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La fin de la guerre juste


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"Aucune guerre n’est juste. La seule chose juste, c’est la paix." L'actuel occupant du trône de St Pierre à Rome rompt avec la doctrine pensée par St Augustin et St Thomas sur la guerre juste pour en revenir à quelques pleurnicheries humanitaires à la mode.

 

https://www.nouvelobs.com/chroniques/20170906.OBS4339/aucune-guerre-n-est-juste-la-rupture-du-pape-francois.html

 

Je ne sais pas si c'est de la présomption, de l'ignorance ou de la pleutrerie, mais la défense naive de la paix professée par Bergolio, en plus d'être en rupture avec la Tradition de l'Eglise, se coupe de toute une réflexion théorique et pratique extrêmement foisonnante sur les conditions d'exercice de la guerre.

 

Il faut le rappeler, la doctrine de la guerre juste vise d'abord à limiter l'usage de la violence,  comme le droit de la guerre vise d'abord à encadrer la violence dont le déploiement est comme l'a dit Clausewitz une montée aux extrêmes. Ce n'est absolument pas une 'légitimitation de la violence', mais la guerre dans les formes pour qu'elle ne se perpétue pas. L'invocation constante du pacifisme, c'est à la fois se priver d'un lexique pour en juger, et s'enfermer dans un moralisme idéaliste de perdant de l'Histoire.

 

Notons au passage que la rupture de Bergolio est une rupture anthropologique : la guerre existe parce que l'homme est pécheur, et que le moteur de la guerre ne s'effacera donc qu'avec l'effacement de l'Humanité, sauf, bien entendu, à dénier ce constat réaliste qu'on retrouve bien au-delà de l'enseignement constant de l'Eglise, de Hobbes à Machiavel en passant par Sowell.

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il y a 9 minutes, F. mas a dit :

Il faut le rappeler, la doctrine de la guerre juste vise d'abord à limiter l'usage de la violence,  comme le droit de la guerre vise d'abord à encadrer la violence dont le déploiement est comme l'a dit Clausewitz une montée aux extrêmes. Ce n'est absolument pas une 'légitimitation de la violence', mais la guerre dans les formes pour qu'elle ne se perpétue pas. L'invocation constante du pacifisme, c'est à la fois se priver d'un lexique pour en juger, et s'enfermer dans un moralisme idéaliste de perdant de l'Histoire.

Tout comme l'agaçant sifflement de la vapeur s'échappant de la soupape est la garantie que la cocotte n'explosera pas.

 

Quant à se percevoir comme perdant sublime de l'Histoire, Chesterton en dirait que le monde contemporain est si plein d'idées chrétiennes devenues folles qu'elles en viennent à contaminer jusqu'au sommet de l'Église catholique. Si Bergoglio tient tant à rompre avec l'enseignement traditionnel de ce qu'il a été appelé à diriger, autant lui faire lire "L'Angélisme exterminateur", d'A-G Slama. Au pire, ça l'occupera pendant un temps plutôt que de dire des conneries. 

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C'est un effort d'oecuménisme. Erdogan a du lire et apprécier cette encyclique.

 

Les chrétiens d'Arménie et de Syrie apprécieront la pieuse bienveillance du Saint-Père.

 

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Maintenant, j'entends bien l'argument libertarien : la guerre est criminelle, quelle que soient les circonstances, parce que l'Etat qui la conduit l'est tout autant et ses ravages sont toujours de la destruction et du pillage. Je pense toutefois, et j'y reviendrai, que la guerre juste est utile dans le lexique politique dans une situation à le cartel des états existe, et où les stratégies qui cherchent à en assouplir le joug et l'oppression méritent qu'on s'y intéresse.

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Si l'on me permet un passage par le droit privé, j'y vois un parallèle avec la réaction à tenir quand un gars s'introduit nuitamment chez quelqu'un pour tuer les hommes et violer les femmes du foyer. Tuer l'assaillant est et reste un meurtre, mais il est accepté comme un moindre mal par quiconque a la moindre idée de ce dont il s'agit (et les cultures qui ont prétendu le contraire parce que la violence c'est mal, m'voyez, et tout le monde devrait se donner la main, youkaïdi youkaïda, ne sont plus là pour en parler, for reasons). De même, la doctrine de la guerre juste reste un moindre mal qui accepte la nature humaine telle qu'elle est plutôt que d'anticiper sur ce qu'elle sera à l'arrivée ou au retour du Messie (et c'est pas demain la veille)... et de risquer de se faire massacrer parce qu'on aura fait sauter les barrières de la décence militaire.

