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Conservateurs et libertariens: un cousinage malaisé


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Il y a 3 heures, Nigel a dit :

Quelq'un a lu ça ? @F. mas ?

 

Livre+Mahoney.jpg

 

Aristide Renou a traduit l'un des chapitres sur son blog (avec l'accord de l'auteur).

 

Plus surprenant, Rougeyron a dit que sa maison d'édition comptait le faire traduire (mais vu son hostilité récurrente envers le libéralisme, j'ai quelques doutes sur les thèses de l’œuvre, maintenant).

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il y a une heure, L'affreux a dit :

et Bakounine.

 

Bakounine est une référence pour critiquer les libéraux non-conservateurs ?

 

Surtout que ce communiste demi-habile attaque le contractualisme libéral, qui n'est qu'un courant parmi d'autres.

 

Edit: Je vois que j'ai double-posté plus haut suite à un bug, la modération peut supprimer le doublon.

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Le conservatisme bien compris vit très bien avec le liberalisme (cf Bruce Frohnen par exemple). Par contre, je ne crois pas qu'il mènerait à une societe conservatrice sur de nombreux plans.

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à l’instant, Extremo a dit :

 

Une dictature c'est quand les gens sont communistes, déjà.

 

Le fait de ne pas tenir d'élections ou bien des élections truquées serait plutôt un meilleur indice. 

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Vous posez peut-être un peu trop rapidement l'opposition dictature/démocratie. Si le seul problème de la dictature est la concentration du pouvoir (qui est effectivement un gros problème) alors il y a plein d'autre solution que la démocratie. Typiquement, Hong Kong... qui est quelque chose comme une oligarchie fonctionnelle. On a peu de démocratie (un tiers des membres du conseil législatif, ou quelque chose comme ça), mais une séparation des pouvoirs comparables à ce que l'on a dans nos démocraties parlementaires. Et un très haut score en matière de liberté personnelle. Le plus haut, même.

Ceci dit, je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit un modèle exportable. D'ailleurs, il marche moins bien à Macao, qui est moins libre, et moins prospère. Une explication à ce sujet, d'ailleurs ? Point de départ différent ? Influence culturelle portugaise < anglaise ? Common law > droit civiliste ? Cowperthwaite ?

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Macao ne bénéficie pas d'un pays deux systemes. 

 

Tout le monde est élu au parlement de Hong Kong. La democratie libérale, ce n'est pas que le suffrage universel. J'aurais meme tendance à dire que ce n'est surtout pas le suffrage universel direct (entendu comme onction quasi religieuse).

 

C'est là qu'on touche aussi les limites des termes généraux. Je disais que je ne crois pas à la dictature. Il faut des elements democratiques - republicain pour etre plus exacte. Et si ca signifie élection, ca ne signifie pas révérence envers le suffrage universel et surtout pas le suffrage universel direct. 

D'ailleurs, les US sont devenus quasiment un suffrage universel direct puisque les grands electeurs ont quasiment plus de liberté.

  • Yea 1
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Il y a 1 heure, Tramp a dit :

Macao ne bénéficie pas d'un pays deux systemes. 

A bon ? Pourtant, ils ont bien leurs propres instances politiques, leur propre justice, etc, non ? Concrètement, ils plus d'intervention de Pékin en politique intérieur, c'est ça ?

 

Il y a 1 heure, Tramp a dit :

Tout le monde est élu au parlement de Hong Kong. La democratie libérale, ce n'est pas que le suffrage universel. J'aurais meme tendance à dire que ce n'est surtout pas le suffrage universel direct (entendu comme onction quasi religieuse).

Oui, mais il me semble que seul un tiers du conseil législatif est élu par circonscriptions géographiques. Le reste (et la totalité du comité électoral du chef de l'exécutif) par les fameuses circonscriptions fonctionnelles. C'est à dire, si j'ai bien compris, par les représentants des entreprises, des assos, des syndicats, etc. Election ou pas, on peut difficilement qualifier ça de démocratie. A moins de considérer le Saint Empire romain germanique comme une démocratie.

(d'ailleurs je suis surpris qu'un tel système aboutisse à du libéralisme et non à un cronyisme et un corporatisme généralisé)

 

Mais sinon, je suis évidemment d'accord sur le fait qu'un républicanisme équilibré et garantissant les libertés des citoyens n'a pas besoin d'être 100% démocratique, et que même ainsi ça n'en fait pas une dictature.

