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Présupposés philosophiques / culturels du libéralisme et Thick vs. Thin Debate


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1 hour ago, Johnathan R. Razorback said:

Du coup le socialisme de Marx est un thin socialism. Il faut être socialiste parce que. C'est le sens de l'histoire. Pourquoi faut-il être pour le sens de l'histoire ? On ne sait pas.

C'est une défense du socialisme coupée des arguments moraux qui soutiennent (normalement) les positions politiques. Et donc arbitraire. Vu qu'il n'y a pas de valeurs morales de posées, on ne peut pas réfuter cette position. De même qu'on ne peut pas réfuter celui qui déclarerait qu'il faut être libéral parce que, sans faire appel à aucun présupposé.

 

Tu es sûr ? De mémoire à propos du Manifeste, il y a quand même l'idée que l'avènement du socialisme mettra fin à l'éternelle domination d'une classe sur une autre à travers l'histoire. C'est présenté de manière favorable, il y a donc un argument moral, non ? (Je ne l'ai pas lu depuis longtemps et je ne l'ai pas sous la main).

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23 minutes ago, Boz said:

 

Tu es sûr ? De mémoire à propos du Manifeste, il y a quand même l'idée que l'avènement du socialisme mettra fin à l'éternelle domination d'une classe sur une autre à travers l'histoire. C'est présenté de manière favorable, il y a donc un argument moral, non ? (Je ne l'ai pas lu depuis longtemps et je ne l'ai pas sous la main).

 

L' Histoire va dans le bon sens, mais c'est quelque chose qui d'une certaine manière nous dépasse, car en tant qu'individus nous ne pouvons pas penser en dehors de notre classe sociale.

Ce qu'on peut comprendre c'est le caractère ineluctable de l'avénement du socialisme.

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il y a une heure, Boz a dit :

Si l'Histoire va dans le bon sens, c'est qu'il y a un jugement moral, non ?

 

Il y a une forme de jugement moral implicite, mais il n'y a pas d'argument* en ce sens que Marx n'explicite pas pourquoi ce serait mal qu'une classe "domine**" une autre, par exemple.

 

*Un argument suppose une expression explicite et le désir de convaincre autrui. Là on sait juste que l'Histoire va vers le Progrès (et le communisme). Pourquoi est-ce le progrès ? Parce que.

 

**C'est encore pire chez Boukharine (La théorie du matérialisme historique): à un moment il examine l'objection suivant laquelle les bolcheviks ne peuvent pas à la fois pratiquer le vol et dénoncer l' "exploitation" de classe. Réponse de Boukharine: le bien c'est ce qui favorise l'émancipation du prolétariat, donc si le vol sert ce but, le vol est légitime. Donc le référent moral c'est le sens de l'histoire. Pourquoi une histoire finalisée vers le communisme serait plus morale que n'importe quoi d'autre ? Quel est le critérium qui permet d'identifier le sens de l'histoire et le bien ? On ne sait pas.

 

Si ce n'est pas une position thin, c'est en tout cas vachement peu épais pour légitimer le socialisme...

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Le 17/06/2018 à 21:16, Johnathan R. Razorback a dit :

Pour introduire les questions suivantes:

Le libéralisme n'a t-il pas des présupposés philosophiques (c'est-à-dire:

-version faible: seule l'acception de certaines positions philosophiques sous-jacentes permet -de facto- d'être libéral.

-version forte: seule l'adoption de la bonne philosophie permet par conséquence de défendre la liberté de manière cohérente -c'est bien sûr la position objectiviste, que j'ai reprise dans ma signature)

 

ou culturels ? N'y-t-il pas des types de pensées qui, étant en soi faux et mauvais, conduisent d'une manière ou d'une autre, à violer / rejeter les droits naturels (suggestion de théories / idéologies suspectes à cet égard: le polylogisme, ou le holisme méthodologique. Ou encore le racisme / antisémitisme, etc.) ?

 

J'ai envie de te répondre les deux. Dans son livre sur le Conservatisme, JP Vincent fait le distingo entre le style conservateur (une manière de voire le monde aussi vielle que le monde) et le Conservatisme en tant que doctrine politique née au moment de la Révolution française. Ce distingo pourrait tout aussi bien être appliqué au Libéralisme, entre un état d'esprit que l'on peut retrouver à travers les cultures et l'histoire, et une doctrine qui elle s'inscrit dans le temps et un espace culturel précis.

