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La méfiance envers la recherche universitaire


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Je ne suis pas ici depuis longtemps et en parcourant quelques topics, notamment celui sur le réchauffement climatique, on remarque assez vite que certains intervenants sont très dubitatifs par rapport aux modèles proposés, au consensus scientifique et accordent finalement peu de confiance dans les institutions de recherche.
 

Je ne vous jette pas la pierre (même si à titre personnel je suis assez convaincu par la nature anthropique du réchauffement) et je partage également une forme de scepticisme vis-à-vis du monde universitaire. Ayant été assez peu en contact avec la recherche, j'ai cependant conscience que mes à priori négatifs sur cet univers ne sont pas fondés sur grand chose. Je pense donc que ce serait intéressant d'avoir des avis plus développés. Finalement, y a-t-il un problème avec la manière dont la recherche se fait aujourd'hui ?  Je sais qu'il y a un gros soucis dans la reproductibilité de certaines théories, mais est-ce que les maux sont plus profonds ?

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Le problème n'est pas tant la science en soi que les gens (scientifiques compris) qui l'utilisent comme un outil politique. C'est là qu'on commence à parler de consensus, de campagnes de sensibilisation, de négationnistes... et que ça commence à sentir le roussi. Au final quand les scientifiques restent dans leur tour d'ivoire à s'engueuler entre eux ce n'est pas plus mal.

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La science est une méthode qui permet de falsifier des hypothèses. On peut la pratiquer plus ou moins bien, mais elle ne s'incarne pas. Or, en pratique, ce qu'on appelle "science" quotidiennement, ce sont les scientifiques et leurs institutions. Les scientifiques sont des hommes qui poursuivent leurs propres intérêts et réagissent aux incitations comme tout le monde. Et les institutions scientifiques sont des organisations comme les autres qui ont pour priorité le maintien de leur intégrité et de leur auto-conservation.

 

Bref, un peu d'école des choix publics et de théorie des organisations ça ne fait pas de mal.

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Le problème vient du fait qu'il existe un biais idéologique au sein des universités. Un biais qui a  été étudié en France et qui révèle que les universitaires sont dans la totalité des domaines majoritairement à gauche et surtout hostiles à l'économie de marché .

J'essaye de vous donner le nom du livre qui avait étudié les biais idéologiques en France. 

 

Et ce phénomène est globalement identique dans le monde anglo-saxon (voire pire dans certains domaines).

 

 

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7 hours ago, Axpoulpe said:

Un exemple qui fait réfléchir, mais ça concerne les sciences humaines  https://fr.wikipedia.org/wiki/Canular_Sokal_au_carré

Typiquement les grievance studies c'est de l'idéologie qui, après avoir tué la science, se pavane dans sa carcasse dépecée.

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Citation

Un biais qui a  été étudié en France et qui révèle que les universitaires sont dans la totalité des domaines majoritairement à gauche

C'est les conséquences directes de la seconde guerre mondiale, le communisme est devenu très populaire alors que les intellectuels de droite ont dû se réfugier dans l'érudition. Je pense à de Benoist qui n'est jamais plus descendu de sa tour d'ivoire.

 

Tout ça est entendu, on sait que l'Université tend vers la gauche (mais n'importe quel militant de base en profiterait pour dire que les idées de gauche sont simplement plus scientifiques) mais on ne peut pas balayer pour autant tout ce qui est produit par ces chercheurs, ou alors c'est accepter d'être complètement marginalisé dans le champ universitaire et du coup d'être un peu inaudible auprès du grand public non ?

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Tu parles de quels instituts par exemple, des trucs publiques ? Il y a de la recherche privée mais je ne sais pas si on la qualifie de "universitaire"

 

Il y a 20 heures, Pegase a dit :

accordent finalement peu de confiance dans les institutions de recherche.

La confiance ça se gagne et ça se perds, ce n'est pas statique ça se mérite (et au cas par cas si besoin).

 

Il y a 20 heures, Pegase a dit :

j'ai cependant conscience que mes à priori négatifs sur cet univers ne sont pas fondés sur grand chose

D'un autre côté la confiance aveugle que certains ont est basé sur quoi ?

 

Je n'accorde pas plus de confiance à priori à des chercheurs qu'à d'autres ce sont des gens normaux, il faut lire les papiers et se faire une idée. La recherche en informatique est excellente par exemple, et pas le fruit uniquement d'universités loin de là. Peut être penses-tu qu'ils ont une façon de travailler ensemble qui rend leurs résultats fiables ? Je ne le pense pas perso

 

Il y a 20 heures, Lancelot a dit :

Le problème n'est pas tant la science en soi que les gens (scientifiques compris) qui l'utilisent comme un outil politique. C'est là qu'on commence à parler de consensus, de campagnes de sensibilisation, de négationnistes... et que ça commence à sentir le roussi. Au final quand les scientifiques restent dans leur tour d'ivoire à s'engueuler entre eux ce n'est pas plus mal.

Oui mais pour certains la question de comment extraire du "monde scientifique" des informations utiles à la prise de décision politique reste entière. Mais c'est peut être l'objet d'un autre débat

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Il y a 14 heures, Lancelot a dit :

Typiquement les grievance studies c'est de l'idéologie qui, après avoir tué la science, se pavane dans sa carcasse dépecée.

 

J'ai l'impression que les affaires Sokal sont toutes liées au postmodernisme. le fait que cette idéologie n'ai pas été mise hors de l'université démontre le poids qu'ont ses partisans dans les universités.

Autant le constructivisme est une école de pensée qui peut étre interessante si elle est bien refléchi, autant le postmodernise qui en est sa version radicale n'est rien d'autre qu'une idéologie.

 

Il y a 3 heures, Pegase a dit :

C'est les conséquences directes de la seconde guerre mondiale, le communisme est devenu très populaire alors que les intellectuels de droite ont dû se réfugier dans l'érudition. Je pense à de Benoist qui n'est jamais plus descendu de sa tour d'ivoire.

 

Tout ça est entendu, on sait que l'Université tend vers la gauche (mais n'importe quel militant de base en profiterait pour dire que les idées de gauche sont simplement plus scientifiques) mais on ne peut pas balayer pour autant tout ce qui est produit par ces chercheurs, ou alors c'est accepter d'être complètement marginalisé dans le champ universitaire et du coup d'être un peu inaudible auprès du grand public non ?

