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Où sont les intellectuels de droite ?


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1 hour ago, Mister_Bretzel said:

Un intellectuel en soi ne sert à rien. C'est la fonction qu'il occupe qui peut avoir une utilité aux yeux de certains.

 

En fait comme toutes les professions.

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Il y a 3 heures, F. mas a dit :

Quelle est la fonction de l'intellectuel aujourd'hui, quelque soit son positionnement sur le clivage politique ?

 

Quel pays s'en soucie, en dehors de la France et, déjà dans une moindre mesure, des USA ?

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Je voulais dire, l'image de l'intellectuel médiatique c'est quand meme ultra français (mais ça fait partie des trucs pour lesquels on vous aime bien).

 

Mais c'est aussi relativement connoté à une époque, j'ai l'impression que ça vient avec la presse (Victor Hugo par exemple) et que ça s'éteint tout doucement avec "la fin des grands récits" il y a 15/20 ans ; des gens comme Finkie, BHL, Morin ou Duflo sont un peu des "fin de race" comme on dit.
Et encore, classer Duflo comme intello médiatique c'est récent, y a trois ou quatre on l'entendais pas et maintenant, elle la ramène pour un oui ou un non.

 

Après des universitaires il y a en a "toujours eu" (depuis 1000 ans du moins) et je pense que c'est pas près de disparaître, le fait que - si on met de côté les éternelles cliques pétitionnaires qui n'interessent plus personne en vrai - aujourd'hui on sache un peu moins qui pensent quoi et qui pousse à voter quoi, c'est peut-être pas une perte.

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Qui parle d'intellectuel 'médiatique' ? Français... comme Feu Feyman, Feu Friedman, Pinker, Dawkins, McCloskey ou Taleb ? ;)

 

Les intellectuels ne sont pas nécessairement des universitaires, et une partie non négligeable d'entre eux, à une certaine époque, en France, s'est appuyée sur les médias pour échapper à son conformisme et sa médiocrité supposée (les Sartre, Foucault etc.). En d'autres termes, les rapports entre université et intellectuels sont plus compliqués je pense (et les universitaires ne sont pas nécessairement des intellectuels btw).

 

Sinon, c'est voué à disparaître parce que cantonné à une certaine période de notre histoire récente, ou à durer parce que le phénomène se confond avec celui des universités  qui elles sont voués à durer sub specie aeternitatis ? :)

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Il y a 2 heures, Mister_Bretzel a dit :

Un intellectuel en soi ne sert à rien. C'est la fonction qu'il occupe qui peut avoir une utilité aux yeux de certains.

 

il y a une heure, F. mas a dit :

En fait comme toutes les professions.

 

En effet quand on a dit ce que dit @Mister_Bretzel on n'a pas dit grand chose.

 

Pour moi les intellectuels ont deux grandes fonctions.

1. Produire des théories pour résoudre des problèmes, et

2. Communiquer / justifier la volonté d'autrui

 

La première fonction s'exerce quand même essentiellement dans le champ académique. Dans le champ politique, l'intellectuel professionnel est surtout communiquant, et historiquement il y a surtout eu demande quant il y a eu conflit politique majeur. La guerre froide a surement été un âge d'or de l'intellectuel politique professionnel à ce titre.

 

Qu'en est-il aujourd'hui? L'intellectuel de gauche parle aux cadres institutionnels, surtout para-étatiques, et un peu aux militants, mais presque seulement les militants étudiants. Et ce qu'il leur communique, c'est souvent soit la volonté d'autres institutions para-étatiques (tribunes dans le Monde pour sauver l'exception culturelle française, par exemple), soit leurs propres idéaux de gauche (l'intellectuel de gauche vend aussi du divertissement et du réconfort).

 

Quant à l'intellectuel de droite... Je ne saurais dire. Il parle à ses rares congénères, à quelques militants hobbyistes (c'est la partie divertissement et réconfort). Ces temps ci, certains font aussi un peu de propagande Russe, non ?

