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il y a une heure, Bisounours a dit :

Car selon moi, l'incapacité à faire quelque chose pour des raisons d'ordre physique (peu importe leur origine) a des conséquences sur l'exercice de ma liberté d'aller et venir par exemple.

Qu'un rocher ou un skieur descendent une montagne, leurs trajectoires sont déterminées par les lois de la physique, mais le skieur est autonome, càd que le contrôle de la trajectoire est interne (note qu'il peut y avoir des contrôles à distance ; on pourrait même se poser la question pour les parasites). C'est cette autonomie qui garantit qu'on puisse accorder la liberté au sujet, ce qui signifie que la tour de contrôle de ses actions doit être interne : c'est le libre-arbitre. Une autre façon de comprendre la différence est de prendre le cas inverse: je peux physiquement faire quelque chose mais je ne suis pas libre de le faire (tuer ma femme). Comme le disait @L'affreux, c'est une distinction importante qui recoupe la distinction normatif (tu ne dois pas tuer ta femme) et descriptif (les trucs sur la vitesse des avions), donc les lois physiques et les lois politiques.

Ça se complique quand on se souvient que les lois justes sont justes dans la mesure où elles se conforment non pas à des bouts de papiers qui disent comment doit être l'univers mais à des principes objectifs qui découlent de la nature des hommes (le droit naturel), mais la contradiction n'est qu'apparente. Le droit naturel prescrit ce qui est le meilleur pour l'homme, alors que les lois physiques ne décrivent pas qu'il est meilleur que les rochers tombent de telle façon étant donné la forme de la pente, les obstacles etc. C'est pour ça que j'écrivais "des bouts de papiers qui disent comment doit être l'univers": l'univers ne doit pas être comme ci ou comme ça. Les trous noirs ne "doivent" pas être comme ci ou comme ça. Ils sont comme ci ou comme ça, point barre (note 1).

Villey associe la modernité avec la distinction de l’être et du devoir être, du is and ought problem de Hume (note 2), alors qu’il n’y a pas de fait sans valeur. Les marxistes, qui veulent fonder le droit sur le fait (la lutte des classes), ne peuvent lui donner aucune valeur ; les normativistes peinent à fonder leurs idées dans les faits. Le droit est ce qui est juste dans le monde (Villey 1969 : 89). La valeur fait partie du monde. Villey donne l’exemple de

(1)    Le Togo doit 3 milliards à la France.

Faut-il déduire de (1) que

(2)    Le Togo va nous rembourser ces 3 milliards ?

(3)    Le Togo est invité à nous rembourser 3 milliards, càd qu’il devrait le faire ?

Ce n’est pas sûr. « Devoir 3 milliards » et « devoir payer 3 milliards » sont deux choses : dans le premier cas, les actions auxquelles le mandataire est tenu sont nombreuses (payer 3 milliards, payer des intérêts, accepter la construction d’écoles au Togo…) ; elles sont spécifiques dans le deuxième cas. De même, ce n’est pas parce qu’un juge condamne un escroc à 3 ans de prison qu’il va passer 3 ans dans un prison. Tout ce que dit (1), c’est que sur notre bilan comptable avec le Togo s’inscrit un passif de 3 milliards. C’est en cela que consiste la dette, et pas en un acte à accomplir. L’obligation juridique n’est pas un devoir faire ou devoir être mais une valeur négative attribuée à quelqu’un. Villey décrit le droit à l’indicatif.

Cette ontologie est en accord avec le principe grec de physis qui veut que les choses soient puissance et acte, êtres tendant vers la réalisation d’une fin (ainsi la cité). La puissance, si on veut, donne au devoir être une réalité objective : ce n'est pas juste moi qui ai décidé ça le matin. L’exemple typique de cette physis est le germe d’une plante, qui peut se développer en arbre mais pas en chapeau à plume : il y a, de même, une naturalité du droit compatible avec ses variations. C'est pourquoi le DN n'est pas un Code civil exemplaire que le bon Dieu nous fait tomber tout cuit du ciel : il y a des variations, il faut adapter etc. Le changement n’empêche cependant pas de distinguer ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas, précisément grâce au concept de puissance. Une loi chapeau à plume serait injuste, tandis qu'une loi arbre serait juste, parce qu'elle est conforme à ce qui doit être. Ici on voit une distinction historique entre le DN classique, pour qui "nature" = l'ensemble de la nature et pas juste la nature humaine, nature qui est un ordre, un "cosmos", et le DN moderne, qui se restreint à l'homme (c'est une distinction que Strauss est célèbre pour avoir faite dans Droit naturel et histoire).