 

Dans les sciences humaines, une partie non négligeable des chercheurs de droite ou libéraux vont dans les think tanks dont toute une vague ont été créé pour contrer justement la mainmise de la gauche (parfois bien marxiste) dans les universités. Et justement, ca permet à des chercheurs en sciences sociales d'étre audible auprès du grand public. En outre,on est  pas obligé de rejetter toutes les idées universitaires: en science dure le biais idéologique à moins d'importance car c'est des sciences non liées à la politique (sauf pour quelques tarés SJW). Pour les sciences sociales, pas mal de chercheurs peuvent se montrer très rigoureux dans leurs domaines mais dès qu'ils vont donner leur avis l'idéologie revient. 

 

le livre sur le biais idéologique en France dont je parlais plus haut est celui-ci: Que pensent les penseurs ? : Les opinions des universitaires et scientifiques français

https://www.amazon.fr/Que-pensent-penseurs-universitaires-scientifiques/dp/270612427X

 

Quelques éléments de l'étude en France:

94% des universitaires en sociologie sont à gauche,93% en géographie, 80% en économie. Les universitaires en droit et en chimie sont les moins à gauche avec respectivement 56% et 55% d'universitaires à gauche.

Néanmoins les juristes et les économistes de gauche sont moins à gauche et plus pro-marchés que ceux des autres sciences sociales (en clair en droit et éco c'est des socdem alors qu'ailleurs ça peut étre bien plus socialistes).

33% des universitaires en anthropologie se considèrent comme postmodernistes, 20% en droit et en économie et gestion. Le pourcentage de postmoderne en sciences dures sont tous en dessous de 10% sauf en math avec 13%.

 

Je me souvient aussi d'une étude de l'Adam Smith Institute au Royaume-Uni qui montre que la situation est encore plus radicale là-bas.

En droit et économie ça serait 80% des universitaires à gauche et avec une grosse présence des écologistes. En outre, l'étude anglaise mettait en avant le fait qu'il y avait une discrimination à l'embauche et des pressions pendant le travail envers ceux qui n'étaient pas dans cette gauche (l'étude française n'a pas étudié ce phénomène).

 

Ce qui sauve la société anglosaxone c'est que le diplome et les études universitaires sont moins mis en avant dans le monde du travail qu'en France et que l'on va regarder avant tout tes réalisations

 

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Je ne ferais pas de commentaire supplémentaire sur le gauchisme généralisé des intellectuels en France.

Pour moi la question relève de la distinction fondamentale entre vérité scientifique et opinion.

Les vérités en science n'ont pas à être débattues par d'autres personnes que les scientifiques, et avec la méthode scientifique.

Le reste c'est l'opinion, et on sait bien qu'elle est comme le vent.

Le problème c'est que les scientifiques n'étant pas de purs esprits libres, ils ont eux aussi une opinion, y compris dans leur domaine d'expertise.

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Intéressante question.  La méfiance envers la recherche universitaire est un avatar de la méfiance envers les institutions en général.  David Zaruk (alias le Risk-Monger) a pas mal écrit sur ce sujet:

https://risk-monger.com/2017/12/11/evolutions-in-trust-part-1-blockchain-trust/ Pour résumer (en vraiment très très court): nous faisons de moins en moins confiance envers les institutions et de plus en plus confiance aux gens qui nous sont proches ou qui nous ressemblent. 

 

Les chercheurs (universitaires ou pas) sont très éloignés du pékin moyen.  La communication entre les chercheurs et le public est très difficile.  Du coup la méfiance s'installe assez naturellement.

 

Il y a plein d'autres choses dans les articles de David Zaruk.  Cela vaut le coup d'être lu.

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On 4/19/2020 at 1:02 PM, POE said:

Je ne ferais pas de commentaire supplémentaire sur le gauchisme généralisé des intellectuels en France.

Pour moi la question relève de la distinction fondamentale entre vérité scientifique et opinion.

Les vérités en science n'ont pas à être débattues par d'autres personnes que les scientifiques, et avec la méthode scientifique.

Le reste c'est l'opinion, et on sait bien qu'elle est comme le vent.

Le problème c'est que les scientifiques n'étant pas de purs esprits libres, ils ont eux aussi une opinion, y compris dans leur domaine d'expertise.

 

Sauf que c'est inapplicable aux sciences humaines, où les critères de scientificité des sciences dures sont largement inopérants. On est donc obligés de reconnaître que même si dans les grandes lignes il y a des postulats incontestables (pas d'économie prospère sous régime collectiviste), le reste demande un minimum d'honnêteté intellectuelle mais on pourra toujours se répondre avec des arguments qui se tiennent mais passent les uns à côté des autres, faute de s'entendre très précisément sur le sens des mots employés, ce qui est un obstacle important. Il n'y a d'ailleurs qu'à voir les désaccords profonds que peuvent avoir nos maîtres à penser sur des sujets comme la monnaie (pour n'en citer qu'un), et on réalise vite que ce n'est pas aussi simple qu'une distinction vérité/opinion. 

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il y a 7 minutes, Axpoulpe a dit :

les critères de scientificité des sciences dures sont largement inopérants.

Alors en fait, même dans les sciences dures les critères de scientificité diffèrent. Les maths, la physique, la biologie ont des objets d'étude de natures fondamentalement différentes, des épistémologies qui ne peuvent qu'être divergentes, et les méthodologies en question doivent nécessairement y être adaptées. Croire en le contraire, c'est au mieux de la physics envy, au pire du fétichisme primitif.

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N'allez pas croire que les physiciens ne s'opposent pas entre eux au moins aussi fondamentalement et violemment que les sociologues. Seulement pour la plupart ils ont le bon goût de ne pas y mêler de la politique.

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50 minutes ago, Rincevent said:

Alors en fait, même dans les sciences dures les critères de scientificité diffèrent. Les maths, la physique, la biologie ont des objets d'étude de natures fondamentalement différentes, des épistémologies qui ne peuvent qu'être divergentes, et les méthodologies en question doivent nécessairement y être adaptées. Croire en le contraire, c'est au mieux de la physics envy, au pire du fétichisme primitif.

 

 

45 minutes ago, Lancelot said:

N'allez pas croire que les physiciens ne s'opposent pas entre eux au moins aussi fondamentalement et violemment que les sociologues. Seulement pour la plupart ils ont le bon goût de ne pas y mêler de la politique.

 

S'il vous plait, il va me falloir quelques articles courts qui font le tour de la question, quelques exemples concrets. J'ai la malchance d'avoir plusieurs amis (en particulier mon ami le plus proche) qui sont des scientifique en sciences dures, et qui font partie des fétichistes de "la méthode scientifique", forcément la seule qui vaut. Pour l'instant j'ai suffisamment progressé pour mieux articuler mes propres réflexions sur la méthodologie en économie, mais du coup ils en arrivent à conclure que les sciences humaines c'est juste une aimable discussion et que vraiment ce n'est pas parce qu'on a raison depuis 10.000 ans que ça prouve qu'on aura raison dans l'avenir. C'est un facepalm permanent, J'EN PEUX PLUS !!! :facepalm:

 

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15 minutes ago, Axpoulpe said:

S'il vous plait, il va me falloir quelques articles courts qui font le tour de la question, quelques exemples concrets. J'ai la malchance d'avoir plusieurs amis (en particulier mon ami le plus proche) qui sont des scientifique en sciences dures, et qui font partie des fétichistes de "la méthode scientifique", forcément la seule qui vaut.

