classe de choses. Les valeurs pourraient être un certain type de faits (par exemple d'idées, ou si on admet le physicalisme en philosophie de l'esprit, un certain type d'état mental), sans pour autant qu'il n'y ait aucune différence entre faits et valeurs (parce que tous les faits ne sont pas des valeurs).

Dès lors qu'on est moniste on va considérer que les jugements moraux ont bien leur origine dans notre univers (et vraisemblablement dans nos cerveaux). Le problème arrive quand on en conclut qu'une science morale comme celle que j'évoquais plus haut est possible.

 

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Si les valeurs sont des faits (et qu'est-ce qu'elles pourraient être d'autres, ontologiquement parlant ?*), la question de l'origine de leur normativité surgit aussitôt, et c'est là qu'un eudémonisme téléologique me paraît incontournable. Le caractère bon ou mauvais de la valeur dépend alors de son efficience à remplir une finalité pré-existante.

Voilà typiquement une approche que j'appelle physique.

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Il y a 1 heure, Lancelot a dit :

1): On peut se demander "que ferait Jésus à ma place ?" pour éviter la difficulté. Mais du coup c'est vrai que les histoires d'omniscience sont abusées ou mal formulées (il ne faut pas être omniscient pour être moral). Je limiterais plutôt ça à une connaissance de la situation égale à celui qui y est confronté, avec comme option de chercher des renseignements complémentaires.

 

2): on ne produit pas tant une éthique normative au sens classique qu'une science éthique.

 

3): Voilà typiquement une approche que j'appelle physique.

 

1): Jésus est censé être le fils de Dieu un dieu. Se demander ce que ferait un dieu à ma place semble encore plus tordu que se demander ce que ferait autrui (ce qu'on ne peut de toute façon pas savoir de manière absolue, sans quoi on serait autrui).

 

2): "Science éthique" est une contradiction dans les termes. Ce qui caractérise la science, c'est la neutralité axiologique.

 

3): Peut-être qu'une telle méta-éthique ne serait rien d'autre qu'une physique ; mais ce sont les fondements, pas l'éthique dans son ensemble. Il ne faut pas oublier l'éthique normative qu'on est déduit ou qu'on y rattache, laquelle montre bien qu'on a pas affaire à une physique. La physique est une science, et la science ne fait pas de prescriptions.

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Apparemment la référence à une figure idéale n'est ni un trait spécifique des Hellènes, ni de la théorie de l'observateur idéal. On l'a retrouve aussi dans l'éthique des vertus, par exemple:

« Selon Anscombe, l’Homme vertueux — qui incarne toute les vertus que l’espèce humaine peut espérer posséder — n’est autre que Jésus Christ. »

-Damien Couet, « La vertu sans la morale », La Vie des idées, 14 novembre 2013. ISSN : 2105-3030.

 

Démarche qui semble au mieux superflue, car le sage est exemplaire parce qu'il produit des actions louables (ce ne sont pas les actions qui sont louables parce que le sage les accomplies). On peut donc réfléchir sur les actions bonnes en faisant abstraction d'une telle figure (qui pourra en revanche avoir une utilité pédagogique ou à titre de matériaux pour la recherche éthique).

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56 minutes ago, Johnathan R. Razorback said:

Jésus est censé être le fils de Dieu un dieu. Se demander ce que ferait un dieu à ma place semble encore plus tordu que se demander ce que ferait autrui (ce qu'on ne peut de toute façon pas savoir de manière absolue, sans quoi on serait autrui).

Dans l'absolu que ce soit Jésus, le sage, l'observateur idéal, Mr Rogers ou ma grand-mère, ça importe peu. L'important c'est l'idée selon laquelle pour pouvoir émettre un jugement éthique on devrait nécessairement se baser sur la simulation d'une personne morale de référence.

 

56 minutes ago, Johnathan R. Razorback said:

"Science éthique" est une contradiction dans les termes. Ce qui caractérise la science, c'est la neutralité axiologique.

