Aller au contenu

Les limites du rationalisme scientifique


Messages recommandés

Mais j’ai bien compris ta position. Enfin je pense :

 

1.la modélisation scientifique du monde est limitée à des modèles calculables/décidables

2. le monde physique n’est pas limité à des processus équivalents à des modèles calculables/décidables

 

(ce qui est bien plus faible que la position de Penrose. Si ce que tu veux défendre c’est la position de Penrose, il va falloir bien plus que ces deux points)

 

Je ne pense pas que ce soit la peine de refaire le débat là dessus. Tout ce que je voulais souligner, c’est que le papier en question n’est absolument pas un point en faveur de (2). Juste parce qu’il y a écrit "undecidable" dans l’abstract ne signifie pas que ça devient automagiquement une preuve de l’existence de phénomènes physiques indécidables. Encore une fois, H(x,T) est calculable (et le problème associé, décidable) pour tout x fini ; seul H(∞,T) ne l’est pas. Mais H(∞,T) ne représente pas un phénomène physique réalisable !

 

Arrête moi si je me trompe, mais ta position est que la thèse réductionniste/la thése physique de Church-Turing (l’ensemble des systèmes physiques réalisables est un modèle de calculation, équivalent aux machines de Turing/fonction récursives/…) est fausse.

 

Ce papier construit explicitement une équivalence entre "une classe de hamiltoniens évoluant selon l’équation de Schrödinger" et "une classe de machines de turing universelles". Je ne vois pas absolument comment tu peux considérer ça comme "un clou de plus dans le cercueil des intégristes réductionnistes". Bien au contraire : il montre quelle est la manifestation physique (dans le sens de modélisation physique, pas de réalité physique) de la notion d’indécidabilité : une limite qui ne converge pas.

Lien vers le commentaire
6 minutes ago, Sloonz said:

.la modélisation scientifique du monde est limitée à des modèles calculables/décidables

2. le monde physique n’est pas limité à des processus équivalents à des modèles calculables/décidables

Non pour le 2 je dis : on ne sait pas et probablement non (et si c'est le cas on n'aura jamais de démonstration rigoureuse de ce non). C'est notre connaissance du monde (qui n'est pas le monde) qui est limitée par des processus de décision.

 

Je dis de plus que même si le monde était formalisable sans perte alors il y aurait des phénomènes indecidables. L'article donne juste un exemple précis de ce point. Ni plus ni moins non plus. 

9 minutes ago, Sloonz said:

Arrête moi si je me trompe, mais ta position est que la thèse réductionniste/la thése physique de Church-Turing (l’ensemble des systèmes physiques réalisables est un modèle de calculation, équivalent aux machines de Turing/fonction récursives/…) est fausse.

 

 

Non la thèse de Church est plus subtile que ça : elle parle de modèle de calcul pas de la réalité per se. Car dans le mot réalisable il y a caché l'idée d'un plan pour mener les calculs. Or ce plan doit bien être écrit dans un certain langage : ce que soutient la thèse de church est que tu ne pourras faire mieux que le MT modulo certains codages. Je pense que c'est profondément vrai. Une implication directe est que tout n'est pas "simulable" par calcul dans une machine. 

 

L'article montre bien que la tentation de croire que toute la réalité est réductible a un ensemble d'axiomes et de règles d'inférences est illusoire. Ça ne permet pas de rendre compte de la réalité de manière "faithfull and complete" car au moins un phénomène naturel n'est pas décidable (dans cette théorie mais ce sera vrai de toute théorie).

Lien vers le commentaire
3 hours ago, Kassad said:

Je dis de plus que même si le monde était formalisable sans perte alors il y aurait des phénomènes indecidables

Non, pas nécessairement. L’article en est un exemple : un de nos modèles physique donne lieu à un problème indécidable. Mais il fait appel à une distance infinie, ce qui n’est pas physiquement réalisable.

 

La décidabilité, dans tous les systèmes, est très fortement liée à la notion d’infini. HALT est indécidable, mais HALT(n), savoir si une machine de Turing s’arrête avant un certain nombre d’étapes, est décidable. De même, la phrase de Gödel (celle construite pour montrer le théorème d’incomplétude) est improuvable, mais elle devient prouvable si on lui ajoute "en maximum N symboles". La logique du premier ordre est complète.