 

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Je pense que la fonction de l'intellectuel est en train de se morceller. Enfin, plus qu'avant encore, parce qu'il s'appuie sur des médias différents, à des ambitions différentes et des publics différents. L'intellectuel classique, qui intervient dans le débat public par la tribune, la pétition etc en se prévalant de sa compétence universitaire, journalistique ou autre est effectivement en voie de s'effacer (RIP Le Débat).

 

@Anton_K : je suis plutôt d'accord avec ces deux caractéristiques de l'intellectuel, mais ça me semble incomplet. Produire des théories est aussi l'ordinaire de certaines espèces d'universitaires, mais qui, en ne s'adressant qu'à leurs pairs, ne fait pas oeuvre d'intellectuel. Ils restent des spécialistes qui ne sortent pas de leur champ disciplinaire. Justifier ou exprimer la volonté d'autrui me semble correspondre assez bien à une certaine façon d'envisager la fonction en particulier à l'extrême gauche : il s'agit de verbaliser la volonté des masses, du prolétariat, des sans voix, etc.

 

Hier je repensais au sabordage du Débat, et je me disais qu'aujourd'hui, les intellectuels sont moins audibles parce qu'il s'adressent à un public fragmenté, qui recherche dans leurs compétences des choses différentes : il y a l'intellectuel-expert, l'intellectuel lanceur d'alerte, l'intellectuel vulgarisateur, le pur créateur de concepts, etc. Quoi encore ? Des idées ?

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Il y a aussi deux autres choses : premièrement, la France (et plus généralement l'Europe) est en train de se provincialiser en même temps qu'elle se dépolitise, ce qui fait que Paris n'est plus non plus un idéopole leader dans le monde. Deuxièmement, et cela en découle, l'archipélisation du pays, qui se traduit aussi par le fractionnement du débat public, transforme la production intellectuelle. Aujourd'hui, on publie des essais au sein d'un réseau affinitaire, et donc aussi en jouant sur les ressorts identitaires qui minent l'opinion contemporaine.

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Peut être une question de public tout court autant que de sa fragmentation ?

 

Mon côté réac/conservateur qui ressort, mais je regardais des vidéos youtube il y a quelques semaines, différent discours d'hommes politiques. Sans remonter jusq'à Cicéron non plus, (en vidéo, me direz-vous,  peu étonnant), je me faisais la remarque que le niveau en terme de syntaxe et vocabulaire n'avait pas vraiment monté quand même, sans aller plus loin que les années 60.

 

Je ne classe pas (plus ?) les politiques comme "intellectuels", bien au contraire, mais je pense qu'ils sont un reflet de la société : y a-t-il encore un public pour les productions des intellectuels "traditionnels", hors spécialistes dans leur champs d'expertise et vulgarisateurs? 

 

De même, anecdote personnelle : il y a quelques années je pouvais passer 5-6 heures d'affilée à lire. Aujourd'hui, hors roman de gare, au bout d'une heure je décroche : j'ai pris l'habitude avec internet et le boulot de lire de multiples textes courts, de lire superficiellement une grande quantité de texte à la recherche d'une info précise, mais plus du tout de lire un texte structuré à la dilectique non évidente.

 

TLDR: le niveau baisse, la capacité d'attention également; et donc le manque de demande pour la production des "intellectuels traditionnels" me parait une explication plausible de la diminution de leur visibilité.

 

Note

Le point mentionné de dépolitisation me parait également très important : comme mentionné dans un autre fil, on oublie ce qu'est la géopolitique en occident. Pire, on a honte de notre histoire : pas d'idéal, pas d'ambition, pas d'idées.

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Ces derniers temps, je surfe pas mal sur internet, et je suis (une fois de plus) frappé par le nombre de journaux en ligne.

Des meilleurs aux pires, mais le nombre, la vivacité, la dynamique et souvent la qualité est impressionnante.