 

Sur la position forte je serai prudent, ne serait-ce à cause de la grande diversité de Libéralisme sque l'on peut rencontrer.

 

Citation

Ou encore: le libéralisme n'est-il pas le produit d'une certaine culture (en gros occidentale*) ? La préservation au moins partielle de ladite culture n'est-elle pas une condition nécessaire à la survie du libéralisme lui-même** ? Ou encore (synthétiquement): qui est l'homme des Droits de l'Homme ?

 

Oui le Libéralisme est bien le produit de la civilisation Occidentale, il n'est n'est pas apparu ailleurs et les trops rares prémices n'ont jamais prospérés. Cela veut-il dire que le Libéralisme devrait être limité à l'Occident (argument de la Russie et de la Chine)? Je ne le crois pas. Qu'il doivent s'adapter aux réalités locales est une évidence, mais cela ne veut pas dire que ses solutions et principes ne puissent prospérer en dehors de l'Occident. Pour s'en rendre compte il suffit de voir comment le Libéralisme se divise en Ecoles et courants, certains recouvrant des réalités qui traversent l'Europe (ex, en gros, une école classique anglo-saxonne et une école autrichienne continentale).

 

 

Citation

"Ces dernières années, le libertarianisme s'est de plus en plus divisé entre le libertarianisme "mince/léger" [thin] et le libertarianisme "épais" [thick].

Le libertarianisme léger se concentre uniquement sur la réduction de l'étendue de l'action gouvernementale, le respect des droits de propriété et le respect du principe de non-agression (PAN), et est généralement agnostique sur toutes les autres questions. [...]

Les libertariens "épais" croient aux mêmes politiques gouvernementales que les libertariens "minces", mais ils insistent aussi pour encourager culturellement tout le monde à adopter une attitude de "vivre de laisser vivre", et pour débarrasser la société des préjugés traditionnels comme le racisme, le sexisme et l'homophobie
."

 

Cette division, telle que tu l'exposes, n'est que la reprise d'une très vielle division du mouvement libéral entre les "Rationalistes" qui veulent utiliser l'Etat pour émanciper l'individu (Voltaire, Tracy, Mill, GK) et les partisans des coprs intermédiaires qui veulent contre balancer la puissance de l'Etat (Montesquieu, Constant, Tocqueville). Personnellement je pense qu'il n'est pas possible de réconcilier ces deux tendances. Le but du "politique" est d'équilibrer ces deux tendances en fonction des situations. Bon, clairement en France il faut plus de Thin que de Thick mais cela n'est pas vrai partout.

 

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il y a 7 minutes, PABerryer a dit :

Dans son livre sur le Conservatisme, JP Vincent fait le distingo entre le style conservateur (une manière de voire le monde aussi vieille que le monde) et le Conservatisme en tant que doctrine politique née au moment de la Révolution française.

 

C'est une distinction assez évidente ^^:


"Il y a une complexion psychique universelle reconnaissable à la ténacité avec laquelle nous adhérons à tout ce qui est établi de longue date et ne consentons qu'à contrecœur aux nouveauté. [...] D'un tel traditionalisme, qui ne signifie précisément que cette fidélité à l'usage établi de longue date, on peut poser à bon droit qu'il est l'attitude vraiment originaire par rapport à tout réformisme, à toute aspiration préméditée au changement. On pourra poser en outre qu'il est "universellement humain", et que sa forme originaire se rattache à la conscience magique, au sens où, chez les peuples "primitifs", la fidélité aux atavismes est intimement liée à la peur des possibles préjudices magiques qui résulteraient d'un changement. Notre époque aussi connaît un tel traditionalisme, souvent rattaché d'ailleurs à des formes magiques résiduelles de conscience. L'agir traditionnaliste, donc, n'est pas lié, et aujourd'hui non plus, au conservatisme de nature politique (ou quel qu'il soit). Par exemple, des personnes politiquement "progressistes" pourront agir, abstraction faite de leurs convictions politiques, de manière massivement "traditionaliste" dans des domaines d'existence bien déterminés."

-Karl Mannheim, La pensée conservatrice. Contributions sociologiques à l'histoire de la pensée politique-historique en Allemagne, 1927.