Ce n'est pas moi qui l'ai inventé : https://en.wikipedia.org/wiki/Science_of_morality

 

56 minutes ago, Johnathan R. Razorback said:

Peut-être qu'une telle méta-éthique ne serait rien d'autre qu'une physique ; mais ce sont les fondements, pas l'éthique dans son ensemble. Il ne faut pas oublier l'éthique normative qu'on est déduit ou qu'on y rattache, laquelle montre bien qu'on a pas affaire à une physique. La physique est une science, et la science ne fait pas de prescriptions.

Une fois qu'on a posé comme axiome en méta-éthique que les jugements éthiques ne visent jamais rien d'autre que la maximisation d'une quantité physique mesurable, tous les problèmes en éthiques normatives se réduisent à trouver la solution accomplissant une telle maximisation. Cette solution peut être déterminée scientifiquement et elle est par définition considérée comme la plus éthique. Donc oui dans ce cadre il y a une confusion nécessaire et assumée entre descriptif et prescriptif.

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il y a 19 minutes, Lancelot a dit :

1): Ce n'est pas moi qui l'ai inventé : https://en.wikipedia.org/wiki/Science_of_morality

 

2): Une fois qu'on a posé comme axiome en méta-éthique que les jugements éthiques ne visent jamais rien d'autre que la maximisation d'une quantité physique mesurable, tous les problèmes en éthiques normatives se réduisent à trouver la solution accomplissant une telle maximisation. Cette solution peut être déterminée scientifiquement et elle est par définition considérée comme la plus éthique. Donc oui dans ce cadre il y a une confusion nécessaire et assumée entre descriptif et prescriptif.

1): A la base c'est Platon qui a parlé le premier d'une "science de la morale".

 

2): Hummm...

Admettons. Mais même si les prescriptions de l'éthique normative sont établies scientifiquement, elles ne sont en elles-même pas scientifiques puisque des prescriptions. Donc la réduction à une physique n'est pas totale, non ?

 

Quels sont tes objections vis-à-vis de cette démarche, sinon ?

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17 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

A la base c'est Platon qui a parlé le premier d'une "science de la morale".

M'étonne pas de lui tiens.

 

17 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

Mais même si les prescriptions de l'éthique normative sont établies scientifiquement, elles ne sont en elles-même pas scientifiques puisque des prescriptions. Donc la réduction à une physique n'est pas totale, non ?

La dimension prescriptive est renvoyée au niveau des axiomes choisis ("la situation la plus morale est celle qui maximise la mesure X"). Après ça le seul débat possible c'est "quel est le moyen le plus efficace de maximiser X ?", et c'est un débat qui relève du scientifique. Du coup si les axiomes eux-mêmes (choisir quelle mesure maximiser) relèvent de l'éthique normative, postuler l'existence de ces axiomes relève de la méta-éthique.

Après je ne sais pas, le choix du bonheur comme mesure à maximiser, par exemple, est justifié par quoi ? Est-ce que c'est une justification qui se veut de nature scientifique ?

 

17 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

Quels sont tes objections vis-à-vis de cette démarche, sinon ?

Rien de précis pour l'instant, j'essaie juste de voir ce que ça implique.

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Il y a 1 heure, Lancelot a dit :

Après je ne sais pas, le choix du bonheur comme mesure à maximiser, par exemple, est justifié par quoi ? Est-ce que c'est une justification qui se veut de nature scientifique ?

 

Il me semble que oui, du moins, de ce que je comprend, les eudémonismes de type téléologiques identifient la recherche du bonheur à une propriété de la nature humaine* (voire des animaux en général), et donc à un état de fait (ce n'est donc pas un choix mais une nécessité).

 

*Il est vrai que définir la nature humaine est censée être le propre de l'anthropologie philosophique. Néanmoins, la séparation d'avec la physique, la biologie, la sexologie, la psychologie, etc, n'est pas évidente.