 

3 hours ago, Kassad said:

Non la thèse de Church est plus subtile que ça : elle parle de modèle de calcul pas de la réalité per se

Je parlais de "physical Church-Turing Thesis". Désolé si ma traduction "thèse physique de Church-Turing" n’est pas passée, moi je pas bien parler la France. L’idée qu’il existe une équivalence entre modèles de calcul formels et la réalité per se.

 

3 hours ago, Kassad said:

Une implication directe est que tout n'est pas "simulable" par calcul dans une machine

Heu… non, ce n’est pas une implication directe. Du tout.

Je crois que tu passes un peu vite de la proposition de "le problème de l’arrêt est indécidable" à "il n’existe pas de machine de Turing pour résoudre le problème de l’arrêt" à "il existe des phénomènes physiques non simulables, même dans une réalité parfaitement formalisable". Je veux dire, d’une certaine manière, HALT (la machine de Turing qui résout le problème de l’arrêt) existe. Cadeau, voici son code source :

function HALT(T)
State = InitialState(T)
for i = 1 to +∞ do
   State = Next(T, State)
end
if CurrentSymbol(State) == STOP then
   print(1)
else
   print(0)
end
end

HALT ainsi défini est simulable dans n’importe quel modèle de calcul. Y compris la réalité physique. Que TU sois trop impatient pour attendre un temps infini que le résultat arrive, c’est ton problème, pas celui de la réalité.

 

Un "phénomène physique indécidable", c’est la même chose, comme le montre ce papier : le fait que gogolplex ≠ ∞: Pas un truc mystérieux et magique en dehors de la physique. Ça pourrait peut-être à la limite chagriner les astrophysiciens, mais je ne vois absolument pas en quoi c’est du plomb dans l’aile pour la thèse que tous les phénomènes physiques sont simulables par des modèles calculables. Que la simulation prenne un temps infini pour simuler le comportement à l’infini d’un phénomène physique, je ne vois pas ce que ça ait de choquant ou de surprenant dans le contexte de cette thèse. Après tout, une équivalence est supposée fonctionner dans les deux sens.

 

Et je ne vois d’ailleurs pas le rapport avec le réductionnisme. Le réductionnisme dit juste que les phénomènes "mystérieux et inexpliqués" (comme le tonnerre, le feu, le vis essentialis, la capacité à jouer aux échecs, la capacité d’apprendre, la conscience) sont réductibles à des phénomènes physiques. Réductible à des phénomènes physiques indécidables, ça reste du réductionnisme.

Lien vers le commentaire
2 hours ago, Sloonz said:

HALT ainsi défini est simulable dans n’importe quel modèle de calcul. Y compris la réalité physique. Que TU sois trop impatient pour attendre un temps infini que le résultat arrive, c’est ton problème, pas celui de la réalité.

Je pense que tu ne saisis pas ce qu'implique le problème de l'arrêt. Déjà d'une part il est semi-décidable (on peut répondre oui quand il s'arrête). Le complémentaire de Halt n'est même pas semi decidable (typiquement indecidabilité de \overline{K}). 

 

Le problème est qu'il peut y avoir des choses vraies dans le modèle mais non démontrables. Il n'y a absolument pas besoin d'infini pour ça. Typiquement tu peux construire une machine   pour décider les théorèmes de ZF (genre en écrivant les preuves de taille 1 puis les preuves de taille 2, puis de taille 3 etc.) Et tu attends une preuve de l'hypothèse du continu. Cette hypothèse du continu est formalisable de manière finie mais chercher sa preuve dans ZF est un processus infini. 

 

L'équivalent en physique est que même si tu as les bonnes équations, la réalité (l'évolution du système ou certaines propriétés du système suivant certaines lois)  va créer des vérités que tu ne pourras jamais démontrer. Pas besoin de considérer un infini pour ça. C'est la recherche de la preuve (donc de la démarche scientifique) qui sera infinie. C'est en cela que le réductionnisme se trompe : en pensant qu'il y aura toujours une réponse scientifique. 

 

Lien vers le commentaire
4 hours ago, Kassad said:

L'équivalent en physique est que même si tu as les bonnes équations, la réalité (l'évolution du système ou certaines propriétés du système suivant certaines lois)  va créer des vérités que tu ne pourras jamais démontrer. Pas besoin de considérer un infini pour ça. C'est la recherche de la preuve (donc de la démarche scientifique) qui sera infinie. C'est en cela que le réductionnisme se trompe : en pensant qu'il y aura toujours une réponse scientifique. 

 

Déjà, je ne vois pas pourquoi tu invoques l’hypothèse du continu quand tu parles de théorèmes vrais mais non démontrables. L’hypothèse du continu est indécidable dans ZFC, pas "vraie mais non démontrable".