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il y a 44 minutes, PABerryer a dit :

Cette division, telle que tu l'exposes, n'est que la reprise d'une très vielle division du mouvement libéral entre les "Rationalistes" qui veulent utiliser l'Etat pour émanciper l'individu (Voltaire, Tracy, Mill, GK) et les partisans des coprs intermédiaires qui veulent contre balancer la puissance de l'Etat (Montesquieu, Constant, Tocqueville). Personnellement je pense qu'il n'est pas possible de réconcilier ces deux tendances. Le but du "politique" est d'équilibrer ces deux tendances en fonction des situations. Bon, clairement en France il faut plus de Thin que de Thick mais cela n'est pas vrai partout.

Je ne suis pas tout à fait convaincu par cette superposition de thick/thin et de jacobin/girondin. pourquoi ne serait-il pas possible d'être un rationaliste thick, ou thin pro- corps intermédiaire ? (je n'étais pas sûr d'avoir compris lequel était le thin et lequel était le thick avant le fin de ton message)

 

A propos du fait que ce soit la civilisation occidentale qui ait donné le libéralisme, on pourrait objecté que le libéralisme soit née contre elle. On dirait alors que rester attaché au christianisme et à la famille traditionnelle pour ne pas perdre le libéralisme serait comme vouloir que l'on continue à avoir la rage, puisque c'est contre elle que l'on a inventé le vaccin, qui est une bonne chose. (ce n'est pas ce que je crois, mais ce serait une position intéressante)

 

Plus généralement, je vois le libéralisme/libertarianisme comme une partie "thin" de la morale. Bien sûr qu'il y a autre chose que le respect du NAP dans la vie, mais le reste n'est tout simplement pas le libéralisme... Et je ne pense pas qu'il soit vraiment nécessaire de remonter jusqu'au principes moraux supérieurs dans les débats politiques contradictoires. La plupart du temps, les oppositions se situent à des niveaux beaucoup plus bas, et donner raison au libéralisme demande rarement beaucoup de métaphysique.

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il y a 6 minutes, Mégille a dit :

Je ne suis pas tout à fait convaincu par cette superposition de thick/thin et de jacobin/girondin. pourquoi ne serait-il pas possible d'être un rationaliste thick, ou thin pro- corps intermédiaire ? (je n'étais pas sûr d'avoir compris lequel était le thin et lequel était le thick avant le fin de ton message)

Rationalisme comme valorisation des corps intermédiaires sont déjà deux positions thick, ne serait-ce qu'en partie.

 

il y a 6 minutes, Mégille a dit :

A propos du fait que ce soit la civilisation occidentale qui ait donné le libéralisme, on pourrait objecté que le libéralisme soit née contre elle.

Le libéralisme est plutôt né contre la modernité politique : c'est un fruit de la civilisation occidentale qui lutte contre un autre fruit de la même civilisation, et en aucun cas contre l'arbre qui lui a donné naissance.

  • Yea 2
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il y a 8 minutes, Rincevent a dit :

Le libéralisme est plutôt né contre la modernité politique : c'est un fruit de la civilisation occidentale qui lutte contre un autre fruit de la même civilisation, et en aucun cas contre l'arbre qui lui a donné naissance.

Par modernité politique, tu veux dire l'absolutisme, Machiavel et Hobbes ?

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il y a une heure, PABerryer a dit :

Cela veut-il dire que le Libéralisme devrait être limité à l'Occident (argument de la Russie et de la Chine)? Je ne le crois pas. Qu'il doivent s'adapter aux réalités locales est une évidence, mais cela ne veut pas dire que ses solutions et principes ne puissent prospérer en dehors de l'Occident.

 

Tout à fait. Le libéralisme est un universalisme. Note d'ailleurs que ce ne sont pas des "pays" unanimement qui dénoncent le libéralisme (ou la démocratie) comme des inventions étrangères, mais les collectivistes locaux qui essayent de garder un pouvoir absolu.

 

A l'inverse il y a des intellectuels non-occidentaux qui tentent de synthétiser le libéralisme (par exemple) avec certains éléments culturels / philosophiques / religieux locaux*. Et qui peuvent souvent à bon droit s'inspirer de certaines initiatives historiques qui n'ont pas aboutis jusqu'ici. Armatya Sen a par exemple écrit un bon petit livre (La démocratie des autres) sur les expériences proto-démocratiques en Inde ou dans d'autres parties du monde non-occidental.