 

J'ai déjà cité deux textes d'Aristote et Pascal qui expriment cette idée, mais on l'a trouve aussi dans le matérialisme d'Holbach. Ainsi que dans le matérialisme ancien des épicuriens: "Il faut donc faire de ce qui produit le bonheur l'objet de ses soins, tant il est vrai que, lorsqu'il est présent, nous avons tout et que, quand il est absent, nous faisons tout pour l'avoir." (Épicure, Lettre à Ménécée, in Daniel Delattre & Jackie Pigeaud (éds), Les Épicuriens, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2010, 1481 pages, p.45)

 

On l'a retrouve encore dans l'analyse praxéologique de l'action de Mises, qui se réfère explicitement à la notion épicurienne d'ataraxie. Et par praxéologie, Mises entend à l'évidence une science.

 

Mais j'ai du mal à penser que les prescriptions qui se fondent sur de tels présupposés, ou la contestation d'autres prescriptions morales, soient elle-même une activité scientifique. Inciter autrui à modifier son comportement est différent d'expliquer quelque chose, non ?

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il y a 5 minutes, frigo a dit :

Et l'hypothèse de l'absurde, du non sens de cette agitation quotidienne et de l'inutilité de la souffrance ?

 

Lesquelles attitudes peuvent s'exclure mutuellement:

 

« La plus grande stupidité que l’esprit humain ait jamais conçu est l’idée de la délivrance par la suppression du désir. »

-Emil Cioran, Sur les cimes du désespoir (1933).

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1 hour ago, Johnathan R. Razorback said:

Il me semble que oui, du moins, de ce que je comprend, les eudémonismes de type téléologiques identifient la recherche du bonheur à une propriété de la nature humaine* (voire des animaux en général), et donc à un état de fait (ce n'est donc pas un choix mais une nécessité).

 

*Il est vrai que définir la nature humaine est censée être le propre de l'anthropologie philosophique. Néanmoins, la séparation d'avec la physique, la biologie, la sexologie, la psychologie, etc, n'est pas évidente.

 

J'ai déjà cité deux textes d'Aristote et Pascal qui expriment cette idée, mais on l'a trouve aussi dans le matérialisme d'Holbach. Ainsi que dans le matérialisme ancien des épicuriens: "Il faut donc faire de ce qui produit le bonheur l'objet de ses soins, tant il est vrai que, lorsqu'il est présent, nous avons tout et que, quand il est absent, nous faisons tout pour l'avoir." (Épicure, Lettre à Ménécée, in Daniel Delattre & Jackie Pigeaud (éds), Les Épicuriens, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2010, 1481 pages, p.45)

 

On l'a retrouve encore dans l'analyse praxéologique de l'action de Mises, qui se réfère explicitement à la notion épicurienne d'ataraxie. Et par praxéologie, Mises entend à l'évidence une science.

 

Mais j'ai du mal à penser que les prescriptions qui se fondent sur de tels présupposés, ou la contestation d'autres prescriptions morales, soient elle-même une activité scientifique. Inciter autrui à modifier son comportement est différent d'expliquer quelque chose, non ?

Si on récapitule :

  • On commence par dire que la moralité est une propriété physique, en d'autres termes que les comportements à but moral se réduisent à des tentatives pour maximiser une propriété qu'on peut mesurer physiquement. C'est une position méta-éthique qui n'est pas elle-même prescriptive.
  • Ensuite on détermine quelle est la propriété en question, par exemple le bonheur, et on le fait donc de manière scientifique par observation de la nature humaine (?).
  • Enfin on cherche par la méthode scientifique quelle est la manière optimale d'arriver à la maximisation de cette propriété dans une situation donnée. C'est un problème qui se veut purement technique, comme un exercice de physique : la voiture doit aller à 80 km/h pour arriver à destination sans épuiser sa réserve de carburant, on doit fixer le prix du paquet de cigarettes entre 10 et 15 euros pour minimiser le nombre de fumeurs en maximisant les taxes ce qui maximise le bonheur global.

Il me semble qu'à aucune étape là-dedans je n'ai eu besoin de faire un jugement éthique, juste des jugements sur la nature de l'éthique et sur la nature humaine qui sont pour moi justifiés de manière scientifique et pas morale. Pourtant j'arrive à une prescription.