 

Mais tu ne sais absolument pas quelle forme prendra cette notion de "vérité non  démontrable" prendra une fois transposé en physique. Autrement dit, tu retournes dans la pure spéculation. Si ce papier montre quelque chose, c’est bien que ces notions logique de décidabilité se transforme en quelque chose de très naturel en physique, comme la non convergence d’une limite à l’infini. Tu peux parfaitement construire une machine de Turing qui s’arrête à la première dérivation trouvée du théorème (et, oui, qui ne s’arrêtera pas si le théorème n’est pas prouvable), et donner cette machine à la machine de turing universelle décrite dans le papier pour te retrouver exactement dans la situation dont on a déjà discuté plus haut.

 

Et je ne vois pas comment tu peux tu peux en toute honnêteté de dire « pas besoin de considérer un infini » quand tu utilises des termes comme « processus infini » et "« jamais ». Encore une fois, la thèse réductionniste se rapporte à la simulation de propriétés concrètes d’un système physique réalisables, pas à la réponse théorique à des comportements asymptotiques d’une classe de système physiques formalisables.

Lien vers le commentaire
8 hours ago, Sloonz said:

Déjà, je ne vois pas pourquoi tu invoques l’hypothèse du continu quand tu parles de théorèmes vrais mais non démontrables. L’hypothèse du continu est indécidable dans ZFC, pas "vraie mais non démontrable".

 

C'est justement le point, c'est encore pire (ni vrai ni faux et ton système formel ne t'aide en rien pour le savoir) : si tu cherches à le démontrer dans ZFC/ZF tu peux y passer longtemps.. Si tu ne sors pas du système et invente le forcing tu vas boucler à l'infini. C'est une implication du problème de l'arrêt : un démonstrateur automatique cherchera une preuve ou une contre preuve à l'infini et n'en trouvera pas. C'est un phénomène indépendant. Quelle que soit la formalisation que tu considères il y aura toujours infinité de tels énoncés.

 

8 hours ago, Sloonz said:

notion de "vérité non  démontrable" prendra une fois transposé en physique. Autrement dit, tu retournes dans la pure spéculation.

Les résultats de Goedel et Turing montrent que ça existera nécessairement dès que tu peux faire un peu d'arithmétique (en gros le codage de Goedel qui demande la décomposition en facteurs premiers). Et effectivement il est possible que je ne le sache pas, il est aussi possible que je m'en doute pour certains phénomènes (eg l'intelligence) mais il est certain que je n'en aurai jamais une preuve scientifique. C'est une course éternelle qui ressemble à la hiérarchie arithmétique (où tu construis des problèmes de plus en plus indécidables en prenant comme Oracle la solution des problèmes indécidables de l'étage d'avant (le Turing Jump)).

 

8 hours ago, Sloonz said:

Et je ne vois pas comment tu peux tu peux en toute honnêteté de dire « pas besoin de considérer un infini » quand tu utilises des termes comme « processus infini » et "« jamais ». Encore une fois, la thèse réductionniste se rapporte à la simulation de propriétés concrètes d’un système physique réalisables, pas à la réponse théorique à des comportements asymptotiques d’une classe de système physiques formalisables

Je n'ai pas besoin de considérer l'infini pour savoir que le programme "while true do x:=x+1"  ne va jamais s'arrêter. Parler de fin de l'univers ou de limitation physique (l'entier va prendre de plus en plus de place au fur et à mesure du calcul, une place telle que quelle que soit ta manière de l'écrire ça ne tiendra pas dans la galaxie) n'a que peu de le relevance pour dire qu'en fait non il va pas boucler à l'infini. 

 

Même dans le champs débile de l'arithmétique tu as des énoncés simples (la conjecture de Goldbach par exemple) probablement vrais et indémontrables. En termes informatique ça correspond à la recherche infinie d'un contre exemple (trouver un grand nombre pair qui ne soit pas la somme de deux premiers). Bref la recherche du contre exemple c'est une simulation de l'arithmétique : car on ne peut pas effectivement considérer tous les nombres pairs : on ne peut qu'en explorer une partie. Il se trouve que pour vérifier/contredire certains énoncés cette exploration sera infinie. La même chose doit arriver avec la physique.

 

C'est la misère du réductionisme qui ne peut donner ce qu'il promet. En mathématiques tu peux toujours ajouter de nouveaux concepts ou construire des théories plus complexes (turtles all the way up) mais en physique c'est pire : c'est pas toi qui décide les règles du jeu. 