 

*Je suis particulièrement à l'affût de ces syncrétismes dans le monde arabe ; je crois qu'une meilleure connaissance de ceux-ci permettraient une vision du monde un peu moins sommaire que ce qu'on lit parfois (façon résurgence du "despotisme oriental" orientaliste).

 

Ce point est intéressant car puisque le libéralisme peut se développer "ailleurs", ça implique que les traits de la culture occidentale dont il pourrait dépendre ne se confondent pas avec la totalité voire la majorité des traits de cette culture (c.a.d: la libéralisation n'est pas l'occidentalisation). Ce processus pourrait en fait faciliter l'identification des éléments culturels (voire philosophiques) qui accompagnent toujours le libéralisme (s'il y en a, et je pense qu'il y en a).

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il y a 11 minutes, Mégille a dit :

Par modernité politique, tu veux dire l'absolutisme, Machiavel et Hobbes ?

Par modernité politique, j'entends le fait de ne plus analyser le fait politique comme relevant d'un ordre (Hayek parlerait sans doute d'un cosmos) ou d'un régime, mais comme la distinction d'un État et d'une société civile, le premier étant issu de l'accord raisonné de la seconde (le contrat social, toussa). Le mot "raisonné" est important, parce que l'on passe de l'autorité traditionnelle à la rationalité ou au rationalisme ; et qui dit "rationalisme", peut entendre parmi l'écho "constructivisme".

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il y a 9 minutes, Mégille a dit :

Par modernité politique, tu veux dire l'absolutisme, Machiavel et Hobbes ?

 

Pauvre Filmer Jean Bodin, toujours oublié (alors que son absolutisme est beaucoup plus orthodoxe que la théorie de Hobbes).

 

Soit dit en passant, Machiavel n'a pas écrit que Le Prince ;)

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il y a 30 minutes, Mégille a dit :

Bien sûr qu'il y a autre chose que le respect du NAP dans la vie, mais le reste n'est tout simplement pas le libéralisme...

 

Tout le monde s'accorde là-dessus. La question est de savoir si une défense solide (c.a.d fondée & efficace) du libéralisme n'implique de valoriser autre chose* que lui-même.

 

*Ces autres choses étant potentiellement nombreuses et très variées: forme du régime politique, "culture", mœurs, institutions sociales non-politiques, doctrine philosophique ou religieuse, et pourquoi pas des formes artistiques, des œuvres ?

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On 6/17/2018 at 11:10 PM, Rincevent said:

Le problème de la Nation une et grande, c'est qu'elle est grande (et une).

:chine: (smiley raciste)

 

On 6/18/2018 at 1:14 AM, Extremo said:

J'avais un biais contre la position thick à cause du gauchisme de la plupart des thick libertarian mais j'avoue que je suis de plus en plus divisé sur la question dernièrement.

Le débat entre thicks de gauche et de droite est à mon sens la vraie cause de l'éclatement du mouvement aux États-Unis, avec les émancipationnistes d'un côté et les conservateurs de l'autre qui se font repousser doucement dans l'alt-right.

 

Quote

Sérieusement, oui, mais il y a aussi Rockwell qui a fondé le courant paléo-libertarien avec Rothbard mais qui pourtant se dit thin libertarian. Même chose pour Walter Block. Du coup un des problèmes de ce débat c'est que j'ai l'impression que tout le monde ne parle pas exactement de la même chose, d'où ma question plus haut.

Un des problèmes est que c'est pratique de se revendiquer thick quand on veut défendre son agenda moral et thin quand ça commence à causer de questions qu'on veut écarter. Pour ma part thick ou thin peu importe mais il faut assumer jusqu'au bout.

 

On 6/18/2018 at 12:39 PM, Johnathan R. Razorback said:

D'après ce que je comprends, le libéral-conservateur "mince" va critiquer les libéraux "épais" de gauche en arguant du fait qu'ils introduisent dans la défense du libéralisme des éléments superflus (donc le clivage est avant tout thin / thick. Le fait qu'il soit de droite n'est pas essentiel).

 

Alors que le libéral-conservateur "épais" criquerait cette même position en faisant valoir que le libéralisme ne peut en effet être défendu qu'en intégrant des présupposés plus larges, mais que ces présupposés ne peuvent être de gauche (là, les deux positions sont "épaisses", mais il y a dissensus sur le contenu à mettre dans le "thick").