 

(il n'y a pas l'un des grands électeurs qui avait voté Ron Paul plutôt que Trump en 2016 ?)

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Il y a 9 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Plus surprenant, Rougeyron a dit que sa maison d'édition comptait le faire traduire (mais vu son hostilité récurrente envers le libéralisme, j'ai quelques doutes sur les thèses de l’œuvre, maintenant).

 

 cool

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On 7/30/2018 at 2:26 PM, Johnathan R. Razorback said:

 

Bakounine est une référence pour critiquer les libéraux non-conservateurs ?

 

Surtout que ce communiste demi-habile attaque le contractualisme libéral, qui n'est qu'un courant parmi d'autres.

 

Vu sur un forum anarchiste:

 

Bakounine a commencé sa vie comme intellectuel très hors-sol conceptualiste, prolétarien et anarchiste. "La liberté de l'autre multiplie la mienne à l'infini", ça promet de grandes fêtes de l'attribution de l'immobilier.

Puis il a évolué et upgradé vers le loréalisme, tout en commençant à admettre la notion de propriété

Il a maturé vers un libéralisme plus classique, et j'ai cru comprendre que ceux qui le citent (communistes libertaires) préfèrent pousser ses écrits de maturité sous un tapis "gênant pour la ligne de parti"

S'il avait eu la maturité de Jeanne Calment, il aurait pu finir quelque part entre Thatcher et Pinochet.

 

On 7/30/2018 at 3:24 PM, Wayto said:

Ahem...
 

 

Merci pour cette citation, parfaitement, minutée. Je la cherchais.

 

Elle n'est pas seulement drôle,  elle est aussi très "thought-provoking".

 

On 7/30/2018 at 8:26 PM, Tramp said:

La democratie libérale, ce n'est pas que le suffrage universel. J'aurais meme tendance à dire que ce n'est surtout pas le suffrage universel direct (entendu comme onction quasi religieuse).

 

C'est là qu'on touche aussi les limites des termes généraux. Je disais que je ne crois pas à la dictature. Il faut des elements democratiques - republicain pour etre plus exacte. Et si ca signifie élection, ca ne signifie pas révérence envers le suffrage universel et surtout pas le suffrage universel direct. 

D'ailleurs, les US sont devenus quasiment un suffrage universel direct puisque les grands electeurs ont quasiment plus de liberté.

 

Intéressant

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Il y a 6 heures, Tramp a dit :

 

Ben pourquoi ?

 

Je n'ai peut-être simplement pas compris comment marche le système hein. Mais il me semble qu'on se rapproche d'un suffrage censitaire, mais avec, au lieu de l'impôt payé comme critère pour être électeur, le statu dans une société privée. Ca ressemble plutôt à une sorte d'oligarchie. De bonne oligarchie, hein, meilleure que pas mal de démocratie. Mais une oligarchie tout de même.

 

Ceci dit, ce que j'ignore : est-ce que tout le monde vote dans sa circonscription fonctionnelle (directement ou pour un grand électeur), ou bien seulement les patrons, présidents de syndicats, etc ?

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2 hours ago, Lameador said:

Bakounine a commencé sa vie comme intellectuel très hors-sol conceptualiste, prolétarien et anarchiste. "La liberté de l'autre multiplie la mienne à l'infini", ça promet de grandes fêtes de l'attribution de l'immobilier.

Puis il a évolué et upgradé vers le loréalisme, tout en commençant à admettre la notion de propriété

Il a maturé vers un libéralisme plus classique, et j'ai cru comprendre que ceux qui le citent (communistes libertaires) préfère pousser ses écrits de maturité sous un tapis "gênant pour la ligne de parti"

S'il avait eu la maturité de Jeanne Calment, il aurait pu finir quelque part entre Thatcher et Pinochet.

Un peu le même cas de figure que Proudhon donc.

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A mon avis @Lameador confond.

J'en profite pour une mise au point, @Johnathan R. Razorback a mal lu mon message, je disais que la critique du liberalisme classique par  bakounine était semblable a celle du conservateur qu'il a lui même posté,  et que j'ai lu.

Pour ma part je suis plutôt sur une ligne contractualiste, droit naturel, proprietariste.  Non pas que je manque d'enracinement , d'attachement culturel, de valeurs traditionnelles ou tout ce qu'on voudra, mais que je pense que tout cela doit rester justement dans le domaine de la culture vivante et spontanée et que le discours politique, institutionnel a besoin lui de cette froide distanciation qui borne les prétentions du pouvoir. 