Qu'est-ce qu'ils pensent de la lumière, onde ou particule ?

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16 minutes ago, Axpoulpe said:

J'ai la malchance d'avoir plusieurs amis (en particulier mon ami le plus proche) qui sont des scientifique en sciences dures, et qui font partie des fétichistes de "la méthode scientifique", forcément la seule qui vaut. Pour l'instant j'ai suffisamment progressé pour mieux articuler mes propres réflexions sur la méthodologie en économie, mais du coup ils en arrivent à conclure que les sciences humaines c'est juste une aimable discussion

 

C'est bien triste d'être aussi plafonné intellectuellement.

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1 minute ago, Boz said:

 

C'est bien triste d'être aussi plafonné intellectuellement.

 

Pourtant ce n'est pas faute d'intelligence, ni dans le cas de mon ami ni dans celui de ses propres amis scientifiques, j'ai l'impression que ça vient plus d'un culte voué à la science entendue au sens de ce qui est démontrable et indiscutable. C'est une religion, une vache sacrée, je ne peux pas le dire autrement. 

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2 minutes ago, Axpoulpe said:

Pourtant ce n'est pas faute d'intelligence, ni dans le cas de mon ami ni dans celui de ses propres amis scientifiques, j'ai l'impression que ça vient plus d'un culte voué à la science entendue au sens de ce qui est démontrable et indiscutable. C'est une religion, une vache sacrée, je ne peux pas le dire autrement. 

 

Oui c'est ce que je voulais dire par "plafonné intellectuellement". On peut être très intelligent et très pointu dans un domaine mais complètement borné et inintéressant sur le reste.

L'intellect possède une largeur et une profondeur. Le leur est très profond sur un sujet, mais très étroit.

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il y a 27 minutes, Boz a dit :

Oui c'est ce que je voulais dire par "plafonné intellectuellement". On peut être très intelligent et très pointu dans un domaine mais complètement borné et inintéressant sur le reste.

L'intellect possède une largeur et une profondeur. Le leur est très profond sur un sujet, mais très étroit.

Ça s'appelle être un technicien. Et même un excellent technicien n'est pas autre chose qu'un technicien. 

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Il y a 1 heure, Axpoulpe a dit :

S'il vous plait, il va me falloir quelques articles courts qui font le tour de la question, quelques exemples concrets. J'ai la malchance d'avoir plusieurs amis (en particulier mon ami le plus proche) qui sont des scientifique en sciences dures, et qui font partie des fétichistes de "la méthode scientifique", forcément la seule qui vaut. Pour l'instant j'ai suffisamment progressé pour mieux articuler mes propres réflexions sur la méthodologie en économie, mais du coup ils en arrivent à conclure que les sciences humaines c'est juste une aimable discussion et que vraiment ce n'est pas parce qu'on a raison depuis 10.000 ans que ça prouve qu'on aura raison dans l'avenir. C'est un facepalm permanent, J'EN PEUX PLUS !!! :facepalm:

J'ai pas compris, ils critiquent que les sciences non falsifiables soient empiriques ? C'est pas choquant

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Il y a 2 heures, Axpoulpe a dit :

ce n'est pas parce qu'on a raison depuis 10.000 ans que ça prouve qu'on aura raison dans l'avenir

Ceci dit, c'est des choses qui arrivent. Matlhus avait raison depuis 10 000 ans, et tort à partir de son présent.

 

Mais je ne comprends pas très bien la position de ton ami, c'est un positiviste à l'ancienne ?

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1 hour ago, ttoinou said:

J'ai pas compris, ils critiquent que les sciences non falsifiables soient empiriques ? C'est pas choquant

 

D'après ce que je comprends ils considèrent surtout que l'économie n'applique pas des méthodes aussi rigoureuses que dans les sciences physiques, et qu'à ce titre il est logique d'écouter le GIEC (dont ils épluchent fébrilement les rapports détaillés) et sons consensus de scientifiques aux méthodes exactes plutôt que des économistes qui ne peuvent pas te prouver par A+B que leur système de croissance basée sur les énergies fossiles ne va pas détruire la planète et l'humanité. Bien sûr je pourrais aller farfouiller les rapports du GIEC pour voir si les fameux morts et déplacés climatiques ne sont pas - comme je le soupçonne fortement - du pipeau de compétition, mais je me refuse à entrer dans ce jeu car je n'ai pas que ça à foutre de mes journées. Mais c'est un travail à faire, c'est fastidieux et j'espère un jour faire voire faire une rétro-vérification des prévisions du GIEC depuis sa création, tout comme avec le rapport Meadows, mais pour l'instant malgré le confinement je ne trouve pas ce temps. 

 

44 minutes ago, Mégille said:

Ceci dit, c'est des choses qui arrivent. Matlhus avait raison depuis 10 000 ans, et tort à partir de son présent.

 

Si c'est du troll, c'est du bon, je retiens :mrgreen:

 

44 minutes ago, Mégille said:

Mais je ne comprends pas très bien la position de ton ami, c'est un positiviste à l'ancienne ?

 

Je ne peux pas bien te l'expliquer. Mon pote est "seulement" ingénieur, mais il essaie de trouver des critères pour savoir qui écouter et qui prendre avec un grain de sel. Je ne peux pas lui en vouloir sur le principe, c'est important de ne pas croire que ce qui nous arrange. Mais forcément que ses amis du CNRS qui ont le temps et les connaissances (au moins mathématiques et statistiques) pour passer au crible les rapports du GIEC inspirent a priori plus confiance que moi. Mais justement nos discussions - bien qu'elles soient de plus en plus insupportables car pendant que je reste calme lui n'arrive pas à contenir sa frustration - m'ont quand même poussé à m'intéresser un peu plus à la méthode scientifique en général, et le moins qu'on puisse pour l'économie est que nous faisons depuis longtemps fausse route, et nous avons prêté plus à notre "science" que ce qu'elle pouvait (toute seule, du moins). 

 

J'ai récemment mis quelques réflexions par écrit à propos des sciences économiques, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez car c'est vraiment mon essai sur la question, je n'ai pas que très peu de reprises d'autres écrits

 

Spoiler

 

(...)