 

Lien vers le commentaire
28 minutes ago, Soda said:

Alors oui attention @Kassad, tu glisses doucement vers une paranomase ontologique là.

A quel sujet ? 

 

Le but du fil est bien de regarder les limites (donc on ne parle ici que de ce qui est difficile et peut être pas si courant que ça dans la vie de tous les jours). Je vois une asymétrie forte dans la connaissance : il y a ce qu'on sait vrai, ce qu'on sait faux. Entre les deux c'est le monde de la semi décision : certaines choses sont vraies et on le saura à un moment donné mais pour d'autres on n'aura jamais de certitudes et pour ces vérités là le mieux qu'on ait pour les appregender ce sont les vérités fonctionnelles sélectionnées par élimination darwinienne. Pas vraiment la méthode scientifique.  Le réductionnisme consiste à dire que la zone du milieu est nulle. C'est profondément et irrémédiablement faux selon moi. 

 

Lien vers le commentaire
  • 3 years later...
On 8/17/2020 at 11:23 AM, Mégille said:

Hegel peut être considéré comme tel aussi, dans la mesure où il reste rationaliste

 

Salut @Mégille; dans un autre fil tu disais "Hegel, a complètement lâché la rationalité des lumières". Du coup, Hegel est rationaliste ou pas rationaliste ?

 

 

Est-ce que tu pourrais m'éclairer sur le sens de cette phrase dans l'article Wikibéral sur Hegel : "Pour Ludwig von Mises, la philosophie hégélienne de l'Histoire, comme celle de Comte et celle de Marx, est une adaptation de l'idée de « progrès » des Lumières, elle-même une adaptation de la philosophie chrétienne du salut."

 

On doit mettre sur le même plan, on doit mettre une équivalence, entre la philosophie de Hegel, celle de Marx, et l'idée de progrès des Lumières, et l'idée de salut chrétien ?

Mais pour moi, tous ces auteurs/religion/philosophie divergent très fortement entre elles.

 

EDIT MODO : je me suis permis de déplacer ce post, initialement écrit dans le fil sur Jordan Peterson

Lien vers le commentaire
9 minutes ago, Paperasse said:

On doit mettre sur le même plan, on doit mettre une équivalence, entre la philosophie de Hegel, celle de Marx, et l'idée de progrès des Lumières, et l'idée de salut chrétien ?

Mais pour moi, tous ces auteurs/religion/philosophie divergent très fortement entre elles.

 

Il n'y a pas d'équivalence, mais il y a au moins des racines communes :

A mon avis,

l'idée de Progrès des Lumières a une racine chrétienne (voir "Qu'est-ce que l'Occident ?" de Nemo, ou plus généralement ce que Nemo a écrit)

et la philosophie de Marx une dimension messianique chrétienne ou judéo-chrétienne (voir Toynbee, "A study of History")

Par contre concernant Hegel, je ne saurais pas dire s'il est rationaliste ou non, j'ai du mal en général à me faire une opinion sur ce philosophe.

Lien vers le commentaire
il y a 7 minutes, Solomos a dit :

Il n'y a pas d'équivalence, mais il y a au moins des racines communes :

Ok, c'est c'était ma compréhension sur le rapport entre ces philosophes/courants/..., mais cette phrase m'a semblé un peu ambigüe

 

Je viens d'écouter l'épisode avec Gaspard Koënig de Liber-Thé, et il évoque les thèses de David Graeber, et notamment celle sur la liberté et l'Occident : "y compris même sur la notion de développement, d'Occident, des Lumières, il [= Graeber] remet tout ça en cause dans son livre The Dawn of Everything", où il explique que les penseurs des Lumières empruntaient leurs idées d'égalité, liberté, aux penseurs des sociétés indigènes..."  (vers 44ème minutes).

 

Je sais pas trop quoi penser quand j'entends ça.

Lien vers le commentaire
Just now, Paperasse said:

@Solomos Quand on cite un forumeur, comme je l'ai fait dans mon message précédent en te citant, ça @ le forum en question en même temps ou pas (genre ça lui envoie une notification qu'on s'adresse directement à lui) ?

 

Ca envoie une notification, oui.

  • Yea 1
Lien vers le commentaire
il y a 36 minutes, Paperasse a dit :

Je sais pas trop quoi penser quand j'entends ça.