  • Yea 1
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Il y a 6 heures, Lameador a dit :

Vu sur un forum anarchiste:

 

Curieux, ça ne correspond pas à ce que j'en sais. De mémoire, à la fin, Bakounine voulait lancer la Révolution via un petit groupe de militants fanatisés, selon une méthode terroriste post-jacobine / blanquiste familière au XIXème. Les mecs qui trollent les anars font d'ailleurs remarquer que ça ressemble beaucoup aux thèses de Lénine dans Que faire ?

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Il y a 20 heures, Tramp a dit :

La democratie libérale, ce n'est pas que le suffrage universel. J'aurais meme tendance à dire que ce n'est surtout pas le suffrage universel direct

Je tourne cette phrase en boucle dans ma tête depuis tout à l'heure. Qu'entends-tu par là ? Comment envisages-tu la démocratie libérale sans suffrage universel direct ? Tu préfères une oligarchie, un suffrage censitaire ? Est-ce vraiment plus libéral ?

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il y a 56 minutes, Liber Pater a dit :

Je tourne cette phrase en boucle dans ma tête depuis tout à l'heure. Qu'entends-tu par là ? Comment envisages-tu la démocratie libérale sans suffrage universel direct ? Tu préfères une oligarchie, un suffrage censitaire ? Est-ce vraiment plus libéral ?

 

Le scrutin n'est qu'un élément parmi d'autres.

 

Si je pouvais, je remplacerais un électeur un vote par un foyer un vote.

Ensuite, la chambre haute serait nommée par les entités fédérées selon le mode de leur choix. De longs mandats et renouvelé par 25%

La chambre basse serait au suffrage universel direct avec des mandats courts et non payés et first past the post.

L'executif serait collégial : 5 membres pour 5 ministères (defense, affaires étrangères, intendance, sécurité, justice) - le ticket gagnant (2 membres), le gars arrivé second, au suffrage universel direct à 3 tours et deux choisits par le parlement (les deux qui ont eu le plus de voix).

 

Cour Supreme de 11 juges, 6 nommés par le president, 5 par les exécutifs des entités fédérés. Validation par la chambre haute.

 

Le parlement se réuni une fois par trimestre - le dernier est consacré au budget de l'année suivante - pour contrôler le gouvernement, voter les éventuels lois, et autoriser le budget jusqu'au trimestre prochain.

 

Majorité qualifiée pour toute nouvelle loi, majorité simple pour l'abolition. 

 

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  • 8 months later...

Tiens en relisant l'intro je tombe sur ce passage pas du tout innocent...

 

"Libéralisme et conservatisme, souvent associés à l'étranger, ont pourtant du mal à trouver une place en France. Un ouvrage collectif récent a pu montrer que, s'il existait bien des libéraux en France, à commencer par des intellectuels de renom, que symbolisent au XXe siècle Raymond Aron [sic] ou Bertrand de Jouvenel [re-sic], mais aussi des économistes, des patrons et même des dirigeants politiques, il n'avait quasiment jamais existé de formation politique se réclamant explicitement du libéralisme, ce qui n'a pas empêche les libéraux de tenir leur place dans l'histoire politique du pays. La situation actuelle ne fait pas exception, et la dénomination de "La République en Marche", construite à partir de l'acronysme de son fondateur (En Marche - Emmanuel Macron), n'utilise pas les mots libéral ou libéralisme."

-Frédéric Rouvillois, Olivier Dard & Christophe Boutin (dir.), Le dictionnaire du conservatisme, Les Éditions du Cerf, 2017.

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Rappelez-moi d'écrire un "Pourquoi je ne suis pas conservateur" l'un de ces jours...