 

tldr Au final, c'est normatif le droit mais c'est descriptif en même temps, parce que la norme n'est juste que si elle se conforme avec ce qui doit être naturellement, qui est déterminable objectivement.

 

Le seul moment où je veux bien qu'on parle d'incapacité physique => une privation de liberté, c'est dans le cas d'un parasite, parce que c'est une perturbation biologique qui te prive de ton libre-arbitre. Les maladies, les amputations et les cancers n'entrent pas là-dedans.

 

Mes excuses à @Lancelot j'y peux rien, faut pas demander à un INTP d'arrêter de débattre, c'est comme la fable du scorpion et de la grenouille (comme tu l'as écrit toi-même).

 

Et parce que la philosophie c'est la vie:

Révélation

Aristote, Ethique à Nicomaque, traduction Tricot par pitié, Paris, Vrin, 1994, surtout le livre V.

Dennett, Daniel C (2020), Herding Cats and Free Will Inflation, sur la distinction autonomie/libre-arbitre/déterminisme. Après on pourrait citer des biblis entières sur le libre-arbitre, par exemple le livre de Inwagen, mais en attendant DCD est lisible ici: https://ase.tufts.edu/cogstud/dennett/papers/Dennett_Romanell_C2020.pdf

Rothbard, Murray (2011), L'Ethique de la liberté, Paris, Les Belles Lettres. Les premiers chapitres obviously sur le DN.

Skinner, Quentin (2008), Hobbes et la conception républicaine de la liberté, Paris, Albin Michel. Si on veut pas se taper tout le Léviathan (ce qui est mal, il faut toujours lire les auteurs), alors les pages sur la liberté négative sont bien.

Villey, Michel (1969), Seize leçons de philosophie du droit, Paris, Dalloz. Pour comprendre que le droit n'est pas du registre du devoir-être. Sauf erreur, ça ne peut pas vraiment s'exprimer dans les catégories de Searle (épistémiquement/ontologiquement subjectif/objectif), mais le truc de Villey c'est presque dire que la valeur est épistémiquement objective, mais en puissance. C'est parce que son épistémologie est aristotélicienne et pas scientifique au sens moderne que ça a l'air bizarre écrit comme ça.

 

(1) C'est pour ça que c'est si agaçant de lire Descartes, Leibniz, Clarke et les autres sur: "l'univers doit être comme ça parce que sinon ça veut dire que Dieu serait paparfait" et l'autre qui lui dit "ah non l'univers doit être exactement le contraire, sinon ça veut dire que Dieu serait paparfait"! Et ça dure pendant des plombes.

(2) En bref, Hume dit que d'un énoncé descriptif (à l'indicatif), on ne peut dériver un énoncé normatif.

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Ah j'ai eu une laugh react pour un gropost de philo. On se moque de mon INTPisme.

Edit tant qu'on y est avec cette histoire de DN, une autre façon de comprendre l'objectivité du DN c'est son émergence spontanée hayékienne, càd que là aussi le DN n'est pas juste ce qu'un groupe des gens ont décidé parce que c'est un ordre spontané (rationalité limitée, dispersion de l'information, pas la peine de refaire le même cirque surtout sur liborg).

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Le 30/11/2020 à 09:47, Vilfredo Pareto a dit :

La maladie prive de capacité pas de liberté 

Je n'ai pas assez modulé mon propos en disant que la maladie était la privation ultime de liberté et on peut effectivement l'interpréter en disant que le malade ne peut être libre ce qui est un raccourci hasardeux. 