Tout cela ne peut forcément que contribuer à répartir les temps de cerveaux sur plus de médias.

Les pics de lecture concentrés sur N revues (et aujourd'hui leurs websites) et leurs auteurs phares doivent forcément être plus bas.

Donc mécaniquement moins d'"intellectuels" (ou simili) phares.

ça me parait emblématique de citer BHL ou Morin comme des "intellectuels".

BHL, ça me semble très peu de réflexion intéressante pour beaucoup de cinoche médiatique.

Morin, je croise son cui-cui de temps en temps, certes il est âgé ... mais ça vole pas bien haut. Enthoven etc.

Bref, j'échange très volontiers ce genre de gars qui, avant tout, s'y croient, contre des producteurs de contenus moins célèbres mais 10 x plus originaux et plus près du terrain.

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il y a 2 minutes, Rübezahl a dit :

ça me parait emblématique de citer BHL ou Morin comme des "intellectuels".

Essentiellement parce qu'ils étaient déjà étiquetés comme tels il y a 30 ou 40 ans.

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Puisqu'on parle de vulgarisation et tout le reste, je suis assez surpris par la montée en gamme remarquable des activistes (de gauche surtout) sur YouTube. Que ce soit Game of Heart, ou même Tzitzimitl (que je n'aime pas forcément) et sans même regarder ce qui se passe du côté anglophone (on parlait de Contrapoints il y a pas longtemps). Là-dessus aussi, je trouve "la droite" et les libéraux un peu à la traîne. 

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Il y a 8 heures, Mister_Bretzel a dit :

qui décide de qui est intellectuel ?

 

Intellectuel n'est pas une orientation professionnelle, mais une fonction sociale basée sur des capacités liées à un niveau de diplômes et/ou une légitimité liée à certains métiers. 

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Les intellectuels disparaissent parce que les capacités de lecture des Français disparaissent, en partie à cause des nouvelles technologies, en partie par sabotage de l'Éducation nationale: 

 

"Les élèves français d'aujourd'hui font, dans leur cursus, quelques centaines d'heures de français de moins que leurs homologues des années 1960-1970."

-Jean-Paul Brighelli, Tableau noir, Éditions Hugo Doc, 2014, 230 pages, p.13.

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C'est amusant comment chacun met son dada derrière la crise de l'intellectuel :D .

 

Il y a 6 heures, F. mas a dit :

premièrement, la France (et plus généralement l'Europe) est en train de se provincialiser en même temps qu'elle se dépolitise, ce qui fait que Paris n'est plus non plus un idéopole leader dans le monde

 

Il faudrait alors montrer qu'il y a toujours des intellectuels aux États-Unis.

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Sur les intellectuels aux USA : Tegmark, Pinker, Haidt, Dennett, Butler, Walzer, Sandel, McCloskey, West, Nussbaum, Chomsky, Ferguson (par extension, comme Taleb), Sustein, Peterson, Harris, etc. C'est un peu un inventaire à la Prévert, que je pourrais étirer sur plusieurs lignes, et qui correspond un peu à ce qui me vient à l'esprit spontanément, mais la crise que j'évoque, portant sur la conception classique de l'intellectuel, se retrouve aussi dans l'anglosphère. Il y a toutefois plus de centres de production en matière d'idées qu'en France et en Europe.

 

La disparition de l'intellectuel par la baisse du niveau ou la fin des élites cultivées (évoquée par P Nora et M Gauchet entre autres) est une explication probable, mais pas totalement satisfaisante. Je me demande dans quelle mesure le triomphe des stem n'a pas tout simplement changé le profil des élites (et l'intérêt pour les Humanités, ce qu'on peut regretter).