 

"Abstraction

L'abstraction est une effraction qui, pour ne pas rester comme telle une mauvaise action, appelle une ré-incarnation ou une re-concrétisation soit, une restitution -ce que Gustave Thibon nomme un "retour au réel" -dès lors, bien entendu, que l'on ne souhaite pas laisser le dernier mot à la violence initiale de l'opération. Abstrahere: tirer, traîner loin de, séparer de, détacher de, éloigner de. L'abstraction est une extraction dont l'une des conséquences négatives possibles est la mutilation, d'où l'intérêt de ne pas l'abandonner à des savants fous qui en feraient, en quelque sorte, une maïeutique au noir. Si, dans l'ordre de l'esprit, l'homme occidental crut bon voire vital d'abstraire pour apaiser son angoisse particulière face à l'énigme de l'être et que sa pensée puisse ordonner le monde en définissant des catégories "universelles", l'application politique de ce processus est sans doute problématique. L'homme occidental se rend donc maître et possesseur de la nature, assure la domination planétaire de l'étant -l'arraisonnement du monde-, réduit la pensée au calcul, la vérité à l'exactitude et, avec son modèle théorique techniquement performant, contribue au déchaînement titanique de la démesure sur la terre. L'oubli de l'Etre s'approfondit lorsque la raison socratique puis cartésienne, devenues sûres de leur empire, s'atrophient et dégénèrent en raison utilitariste et pragmatique à des fins commerciales (le calcul, toujours): tel est le programme libéral et cosmopolite des Lumières, au cœur duquel nous sommes encore.
La nouvelle anthropologie requise, qui se pense elle-même comme "philanthropique", suppose une série de négations pour parvenir à l'affirmation du plus petit commun dénominateur des Etats Unis de l'Humanité: la raison elle-même -c'est dire à quel point les Lumières sont cérébrales... On rationalise donc à tour de bras en écrivant des codes volumineux -on appelle cela l'Etat de droit- et en standardisant la production de tout, y compris et surtout de cette nouvelle créature, l'Homme, détaché de ses appartenances jugées aliénantes mais à qui sont avantageusement attachés de nouveaux droits naturels -un Homme, d'ailleurs, sans doute encore trop archaïque et en voie d'être dépassé par le surhomme postmoderne transhumaniste, libéré des affres de la reproduction sexuée et, pourquoi pas, de la mort. Fi des "résidus", comme disait Pareto, des vieilleries instinctuelles, pulsionnelles et passionnelles ; fi des superstitions et des préjugés ancestraux y compris, au final, celui de la raison: place à la machine. Face à cet avenir radieux, les "pauvres terriers" du pauvre Péguy et le combat perdu de la France de Bernanos "contre les robots" relèvent du paléolithique inférieur ; la querelle des universaux, quant à elle, est impuissante à décrire le processus en cours, le triomphe des idéalistes n'ayant eu qu'un temps avant celui des ingénieurs. [...]
L'esprit analytique, c'est bien, mais à condition de laisser Ezra Pound -et non le Dr Frankenstein- rassembler les membres dispersés d'Osiris. Burke, dans cette somme fondatrice de la pensée conservatrice que furent les
Réflexions sur la Révolution en France, a sous doute été le premier chasseur dudit fanthomme (sic) à l'existence duquel d'aucuns continuent de croire bien que ni Diogène, avec sa lampe allumée en plein jour, ni Joseph de Maistre, qui croisa des Français, des Italiens, des Russes mais d'Homme, point, ne l'aient jamais rencontré. C'est ainsi que le philosophe anglais oppose aux droits de l'homme et à ce que Rivarol appelait leur "métaphysique vague" les "droits des Anglais", lesquels "n'entendaient pas fonder leurs libertés sur des principes abstraits [...] mais bien sur les droits qu'ils possédaient de père en fils en tant qu'Anglais". Ainsi oppose-t-il plus précisément au "droit vague et spéculatif" la "sagesse pratique", prudente et empirique, issue de l'histoire [...]
Burke laisse donc les sophistes qui peuplent le "philosophoir" des bien nommées
Nuées d'Aristophane "ergoter sur de la fumée". Les droits du fanthomme, conséquemment, couronnent le principe de l'universalisme abstrait, lequel repose sur cette abyssale tautologie: un homem est un homme est un homme est un homme... (ad libitum), ce qui est peut-être vrai dans une perspective métaphysique ou théologique mais qui ne l'est pas dans l'ordre politique car cela à nier "la race, le milieu et le moment" (Taine), c'est-à-dire l'inévitable inscription humaine dans une histoire familiale et collective (tribu, cité, empire, royaume, nation, civilisation), les potentialités et les déterminismes, les conditions historiques concrètes d'existence, bref, le caractère naturellement politique de l'homme.
L'arithmétique individualiste et égalitariste de la banque centrale comptabilise certes la particule élémentaire monadique ainsi abstraite, l'unité numérique atomique, l'électeur ou l'objet de statistiques, dispositifs clé du "règne de la quantité" (Guénon) et de la "terreur sociométrique" (Péguy), mais qui reste-il de son humanité concrète ? Rien. La superposition du fanthomme légal ou de l' "homme théorique" (Nietzsche) aux hommes réels consacre in fine l'angélisme, péché capital ou, si l'on préfère, erreur anthropologique de cet universalisme-là -et qui veut faire l'ange fait l'animal-machine, nous ne le savons que trop, dès lors que les hommes, jusqu'à preuve du contraire, ne sont pas de purs esprits. Le fanthomme illustre rien moins que le refus, parfois la haine, de la chair et de l'incarnation qui nourrit le puritanisme glacé de nos comptables gnostiques, adeptes de la vertu révolutionnaire. A cela s'ajoute le marché de dupes contracté par l'Homme consistant à troquer des libertés réelles ("Charbonnier est maître chez soi") contre une liberté formelle ou une hypothétique souveraineté générale [...]
Seule réponse politique par nature concrète à l'abstraction, le
nomos ne fonde rien moins que l'être d'un peuple sur une terre et sa façon de l'habiter, n'en déplaise aux citoyens du monde -pour user d'un oxymore impolitique. L'anomie, en quelque sorte, désigne a contrario l'état de santé du fanthomme... anémié -pour user d'un pléonasme. "Chasser le naturel et il revient au galop": le fantasme étant incapable de contenir le réel, le refoulé fait toujours retour sous la forme d'hommes concrets, sûrs de leurs identités charnelles et spirituelles, qui n'ont nulle envie de s'en faire déposséder mais qui peuvent être tentés de les imposer, ne serait-ce que pour remplir le vide laissé par les anges qui n'en sont pas. Le refus ou l'interdiction de nommer le réel, autre nom de la politique de l'autruche, ne change rien au conflit dont l'une des parties -celle qui a les mains pures mais pas de mains- est désarmée. Inversement, l'ennemi que son humanité conceptuelle déréalise n'a possiblement plus rien... d'humain: démon à exorciser ou sous-homme à éradiquer, la voie est ouverte à la guerre totale contre lui. Or, "ce n'est pas l'abolition mais la limitation de la guerre qui forme le problème central de tout ordre juridique" (Schmitt). Que reste-il des rêveries de paix universelle lorsqu'une mauvaise politique naît d'un mauvais ordre juridique ? Le chaos. Violence initiale et... terminale de l'abstraction. [...] Pierre Boutang soulignait dans le même esprit de proximité de l' "esprit d'abstraction" et de l' "esprit de cruauté": Liberté, Égalité, Fraternité... ou la mort, omet-on souvent de préciser. Ce sera donc la mort, à moins de souscrire à l'un de ces préjugés dont Burke disait qu'il les chérissait tendrement: prendre le parti des choses et des êtres tels qu'en eux-mêmes enfin l'éternité les change."
-Rémi Soulié, Article "Abstraction", in Frédéric Rouvillois, Olivier Dard & Christophe Boutin (dir.), Le dictionnaire du conservatisme, Les Éditions du Cerf, 2017.