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Il y a 1 heure, Lancelot a dit :

Si on récapitule :

  • On commence par dire que la moralité est une propriété physique, en d'autres termes que les comportements à but moral se réduisent à des tentatives pour maximiser une propriété qu'on peut mesurer physiquement. C'est une position méta-éthique qui n'est pas elle-même prescriptive.
  • Ensuite on détermine quelle est la propriété en question, par exemple le bonheur, et on le fait donc de manière scientifique par observation de la nature humaine (?).
  • Enfin on cherche par la méthode scientifique quelle est la manière optimale d'arriver à la maximisation de cette propriété dans une situation donnée. C'est un problème qui se veut purement technique, comme un exercice de physique : la voiture doit aller à 80 km/h pour arriver à destination sans épuiser sa réserve de carburant, on doit fixer le prix du paquet de cigarettes entre 10 et 15 euros pour minimiser le nombre de fumeurs en maximisant les taxes ce qui maximise le bonheur global.

Il me semble qu'à aucune étape là-dedans je n'ai eu besoin de faire un jugement éthique, juste des jugements sur la nature de l'éthique et sur la nature humaine qui sont pour moi justifiés de manière scientifique et pas morale. Pourtant j'arrive à une prescription.

 

Une prescription ou une description ? "Il faut faire X pour obtenir Y" semble une proposition différente de "Tu dois faire X pour obtenir Y".

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Si on admet les deux premiers points du raisonnement, il est strictement équivalent de dire "cette solution est la plus morale" ou "cette solution maximalise le bonheur". Donc un raisonnement établissant la solution qui maximalise le bonheur est strictement équivalent à une prescription morale de cette solution.

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Il y a 2 heures, Lancelot a dit :

Si on admet les deux premiers points du raisonnement, il est strictement équivalent de dire "cette solution est la plus morale" ou "cette solution maximalise le bonheur". Donc un raisonnement établissant la solution qui maximalise le bonheur est strictement équivalent à une prescription morale de cette solution.

 

Mouai. Je continue à trouver ça bizarre mais ça se tient. En tout cas je ne vois pas la faille dans ton analyse, pour le moment.

 

Tu ne vois toujours rien à reprocher à une telle "physique morale" ?

 

[Aparté d'épistémologie morale]

Je précise que je considère que si le bonheur est certainement un état physique, on n'a pas besoin de faire des neurosciences pour en faire l'expérience. L'expérience du bonheur qui est utile et déjà accessible pour la réflexion morale, c'est celle dont on fait l'expérience en première personne. Les sciences naturelles pourront juste donner une description "physique" de cette expérience subjective. Enfin, je ne veux pas trop m'aventurer sur le terrain du problème de la réduction physicaliste de la conscience (parce que ça dépasse mes compétences).  Ce qui est important, c'est que nous n'avons pas besoin d'attendre la réussite hypothétique d'un tel programme de recherche pour réfléchir sur la morale.

 

Le corolaire de ces propositions est que notre expérience personnelle a une importance fondamentale pour la découverte de la morale*, dans la mesure où nous pouvons être sûr de notre propre bonheur (vécu), alors que pour celui-ci des autres, nous ne pouvons disposer que d'erzats extérieurs (discours d'autrui sur son propre bonheur, analogies entre moi et autrui**, etc.).

 

*D'où ma défiance pour les théories qui cherche la connaissance morale en se décentrant de l'agent moral.

 

**Les similitudes entre l'agent moral et autrui permettent heureusement de sortir du scepticisme à propos de ce qui est bon pour autrui -tel qu'à par exemple pu le défendre @Neomatix - (sans quoi chaque personne devrait redécouvrir tous les principes moraux pour son propre compte, sans que l'expérience d'autrui puisse avoir de fiabilité), tout en incitant à une certaine prudence à la matière.

 

Cet individualisme épistémologique se redouble d'un individualisme normatif, puisque la moralité d'une proposition n'est rien que sa capacité à conserver ou accroître le bonheur de l'agent moral (et pas du tout d'un ensemble plus vaste, puisque je rejette l'utilitarisme).