Genre qui a raison, c'est Nemo ou c'est Graeber (ou d'autres libertariens, parce que je crois avoir entendu un truc similaire dans une conférence de la chaîne Learn Liberty) ? @Solomos

 

(par "quelque chose de similaire" j'entends : l'Occident n'a pas le monopole sur le développement historique des idées libérales / démocratiques / capitalistes, car en fait ça s'est fait à partir d'échanges constants entre les cultures au niveau mondial)

Lien vers le commentaire
Il y a 19 heures, Paperasse a dit :

 

Salut @Mégille; dans un autre fil tu disais "Hegel, a complètement lâché la rationalité des lumières". Du coup, Hegel est rationaliste ou pas rationaliste ?

Je ne sais plus très bien pourquoi j'ai dit un truc pareil. Probablement pour contredire mon interlocuteur du moment ? Quoi qu'il en soit, n'y a pas beaucoup de sens de "rationaliste" qui excluent Hegel.

A la limite, il s'écarte des lumières en s'opposant à une certaine forme d'individualisme, en incluant la morale, le droit, et même la vérité d'une époque dans sa société et sa culture, mais tout en englobant tout ça encore dans une conception encore plus forte (à ses yeux) de la raison. Hegel, c'est le gars de "tout ce qui est réel est rationnel, et tout ce qui est rationnel est réel".

 

Mais attention, "rationnel" est l'un de ces mots qui, pris tout seul, sans préciser ce à quoi on l'oppose ni pour répondre à quelle question, n'a pas beaucoup de sens (un peu comme "réaliste", "dualiste", etc).

Lien vers le commentaire
il y a 9 minutes, Paperasse a dit :

[Merci au MODO qui a déplacé le poste. Désolé si j'ai fait une erreur]

 

@Mégille Merci beaucoup de ta réponse. À ce que je comprends vaguement, Hegel fait : raison = État = providence = histoire de l'humanité = Dieu.

 

Du coup je vois pas bien le rapport avec la rationalité.

 

Pour moi rationalité = raison cartésienne + empirisme

 

Alors... Avec Hegel, tout est toujours *beaucoup* plus compliqué. 

Ce que tu appelles rationalité, c'est à peu près ce qu'il appelle entendement, ce à quoi il aboutit vers le premier tier de la Phénoménologie de l'Esprit. C'est une capacité de discriminer et de catégoriser les choses sensibles, et d'enchaîner des déductions en respectant le principe de non-contradiction. Au contraire, la raison, pour Hegel, est dynamique et consiste justement à accepter la contradiction, c'est à dire, accepter la vérité des deux termes à chaque fois, afin de la dépasser et de la résoudre dans un troisième nouveau terme.

L'entendement, en gros, te permet d'affiner la compréhension des choses, mais sans en changer radicalement la nature, et sans être capable de se confronter aux paradoxes qui en surgiront inévitablement. La raison est ce qui te permet à chaque fois de passer au niveau supérieur. Lorsque les savants scolastiques sophistiquaient l'astronomie ptolémaïque en comptant les épicycles de Jupiter, c'était l'entendement qui était à l'oeuvre, mais lorsque Copernic a montré qu'on pouvait tout aussi bien mettre tout à l'envers, pour plus d'élégance mathématique, quitte à choquer notre intuition, puis lorsque Galilée a montré comment on pouvait réconcilier les deux avec sa relativité de la description du mouvement au référentiel, là, c'était un coup de la raison. 

 

Cette petite valse position - opposition - dépassement (avant que le troisième terme ne devienne lui-même une nouvelle position à dépasser) est ce qu'il appelle dialectique, et c'est le mouvement général de la raison. La simple collecte d'informations empiriques ou le seul enchaînement de déduction, ce que fait l'entendement, n'y suffit pas, tout ça ne sert qu'à creuser un peu au sein d'un même stade.

 

Pour Hegel, ce rythme s'incarne à la fois dans le progrès de la pensée (aussi bien individuelle que collective), que dans l'histoire de l'humanité par laquelle les peuples cherchent à réaliser leur liberté (tyrannie orientale vs liberté grecque, dépassé par le droit romain ; empire terrestre vs empire céleste chrétien, dépassé par l'état moderne "germanique"), ainsi que, même hors de la nécessité d'une succession chronologique, dans l'ordre de toutes nos sciences et de toutes nos activités qui forment un grand système dans lequel elles s'appuient les unes sur les autres, de façon hiérarchisé, toujours avec la supérieure trônant sur la contradiction des deux précédentes.