Voilà. Mais on peut être thin et aussi avoir des positionnements moraux tant qu'on ne revendique pas que ces positionnements font partie du libéralisme. À la limite on peut même dire "je suis libéral pour la raison morale X" tout en restant thin si on accepte que d'autres présupposés moraux amènent aussi bien au libéralisme.

 

22 hours ago, Solomos said:

"I am,

at the Fed level, libertarian;

at the state level, Republican;

at the local level, Democrat;

and at the family and friends level, a socialist."

--Geoff and Vince Graham (quoted by nntaleb, Skin in the Game)

Ce qui recoupe assez ce que je disais je ne sais plus où sur le critère de la portée pour évaluer la légitimité des jugements moraux.

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il y a 11 minutes, Lancelot a dit :

on peut être thin et aussi avoir des positionnement moraux tant qu'on ne revendique pas que ces positionnements font partie du libéralisme.

 

Il me semble que la position "mince" souffre d'un problème de rigueur logique. Si je veux une chose, je dois aussi -si je suis rationnel- vouloir / accepter les choses qui la rendent possible. Si je veux défendre le libéralisme, je dois aussi défendre les présupposés qui le font exister / le justifient.

 

A moins qu'on parvienne à démontrer qu'il n'y a aucun présupposé de ce type*, et du coup le libéralisme "mince" serait valide en quelque sorte par KO de la position inverse. Mais ça me semble impossible.

 

*Self Evident Truths comme disait Jefferson.

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Il y a 1 heure, PABerryer a dit :

Sur la position forte je serai prudent, ne serait-ce à cause de la grande diversité de Libéralisme que l'on peut rencontrer.

 

Il y a de facto plusieurs philosophies mobilisées par des libéraux, mais puisqu'elles se contredisent mutuellement (par exemple le kantisme contredit l'utilitarisme, et l'objectivisme nie les deux en même temps. Et les trois divergent de la doctrine de Locke), il y en a logiquement au moins une qui est fausse. Peut-être même qu'elles sont toutes fausses et que la philosophie nécessaire pour fonder le libéralisme n'existe pas encore. Auquel cas il faudrait en quelque sorte défendre la position thin (ou thick modéré) par défaut.

 

Ps: je suis d'accord avec @Mégille, je ne trouve pas du tout que le thin vs thick debate recoupe le clivage jacobin / girondin. Tous les individus concernés par le débat sont libéraux / libertariens, et tous les tenants de la position "épaisse" ne sont pas des "progressistes".

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Il y a un petit détail qui me chiffonne toujours dans ce débat : j'ai l'impression qu'on part assez vite dans des théories sur l'histoire des idées et qu'on oublie un peu vite d'où viennent concrètement ces idées : elles ne sont qu'une formalisation a posteriori d'un équilibre des pouvoirs né dans le sang.

 

En d'autres termes, le libéralisme, c'est ce qu'un philosophe a théorisé à partir d'une trêve, d'un compromis historique vieux de plusieurs siècles où plusieurs parties absolument pas éclairées ni libérales, ni individualistes, ni bourgeoises, ni rien du tout (à l'époque les seuls types un peu moins cons que les autres étaient reclus dans des monastères, les nobles largement analphabètes trouvaient ça coolio de s'entre-tuer et le reste - soit 99.9% de la population - chiait dehors dans les bons cas, mourrait à 30 ans avec un seul habit, sans avoir vu un livre, même de loin et edgaient leur foi en faisant mine de croire en jésus tout en croyant au monolithe là haut là-bas tu sais bien celui qui a guéri le pied purulent d'untel) ont trouvées un modus vivendi pour que les décapitations, les mises à sac de châteaux et les famines soient un poil moins courantes. Et pas du tout parce qu'ils pensaient que tuer, piller et brûler c'était pas bath mais plutôt parce que c'est bien embêtant que ces choses-là arrivent domestiquement quand la priorité c'est de tuer, piller et brûler les estrangers.

 

Bien après, des siècles après, des types à perruques se sont trouvés bien malins et ont théorisés tout ça en isolant certains compromis pratiques en en faisant des principes ("pas de taxation sans représentation") et en théorisant plein de trucs au-dessus. Et maintenant que sappelerio libéralisme. 