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7 minutes ago, F. mas said:

Sur les intellectuels aux USA : Tegmark, Pinker, Haidt, Dennett, Butler, Walzer, Sandel, McCloskey, West, Nussbaum, Chomsky, Ferguson (par extension, comme Taleb), Sustein, Peterson, Harris, etc. C'est un peu un inventaire à la Prévert, que je pourrais étirer sur plusieurs lignes, et qui correspond un peu à ce qui me vient à l'esprit spontanément, mais la crise que j'évoque, portant sur la conception classique de l'intellectuel, se retrouve aussi dans l'anglosphère. Il y a toutefois plus de centres de production en matière d'idées qu'en France et en Europe.

 

Que penses tu de Peter Turchin, Allum Bokhari ou Tucker Carson ?

 

Quote

La disparition de l'intellectuel par la baisse du niveau ou la fin des élites cultivées (évoquée par P Nora et M Gauchet entre autres) est une explication probable, mais pas totalement satisfaisante. Je me demande dans quelle mesure le triomphe des stem n'a pas tout simplement changé le profil des élites (et l'intérêt pour les Humanités, ce qu'on peut regretter).

 

Ou pas !

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@Lameador J'ai beaucoup aimé Ultrasociety de Peter Turchin. Il fait même partie des livres que je relis avec intérêt. C'est cependant le seul livre que j'ai lu de ce monsieur. Tucker Carlson ne me semble pas très intéressant (plus généralement les 'nouveaux conservateurs' à la Patrick Deneen ou Yoram Hazony ne me séduisent pas vraiment), et la troisième personne que tu évoques m'est inconnue.

 

Sur la transformation des élites, je pense aux réflexions de Charles Murray sur le triomphe de ce qu'il appelle 'élite cognitive' au sein de la superclasse mondiale. Mais ce ne sont que des réflexions en chantier.

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il y a 17 minutes, F. mas a dit :

Sur les intellectuels aux USA

 

J'ai quand même la nette impression que c'est la capacité à être traduit qui joue le plus.

Mais c'est sûrement ce qu'on appelle provincizlisation.

 

il y a 18 minutes, F. mas a dit :

Je me demande dans quelle mesure le triomphe des stem n'a pas tout simplement changé le profil des élites (et l'intérêt pour les Humanités, ce qu'on peut regretter).

 

La complexité des sciences surtout. C'est assez facile de maîtriser une bonne partie du corpus scientifique de 1910, et d'avoir lu en même temps les bases des humanités.

Aujourd'hui, être bon en physique des particules et en statistiques, ça t'aura obligé à faire l'impasse sur la plupart des autres sciences et même des branches des mathématiques et de la physique.

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Cette discussion qui dévie sur "la crise des intellectuels" en général me semble un faux problème.

1/ d'abord, ce qui compte in fine, c'est la production intellectuelle. La crise, s'il y en avait une, c'est si le volume produit se réduisait. Perso il me semble évident que ce n'est pas le cas

2/ l'effet déformant, qui peut donner l'illusion d'une crise, c'est la rareté, dans le passé, des médias, qui mécaniquement donnait plus de visibilité aux auteurs élus par ces rares médias. Bref, un effet déformant du 100% à l'édition. Et qui donne d'ailleurs parfois de l'importance à des gens qui sont plutôt des merdes idéologiques que des intellectuels. Aujourd'hui, vu l'abondance de médias disponibles, le plus "petit" intellectuel réel peut beaucoup plus facilement être publié, et c'est bien ce qui se passe.

3/ bref, on a une production abondante, mais répartie sur plus de gens, ce qui est de facto bien plus sain. Le fantasme du gars qui sait tout sur tout et qui peut donner son avis précieux quotidiennement sur n'importe quel sujet, c'était avant tout un fantasme du type star-system, impossible à tenir en réel, et bon pour ceux qui apprécient cette facilité (*) et veulent bien gober ça.

 

(*) : "qu'est ce que je dois penser de ça cette semaine ?" ... "je vais lire l'édito de Machin dans l'Express pour savoir quoi penser".

Il n'y a pas si longtemps, le slogan réel de plusieurs médias était : "que faut-il penser de ci ou ça" ! Vous avez de la chance, pour 5 euros vous avez la réponse dans notre feuille de chou.