 

L'économie, des phénomènes complexes aux lois simples

 

L'économie est une discipline passionnante mais déroutante à plus d'un titre: ses lois fondamentales sont extrêmement simples mais leurs applications peuvent se révéler complexes, surtout présentées sous forme mathématique. Le bon sens est un précieux allié dans la compréhension de l'économie, et pourtant certaines réalités apparaissent particulièrement contre-intuitives au premier regard. Pourquoi la liberté de baisser les salaires dans un secteur d'activité est-elle aussi importante pour la prospérité générale que la liberté de les augmenter ? Pourquoi les pays les plus endettés subissent-ils les taux d'intérêt les plus élevés quand ils empruntent de l'argent alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin ? Comment se fait-il qu'une hausse de la productivité dans un pays enrichisse automatiquement ses partenaires d'échange à l'international alors qu'on présente le commerce comme une compétition entre pays ? Comment l'Empire Espagnol a-t-il pu s'appauvrir suite à l'arrivée des centaines de tonnes d'or des Amériques ? Autant de questions curieuses auxquelles la science économique apporte des réponses surprenantes. 

 

A la recherche impossible d'une vérité économique absolue

 

Certains observateurs sont surpris de voir combien des économistes tout aussi diplômés, expérimentés et reconnus peuvent soutenir des thèses parfaitement contradictoires sur un même phénomène, avec le même appareil d'observation et les mêmes données. C'est à n'y rien comprendre ! Ce dernier aspect est frustrant pour celui qui cherche à "apprendre" l'économie, surtout pour qui a l'habitude des sciences exactes (aussi appelées sciences dures) telles que la physique, ou la biologie. Même si les économistes ont des points d'accord quasi-général, il est souvent impossible de dégager une "vérité économique incontestable", car l'économie est une science humaine avant toute chose et ne peut prétendre au niveau d'exactitude des mathématiques. La récompense existe toutefois bel et bien pour qui s'accroche et persévère, car une compréhension même partielle des lois de l'économie constitue une grille de lecture extrêmement utile pour comprendre le monde qui nous entoure et en "tirer avantage" du mieux que nous pouvons, quelle que soit la signification que chacun attribue à ce terme. De plus, s'il est vrai que beaucoup d'économistes peuvent parler des heures de l'action des chefs d'entreprise alors qu'ils seraient souvent bien incapables de réussir eux-mêmes dans cette fonction, il n'en reste pas moins surprenant de constater combien de commerçants et entrepreneurs commettent des erreurs d'une grande naïveté lorsqu'ils négligent des principes économiques fondamentaux comme la valeur subjective et marginale d'un produit, le coût d'opportunité ou encore l'avantage comparatif (nous expliquerons ces termes plus loin).

 

(...)

 

Méthodes de la science économique


La partie suivante consiste à faire de l'épistémologie, ou philosophie des sciences. Cette question peut sembler très théorique, mais elle est cruciale. Tout comme les fondations d'une maison sont fondamentales pour l'ensemble de l'édifice, l'économie doit se poser la question de ses méthodes et de ses ambitions. En effet une ambiguité demeure autour du rôle des l'économie et des économistes. S'il est communément admis que le physicien, le biologiste ou le mathématicien est plus là pour décrire que pour prescrire, il est également admis, au moins implicitement, que le philosophe, le spécialiste de sciences politiques ou de sociologie assume une approche au moins partiellement normative, et non uniquement positive. Autrement dit une approche qui ne cherche plus seulement à décrire le monde, mais à donner des orientations et autres conseils sur la manière dont ce dernier devrait fonctionner.

L'économie tient une position intéressante mais inconfortable entre ces deux extrémités : elle est probablement plus descriptive que la philosophie, mais sûrement plus normative que les sciences exactes. De fait, l'économie est une science décrivant un certain type d'action humaine, c'est donc bien une discipline à rattacher prioritairement aux sciences humaines.

 

A - L'économie est-elle une science ? 

 

Voilà qui a de quoi surprendre pour un domaine jouissant d'une image de rigueur, d'exactitude et de vérité absolue, mais la science n'a pas de définition unique et universellement reconnue : "il n’existe pas aujourd’hui de canons méthodologiques qui feraient l’objet d’un consensus chez les philosophes des sciences, et qu’il suffirait d’appliquer à l’économie pour en apprécier la scientificité." (Mikaël Cozic, Revue d'Economie Politique, 2014). Le mot nous vient du latin scientia ("connaissance"), ce qui nous laisse déjà deviner qu'il s'agit de caractériser un ensemble de savoirs. Ce mot est par ailleurs un polysème (un mot à plusieurs sens), recouvrant principalement trois acceptions :

- Savoir, connaissance de certaines choses qui servent à la conduite de la vie ou à celle des affaires.
- Ensemble des connaissances acquises par l’étude ou la pratique.
- Hiérarchisation, organisation et synthèse des connaissances au travers de principes généraux       (théories, lois, etc.).

Ainsi, tout ensemble de connaissances de ramenant à un sujet particulier constitue une science, et au sens le plus littéral on peut parler de science à propos des savoirs théoriques et savoirs-faire pratiques de toute activité manuelle ou intellectuelle. Mais la plupart du temps on a pris l'habitude d'utiliser le mot "science" dans le langage courant pour désigner la troisième acception. 

Pour ce qui est de l'économie il s'agit donc bien d'une science, et ce dans les trois acceptions précédemment listées : 

connaître la manière dont les prix réagissent à un événement affectant l'offre ou la demande sur un marché est une connaissance qui peut se comprendre comme pratique et applicable à la vie quotidienne. Un boulanger (ou n'importe qui d'autre) n'a pas besoin de cours théoriques complexes pour comprendre que si une autre boulangerie s'installe sur le trottoir d'en face, cette concurrence risque de faire baisser son chiffre d'affaire et qu'il a donc intérêt à améliorer la qualité de ses produits ou à baisser ses prix pour garder sa clientèle, du moins si la demande de pain dans le secteur concerné reste stable. 
l'étudiant qui sort d'une école de commerce acquiert un certain nombre de connaissances dans ses cours comme dans ses stages en entreprise et peut les mobiliser dans l'exercice de son métier futur, sans pour autant avoir précisément étudié de théories et classifications "scientifiques" sur le domaine concerné. Il participe toutefois à la vie économique et use pour cela d'un savoir de nature économique.
L'économiste plus académique a recours à la théorie, à la classification, à l'observation méthodique et parfois à l'expérience pour identifier les phénomènes de nature économique, les caractériser, les expliquer et parfois même les prédire. Si cette science économique est de nature plus scientifique au sens courant du terme, elle n'est pas supérieure ou inférieure aux deux acceptions précédentes mais simplement complémentaire.