 

L'élément clé est àmha de comprendre pourquoi et comment une transition s'est produite entre le moment 'racket de protection des anciens brigands stationnaires/seigneurs de guerre' et le moment 'institutions de type étatique'.

 

Tandis que les princes accumulaient les moyens de coercition, les barons locaux faisaient de même et les entrepreneurs civils accumulaient les richesses. Ces processus d'accumulation ont progressivement fait émerger un nouveau type de relations entre les élites militaires, les vassaux puissants et les élites civiles. La relation entre revendications civiles de sûreté et besoin d'extraction (= fiscalité) des militaires pour guerroyer contre les militaires voisins a apprivoisé les poussées violentes de deux façons.

 

Sur le plan externe, la foire à l'élimination militaire entre États émergents s'est progressivement transformée en concurrence entre États en tant qu'unités mutuellement acceptées qui interagissent dans le cadre d'une société d'États gouvernée par des normes.

 

Sur le plan interne, la rationalisation formelle (juridique) des relations entre les États et la société a donné naissance à l'État démocratique libéral et pluraliste que nous percevons comme le modèle à suivre. 

 

(Car l'Etat lui-même n'est que le sous-produit de la guerre : faire la guerre demande des ressources en fric et en hommes ; il faut extraire ces ressources, encore et encore et encore, et à un moment donné le prince est obligé de négocier avec les barons et les marchands pour extraire plus de ressources sur la durée. Et donc accidentellement, par cette négociation, on arrive à un gouvernement intérieur qui va être forcé d'être plus prévisible, plus limité, plus partagé = plus... libéral, oooOOoooh !)

 

Ces normes civilisées de l'État libéral et du droit international ont été les résultats tardifs et accidentels (car non intentionnels) de processus intensifs d'élimination entre belligérants et de négociation entre militaires et civils. Dans le sang, donc. Et rien à voir avec des idées, "l'Occident", ou autre. Le libéralisme est un truc théorisé a posteriori à partir d'un moment de violence réduite, qui était le by-product de l'Etat émergent, lui-même le by-product de la guerre.

 

Ce qui pourrait avoir des conséquences pratiques pour le mouvement. Je pense que les libéraux sont devenus hémiplégiques par la think-tankisation du mouvement inspirée par un propos tiré d'Hayek. Ils pourraient think-tanker plus et mieux, certes, mais ils pourraient aussi réfléchir à l'origine de la limitation de l'Etat et s'atteler à trouver des moyens pratiques pour forcer l'Etat à négocier, pour acculer l'Etat.

 

J'ai dit acculer, hein. 

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1 hour ago, Johnathan R. Razorback said:

Si je veux une chose, je dois aussi -si je suis rationnel- vouloir / accepter les choses qui la rendent possible. Si je veux défendre le libéralisme, je dois aussi défendre les présupposés qui le font exister / le justifient.

On peut aussi admettre qu'il est possible d'arriver à la même conclusion avec plusieurs cheminements. En particulier si on pense que cette conclusion est très fortement vraie. Si la conclusion est le libéralisme, les différents chemins peut-être contradictoires qui mènent au libéralisme ne sont pas encore le libéralisme.

 

23 minutes ago, G7H+ said:

Il y a un petit détail qui me chiffonne toujours dans ce débat : j'ai l'impression qu'on part assez vite dans des théories sur l'histoire des idées et qu'on oublie un peu vite d'où viennent concrètement ces idées : elles ne sont qu'une formalisation a posteriori d'un équilibre des pouvoirs né dans le sang.

Bah je ne vois pas de raison de se chiffonner, au contraire c'est typique des positions thick de se pencher sur les conditions historiques d'apparition.

 

23 minutes ago, G7H+ said:

Je pense que les libéraux sont devenus hémiplégiques par la think-tankisation du mouvement inspirée par un propos tiré d'Hayek.

Que diable allait-il faire dans cette galère ?

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Il y a 8 heures, G7H+ a dit :

comment une transition s'est produite entre le moment 'racket de protection des anciens brigands stationnaires/seigneurs de guerre' et le moment 'institutions de type étatique'.

Ma théorie c'est que cette transition n'a justement jamais eu lieu.

La catégorie des fonctionnaires aujourd'hui, ce sont les héritiers directs des bandes de pillards des temps anciens (qui ont toujours existé et de facto jamais disparus).