 

Un intellectuel, c'est qqun qui produit des découvertes, du savoir, des éclairages, des croisements pertinents, etc.

Dieu merci notre époque produit cela en abondance.

évidemment, de nos jours comme les "phares" (artificiels je le répète) sont moins hauts, et comme l'offre est abondante, et comme il y a aussi beaucoup de bruit,

la facilité (illusoire) de pouvoir se reposer sur la pensée d'une poignée d'intellectuels-star a bien diminué.

D'où l'impression de "crise" que certains peuvent ressentir.

 

ama, la seule crise réelle qu'il y a c'est que, si on veut s'informer réellement, on doit faire son homework et lire 36 sources plutôt qu'une.

L'embarras c'est le choix (pour reprendre un autre slogan).

De sûr, il est plus facile de choisir sa bière dans un supermarché vénézuélien que dans un supermarché qui propose une offre abondante. Perso, je préfère cette 2° option.

 

Après, je ne nie en rien l'existence néanmoins de personnes qui sont de vraies génies (et je les remercie de nous faire profiter).

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Il y a 11 heures, F. mas a dit :

Je me demande dans quelle mesure le triomphe des stem n'a pas tout simplement changé le profil des élites (et l'intérêt pour les Humanités, ce qu'on peut regretter).

 

Je serais nuancé en la matière. Il y a bien un déclin des humanités mais je ne pense pas qu'il soit dû à un triomphe des stems, et ce dernier ne me semble qu'apparent. Ce que l'on voit c'est que les élites parlent davantage de sciences et de techniques (en fait d'innovation surtout) et adoptent un style scientifique de discours. L'élite se pique de science mais qu'en est-il vraiment de son niveau scientifique? Pour la partie qui sort de l'ENA et de le Sciences Po, on peut douter qu'il soit bon.

 

A mon échelle j'ai aussi l'impression de constater un certain échec des grandes écoles et facs réputées sur le plan de la formation technique. Des master où le parcours "policy-oriented" est le plus bullshit de tous, des formations en sciences humaines à niveau faible à la fois en humanités et en sciences. Au contraire à entendre des cadres du privé, les meilleurs candidats sur le plan technique sortent de cursus peu élitistes type IUT (et ceux qui viennent des cursus élitistes veulent passer au management parce que la technique "c'est pas épanouissant"). Pour ce qui est du scientifique j'aurais tendance à dire que c'est différent même si j'ai vu des start up estampillées IA fondées par des alumni de grandes écoles type stem vendre de l'IA qui n'en est pas du tout parce que c'est trop compliqué.

 

Ce que je veux dire par ce laïus c'est que l'élite scientifique non-académique ne se porte peut-être pas si bien qu'on le pense. Un certain culte de la science et de l'innovation a sûrement nuit aux humanités mais je ne suis pas sûr qu'il ait profité à l'excellence technique. Or cet univers de techno-sciences vaguement bullshitisées c'est peut-être ce que côtoient beaucoup les élites culturelles et politiques.

 

En somme, je ne dis pas que le niveau scientifique et technique baisse, mais je ne suis pas sûr que les élites hors-université le représentent ou y aient accès. J'ai l'impression que la compétence est bloquée à l'université et chez les techniciens. C'est peut-être un aspect de ce que @F. mas appelle l'archipélisation et la disparition d'un milieu qui fasse le lien entre les élites. Cela passe à mon avis par la création de "parcours d'élite" qui ne sont finalement ni scientifiques ni littéraires, suradaptés à l'objectif de produire des décideurs.

 

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@Rübezahl La conversation a dévié, ce qui est d'ailleurs le propre d'une conversation, vers la 'crise' des intellectuels, là où je parlais plutôt de sa transformation. Il ne s'agit pas d'un faux problème pour moi à partir du moment où on se demande comment circulent les idées, et surtout quand on cherche à en faire triompher certaines : la manière d'y arriver, comme la réceptivité du public compte. Si le message change, si le public est fragmenté, voire polarisé, alors on peut se demander comment faire pour que les idées libérales circulent aussi bien que le virus en France (enfin selon O Véran).