Une fois clarifié l'usage du mot "science", il nous reste à discuter de la place des sciences économiques sur le spectre plus général des sciences. En effet on peut distinguer trois types de sciences : 

- les sciences exactes (et sciences formelles), comprenant les mathématiques et les « sciences mathématisées » comme la physique théorique;
- les sciences physico-chimiques et expérimentales (sciences de la nature et de la matière, biologie, médecine);
- les sciences humaines, qui concernent l'Homme, son histoire, son comportement, la langue, le social, le psychologique, le politique.

Il nous semble que les sciences économiques appartiennent en grande majorité à cette troisième catégorie, celle des sciences humaines. Toutefois cette opinion n'est pas universellement partagée, et l'utilisation des statistiques et autres outils mathématiques peut laisser penser que l'économie revendique un statut de science exacte ou semi-exacte. Le prestige associé aux sciences telles que la physique ou les mathématiques contribue probablement au tropisme des économistes pour des méthodes issues de ces dernières. Mais l'habit ne faisant pas le moine, il ne suffit pas d'inclure un modèle mathématique pour rendre sa discipline plus féconde (Cf. 1-V-D).  Pour conclure cette section, il n'est pas inutile de préciser que les sciences exactes sont souvent surnommées "sciences dures", et que par conséquent les sciences humaines sont affublées du qualificatif condescendant de "sciences molles". Le terme a de quoi déplaire, mais il reflète une réalité : le niveau de rigueur que l'on peut atteindre en sociologie ou en science politique est en pratique bien inférieur à celui des sciences exactes, ne serait-ce qu'en raison des langages utilisés, l'un étant parfaitement clair tandis que l'autre comporte des ambiguïtés dès l'origine. 

 

B - Individualisme ou holisme ?

 

Dans la tradition individualiste, on dit que les ensembles sociaux sont des métaphores qui n'existent que dans l'esprit humain 

1. Seuls les individus ont des buts et des intérêts (principe de Popper-Agassi) ; 
2. Le système social, et ses changements, résultent de l'action des individus ;
3. Tous les phénomènes socio-économiques peuvent s’expliquer, en dernière analyse, par des théories qui ne se réfèrent qu’aux individus, à leurs dispositions, croyances, ressources et relations.

Autrement dit les partisans de cette méthode considèrent qu'il n'est pas pertinent de prêter à une entité abstraite des caractéristiques propres aux humains, comme le fait d'exprimer une volonté ou d'agir de manière cohérente dans un but clairement identifié. Parmi les ensembles sociaux concernés, on trouve par exemple des corps politiques, des entreprises, des pays, ou encore des communautés ethniques et religieuses. Les économistes partisans de cette méthode, tels que Joseph Schumpeter (qui propose le terme "individualisme méthodologique" en 1908), ou encore Ludwig Von Mises et Friedrich Hayek, considèrent qu'on ne peut pas fonder une théorie sérieuse en s'appuyant majoritairement sur des concepts tels que l'Autriche, le gouvernement, l'Eglise catholique ou la classe ouvrière. Si on analyse chacun de ces ensembles sociaux, on constate rapidement qu'ils sont composés milliers ou de millions d'hommes et de femmes qui agissent dans des directions parfois contraires, s'opposent entre eux ou se coalisent temporairement, mais ont souvent des frontières floues, changeantes, au sein desquelles personne n'est capable de diriger avec succès l'action de tous les autres.

L'Autriche est-elle l'ensemble des institutions publiques autrichiennes ? Ou l'ensemble des résidents ? Ou l'ensemble des détenteurs de la nationalité autrichienne ? Ou bien encore le territoire lui-même ? En plus de cette difficulté d'établir un contour précis, et si l'on prenait par exemple comme critère l'ensemble des institutions publiques, rien ne dit que ces institutions obéissent toujours et partout aux ordres du gouvernement central, ni même que les agents de chaque institution acceptent tous d'agir conformément aux ordres. Ce dernier point est illustré notamment par les périodes de guerre, durant lesquelles la légitimité de chaque institution est remise en cause selon les circonstances. Ainsi, même si l'Autriche faisait partie depuis 1938 du IIIème Reich d'Adolf Hitler, de nombreux mouvements de résistance au régime ont existé en Autriche, avec des individus issus de toutes catégories sociales et professionnelles et de camps politiques variés, ce qui empêche d'affirmer que 100% des autrichiens partageaient la volonté d'Hitler, loin s'en faut.

On peut appliquer la même analyse aux autres ensembles sociaux pris en exemple. La classe ouvrière partage-t-elle exactement les mêmes intérêts ? Si c'est le cas, pourquoi est-ce que chaque élection montre un éclatement du vote ouvrier entre différents partis à l'opposé du spectre politique ? On le voit, la réalité est plus complexe et la tentative de prêter à de grands ensembles sociaux un comportement type ne permet pas d'expliquer le monde réel, surtout lorsqu'on l'examine de près. 

Insistons sur le fait que l'individualisme méthodologique n'est qu'un outil, une grille de lecture, un principe d'analyse qui ne dit absolument rien sur les conclusions des théories qui en font usage. Les économistes se différencient par exemple des sociologues en faisant des hypothèses très précises sur le comportement maximisateur et rationnel des individus, tandis que les sociologues sont plus nuancés sur ce point. Pour le dire en langage courant : la recherche du profit n'explique pas tout, mais l'hypothèse d'un individu agissant principalement en fonction d'incitations monétaires peut aider à construire des théories pour tenter d'expliquer la réalité tout en suivant le principe d'individualisme méthodologique. Même parmi les économistes, cette méthode peut emmener à des conclusions opposées, comme l'illustrent les nombreuses controverses entre économistes néo-classiques et économistes de l'Ecole Autrichienne. 

Les citations suivantes permettent de mieux saisir la vision des partisans de cette méthode ainsi que leurs propres mises en garde sur ses limites et ses ambitions. On notera en particulier que l'individualisme méthodologique ne nie absolument pas l'existence et l'importance des ensembles sociaux : 

« L'individualisme méthodologique est la doctrine tout à fait inattaquable selon laquelle nous devons réduire tous les phénomènes collectifs aux actions, interactions, buts, espoirs et pensées des individus et aux traditions créées et préservées par les individus. » (Karl Popper, Misère de l'historicisme).
« Les Hommes ne se changent pas, quand ils sont rassemblés, en une autre espèce de substance dotée de propriétés différentes (...) Les êtres humains en société n'ont d'autres propriétés que celles qui dérivent de la nature de l'Homme individuel et peuvent s'y résoudre. » (John Stuart Mill, Système de logique).
« Personne ne conteste que, dans la sphère de l'action humaine, les entités sociales ont une existence réelle. Personne ne s'aventure à nier que les nations, les États, les municipalités, les partis, les communautés religieuses, sont des facteurs réels qui déterminent le cours des événements humains. L'individualisme méthodologique, loin de contester la signification de tels collectifs, considère comme une de ses tâches principales de décrire et d'analyser leur devenir et leur disparition, leurs structures changeantes et leur fonctionnement. Et il choisit la seule méthode qui permet de résoudre ce problème de façon acceptable. » (Ludwig von Mises, L'Action humaine).