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il y a 49 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

**Les similitudes entre l'agent moral et autrui permettent heureusement de sortir du scepticisme à propos de ce qui est bon pour autrui -tel qu'à par exemple pu le défendre @Neomatix - (sans quoi chaque personne devrait redécouvrir tous les principes moraux pour son propre compte, sans que l'expérience d'autrui puisse avoir de fiabilité), tout en incitant à une certaine prudence à la matière.

Le fait que les similitudes entre toi et autrui permettent de présumer ce qui est bon pour lui n'entre pas en contradiction avec ma position (i.e. qu'autrui est celui qui dispose de la meilleure approximation de ce qui est bon pour lui).

 

Le principe moral découlant de cette constatation est de toujours se fier au consentement de l'autre (lorsque ce que tu présumes et ses préférences divergent). Certaines actions sont toujours présumées inacceptables pour l'autre (e.g. l'initiation de la violence physique ou verbale).

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Il y a 3 heures, Neomatix a dit :

Le principe moral découlant de cette constatation est de toujours se fier au consentement de l'autre (lorsque ce que tu présumes et ses préférences divergent). Certaines actions sont toujours présumées inacceptables pour l'autre (e.g. l'initiation de la violence physique ou verbale).

 

Pourquoi est-ce moral ? En vertu de quel critère ?

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4 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

Tu ne vois toujours rien à reprocher à une telle "physique morale" ?

Je ne trouve pas ça évident ou intuitif mais si on admet les axiomes ça se tient. Je ne suis pas sûr d'admettre les axiomes. Et il faudrait aussi étudier les dérives possibles. Par exemple ça implique que toute situation peut être jugée objectivement comme plus ou moins morale, même si les intéressés n'y voient pas de dimension morale ? Et dans ce cas est-il justifié d'intervenir pour améliorer cette situation ? Après tout ça aboutirait à une situation objectivement meilleure donc on peut se poser la question.

L'astuce épistémologique ("la mesure objective existe mais on ne peut pas la connaître") permet d'éviter ça en grande partie, au prix d'affaiblir terriblement la position.

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Il y a 11 heures, Lancelot a dit :

Et dans ce cas est-il justifié d'intervenir pour améliorer cette situation ? Après tout ça aboutirait à une situation objectivement meilleure donc on peut se poser la question.

 

D'abord, il faut préciser ce qu'on entend par "intervenir". J'attends encore que quelqu'un me prouve qu'il soit moral de violer l'axiome de non-agression.

 

Ensuite, pour qu'une quelconque forme d'utilitarisme soit défendable, il faudrait prouver que la maximisation du bonheur "global" (ensemble des êtres humains / des êtres vivants) soit un comportement plus profitable à l'agent moral que d'autres normes (ou alors montrer que la moralité n'a rien à voir avec un égoïsme rationnel ou éclairé, mais là je souris d'avance). Je ne connais pas d'argument dans ce sens (j'ai lu L'utilitarisme de Mills, et il n'en donne pas me semble-t-il. Il faut maximiser l'utilité parce que). Et même si on en trouvait, il y aurait encore des raisons épistémologiques d'attaquer l'utilitarisme.

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1 hour ago, Johnathan R. Razorback said:

D'abord, il faut préciser ce qu'on entend par "intervenir". J'attends encore que quelqu'un me prouve qu'il soit moral de violer l'axiome de non-agression.

C'est moral dans la mesure où on peut prouver que ça maximise etc. Pour établir que ce n'est jamais le cas il faudrait démontrer que la moralité du principe non agression est une loi physique (ce qui aborde un peu en biais le jusnaturalisme).

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il y a une heure, Lancelot a dit :

C'est moral dans la mesure où on peut prouver que ça maximise etc.

 

Avant de débattre du libéralisme avec un utilitariste, je débattrais de son critère de moralité, lequel est sans fondement à mes yeux (et probablement inepte dans la pratique).

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Il y a 16 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Pourquoi est-ce moral ? En vertu de quel critère ?