 

Ce qui était en crise dans les messages précédents, c'était plutôt l'intellectuel traditionnel, qui, à mon avis, n'est plus audible pour bcp de raisons. Une pétition signée par une palanquée d'universitaires dans Le Monde n'intéresse plus personne. Ce n'est plus dans les colonnes de ce journal que se joue l'avenir du monde^^

 

Sinon, je ne sais pas si le volume de production intellectuelle augmente ou diminue, mais je sais que qualitativement, il diminue en France, et que pour avoir du gros gibier, il vaut mieux aller braconner sur les terres américaines. Ce n'est pas un hasard : le public national se désinteresse du débat d'idées, les centres de production sont plus rares et souvent plus médiocres que les énormes villes américaines à campus et à universités à réputation internationale.

 

Sinon, en matière de star system et d'intellectuels lowcost, il y a toujours les youtubeurs, qui assurent une partie de cette fonction traditionnellement dévolue à l'intellectuel (vulgariser et fournir éventuellement du prêt à penser).

 

@Anton_K Je pense qu'il y a un véritable impact de la prééminence des sciences/techniques sur la physionomie des élites. Les compétences issues des mathématiques/sciences sont rares et recherchées parce qu'elles servent aux secteurs les plus compétitifs et les plus apporteurs de croissance éco dans le monde (et donc génère de meilleurs salaires, de meilleures conditions de vies etc). C'est le top de la pyramide en termes de statut et de fric, ce qui génère nécessairement l'admiration et l'envie, et certains cherchent sans doute en jargonnant l'idiome scientiste à se réapproprier un peu de prestige social attaché à cette nouvelle pyramide de compétences. Ce que je dis là, c'est ce que dit Murray, en particulier dans Coming Apart, où l'émergence de cette élite cognitive se voit géographiquement (les élites se sont retirées sur leur Aventin). Maintenant, ce que j'avance n'est qu'une intuition, il faudrait que je creuse un peu pour voir si ça tient la route, ou si c'est une exagération de ma part.

 

Ce que j'appelle archipélisation vient de l'essai que je conseille à tous L'archipel français, de Jérôme Fourquet, qui décrit le fractionnement culturel, économique et politique du pays en une multitude de mondes sociaux qui ne se connaissent plus. Il n'y a plus de sentiment d'appartenir à un monde commun, et donc à des problématiques communes (et donc des solutions communes). C'est assez intéressant et ça rejoint une de mes marottes (Parler politique présuppose de partager une culture commune, si elle n'existe plus, alors toute théorie, aussi belle soit-elle, devient flatus vocis).

 

 

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il y a 55 minutes, F. mas a dit :

Sinon, je ne sais pas si le volume de production intellectuelle augmente ou diminue, mais je sais que qualitativement, il diminue en France, et que pour avoir du gros gibier, il vaut mieux aller braconner sur les terres américaines.

Ce n'est pas un hasard : le public national se désinteresse du débat d'idées, les centres de production sont plus rares et souvent plus médiocres que les énormes villes américaines à campus et à universités à réputation internationale.

... je suis aux 1° loges pour m'en rendre compte, puisque je passe mon temps à faire mon marché et à traduire des articles anglo-saxons.

Ceci dit, pour ce qui concerne les idées libérales, la supériorité là, elle provient effectivement largement d'un vivier d'assoces et leurs websites bien plus gros (et ancien) à la base. Ce qui a aussi à voir avec les tailles de populations concernées.

Sur la qualité en France, ama à partir du moment où on circonscrit son horizon intellectuel indépassable comme étant l'état ... c'est donc d'une certaine façon qu'on choisit d'avoir l'horizon intellectuel d'un enfant (pas trop exigeant), donc c'est plié, on rate 95% de ce qui va advenir. C'est d'ailleurs en train de bouffer une partie de l'Europe aussi.