Le holisme (du grec ancien "hólos" signifiant « entier ») est un néologisme forgé en 1926 par l'homme d'État sud-africain Jan Christiaan Smuts pour son ouvrage Holism and Evolution. Selon son auteur, le holisme est : « la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l'évolution créatrice. »

Appliquée à l'économie, cette approche consiste à appréhender les phénomènes socio-économiques à travers de grandes catégories qui peuvent avoir une existence qui dépasse leurs simples composants, ce qui signifie que les individus seraient soumis à des forces sociales qui les dépassent et peuvent aller jusqu'à déterminer leurs comportements. 

L'avantage de cette approche est de ne pas réduire les phénomènes sociaux à une mécanique entre des individus qui agiraient de manière isolée du contexte social et des appartenances multiples à des communautés religieuses, régionales, nationales, familiales, politiques, etc. 

Toutefois les inconvénients d'une approche qui se limiterait au raisonnement de type holiste sont considérables : 

d'une part les théories purement holistes, vues avec le recul historique, on souvent fait fausse route pour expliquer les événements historiques de nature politique ou économique. Toute la théorie marxiste reposait par exemple sur une représentation de la société en deux classes bien distinctes et radicalement opposées dans un combat à mort. Si cette vision était déjà très discutable au XIXème siècle, elle prête à rire en 2020 si on constate que la classe moyenne représente désormais une large majorité de la population, et que parmi les lecteurs de ce cours beaucoup seraient bien en peine de se qualifier sérieusement de prolétaires exploités ou de bourgeois exploiteurs. 
d'autre part, en plus de ses faiblesses descriptives, le holisme a pour inconvénient "d'essentialiser" les individus qui se voient privés d'intelligence propre et de libre arbitre au profit d'un comportement inéluctable, pré-déterminé par le critère choisi par l'analyste. Cette caractérisation contribue à entretenir l'idée selon laquelle la mobilité sociale n'existerait pas, ce qui est pourtant démenti en réalité. On notera également que différentes déclinaisons de holisme s'avèrent clairement incompatibles entre elles : ainsi une femme noire chef d'entreprise serait-elle exploitée parce que femme ? Exploiteuse parce que patronne ? Oppressée parce que noire ? On comprend vite les limites de cette simplification extrême de la réalité, ainsi que les risques de dérive politique. Au XXème siècle le monde a connu deux grands totalitarismes (communisme et nazisme) qui se sont appuyés sur des visions holistes et déterministes pour justifier l'oppression puis l'élimination physique de millions d'hommes, de femmes et d'enfants. 

Cette partie ne vise cependant pas à établir à tout prix une hiérarchie entre les approches individualiste et holiste, rien n'empêche le chercheur d'emprunter à ces deux méthodes pour expliquer le mieux possible les phénomènes économiques, sociaux, politiques, etc. Cependant l'individualisme méthodologique est de très loin la méthode privilégiée aujourd'hui par les économistes. 


C - Inductivisme ou déductivisme ?

 

Une autre question importante à trancher dans toutes les sciences est le processus de découverte des connaissances scientifiques. La méthodologie de l’économie est une branche commune à la philosophie de l’économie et à la philosophie des sciences. Elle s’intéresse à la manière dont l’économiste acquiert, pourrait ou devrait acquérir des connaissances sur son objet d’étude.

En la matière deux approches s'opposent et se complètent : l'inductivisme et le déductivisme. On parle aussi d'empirico-inductivisme et d'hypothético-déductivisme car la première approche repose avant tout sur une observation préalable à toute théorie, tandis que la seconde élabore des hypothèses avant d'aller observer le terrain. 

La première consiste essentiellement à détecter des régularités dans les données empiriques et à procéder ensuite par inférence généralisante. c'est pourquoi on a l'habitude de schématiser la méthode inductive en disant qu'elle consiste à aller du particulier au général. 

La seconde méthode consiste à raisonner déductivement à partir d’hypothèses préalables. Le processus se décompose en trois étapes : 1. les hypothèses sont d’abord formulées et établies de manière inductive. 2. Les conséquences de ces hypothèses sont extraites par déduction. 3. Ces conséquences sont comparées aux données empiriques disponibles. Il faut insister sur le fait que les hypothèses qui forment le point de départ du raisonnement sont, elles, établies par inférence généralisante (ou déduites d’autres hypothèses encore, établies par inférence généralisante). Le terme d’ « a priori », qui renvoie le plus fréquemment, depuis Kant, à la propriété qu’ont des propositions de pouvoir être justifiées indépendamment de l’expérience, prête à confusion. La méthode a priori est en réalité une méthode d’induction indirecte. 

La méthode déductive n’est pas propre à l’économie – selon John Stuart Mill, c’est elle que l’on emploie, par exemple, en mécanique. Elle s’impose à l’économiste parce que la méthode a posteriori n’est pas applicable à son domaine. L’inapplicabilité de la méthode a posteriori tient à deux caractéristiques fondamentales de l’économie : c’est une science non-expérimentale de phénomènes complexes. Les données empiriques (ou données de terrain, du monde réel) de l’économie proviennent essentiellement de l’observation, et non de l’expérimentation. Selon les déductivistes, de telles données ne permettent pas, en général, de procéder inductivement (ou a posteriori), à cause de la complexité intrinsèque des phénomènes en cause : trop de facteurs interagissent simultanément pour qu’on puisse espérer en extraire directement des régularités robustes ou des relations de causalité. Si l’on voulait par exemple établir qu’une législation commerciale « restrictive et prohibitive » influence la richesse nationale, il faudrait, pour appliquer ce que Mill appelle la « Méthode des Différences », trouver deux nations qui s’accordent en tout sauf dans leur législation commerciale. Si l’on veut procéder par induction directe, seule l’expérimentation est à même de démêler la complexité des phénomènes économiques, mais elle est exclue. On ne peut donc pas espérer justifier a posteriori les propositions économiques.