Alors oui, ils ont des cravates, sont dans des bureaux, des immeubles qui en imposent, volent via des cerfas,

 

Ce sont tous ces gens incapables d'être productifs par eux-mêmes et qui ne peuvent vivre que du vol d'autrui.

Il y en a, de tous temps. Probablement un contingent incompressible.

Et le problème de les "intégrer" à la société à toujours existé de manière plus ou moins aiguë. Ces gens-là étaient faciles à occuper en temps de guerre (un champ de bataille, quoi de mieux pour un improductif ?), mais dès qu'ils étaient démobilisés, les bandes se formaient qui allaient benoîtement égorger du productif pour lui voler son or et ses jambons.

La soluce actuelle consiste à leur donner un statut officiel, ronds de cuir, bureaux, cerfas. ça les dissuade d'errer dans les campagnes le ventre vide et le couteau leste.

 

Il y a certes des nuances de gris entre le fonctionnaire prix nobel de physique et le cégétistes de base qui n'hésite pas à détruire son outil de travail. Mais le fond de sauce de ce groupe humain, c'est bien le voyou cégétiste, qui serait cambrioleur si la SNCF ne l'avait pas embauché avec des dizaines de milliers d'autres racailles analogues.

 

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Il y a 1 heure, Rübezahl a dit :

La soluce actuelle consiste à leur donner un statut officiel, ronds de cuir, bureaux, cerfas. ça les dissuade d'errer dans les campagnes le ventre vide et le couteau leste.

 

"Actuelle" qui date quand même du XVème siècle ;) (professionnalisation des armées / armée permanente sous Charles VII et Louis XI. Élément important de sortie du Moyen-âge. Parce que faire émerger le capitalisme avec des hordes de routiers dans la nature, c'était effectivement pas gagné).

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Il y a 1 heure, Rübezahl a dit :

Alors oui, ils ont des cravates, sont dans des bureaux, des immeubles qui en imposent, volent via des cerfas,

tu confonds allègrement bureaucrate gratte papier (et encore que parmi ceux-ci il y en ait un paquet qui sont bienveillants, voire nécessaires à la collectivité) et fonctionnaire, qui je le rappelle, n'est pas un métier, mais un statut. Va dire à tous les infirmiers, enseignants, toutes les personnes qui travaillent auprès des autres, qu'ils sont des improductifs, nocifs et parasites

il y a zéro fonctionnaire parmi les libéraux (ou les liborgiens ?)

les gens qui bossent ne sont pas nécessairement responsables du statut qui les emprisonne

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ça valait la peine que je parle explicitement de nuances de gris et de prix Nobel.

 

Mais non, ceux qui bossent ne font pas disparaître ni n'excusent pas le troupeau de bons à rien planqués derrière eux.

 

Et souvent, hélas,  ceux qui bossent, font corps avec les bons à rien,

il est donc normal qu'ils soient frappés de la même opprobre.

 

Tu devrais te documenter sur l'absentéisme chez les infirmières.

Et chez les enseignants. Le dernier vieux chiffre que j'avais = 30.000 profs qui tous les jours n'assurent pas cours. Avec des effectifs doubles de nos voisins allemands.

 

 

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Il y a 3 heures, Rübezahl a dit :

Ce sont tous ces gens incapables d'être productifs par eux-mêmes et qui ne peuvent vivre que du vol d'autrui.

c'est nuancé effectivement !

 

c'est quoi productif ? le secteur privé uniquement ? ce n'est pas parce que tu es payé  via l'impot que tu branles rien.

et donc, figure toi, que j'ai bossé en milieu hospitalier, que je suis amenée à fréquenter régulièrement les hôpitaux pour des raisons de santé, que mon entourage est constitué en très grande majorité de personnes bossant à l'hopital.( de l'a.s.h au chef de service) J'ai donc testé ce milieu de façon verticale et horizontale. L'hopital crève d'un excès de bureaucratie et de personnels administratifs par conséquent, d'une gestion pourrie qui accable les soignants. Et de planqués dans les bureaux ou les ateliers.

Il ne faut pas confondre le front office, ceux qui sont face au client, et le back office, la nuée de pignoufs qui s'agitent avec des cerfas plein les mains. Ou qui se tiennent appuyés sur leur pelle.