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Tiens ça me rappelle. Il y a longtemps et, je crois, ici même, j'avais lu quelqu'un écrire qu'Hayek explique parfaitement en quoi il est conservateur dans "Pourquoi je ne suis pas conservateur". Ca ne me semble pas totalement faux.

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Il y a 1 heure, Johnathan R. Razorback a dit :

Rappelez-moi d'écrire un "Pourquoi je ne suis pas conservateur" l'un de ces jours...

 

 

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"Abstraction

L'abstraction est une effraction qui, pour ne pas rester comme telle une mauvaise action, appelle une ré-incarnation ou une re-concrétisation soit, une restitution -ce que Gustave Thibon nomme un "retour au réel" -dès lors, bien entendu, que l'on ne souhaite pas laisser le dernier mot à la violence initiale de l'opération. Abstrahere: tirer, traîner loin de, séparer de, détacher de, éloigner de. L'abstraction est une extraction dont l'une des conséquences négatives possibles est la mutilation, d'où l'intérêt de ne pas l'abandonner à des savants fous qui en feraient, en quelque sorte, une maïeutique au noir. Si, dans l'ordre de l'esprit, l'homme occidental crut bon voire vital d'abstraire pour apaiser son angoisse particulière face à l'énigme de l'être et que sa pensée puisse ordonner le monde en définissant des catégories "universelles", l'application politique de ce processus est sans doute problématique. L'homme occidental se rend donc maître et possesseur de la nature, assure la domination planétaire de l'étant -l'arraisonnement du monde-, réduit la pensée au calcul, la vérité à l'exactitude et, avec son modèle théorique techniquement performant, contribue au déchaînement titanique de la démesure sur la terre. L'oubli de l'Etre s'approfondit lorsque la raison socratique puis cartésienne, devenues sûres de leur empire, s'atrophient et dégénèrent en raison utilitariste et pragmatique à des fins commerciales (le calcul, toujours): tel est le programme libéral et cosmopolite des Lumières, au cœur duquel nous sommes encore.
La nouvelle anthropologie requise, qui se pense elle-même comme "philanthropique", suppose une série de négations pour parvenir à l'affirmation du plus petit commun dénominateur des Etats Unis de l'Humanité: la raison elle-même -c'est dire à quel point les Lumières sont cérébrales... On rationalise donc à tour de bras en écrivant des codes volumineux -on appelle cela l'Etat de droit- et en standardisant la production de tout, y compris et surtout de cette nouvelle créature, l'Homme, détaché de ses appartenances jugées aliénantes mais à qui sont avantageusement attachés de nouveaux droits naturels -un Homme, d'ailleurs, sans doute encore trop archaïque et en voie d'être dépassé par le surhomme postmoderne transhumaniste, libéré des affres de la reproduction sexuée et, pourquoi pas, de la mort. Fi des "résidus", comme disait Pareto, des vieilleries instinctuelles, pulsionnelles et passionnelles ; fi des superstitions et des préjugés ancestraux y compris, au final, celui de la raison: place à la machine. Face à cet avenir radieux, les "pauvres terriers" du pauvre Péguy et le combat perdu de la France de Bernanos "contre les robots" relèvent du paléolithique inférieur ; la querelle des universaux, quant à elle, est impuissante à décrire le processus en cours, le triomphe des idéalistes n'ayant eu qu'un temps avant celui des ingénieurs. [...]
L'esprit analytique, c'est bien, mais à condition de laisser Ezra Pound -et non le Dr Frankenstein- rassembler les membres dispersés d'Osiris. Burke, dans cette somme fondatrice de la pensée conservatrice que furent les
Réflexions sur la Révolution en France, a sous doute été le premier chasseur dudit fanthomme (sic) à l'existence duquel d'aucuns continuent de croire bien que ni Diogène, avec sa lampe allumée en plein jour, ni Joseph de Maistre, qui croisa des Français, des Italiens, des Russes mais d'Homme, point, ne l'aient jamais rencontré. C'est ainsi que le philosophe anglais oppose aux droits de l'homme et à ce que Rivarol appelait leur "métaphysique vague" les "droits des Anglais", lesquels "n'entendaient pas fonder leurs libertés sur des principes abstraits [...] mais bien sur les droits qu'ils possédaient de père en fils en tant qu'Anglais". Ainsi oppose-t-il plus précisément au "droit vague et spéculatif" la "sagesse pratique", prudente et empirique, issue de l'histoire [...]