Toutefois les hypothèses à partir desquelles les économistes vont procéder par déduction pour aboutir à une théorie ne sortent pas de nulle part. En effet, l'avantage de l'économiste sur d'autres scientifiques est qu'il est lui-même une partie de son objet d'étude. Ainsi, sa propre expérience d'être humain dans ses aspects les plus universels et les moins discutables lui permet déjà d'établir quelques hypothèses qui ne demandent aucune vérification particulière. Par exemple, et sauf exceptions très particulières, l'être humain n'aime pas la douleur et met toute son ingéniosité à inventer des moyens d'y échapper, ce qui a des conséquences économiques certaines. Selon John Elliot Cairnes (1823-1875), ce sont des « faits d’expérience indiscutables » qui n’exigent pas d’investigation empirique supplémentaire. Ainsi, pour Cairnes, à la différence du physicien, « l’économiste part avec une connaissance des causes ultimes » des phénomènes qui l’intéressent. Cela nous ramène à l'idée développée plus haut et selon laquelle l'activité économique est consciente, délibérée, et vise à accomplir des objectifs en y allouant des moyens. 

L'économiste français Edmond Malinvaud (1923-2015) est aussi partisan de la méthode déductive, mais dans une version un peu modernisée : « L’impossibilité d’expérimenter, jointe à la complexité et à la variabilité des phénomènes, rend l’induction à partir des données collectées plus difficile et moins fiable, tandis que la connaissance directe que nous pouvons avoir des comportements, des contraintes et des institutions permet à la déduction de s’exercer avec une certaine assurance. ». Autrement dit la déduction n'est pas une méthode parfaite, mais l'induction étant impossible, nous devons nous en contenter. De fait, la méthode déductive semble intéressante et acceptable si et seulement si une grande attention est prêtée à la fiabilité des hypothèses fondamentales et des hypothèses perturbatrices (celles qui viendraient fausser le résultat obtenu à partir des hypothèses fondamentales). 

Si une grande partie des travaux d'économistes au XXème siècle reposent au moins en partie sur une approche déductive, l'inductivisme connaît aujourd'hui un regain d'intérêt, en particulier au travers des disciplines que sont l'économie expérimentale et la neuroéconomie. 

Voici une brève description de la première par Mikaël Cozic (2014)" Pendant longtemps, la conception dominante a été que l’économie était exclusivement une science d’observation, et non une science expérimentale. Mais depuis une quarantaine d’années, l’économie expérimentale, se développe progressivement. Le Prix de la Banque de Suède (dit « Nobel ») 2002, attribué aux expérimentateurs D. Kahneman et V. Smith, témoigne de ce développement, et de sa reconnaissance par la communauté des économistes. Le nombre et la variété des travaux expérimentaux sont désormais considérables, comme en témoignent le Handbook of Experimental Results de Smith et Plott [2008] ou le Handbook of Experimental Economics de Kagel et Rott [1995]. Les expériences portent en effet aussi bien sur la décision individuelle et les marchés que les interactions stratégiques. Par ailleurs, elles peuvent être de laboratoire ou de terrain (field experiments). Dans les premières, les sujets évoluent dans un contexte (fixé par la tâche qu’ils doivent accomplir, les informations qu’ils peuvent recevoir, les biens qu’ils considèrent, etc.) qui est largement artificiel, tandis que dans les secondes, on se rapproche d’un environnement naturel". 

Vernon Smith, auquel il est ici fait allusion, est par exemple l'auteur d'expériences visant à vérifier la théorie du prix d'équilibre. C'est le type de concept qui se prête plutôt bien à l'expérience, puisqu'on peut fixer un objectif aux participants, leur confier une somme d'argent réelle ou fictive, et voir à quel prix les biens finissent par s'échanger dans l'expérience. C'est ainsi que Smith a pu démontrer la très large validité de la théorie du prix d'équilibre. 

Voici enfin ce qu'écrit Cozic à propos de la neuroéconomie : "La neuroéconomie, née au début des années 2000, a pour but d’explorer les bases cérébrales des comportements économiques. Pour ce faire, elle emploie les méthodes et les outils des neurosciences contemporaines, notamment l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (voir Glimcher et al. [2009] pour un état de l’art encyclopédique). Par exemple, McClure et al. [2004] soumettent des choix entre deux options à gains monétaires retardés. La première option (sooner-smaller) rapporte la somme R après le délai d et la seconde (later-larger) la somme R ′ après le délai d ′ , avec d < d ′ (où d est aujourd’hui, dans deux semaines ou dans un mois) et R < R ′ . Les auteurs mettent en évidence que (a) le système limbique est préférentiellement activé quand la première option met en jeu un gain immédiat ( d = aujourd’hui), (b) le cortex pariétal et préfrontal est uniformément engagé dans la tâche (quelle que soit la valeur de d) et (c) une plus grande activité du cortex pariétal et préfrontal est associée à un choix de la seconde option plutôt que de la première."

En termes plus courants, il s'agit de démontrer que notre cerveau nous joue des tours, en ce sens qu'il nous pousse à certaines décisions en dépit de la pure rationalité dont nous aimerions nous prévaloir et que les économistes néo-classiques tiennent très (trop ?) largement pour acquise, par exemple en privilégiant les choix qui impliquent un gain immédiat. 

En conclusion de cette sous-partie, il ne nous appartient évidemment pas de trancher entre ces différentes méthodes mais il nous apparaît utile de les présenter, car de leur compréhension découle l'explication de beaucoup des désaccords et controverses qui agitent le monde des économistes. 

 

D - Quelle place pour les mathématiques en économie ?

 

Les mathématiques ont aujourd'hui une place dominante, voire étouffante dans la science économique. Leur introduction dans notre discipline remonte majoritairement au XIXème siècle, par exemple avec les travaux du franco-suisse Léon Walras, ou encore de l'italien Vilfredo Pareto. Cette initiative s'inscrit dans un contexte plus large de fascination pour les méthodes exactes jouissant du plus grand degré de scientificité, dans une époque qui est l'héritière directe du Siècle des Lumières et qui est marquée par une avalanche d'innovations technologiques pour lesquelles les sciences exactes ont été largement mobilisées : électricité, chemin de fer, télégraphe, radiophonie, etc. 

Au départ il s'agit seulement de traduire des propositions littéraires dans le langage des mathématiques, notamment pour des raisons d'élégance scientifique et pour permettre d'articuler plus clairement les différentes hypothèses de l'économie dans un fonctionnement logique aboutissant à un résultat. Autrement dit on veut représenter le monde réel de manière simplifiée, mais sans chercher à vraiment le quitter. Toutefois cette manière de procéder a progressivement fait place à une utilisation de plus en plus intensive des mathématiques, avec un lien de moins en moins fort avec la réalité du monde. Ainsi de nombreux théoriciens ont construit de grands édifices intellectuels qui reposent sur des bases qui nous semblent discutables.