Les intellectuels français étaient plus à la hauteur quand le pays était moins statolâtre, ama c'est complètement lié.

En fait il reste une spécialité fr à nos intellectuels, déblatérer sur le diable (kapitalisme), expliquer comment l'état va faire mieux, masquer éhontemment tous les foirages

... à part la dénonciation du diable (car lui se renouvelle), ça reste quand même une spécialité bien limitée et qui est plus de la propagande qu'autre chose.

 

De ce point de vue, je suis effectivement surpris tous les jours (depuis longtemps) de la vigueur des sites et plumes libertariennes aux US, sachant à quel point le pays est polarisé bleu/rouge.

J'espère que ça va durer, et pourquoi pas un jour connaître une traduction politique.

 

Youtube, c'est sympa, mais comme d'autres l'ont déjà dit, le ratio entre ce qui est ingérable par lecture ou par vidéo est vraiment gros.

C'est valable pour du spécialisé, mais au-delà, bof.

(Exercice mental : imaginer un numéro de l'Express des années 1980 sous forme de vidéo yt, et tenter de comparer les temps de lecture).

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Il y a 3 heures, F. mas a dit :

Je pense qu'il y a un véritable impact de la prééminence des sciences/techniques sur la physionomie des élites. Les compétences issues des mathématiques/sciences sont rares et recherchées parce qu'elles servent aux secteurs les plus compétitifs et les plus apporteurs de croissance éco dans le monde (et donc génère de meilleurs salaires, de meilleures conditions de vies etc).

 

C'est le top de la pyramide en termes de statut et de fric, ce qui génère nécessairement l'admiration et l'envie [...]

 

Je dirais que c'est vrai, aux États Unis pour sûr, en Asie certainement.

 

En France, si je devais caricaturer mon impression, les ingénieurs se contentent de peu, leurs conditions de vie sont inférieures à celles des commerciaux et des managers dans le privé. A l'université n'en parlons pas. Les start upers et consultants gagnent surement plus, mais travaillent trop souvent en dessous de leur niveau de compétence initiale (voire sont réduits à faire du bullshit pour leur employeur ou leur client).

 

J'ai peut-être une vision trop pessimiste de la réalité, reprenez moi s'il le faut !

 

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il y a 6 minutes, Anton_K a dit :

En France, si je devais caricaturer mon impression, les ingénieurs se contentent de peu, leurs conditions de vie sont inférieures à celles des commerciaux et des managers dans le privé.

Tu parles là des ingénieurs qui restent en France. Ça introduit une petite nuance, quand on sait que jusqu'à la moitié d'une promotion d'ingés part à l'étranger (de manière temporaire ou définitive, ça dépend).

  • Yea 2
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On 9/7/2020 at 3:43 PM, F. mas said:

Il y a aussi deux autres choses : premièrement, la France (et plus généralement l'Europe) est en train de se provincialiser en même temps qu'elle se dépolitise, ce qui fait que Paris n'est plus non plus un idéopole leader dans le monde. Deuxièmement, et cela en découle, l'archipélisation du pays, qui se traduit aussi par le fractionnement du débat public, transforme la production intellectuelle. Aujourd'hui, on publie des essais au sein d'un réseau affinitaire, et donc aussi en jouant sur les ressorts identitaires qui minent l'opinion contemporaine.

Ma cuistrerie d'ingénieur me pousse à demander plus de détails quant à cette dépolitisation, alors que j'ai au contraire le sentiment que les phénomènes de société et les modes de vie se politisent à tout va tout en perdant tout réel sens (exemple : la decarbonisation du monde, sujet omniprésent et appelant systématiquement à une action politique).

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51 minutes ago, Anton_K said:

 

Je dirais que c'est vrai, aux États Unis pour sûr, en Asie certainement.