 

il y a 17 minutes, F. mas a dit :

Maintenant, j'entends bien l'argument libertarien : la guerre est criminelle, quelle que soient les circonstances, parce que l'Etat qui la conduit l'est tout autant et ses ravages sont toujours de la destruction et du pillage. Je pense toutefois, et j'y reviendrai, que la guerre juste est utile dans le lexique politique dans une situation à le cartel des états existe, et où les stratégies qui cherchent à en assouplir le joug et l'oppression méritent qu'on s'y intéresse.

L'argument libertarien relève dans ce cadre d'une sorte de quiétisme satisfaisant pour l'intellect en attendant la mort physique (qui ne tardera pas à venir, avec une telle logique) ; je suis et je reste beaucoup plus convaincu par l'approche aronienne (ou oserais-je dire, arono-kissingerienne).

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il y a 12 minutes, F. mas a dit :

Je l'ai créé après!

 

Trois remarques pour l’instant : quand on encadre, on légitime toujours un peu, non ? Lorsque l’on encadre l’assassinat sur un territoire (peine de mort), on légitime, on accoutume toujours un peu à la violence et à l’assassinat, non ? Du moins, c’est la thèse défendue de façon convaincante par Dostoïevski dans l’Idiot (on a les références que l’on peut...). Vu que la guerre est défendue par à peu près tous les États, est-ce si mal qu’un chef d’État d’un petit État censé être basé sur l’amour refuse d’utiliser le terme de « guerre juste » ?

 

Tu parles dans ton premier message de « pleurnicheries humanitaires à la mode ». Or, il me semble que la théorie de la guerre juste peut justifier toutes ces guerres humanitaires qui relèvent plus de l’aventure néfaste pour toutes les parties impliquées qu’autre chose.

 

 

Pour finir, je ne suis pas certain de comprendre mais il semblerait que la résistance non centralisée et n’émanant pas d’une autorité publique supérieure à un occupant n’entre pas dans le cadre de cette théorie. Me trompé-je ? 

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il y a 12 minutes, Johnnieboy a dit :

Pas de ma faute si certains ont perverti par leurs actions le message de Jésus-Christ.

Ça y est, tu as décidé de te convertir au christianisme ? :)

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15 minutes ago, Johnnieboy said:

 

Trois remarques pour l’instant : quand on encadre, on légitime toujours un peu, non ? Lorsque l’on encadre l’assassinat sur un territoire (peine de mort), on légitime, on accoutume toujours un peu à la violence et à l’assassinat, non ? Du moins, c’est la thèse défendue de façon convaincante par Dostoïevski dans l’Idiot (on a les références que l’on peut...). Vu que la guerre est défendue par à peu près tous les États, est-ce si mal qu’un chef d’État d’un petit État censé être basé sur l’amour refuse d’utiliser le terme de « guerre juste » ?

 

Tu parles dans ton premier message de « pleurnicheries humanitaires à la mode ». Or, il me semble que la théorie de la guerre juste peut justifier toutes ces guerres humanitaires qui relèvent plus de l’aventure néfaste pour toutes les parties impliquées qu’autre chose.

 

 

Pour finir, je ne suis pas certain de comprendre mais il semblerait que la résistance non centralisée et n’émanant pas d’une autorité publique supérieure à un occupant n’entre pas dans le cadre de cette théorie. Me trompé-je ? 

 

 

Intégrer quelque chose au droit, c'est reconnaître son existence comme un fait ayant des incidences sur les hommes : la guerre est une pratique sociale et politique qui, comme le meurtre et le vol, demande l'encadrement sans forcément le réhausser d'une quelconque dignité particulier je pense.

 

Quant à l'accoutumance à la violence, il me semble nécessaire d'éviter deux écueils : faire comme si la violence n'existait pas (et la refouler totalement, à l'image de Running Wild de Ballard), en faire l'alpha et l'oméga pour maintenir l'ordre social (régner par le violence, la peur et la terreur). Parler de guerre juste revient ama à prendre en compte le pb pour le maîtriser.

 

P Manent a une réflexion intéressante sur la peine de mort : pour lui c'est un rappel (hobbésien) > l'ordre social est un combat permanent pour la maîtrise de la violence, qui est canalisée par un Etat qui en devient à la fois détenteur et qui par cette prérogative rappelle son rôle de pacificateur de l'état de nature (mais aussi du caractère contingent de cette paix sociale gagnée).

 

Sur la justification des guerres humanitaires : tout à fait, et c'est ce qui a été fait en particulier au moment de la guerre en Irak. Seulement, je pense que son mauvais usage par les politiciens justifie pas qu'on se prive de son lexique, et surtout de son emploi correct (par opposition à sa récupération militante). Les intentions des dirigeants US étaient elles droites ? M Walzer par ex suggère de rajouter à la doctrine de la guerre juste des éléments sur le rétablissement de la paix. L'intervention militaire en Irak s'est elle soucieux de rétablir une situation pacifiée après l'intervention ? Non ? Guerre injuste alors. Je ne dis pas que le lexique de la GJ est parfait, mais que son usage doit être démocratisé pour éviter les dérives. 