On peut expliquer l'attrait pour la méthode mathématique par la simplicité qu'elle permet, ignorant largement la complexité du monde des humains. Une fois les hypothèses posées et des valeurs numérique attribuées à des comportements, on peut résoudre des équations et aboutir à un résultat clair, exprimé dans un langage ne laissant aucune place à l'ambiguïté, ce qui du point de vue purement intellectuel procure une certaine satisfaction. Tout comme notre cerveau préfère la vision d'un environnement parfaitement ordonné et symétrique plutôt que le désordre qui caractérise généralement le monde réel dans lequel des humain agissent, la vision d'un modèle mathématique cohérent et aboutissant à une "solution" au problème posé a quelque chose d'apaisant pour l'esprit humain. Hélas la science économique n'a de sens que si elle est capable de s'appliquer au moins partiellement au monde réel. 

Un autre élément peut expliquer l'attachement des économistes modernes aux mathématiques : ces dernières permettent au propos de ne pas être contestable par quiconque ne maîtrise pas les outils mathématiques utilisés. Pour le dire de manière plus claire et volontiers provocatrice : des modèles ressemblant visuellement à ceux de la physique théorique agissent comme un écran de fumée qui rend impossible toute discussion avec le reste des sciences humaines. On peut regretter que l'évolution d'une discipline s'explique en partie par de basses considérations de prestige et d'autonomie universitaire, mais il nous semble de plus en plus clair que la séparation de l'économie du reste des sciences humaines a naturellement poussé ses praticiens à accentuer les caractères qui permettaient de la séparer d'autres disciplines comme la sociologie, la philosophie, la gestion ou l'histoire. Une science qui n'est comprise et discutable que par ses praticiens a bien plus de chances d'être laissée tranquille par le reste des disciplines universitaires, évitant ainsi la concurrence frontale avec des disciplines proches ainsi que de bien embarrassantes discussions sur sa méthodologie et ses résultats. 

Au-delà de ces explications sociologiques peu glorieuses, on peut souligner quelques problèmes inhérents aux mathématiques et qui rendent ce langage inadapté aux phénomènes qui intéressent l'économiste : 

Les modèles économiques exprimés sous forme mathématique ont du mal à tenir compte de la dimension séquentielle des actions économiques, qui à mesure de leur déroulement changent de chemin en fonction des résultats précédents. Les mathématiques sont plus adaptés à des modèles de comportements simultanés (ou statiques) qu'à des situations dynamiques. 
L'ingénierie peut plus facilement recourir aux mathématiques dans la mesure où le résultat qu'on désire obtenir est décidé collectivement à l'avance, et où les moyens mis en oeuvre par des humains dans le but de l'atteindre iront par définition dans un sens favorable à sa réussite. Si je cherche à envoyer une fusée dans l'espace l'objectif est limpide, les moyens sont contrôlés et sauf accident (sabotage du décollage par une attaque militaire ennemie) les seules forces qui doivent être surmontées sont d'ordre naturel et sont dépourvues de volonté. La gravité des corps ou la résistance de l'air sont des obstacles dont nous pouvons prédire le comportement, et qui n'agissent pas en conscience et ne peuvent donc pas modifier leur action pour contrer un peu plus la mienne. L'économie est très différente : les humains agissent délibérément et dans des directions contraires, le tout dans un univers de ressources limitées à un instant donné qui entraînent des comportements de concurrence. 
Les concepts discutés en économie sont beaucoup moins précis qu'en physique ou en biologie, et peuvent donc plus difficilement être résumés de manière satisfaisante par un langage aussi univoque que les mathématiques. Pensons à l'exemple du concept de "justice sociale", qui peut faire l'objet de nombreuses interprétations fort différentes selon que la critère utilisé pour définir une situation juste sera celui de Pareto, celui de Rawls ou celui de Sen, pour ne citer que trois des plus connus. Si l'ambiguïté d'un terme comme "justice sociale" est très pratique pour le personnel politique qui peut l'utiliser de manière à ce que chaque électeur puisse entendre ce qu'il veut entendre, cet aspect équivoque est très gênant dans un contexte scientifique, fût-il de sciences humaines. 
En physique, ce qui se produit dans une réaction est indépendant de ce le physicien ou les molécules étudiées pensent qu'il va se produire. Les particules n'ont pas de volonté propre et n'ont pas l'intelligence pour modifier leur comportement en fonction de précédents résultats. Les humains - qui rappelons-le sont les seuls agents en matière économique - ont une conscience d'agir, agissent par ailleurs en réaction aux actions passées, présentes et futures des autres agents, et tiennent compte dans leur action de valeurs, de croyances sur l'état du monde et d'expériences passées. Pour illustrer ce dernier point on peut s'intéresser aux comportements des agents économiques dans leurs décisions d'épargne et de consommation, ou de préférence pour la liquidité. La décision de détenir de l'or plutôt que de la monnaie papier, ou de la monnaie papier plutôt qu'un compte courant dans une banque, dépend entre autres facteurs de la confiance de l'agent économique dans la gestion monétaire de son gouvernement, du contexte politique et d'éventuels risques de troubles sociaux, ou encore de la crédibilité des institutions bancaires. Toutes choses qui dépendent largement des lieux et époques considérés. 

 

En conclusion générale de cette cinquième partie, citons l'économiste Friedrich Hayek : "La curieuse mission de l'économie est de montrer aux Hommes combien ils sont ignorants sur ce qu'ils pensent pouvoir construire". Par cette citation, Hayek entend montrer que les efforts déployés par les économistes aboutissent souvent à montrer combien nos comportements quotidiens qui nous semblent si simples cachent en réalité une telle dose de complexité qu'il est impossible de parfaitement les comprendre, et encore moins d'imaginer le moindre système capable de remplacer l'ordre spontané qu'est la société d'échanges marchands. 

 

 

 

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On peut faire de la science même quand le coût expérimental est démesuré.

 

(Typiquement en économie tu ne testes pas des propositions sur des pays entiers pour le plaisir de tester, mais en fouillant tu peux trouver des trucs qui émergent.)

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Le mode de preuve et donc la méthodologie changent selon le domaine étudié, par exemple certains se prêtent à la méthode expérimentale et d'autres pas, mais ça ne change rien au fait que ça reste de la science. Et d'ailleurs ça ne recoupe pas la pseudo frontière entre sciences dures et molles. On peut faire de l'économie expérimentale et de la physique non expérimentale.

  • Yea 3
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