 

idem pour les profs, les rectorats sont des nuisibles.

 

 

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il y a 5 minutes, Bisounours a dit :

le back office, la nuée de pignoufs qui s'agitent avec des cerfas plein les mains

Ça c'est de la nuance, c'est pas moi c'est l'autre :) . Dans toutes les organisations il y a de la bureaucratie et elle est utile à son fonctionnement

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il y a 10 minutes, ttoinou a dit :

Ça c'est de la nuance, c'est pas moi c'est l'autre :) . Dans toutes les organisations il y a de la bureaucratie et elle est utile à son fonctionnement

non pas du tout, il y a effectivement une nuée de pignoufs qui s'agitent ! je suis témoin, pour avoir bossé une bonne trentaine d'années dans la fonction publique :) et je te garantis que le boulot pourrait être fait de la même façon avec facile deux fois moins de monde. Il est là, le problème de la fonction publique : l'inefficience à cause du statut

 

et d'ailleurs, j'avais posté ceci, pour étayer ta réflexion sur la nécessité de la fonction de gratte papier

et encore que parmi ceux-ci il y en ait un paquet qui sont bienveillants, voire nécessaires à la collectivité

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il y a 53 minutes, Bisounours a dit :

c'est quoi productif ? le secteur privé uniquement ? ce n'est pas parce que tu es payé  via l'impot que tu branles rien.

 

Travailler =/= créer de la richesse. Les bagnards qui cassent des cailloux travaillent eux aussi. Mais c'est improductif.

 

Une partie du secteur public est peut-être productif, mais en l'absence de concurrence et de libre-achat des services, c'est difficile à estimer.

 

On s'éloigne du but du fil, cela dit.

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il y a 2 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Travailler =/= créer de la richesse. Les bagnards qui cassent des cailloux travaillent eux aussi. Mais c'est improductif.

Toi, t'as jamais travaillé dans le BTP.

 

Tu aurais au moins pu prendre l'exemple d'un douanier.

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il y a 3 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

On s'éloigne du but du fil, cela dit.

certes certes.

un bagnard qui casse des cailloux pour faire une route est-il improductif ?

en quoi une infirmière de clinique privée est-elle moins productive qu'une infirmière de service public ? elles procurent le même service, la seule différence c'est l'origine de leur revenu.

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Il y a 1 heure, Johnathan R. Razorback a dit :

Travailler =/= créer de la richesse. Les bagnards qui cassent des cailloux travaillent eux aussi. Mais c'est improductif.

 

Une partie du secteur public est peut-être productif, mais en l'absence de concurrence et de libre-achat des services, c'est difficile à estimer. 

 

Il y a 1 heure, Rincevent a dit :

Toi, t'as jamais travaillé dans le BTP.

 

Il y a 1 heure, Bisounours a dit :

un bagnard qui casse des cailloux pour faire une route est-il improductif ?

en quoi une infirmière de clinique privée est-elle moins productive qu'une infirmière de service public ? elles procurent le même service, la seule différence c'est l'origine de leur revenu.

 

Casser des cailloux à la pioche, c'est so 19ème ! On peut considérer ça comme non productif si c'est objectivement moins productif qu'un concasseur utilisé par toute la profession pour tous les projets.

Du coup on peut avoir la même réflexion pour les infirmières du secteur public. Je suppose qu'il y a des stats pour comparer la productivité d'une infirmière du secteur public et une du secteur privé. Si on trouve un ecart de productivité, même de quelques %, alors on pourra dire que le %age de productivité en moins est le pourcentage d'infirmières improductives. On peut même avancer (soyons fous !) que les 'statuts' du secteurs public, leurs dérives associées (absentéisme, revendications sociales, etc.) ainsi que les distorsions introduites par la très grande emprise de l'état sur le marché de la santé nuisent à la productivité générale des infirmières du secteur public et du secteur privé.

 

Il y a 1 heure, Johnathan R. Razorback a dit :

On s'éloigne du but du fil, cela dit.

 

Certes. Le sujet est intéressant néanmoins.

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il y a 18 minutes, Liber Pater a dit :

Casser des cailloux à la pioche, c'est so 19ème ! On peut considérer ça comme non productif si c'est objectivement moins productif qu'un concasseur utilisé par toute la profession pour tous les projets.

J'entends bien cet argument. :)

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