 

Dans son système final, celui de l'Encyclopédie, Dieu, la religion, est le deuxième terme (le moment négatif) de la science de l'esprit absolu (le moment le plus haut, de l'édifice tout entier). Il s'agit de ce par quoi l'humanité cherche à se réaliser spirituellement, hors du monde. Ca contredit l'art (le premier terme de la science de l'esprit), et la contradiction entre l'art et la religion est dépassée par la philo, qui trône tout en haut.

L'état-nation moderne, germanique (et pas "allemand"/deutsch, c'est à dire, en incluant la France, l'Angleterre, etc), de préférence à la fois monarchique et constitutionnel, libéral et bureaucratique, si possible protestant luthérien, qui réconcilie la société civile et les institutions, la morale et le droit, etc, se situe aussi au sein de la science de l'esprit, mais de l'esprit objectif (au sommet duquel il trône), inférieur à l'esprit absolue. 

Le système total fait : science de l'être - science de la nature - science de l'esprit. Puis au sein des sciences de l'esprit : esprit subjectif - esprit objectif - esprit absolu. Au sein de l'esprit objectif : morale - droit - "éthicité", et c'est ici que se réalise l'histoire de l'humanité dans l'état nation. Et au sein de l'esprit absolu, comme je l'ai dit : art - religion -philosophie. 

 

Donc ton "=" entre état et dieu n'est pas tout à fait exact... l'homme se réalise dans les deux, mais à des niveaux différents, et la façon dont il se réalise par la religion est plus élevé que la façon dont il se réalise en tant que peuple par la politique.

 

Mais bien entendu, tout ceci est faux et ridicule. 

  • Yea 2
Lien vers le commentaire

@Mégille

 

On a un peu l'impression qu'il traverse la raison, pour mieux la renier au final.

 

On croit réfléchir et découvrir les choses librement, on croit s'auto-déterminer, etc. mais au final, on est pris malgré nous dans cette logique divine qui nous dépasse.

 

On un truc similaire chez Kant (traverser la raison, pour mieux la renier), oui il y a la raison, mais notre raison n'a pas accès à la réalité...

 

Ps: Ce que tu dis décris sur "ce rythme s'incarne à la fois dans le progrès de la pensée (aussi bien individuelle que collective), que dans l'histoire de l'humanité par laquelle les peuples cherchent à réaliser leur liberté (tyrannie orientale vs liberté grecque, dépassé par le droit romain ; empire terrestre vs empire céleste chrétien, dépassé par l'état moderne "germanique")" ça passe le test de réfutabilité de Popper ?

Lien vers le commentaire
Il y a 2 heures, Paperasse a dit :

On croit réfléchir et découvrir les choses librement, on croit s'auto-déterminer, etc. mais au final, on est pris malgré nous dans cette logique divine qui nous dépasse.

Je crois qu'Hegel croit avoir dépassé l'opposition entre liberté et déterminisme à un moment ou un autre... Mais on est censé pouvoir le comprendre qu'en faisant tout le trajet avec lui.

 

Il y a 2 heures, Paperasse a dit :

On un truc similaire chez Kant (traverser la raison, pour mieux la renier), oui il y a la raison, mais notre raison n'a pas accès à la réalité...

Non, pas de reniement de la raison chez Kant. Il y a une délimitation de ce qu'elle peut faire, mais seulement pour mieux fonder son usage légitime.

 

Il y a 2 heures, Paperasse a dit :

ça passe le test de réfutabilité de Popper ?

lol non.

Lien vers le commentaire
Le 16/12/2022 à 23:00, Paperasse a dit :

Je viens d'écouter l'épisode avec Gaspard Koënig de Liber-Thé, et il évoque les thèses de David Graeber, et notamment celle sur la liberté et l'Occident : "y compris même sur la notion de développement, d'Occident, des Lumières, il [= Graeber] remet tout ça en cause dans son livre The Dawn of Everything", où il explique que les penseurs des Lumières empruntaient leurs idées d'égalité, liberté, aux penseurs des sociétés indigènes..."  (vers 44ème minutes).

 

Je sais pas trop quoi penser quand j'entends ça.

 

@Pelerin Dumont avait déjà pas mal entamé une réponse à cette question ici (@Solomos )

 

Lien vers le commentaire
Il y a 1 heure, Paperasse a dit :

Au final, si la raison n'a pas d'accès à la réalité, c'est un reniement de la raison...

S'il n'y avait que ça à retenir de Kant, alors, ce serait un banal sceptique comme un autre...