 

Note au passage qu'on peut aussi faire usage du pacifisme pour justifier ou tolérer les guerres ou les impérialismes les plus meurtriers (les pacifistes français en 40, les cocos contre les SS 20 dans les 80's, etc.). La communication politique a ceci de formidable qu'elle est protéiforme. Je pense par exemple que les prochaines guerres impérialistes se feront au nom des écocides, de l'urgence climatique et de la nécessité de protéger par le droit international nos ressources naturelles mondiales (des biens communs mondiaux sous protectorat internationaux). Il y a déjà plein de littérature sur le sujet.

 

Sur le dernier point, tu penses à la résistance et aux mouvements de libération ? Ce n'est pas dans les principes de la guerre justice au sens de St Thomas ou des défenseurs du droit public européen du 19e, mais c'est un sujet de réflexion qui traverse pas mal les questions touchant aux conflits non conventionnels (qui sont majoritaires à la surface du globe depuis 30-40 ans). Ce sont par ex les réflexions sur le partisan de C Schmitt (horresco referens).

 

 

 

 

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Il y a 2 heures, Johnnieboy a dit :

il me semble que la théorie de la guerre juste peut justifier toutes ces guerres humanitaires qui relèvent plus de l’aventure néfaste pour toutes les parties impliquées qu’autre chose.

 

ça dépend de quelle doctrine de la guerre juste. Le singulier est ici inadéquat.

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Principe de base de la propagande de guerre : notre guerre est juste (toutes les guerres sont toujours juste de la part des belligérants).
Corollaire presque opposé : c'est pas nous qui voulons la guerre, ce sont les autres (c'est juste et de toute façon c'est pas de notre faute).

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il y a une heure, poney a dit :

Principe de base de la propagande de guerre : notre guerre est juste (toutes les guerres sont toujours juste de la part des belligérants).
Corollaire presque opposé : c'est pas nous qui voulons la guerre, ce sont les autres (c'est juste et de toute façon c'est pas de notre faute).

L'existence mille fois avérée du mensonge n'est pas pour autant une preuve de l'absence d'une vérité objective, non plus. (Au contraire, puisque ce serait alors un odieux vol de concept).

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Il y a 1 heure, PABerryer a dit :

Tu nous fais la liste?

Tu tends la perche pour cette citation de Llosa, qui me semble très juste :

"... la guerre abstraite n'existe pas. Il n'y a que des guerres concrètes ..." - Mario Vargas Llosa (dans Les pacifistes dans Les enjeux de la liberté)

(bouquin dont j'ai déjà dit tout le bien possible).

 

Bref, c'est peut-être pas si trivial une théorie de la guerre.

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il y a 26 minutes, Rübezahl a dit :

Bref, c'est peut-être pas si trivial une théorie de la guerre.

Comme en général pour les théories du droit (et un clou de plus dans le cercueil de l'axiomatose).

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il y a 46 minutes, Rincevent a dit :

L'existence mille fois avérée du mensonge n'est pas pour autant une preuve de l'absence d'une vérité objective, non plus. (Au contraire, puisque ce serait alors un odieux vol de concept).

 

Non mais je pense que la norme en matière de guerre est le mensonge. Je suis peut-être un brin naïf mais je pense qu’il faut vraiment bien mentir pour convaincre les hommes de se lancer dans cette boucherie qu’est la guerre. 

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il y a 20 minutes, Johnnieboy a dit :

Non mais je pense que la norme en matière de guerre est le mensonge. Je suis peut-être un brin naïf mais je pense qu’il faut vraiment bien mentir pour convaincre les hommes de se lancer dans cette boucherie qu’est la guerre. 

Peut-être ; mais sur ce fil on parle de droit et plus précisément de théorie de la guerre juste, pas de propagande "motivationnelle".

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Le 05/10/2020 à 14:09, F. mas a dit :

mais la défense naive de la paix professée par Bergolio

 

Il y a 9 heures, Johnnieboy a dit :

 

Pas de ma faute si certains ont perverti par leurs actions le message de Jésus-Christ.

 

Au fond, la question est de savoir si Jésus était un hippie avant la lettre.

 

__

 

Il y a 3 heures, Rincevent a dit :

mais sur ce fil on parle de droit

 

Tu penses ? Si on parle de fin de la guerre juste, j'aurais tendance à m'interroger sur le pourquoi du comment la notion a perdu de son attrait. Et ma réponse serait nettement plus psychologique / sociologique que philosophique.

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