 

En France, si je devais caricaturer mon impression, les ingénieurs se contentent de peu, leurs conditions de vie sont inférieures à celles des commerciaux et des managers dans le privé. A l'université n'en parlons pas. Les start upers et consultants gagnent surement plus, mais travaillent trop souvent en dessous de leur niveau de compétence initiale (voire sont réduits à faire du bullshit pour leur employeur ou leur client).

 

J'ai peut-être une vision trop pessimiste de la réalité, reprenez moi s'il le faut !

 

 

Même aux US, si les ingés ont un niveau de vie relativement haut vs les moins bien diplômés, pendant longtemps les études techniques etaient moins bien cotées que droit ou finance (du coup c'était rempli de chinois/indiens dans les entreprises), ce qui change un peu maintenant c'est vrai, mais lentement.

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Il y a 12 heures, Anton_K a dit :

Il y a bien un déclin des humanités mais je ne pense pas qu'il soit dû à un triomphe des stems, et ce dernier ne me semble qu'apparent.

 

Le triomphe des STEM a ôté une grande partie de la pertinence des humanités, et surtout de celles qui se sont développées le plus tardivement. C'est une vague de long terme qui a commencé au XIXème siècle.

 

Il y a 12 heures, Anton_K a dit :

et ceux qui viennent des cursus élitistes veulent passer au management parce que la technique "c'est pas épanouissant"

 

Ca n'a aucun sens d'opposer management et technique (sauf quand la RH veut te faire avaler une pilule). Certains ne sont pas faits pour la conduite des projets et des hommes mais quelqu'un de fort démultipliera ses capacités en allant dans les postes de management technique (hint : c'est pour ça que dans les trucs techniques, la chefferie de projet c'est un boulet qui n'apporte rien, parce qu'il faut être solide techniquement pour le faire). Les gens qui développent des trucs dans leur garage, ça n'existe plus depuis facilement 50 ans.

 

C'est le fonctionnement même de l'Université d'ailleurs. Un chef de labo pilote des HDR qui pilotent des thésards. Parce que ça ne sert à rien de gaspiller les talents techniques du chef de laboratoire dans des détails de manip'.

 

Le 07/09/2020 à 15:43, F. mas a dit :

Il y a aussi deux autres choses : premièrement, la France (et plus généralement l'Europe) est en train de se provincialiser en même temps qu'elle se dépolitise, ce qui fait que Paris n'est plus non plus un idéopole leader dans le monde. Deuxièmement, et cela en découle, l'archipélisation du pays, qui se traduit aussi par le fractionnement du débat public, transforme la production intellectuelle. Aujourd'hui, on publie des essais au sein d'un réseau affinitaire, et donc aussi en jouant sur les ressorts identitaires qui minent l'opinion contemporaine.

 

Sur cette archipélisation, on peut retourner la question. Est-ce-que l'intellectuel perd sa pertinence parce que le destinataire du message n'est pas disposé à le recevoir, ce que tu sembles dire ? Ou plutôt parce que l'intellectuel n'est pas capable de s'élever au niveau de synthèse nécessaire pour créer un auditoire ? Dans le second cas, on revient au point de départ de savoir pourquoi les intellectuels capables de synthétiser n'existent plus.
 

Après, avant la question de l'archipélisation, il y a une question de l'agrandissement du monde. Hier, un intellectuel évoluait dans un monde de 300m d'européens dont une 50aine de millions avaient un intérêt pour les choses intellectuelles. Aujourd'hui, il essaie de parler à quelques milliards d'êtres humains dans un monde beaucoup plus grand.

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Il y a plus généralement une crise du savoir et de la figure des intellectuels.
Je ne sais pas quel est la cause mais "il suffit" de voir que les réseaux sociaux ne sont jamais qu'un massif réseaux de sachant en plein effet Dunning Krueger et où les intellectuels sont renvoyés à de vulgaires membres de l'élite qu veulent manipuler la masse pour s'en rendre compte.

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