Non, on peut tout à faire accorder une grande importance à la raison (c'est à dire, ne pas la renier), sans pour autant croire qu'elle peut nous donner accès directement aux choses en elles-mêmes. Du coté spéculatif, la raison, chez Kant, est tout de même capable de se connaître elle-même et ses propres limites, ainsi que les conditions de possibilité de tout ce qui se manifeste à nous, les phénomènes, de sorte qu'elle rend possible une science objective sitôt qu'elle ne transgresse pas son rôle (c'est à dire, qu'elle ne prétend pas pouvoir s'avancer au delà de ce que nous donne l'expérience).

Et du coté pratique il identifie la raison à la loi morale, faisant d'elle la seule chose qui *doit* être suivi. 

 

Il n'est aussi optimiste concernant le pouvoir de la raison qu'un Spinoza ou un Hegel, mais sa critique (au sens de "jugement") de la raison est très loin d'en être un rejet ou une condamnation. 

  • Yea 1
Lien vers le commentaire
il y a 6 minutes, Mégille a dit :

Non, on peut tout à faire accorder une grande importance à la raison (c'est à dire, ne pas la renier), sans pour autant croire qu'elle peut nous donner accès directement aux choses en elles-mêmes.

Peut-on être empiriste dans ces conditions ?

 

Si la réponse est non (et je pense que c'est non), puisque ma définition de rationalité est rationalité = rationalisme cartésien + empirisme, alors, selon cette définition, Kant rejette la raison.

Lien vers le commentaire
il y a 4 minutes, Paperasse a dit :

Peut-on être empiriste dans ces conditions ?

 

Si la réponse est non (et je pense que c'est non), puisque ma définition de rationalité est rationalité = rationalisme cartésien + empirisme, alors, selon cette définition, Kant rejette la raison.

 

Alors... Pour commencer, c'est une définition un peu restreinte de la rationalité que tu proposes. Notamment parce que tu en exclues le rationalisme cartésien tout court, ainsi que l'empirisme tout court, lorsqu'ils sont pris séparément. 

Et de fait, à propos des empiristes, ils se trouvent qu'ils ne prétendaient pas plus que Kant avoir accès à une quelconque forme de réalité ultime, eux aussi se limitent aux phénomènes. Ce que Kant ajoute à ça, avec sa doctrine des formes a priori de la sensibilité et de l'entendement, c'est la possibilité d'avoir au moins une connaissance rigoureuse de ces phénomènes, ce qui n'était au final même plus tout à fait possible chez les empiristes. Chez Hume, la connaissance de la nature se réduit à une simple question d'habitudes qui se trouvent nous avoir été utiles jusqu'à présent. 

Donc pour répondre à ta question "peut-on être empiriste dans ces conditions", et bien, la réponse kantienne serait : s'il est possible d'être empiriste sans être sceptique, alors, on ne peut pas l'être autrement.

 

Si quelqu'un a essayé de faire cette petite addition de rationalisme aprioriste et d'empirisme auparavant, c'est bien Kant. Mais en attribuant une place très précise à chacun de ses deux éléments. 

 

Mais de toute façon, tout ça est de l'histoire ancienne. Pourquoi tiens tu tant à avoir une définition aussi kantienne de la rationalité ? Pourquoi chacun de ces deux morceaux te semble nécessaire pour parler de rationalité, et qu'est ce qui te permet de ne les voir ni comme redondant (si ils donnent accès à la même chose, après tout, ni Descartes ni Hume n'estimait avoir besoin des théories de l'autre), ni comme contradictoire ?

Lien vers le commentaire

 

Il y a 12 heures, Mégille a dit :

Et de fait, à propos des empiristes, ils se trouvent qu'ils ne prétendaient pas plus que Kant avoir accès à une quelconque forme de réalité ultime, eux aussi se limitent aux phénomènes.

 

C'est une position méthodologique assez saine des empiristes. Tout comme un individualiste aura tout intérêt a admettre que la société influence l'individu (sans pour autant le conditionner).

Je crois que ce que tu expliques ici correspond à cette phrase dans le Wikipédia sur l'empirisme :

 

Citation

En outre, dans certains cas (pour Berkeley notamment), l'empirisme ne soutient pas la thèse de l'existence du monde extérieur indépendamment de nous, et défend au contraire l'idéalisme sur ce point (mais il ne s'agit évidemment pas d'un idéalisme transcendantal à la manière de Kant26 ou spéculatif à la manière de Hegel).