Burke laisse donc les sophistes qui peuplent le "philosophoir" des bien nommées
Nuées d'Aristophane "ergoter sur de la fumée". Les droits du fanthomme, conséquemment, couronnent le principe de l'universalisme abstrait, lequel repose sur cette abyssale tautologie: un homem est un homme est un homme est un homme... (ad libitum), ce qui est peut-être vrai dans une perspective métaphysique ou théologique mais qui ne l'est pas dans l'ordre politique car cela à nier "la race, le milieu et le moment" (Taine), c'est-à-dire l'inévitable inscription humaine dans une histoire familiale et collective (tribu, cité, empire, royaume, nation, civilisation), les potentialités et les déterminismes, les conditions historiques concrètes d'existence, bref, le caractère naturellement politique de l'homme.
L'arithmétique individualiste et égalitariste de la banque centrale comptabilise certes la particule élémentaire monadique ainsi abstraite, l'unité numérique atomique, l'électeur ou l'objet de statistiques, dispositifs clé du "règne de la quantité" (Guénon) et de la "terreur sociométrique" (Péguy), mais qui reste-il de son humanité concrète ? Rien. La superposition du fanthomme légal ou de l' "homme théorique" (Nietzsche) aux hommes réels consacre in fine l'angélisme, péché capital ou, si l'on préfère, erreur anthropologique de cet universalisme-là -et qui veut faire l'ange fait l'animal-machine, nous ne le savons que trop, dès lors que les hommes, jusqu'à preuve du contraire, ne sont pas de purs esprits. Le fanthomme illustre rien moins que le refus, parfois la haine, de la chair et de l'incarnation qui nourrit le puritanisme glacé de nos comptables gnostiques, adeptes de la vertu révolutionnaire. A cela s'ajoute le marché de dupes contracté par l'Homme consistant à troquer des libertés réelles ("Charbonnier est maître chez soi") contre une liberté formelle ou une hypothétique souveraineté générale [...]
Seule réponse politique par nature concrète à l'abstraction, le
nomos ne fonde rien moins que l'être d'un peuple sur une terre et sa façon de l'habiter, n'en déplaise aux citoyens du monde -pour user d'un oxymore impolitique. L'anomie, en quelque sorte, désigne a contrario l'état de santé du fanthomme... anémié -pour user d'un pléonasme. "Chasser le naturel et il revient au galop": le fantasme étant incapable de contenir le réel, le refoulé fait toujours retour sous la forme d'hommes concrets, sûrs de leurs identités charnelles et spirituelles, qui n'ont nulle envie de s'en faire déposséder mais qui peuvent être tentés de les imposer, ne serait-ce que pour remplir le vide laissé par les anges qui n'en sont pas. Le refus ou l'interdiction de nommer le réel, autre nom de la politique de l'autruche, ne change rien au conflit dont l'une des parties -celle qui a les mains pures mais pas de mains- est désarmée. Inversement, l'ennemi que son humanité conceptuelle déréalise n'a possiblement plus rien... d'humain: démon à exorciser ou sous-homme à éradiquer, la voie est ouverte à la guerre totale contre lui. Or, "ce n'est pas l'abolition mais la limitation de la guerre qui forme le problème central de tout ordre juridique" (Schmitt). Que reste-il des rêveries de paix universelle lorsqu'une mauvaise politique naît d'un mauvais ordre juridique ? Le chaos. Violence initiale et... terminale de l'abstraction. [...] Pierre Boutang soulignait dans le même esprit de proximité de l' "esprit d'abstraction" et de l' "esprit de cruauté": Liberté, Égalité, Fraternité... ou la mort, omet-on souvent de préciser. Ce sera donc la mort, à moins de souscrire à l'un de ces préjugés dont Burke disait qu'il les chérissait tendrement: prendre le parti des choses et des êtres tels qu'en eux-mêmes enfin l'éternité les change."
-Rémi Soulié, Article "Abstraction", in Frédéric Rouvillois, Olivier Dard & Christophe Boutin (dir.), Le dictionnaire du conservatisme, Les Éditions du Cerf, 2017.