C'est une règle simple à diffuser, potentiellement universelle, qui aboutit à la maximisation de mon bien être tout en étant acceptable par tous (puisque proposant la même minimisation des actions d'autrui indésirées, et ce pour tous les membres de la communauté).

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il y a 32 minutes, Neomatix a dit :

C'est une règle simple à diffuser, potentiellement universelle, qui aboutit à la maximisation de mon bien être tout en étant acceptable par tous (puisque proposant la même minimisation des actions d'autrui indésirées, et ce pour tous les membres de la communauté).

 

Tu réponds trop, là ;)Lequel de ces éléments constitue le critère permettant d'évaluer si la norme est moralement bonne ? (A moins que la moralité dépende de la présence de tous ces éléments ?)

 

Le fait qu'une norme soit "potentiellement universelle" me semble être la même chose que de dire qu'elle soit "acceptable par tous".

Si ce n'est pas une répétition, veux-tu dire qu'en plus de pouvoir être acceptée par n'importe qui, cette règle a aussi la propriété d'être dans l'intérêt de tout ceux qui l'acceptent ?

Si oui, admets-tu que c'est le fait que la norme favorise ou non l'intérêt individuel qui est le critère de la moralité ? (ce qui est précisément ce que je soutiens. Ce qui implique que l'universalité -le fait que tous le monde aurait intérêt à suivre la même règle- n'est pas requise pour qu'une norme soit morale, du moins, pas nécessairement*. C'est valable pour les normes morales, mais pas nécessairement pour les normes que je propose d'appeler éthiques:

 

« Tandis que l'éthique désigne les convictions à propos des modes de vie qu'il est bon ou mauvais de mener, la morale renvoie aux principes qui guident la manière dont toute personne doit se comporter avec les autres. ». -Ronald Dworkin, Sovereign Virtue, 2000).

 

*Autrement dit une norme est morale à partir du moment où elle favorise l'intérêt individuel d'au moins un individu, le présupposé (spinoziste) sous-jacent étant que les intérêts individuels ne peuvent pas se contredire / sont harmonieux.

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Il y a 16 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Tu réponds trop, là ;)Lequel de ces éléments constitue le critère permettant d'évaluer si la norme est moralement bonne ? (A moins que la moralité dépende de la présence de tous ces éléments ?)

Une règle est morale quand elle soutien l'intérêt personnel du sujet. Mais une règle morale qui n'est acceptable que par lui est inutile : si tout le monde a une règle morale satisfaisant son propre intérêt, sans prendre le soin de la réciprocité, cette règle aboutira à une situation où le sujet verra ses intérêts moins bien défendus (théorie des jeux, toussa).

Il y a 16 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Le fait qu'une norme soit "potentiellement universelle" me semble être la même chose que de dire qu'elle soit "acceptable par tous".

Potentiellement universelle signifie qu'elle fait appel à des concepts, des règles que l'on peut retrouver (à ma connaissance) dans toutes les civilisations humaines.

Acceptable par tous signifie que chaque individu trouve son compte à appliquer la même règle. L'égalité est le moyen le plus simple pour y parvenir. C'est un prérequis pour une règle morale applicable (cf au-dessus).

Il y a 16 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Si oui, admets-tu que c'est le fait que la norme favorise ou non l'intérêt individuel qui est le critère de la moralité ? (ce qui est précisément ce que je soutiens. Ce qui implique que l'universalité -le fait que tous le monde aurait intérêt à suivre la même règle- n'est pas requise pour qu'une norme soit morale, du moins, pas nécessairement*. C'est valable pour les normes morales, mais pas nécessairement pour les normes que je propose d'appeler éthiques:

 

« Tandis que l'éthique désigne les convictions à propos des modes de vie qu'il est bon ou mauvais de mener, la morale renvoie aux principes qui guident la manière dont toute personne doit se comporter avec les autres. ». -Ronald Dworkin, Sovereign Virtue, 2000).

 

*Autrement dit une norme est morale à partir du moment où elle favorise l'intérêt individuel d'au moins un individu, le présupposé (spinoziste) sous-jacent étant que les intérêts individuels ne peuvent pas se contredire / sont harmonieux.