 

Mais il me semble que Kant est nettement plus radical dans son idéalisme que les empiristes. Au final, pour l'Homme, il n'y a pas de choses en soi, que des représentations de phénomènes (Kant Critique de la raison pure 1781, cité dans Larousse, cité dans Wikipédia) :

 

Citation

J'entends par idéalisme transcendantal de tous les phénomènes la doctrine d'après laquelle nous les envisageons dans leur ensemble comme de simples représentations et non comme des choses en soi, théorie qui ne fait du temps et de l'espace que des formes sensibles de notre intuition et non des déterminations données par elles-mêmes ou des conditions des objets considérés comme choses en soi.

 

On en a une explication par Wikipédia ici :

 

Citation

À la différence de l'idéalisme empirique de Berkeley, l'idéalisme de Kant admet, à l'instar du réalisme métaphysique, l'existence de « choses en soi » en dehors de notre esprit. Mais contrairement à ce qu'affirme le réalisme métaphysique, ces choses, constitutives de l'ensemble de la réalité ou de l'être, nous demeurent à jamais inaccessibles, inconnaissables, parce que notre pensée ne saisit jamais que des phénomènes, c'est-à-dire des apparences, relatives aux structures innées a priori de notre sensibilité et de notre entendement12. Ces formes conditionnent toute notre connaissance et existent antérieurement à toute expérience.

 

Ps.: C'est possible de mettre un titre à nos citations ?

Lien vers le commentaire
Il y a 10 heures, Paperasse a dit :

Mais il me semble que Kant est nettement plus radical dans son idéalisme que les empiristes.

Je ne vois pas en quoi. Ou plutôt, je ne suis pas tout à fait d'accord avec la raison qui te fait dire ça. Les empiristes, surtout à partir de Hume, ne prétendent pas savoir quoi que ce soit de plus que Kant sur les choses en elle-même, au delà des phénomènes sensibles. Encore une fois, la principale innovation de Kant face à eux, c'est la possibilité d'établir une science rigoureuse et objective des phénomènes. 

Et puis, ce n'est pas tout à fait vrai de dire que "pour l'homme, il n'y a pas de chose en soi". La notion kantienne de "chose en soi" est indispensable chez Kant pour poser de l'intérieur les limites de notre raison, et puisqu'il est possible de les poser, pour comprendre aussi en quoi consiste leur constante transgression (pour Kant, on a une inclinaison naturelle a toujours chercher à comprendre ce qui est au delà de nos capacités de connaître, et qui nous mène à des paradoxes, c'est tout l'objet de la Dialectique de la Raison Pure). Une autre utilité chez Kant de la séparation entre phénomène et chose en soi (pour insister sur le fait qu'il ne s'agit surtout pas pour lui de faire comme s'il n'y avait pas de choses en soi) est qu'elle rend possible les "postulats de la raison pratique", c'est à dire, que ça rend possible la croyance en Dieu, en l'immortalité de l'âme et au libre-arbitre, que la morale nous pousse à supposer, même si c'est hors de ce qui peut être connu par la raison spéculative.

 

Si tu veux creuser un peu plus loin, je ne recommande pas wikipédia, et encore moins wikipédia en Français. C'est plutôt mauvais et très superficiel en philosophie. Le mieux reste de se plonger dans les oeuvres directement. Pour Kant, tu as les "Prolégomènes à toute métaphysique future", qui sont un condensé, très clair et synthétique, de toutes les idées les plus importantes de la CRP. 

(et si jamais tu as envie de mieux comprendre Hegel... bonne chance, you're on your own)

Lien vers le commentaire

@Mégille Merci beaucoup pas ta réponse claire et patiente, et aussi pour la référence "Prolégomènes à toute métaphysique future", c'est très utile.

 

Est-ce que les idéalistes allemands qui ont succédé à Kant (Fichte, Schelling, Schleiermacher) te semblent eux plus en rupture vis à vis de la raison des Lumières (que n'a pu l'être Kant notamment) ? Genre plus radicalement sceptiques, relativistes, etc.

Lien vers le commentaire
il y a 9 minutes, Paperasse a dit :

Est-ce que les idéalistes allemands qui ont succédé à Kant (Fichte, Schelling, Schleiermacher) te semblent eux plus en rupture vis à vis de la raison des Lumières (que n'a pu l'être Kant notamment) ? Genre plus radicalement sceptiques, relativistes, etc.

En quoi le scepticisme ou le relativisme représenteraient-ils des ruptures vis-à-vis de la raison ou des Lumières ?

Lien vers le commentaire

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant
×
×
  • Créer...