 

 

 

Par expérience, je peux te dire que le conservatisme français n'est pas compatible avec le libéralisme contrairement à d'autres pays (comme en Europe centrale où libéralisme classique se confond avec leur conservatisme).

En France, les conservateurs nous classent au même niveau que les socialistes.

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Les réactionnaires sont l'aile droite du conservatisme, exactement comme les libéraux conservateurs sont l'aile droite du libéralisme. Les variations internes sont intéressantes mais ce ne sont que des formes au sein de communes catégories générales.

 

Si un dialogue ou une alliance politique doit se faire, elle passe entre le libéralisme et l'aile gauche du conservatisme, les conservateurs libéraux. Mais c'est clair qu'en France ça ne court pas les rues. Je ne vois guère que Laetitia Strauch-Bonart sur cette ligne-là.

 

 

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il y a 7 minutes, F. mas a dit :

Rémi Soulié n'est pas 'conservateur', il est réactionnaire (sans faire usage polémique du mot).

 

Je me pose d'ailleurs, la question: est-ce que ceux qui se disent conservateurs en France ne sont pas en fait réactionnaires?

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Il y en a beaucoup. Le terme est dans l'air du temps, et c'est l'occasion pour de nombreux réactionnaires, c'est à dire, stricto sensu, ceux qui rejettent l'héritage de la révolution française intégralement et cultivent la nostalgie de la société d'ancien régime (ce qui se traduit par un mélange de corporatisme et d'autoritarisme politique en gros) de faire du rebranding.

  • Yea 1
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