Le présupposé spinoziste est faux. Sinon on n'aurait pas les tribunaux.

 

L'intérêt individuel est à entendre au sens large : ça comprend l'émotion positive que je ressens lorsque je donne à plus mal loti par exemple.

 

La règle morale à appliquer n'est évaluable qu'avec un seul critère : à quel point protège-t-elle mes intérêts. Mais comme on ne vit pas en vase clos, pour satisfaire au mieux ce critère elle doit satisfaire les conditions de réciprocité (e.g. si je veux qu'on respecte mon intégrité physique je respecte celle des autres) et d'universalité (adoptable facilement par n'importe quel humain, sans devoir faire appel à des calculs de théorie des jeux ou à des notions absconses dès qu'il traverse au rouge).

 

P.S. Il y a des redites et c'est mal écrit, désolé, c'est ça de répondre aux questions sans les lire avant.

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Moi je trouve que tu es clair et compréhensible. 

Par contre tu me bombardes de " what the fuck" quand j'évoque l'intérêt général dans l'abecedaire, et là je trouve que tu essais de trouver une fenêtre entre liberté individuelle et intérêt général. Étant moi même perclus de contradictions n'y voit aucune condescendance.

 

 

 

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Il y a 2 heures, frigo a dit :

Moi je trouve que tu es clair et compréhensible. 

Par contre tu me bombardes de " what the fuck" quand j'évoque l'intérêt général dans l'abecedaire, et là je trouve que tu essais de trouver une fenêtre entre liberté individuelle et intérêt général. Étant moi même perclus de contradictions n'y voit aucune condescendance.

C'est quand tu dis que le libéral se soucie de l'intérêt général que je bombarde de what the fuck.

L'intérêt général c'est la somme des intérêts particuliers. Et le libéral ne se soucie pas non plus de la somme des intérêts particuliers puisque sa position n'est pas utilitariste (et que de toute façon c'est impossible à déterminer).

 

Pour faire court : une bonne morale est celle qui permet à celui qui l'adopte de maximiser son intérêt. Or une telle morale fonctionne mieux quand tout le monde la partage. Or pour qu'elle soit partagée il faut qu'elle soit appliquée de manière réciproque (e.g. si tu veux qu'on respecte ta propriété, respecte celle des autres).

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Le 03/09/2017 à 09:23, Neomatix a dit :

1): L'intérêt individuel est à entendre au sens large : ça comprend l'émotion positive que je ressens lorsque je donne à plus mal loti par exemple.

 

2): Le présupposé spinoziste est faux. Sinon on n'aurait pas les tribunaux.

 

1): Oui, bien sûr. Et c'est quelque chose que beaucoup de gens ne comprennent pas, parce qu'ils traduisent "intérêt individuel" par "mon désir" (en termes objectivistes: ils rabattent l'égoïsme rationnel sur l'égoïsme brut). Or ce n'est pas du tout la même chose. L'intérêt individuel c'est ce que j'ai intérêt à désirer, ce qui ne recoupe pas nécessairement ce que je désire effectivement. Ou dit autrement, c'est mon désir dès lors qu'il est raisonnable (dans une perspective téléologique: en tant qu'il me pousse vers la réalisation de ma finalité).

 

« Tout désir qui naît de la Raison ne peut être sujet à l'excès. » -Spinoza, Éthique, IV, proposition LXI, 1677.

 

2): Du coup je ne comprends pas ta remarque. Il y a des tribunaux parce que les gens agissent de manière injuste et déraisonnable, donc parce qu'ils ne suivent pas leur intérêt individuel. S'ils le faisaient, je vois mal comment les intérêts individuels pourraient se contredire. D'où la nécessité des tribunaux et institutions politiques pour rectifier les passions déliées de la raison:

 

« Si la nature humaine était ainsi faite que les hommes désirassent par-dessus tout ce qui leur est par-dessus tout utile, il n’y aurait besoin d’aucun art pour établir la concorde et la bonne foi. » -Spinoza, Traité politique, p.23.

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