Il me semble cependant qu'un être en pleine possession de ses moyens, ce que je comprends dans l'utilisation du terme "capacité", que ces "capacités" soient physiques ou intellectuelles (ce qui revient au même puisqu'à notre niveau tout est physiologique), est plus libre ou plutôt a la possibilité d'être plus libre, qu'un de ceux qui en serait privé.

Évidemment il reste des malades plus libres que des bien-portants mais uniquement parce que ces derniers n'utilisent pas tous les moyens pour tendre vers cet état de liberté auquel nous aspirons, ce qui d'ailleurs est probablement un signe de trouble ce qui les rapprocherait...des malades.

Il reste le pragmatisme de @Bisounours! Comment en effet être libre en fauteuil roulant, souffrant d'un mal qui progresse sans cesse, le cerveau taraudé par l'anxiété, la panique, la dépression...?

En fuyant probablement...il faudrait être surhumain...d'autant plus que dans notre société le maladif en est le parasite et la parasite ne peut être libre.

Sortir de sa condition de dépendance, intégrer son mal pour l'oublier et passer outre...!

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Il y a 1 heure, Reykjavik a dit :

Il reste le pragmatisme de @Bisounours! Comment en effet être libre en fauteuil roulant, souffrant d'un mal qui progresse sans cesse, le cerveau taraudé par l'anxiété, la panique, la dépression...?

En fuyant probablement...il faudrait être surhumain...d'autant plus que dans notre société le maladif en est le parasite et la parasite ne peut être libre.

Il y a des dizaines de millions de gens avec des handicaps dans le monde, fauteuil roulant, amputation, etc.

Et tous ceux qui arrivent à participer positivement à la vie de la société humaine, n'en sont par définition pas des parasites.

On a probablement jamais eu autant de moyens techniques qu'aujourd'hui pour que les handicapés physiques puissent réduire leur incapacité et ainsi contribuer positivement.

 

Il y a des gens âgés (et diminués) qui contribuent positivement jusqu'à leur dernier souffle.

Il y a des glands en bonne santé qui ne bossent pas un instant de leur vie (et nuisent le reste de leur temps).

 

La distinction capacité/liberté est ama pertinente.

  • Yea 1
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à l’instant, Mathieu_D a dit :

 

Le problème c'est que la Suisse ne fait pas partie de l'UE donc pas obligé d'accepter en cas de décision de celle-ci.

Je sais qu'en Pologne, les stations de ski sont ouvertes (avec mesures sanitaires) et vu les tensions actuelles je doute qu'ils se rangent du coté allemand. Et effectivement les Autrichiens.

  • Yea 1
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il y a 1 minute, Mégille a dit :

En plus, à quel moment est-ce que tu es sensé avoir l'occasion de partager le virus, quand tu es au ski ? Brièvement dans le vestiaire lorsqu'on met les chaussures ?

 

Dans les stations, le seul truc ouvert donc...

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C'est du même ordre qu'interdire la vente de certains produits en grande surface pour les emmerder autant que les petits commerces. Tout le monde à égalité dans la merde.

Peut-être que là aussi, les stations françaises ont gueulé que c'était pas juste qu'elles perdent de la clientèle ?

  • Yea 1
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Il y a 5 heures, Rübezahl a dit :

Il y a des dizaines de millions de gens avec des handicaps dans le monde, fauteuil roulant, amputation, etc.

Et tous ceux qui arrivent à participer positivement à la vie de la société humaine, n'en sont par définition pas des parasites.

 

 

Oui, évidemment, c'était un clin d'oeil à ce que Friedrich déclarait dans "Crépuscule des Idoles" en même temps que j'évoquais la notion de surhomme...puéril...je sais!

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5 hours ago, Mégille said:

En plus, à quel moment est-ce que tu es sensé avoir l'occasion de partager le virus, quand tu es au ski ? Brièvement dans le vestiaire lorsqu'on met les chaussures ?

Dans le bain de foule au pied de la remontée.

 

Il y a plein d'autres solutions moins destructrices qu'une fermeture, mais ils ne peuvent pas se priver apparemment.

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